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jeudi, 24 juillet 2014

Jean Zay, cet inconnu

   En février dernier, le président François Hollande a un peu surpris son monde en annonçant la panthéonisation de quatre nouvelles personnes : Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Pierre Brossolette et Jean Zay. Sans leur faire insulte, on peut dire qu'elles sont inconnues du grand public. Ceux qui lisent les journaux connaissent sans doute déjà Pierre Brossolette, dont il a été question ces dernières années dans des articles traitant de la Résistance. La nièce de Charles de Gaulle est davantage réputée pour son action à la tête d'ATD-Quart monde. Germaine Tillon (elle aussi ancienne résistante) s'est fait connaître comme ethnologue et pour ses engagements ultérieurs (contre la guerre d'Algérie, pour la cause des femmes). Et Jean Zay ?

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   Une exposition lui rend actuellement hommage, pour quelques jours encore, à Brive. Il est né en 1944 d'un père juif et d'une mère protestante. Le papa est une figure locale de la gauche, qui dirige le quotidien Le Progrès du Loiret, où le fiston a écrit, entre les deux guerres. Ardent patriote, le père, en uniforme de poilu, pose avec sa petite famille lors d'une permission, en 1916 :

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   Lycéen, Jean Zay se fait remarquer par ses résultats brillants (qui lui valent une bourse)... et son esprit caustique. Par la suite (dans les années 1920), avec des amis, il a publié un journal, dans lequel les jeunes hommes laissent libre cours à leur fantaisie. On a plus tard reproché cette période au futur ministre, à cause d'écrits pastiches d'inspiration antimilitariste. C'était oublier l'horreur que la Grande Guerre avait inspirée aux familles des poilus. Et, si l'on devait regarder tout ce que nos hommes politiques ont pu écrire à 20 ans, on n'en finirait pas de polémiquer. La suite de la carrière de Jean Zay allait confirmer son incontestable patriotisme.

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   Avant d'en arriver là, il achève ses études et devient avocat. Il plaide au civil comme au pénal et se fait rapidement une petite réputation : il a réussi à faire acquitter deux assassins des amants de leurs femmes ! Très vite aussi, il assume la défense d'associations professionnelles et de syndicats de gauche. Dans le même temps, il se marie (à une protestante, Madeline Dreux, qu'il épouse dans un temple)... et adhère à la franc-maçonnerie (à la loge Etienne Dolet, qui rend hommage à un imprimeur de la Renaissance), un choix qui lui a été reproché par la suite.

   Cela a sans doute aidé à lancer sa carrière politique, du côté des radicaux-socialistes. Dès 1925, il a adhéré aux Jeunesses Laïques et Républicaines, dont il est devenu vice-président. En 1932 (à 27 ans), il est élu député du Loiret. Il est réélu en 1936, avec la vague du Front Populaire. Il devient ministre, à 31 ans :

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   Alors que la composition des gouvernements varie fortement sous la IIIe République, lui est resté en place plus de trois ans, sous cinq gouvernements successifs. Il lance une réforme du système éducatif qui a été poursuivie sous la Ve République. La durée de la scolarité obligatoire est prolongée (jusqu'à 14 ans), l'unification du système scolaire est engagée. Le ministre introduit le cinéma et la radio à l'école, tout comme le Brevet sportif populaire. Il double le nombre de boursiers et soutient le jeune CNRS. Du côté des arts, il encourage la fréquentation des théâtres et des musées. Il soutient la naissance de la Cinémathèque française et décide la création d'un festival de cinéma à Cannes. Il devait être inauguré le 1er septembre 1939...

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   La guerre brise cette brillante carrière. Et pourtant... ce n'est ni le courage ni la lucidité qui manquaient à Jean Zay. Bien que non mobilisable, il choisit de porter l'uniforme et démissionne du gouvernement.  Toujours député, il fait partie de ceux qui prônent la poursuite de la lutte contre l'Allemagne nazie, à partir de l'Afrique du Nord. Il embarque donc sur le Massilia (avec son épouse et sa fille) et tombe sans doute dans le piège tendu par Pétain et Laval aux républicains ardents.

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   Tout comme Pierre Mendès-France, il est accusé (à tort) de désertion. Il est arrêté puis condamné, à Clermont-Ferrand (par le même tribunal militaire qui a condamné à mort Charles de Gaulle). L'extrême-droite, qui l'avait déjà dans le collimateur (et qui l'a toujours...) se déchaîne.

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      Il est transféré à la maison d'arrêt de Riom. Il obtient de pouvoir lire et surtout écrire. Il rédige quantité de lettres, des nouvelles et une sorte d'autobiographie. Il a même réussi à communiquer avec des résistants. Mais le 20 juin 1944, trois membres de la Milice (l'organisation fasciste dirigée par Joseph Darnand, membre du gouvernement Pétain... et engagé volontaire dans la Waffen SS) le sortent de prison, pour l'exécuter. Le corps n'a été retrouvé qu'en 1948 et seul l'un des trois assassins a été jugé, en 1953.

   P.S.

   L'exposition (où l'entrée est gratuite), dont la première mouture a sans doute été conçue pour le cinquantième anniversaire de son assassinat, va bientôt quitter Brive. Je suppose qu'elle va tourner et peut-être un jour arriver à Rodez. Quand ? Eh bien, je donne ma langue au chat (briviste) !

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