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samedi, 18 octobre 2014

Journaux de guerre n° 7 et 8

   Le numéro 7 de cette passionnante collection traite du premier hiver dans les tranchées. Les "poilus" découvrent la guerre de position, dans des conditions climatiques difficiles :

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   On commence doucement avec L'Intransigeant du 1er janvier 1915. On n'y lira pas grand chose d'intéressant, le quotidien reproduisant pour l'essentiel le discours officiel sur la guerre.

   Beaucoup plus enrichissante est la lecture du Petit Parisien du 6 janvier 1915. En première page, un article évoque une Alsace-Lorraine redevenue française. On remarque aussi un papier consacré aux revendications territoriales roumaines, au premier rang desquelles la Transylvanie. Neutre à l'époque, le pays a fini par rejoindre l'Entente en août 1916. Dès 1915, dans la presse française, on peut percevoir l'écho de l'activité diplomatique menée en direction de la Roumanie.

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   Page 2, celui qui est l'un des quotidiens les plus lus de l'époque revient sur les "atrocités allemandes" et ajoute plusieurs considérations sur le traitement des prisonniers de guerre français. Un peu plus loin, il est question du sportif Jean Bouin, décédé lors de la bataille de la Marne, et qui a été (provisoirement) enterré au château de Bouconville, dans la Meuse. Encore plus sinistre est l'article qui se réjouit de la condamnation d'une avorteuse :

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   Le feu d'artifice continue page 3, où le journal évoque les champs pétrolifères austro-hongrois, la neutralité états-unienne, l'activité des Allemands autour de Metz... et les obsèques de Bruno Garibaldi, petit-fils du célèbre combattant italo-français. C'est le seul des six frères (tous engagés dans la Légion étrangère, l'Italie étant encore officiellement neutre) à porter un prénom français. L'action des combattants "garibaldiens" de 1914 est fréquemment citée dans la presse hexagonale. Le décès de Bruno a même fait l'objet d'une illustration héroïque :

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   Le florilège de journaux contient un représentant de la presse régionale, Le Progrès de l'Allier, du 21 janvier 1915. On peut y glaner quelques informations, au travers de petits articles en apparence anodins. On comprend que l'interdiction de la vente de l'absinthe est proche. (La situation a changé... en 2011.) Plus grave est la situation des juifs palestiniens, qui, depuis l'entrée en guerre de l'Empire ottoman (aux côtés de l'Allemagne), voient leur situation se dégrader :

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   Page 3, on lira avec stupéfaction l'histoire du médecin-major Dercle, qui aurait été blessé... quatre-vingt-dix-sept fois !

   On termine par une curiosité, un journal des tranchées (composé par des soldats du Quercy), L'Echo des gourbis du 15 mars 1915. Je recommande tout particulièrement la lecture, page 4, des lettres au Front (et non pas du Front), preuve que certains poilus avaient conservé leur sens de l'humour...

   Passons à présent au numéro 8 de ces Journaux de guerre. Il est consacré à la "guerre d'usure", notamment aux illusions entretenues en France à propos d'un possible rapidement effondrement de l'Allemagne :

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   Il contient une affiche de propagande française (de grand format) en faveur de la "journée du poilu" :

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   L'Humanité du 5 janvier 1915 commence par un éditorial de Marcel Cachin, l'un des rares à prendre le contrepied de l'opinion dominante : l'Allemagne n'est pas (encore) à genoux. La guerre est loin d'être finie. La suite du journal s'intéresse au sort de différents groupes de population. Celui des prisonniers en Allemagne semble correct, contrairement à ce qui est véhiculé dans d'autres journaux. Un peu plus loin, le quotidien a le courage de publier la lettre d'une internée civile (née de père allemand), qui "en a bavé".

   Les Aveyronnais seront particulièrement attentifs à la page 2, où il est question de Paul Ramadier, déjà membre de la SFIO mais pas encore député.

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   L'article fait allusion à un début de mutinerie qui s'était produit à Rodez, en 1913, très bien raconté par Jean-Michel Cosson dans le numéro de Centre Presse paru lundi 17 février dernier :

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   A noter aussi, page 2, une rubrique qui hélas ne cesse de s'enrichir depuis le début du XXe siècle, dans les villes : les accidents de la circulation. Ici, ce sont des enfants qui ont été écrasés par divers véhicules.

   Le Phare de la Loire, de la Bretagne et de la Vendée  (du 20 janvier 1915) m'est apparu beaucoup moins riche. On peut signaler, en première page, un article assez approfondi sur le cinéma en Allemagne. Page 3, il est question des exploits d'un aviateur français, Eugène Gilbert.

   L'Ouest-Eclair (du 27 février 1915) est encore moins intéressant. J'y ai quand même trouvé une publicité en faveur de ce qui n'était pas encore un monstre de l'agroalimentaire :

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   L'une des pépites de ce numéro de Journaux de guerre est sans contexte l'exemplaire du Bonnet rouge, qui se présente comme "le seul grand journal républicain du soir". A la Une, on peut lire le texte d'une chanson (Le Boche et le Turco), à la fois hommage aux troupes coloniales et miroir du paternalisme européen (un peu comme Pan pan l'Arbi, dont il a été question l'été dernier sur France Info) :

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   Plus loin, le quotidien de gauche évoque un meeting socialiste (en soutien à Karl Liebknecht) interdit à Stuttgart. Enfin, si vous avez envie de ricaner à bon compte, vous lirez le papier prophétiquement titré (en mars 1915, rappelons-le) "La guerre se terminera cette année" !

   Après cette avalanche de gauchisme, il serait malséant de terminer sans un passage par la droite de la droite. Voici donc le numéro du 29 avril 1915 de La Libre Parole, le torche-cul d'Edouard Drumont. On ne sera pas étonné d'y trouver une virulente attaque contre les Rothschild autrichiens. Rebelote page 2, en bas, lorsque le "journal" cite les biens allemands et austro-hongrois mis sous séquestre en France : il prend visiblement un malin plaisir à citer ceux de fourreurs sans doute juifs...

   De manière générale, on s'amusera à repérer, dans chacun des quotidiens, les passages laissés en blanc, sur lesquels la censure a visiblement porté son attention.