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samedi, 04 juillet 2015

Fantasia

   Certains vont dire : encore un film sociétal chinois ! Récemment, on a déjà pu apprécier les excellents Black Coal et A Touch of sin. La particularité de celui-ci est d'avoir été réalisé par un ancien ouvrier, Wang Chao, qui s'est reconverti dans le cinéma. Il s'est d'abord fait connaître par L'orphelin d'Anyang.

   On ne s'étonnera donc pas que l'histoire tourne autour du destin d'un ouvrier, que l'on découvre travaillant dans une usine, sans aucune protection, aussi bien au visage, aux oreilles qu'aux mains. La cinquantaine venue, une leucémie se déclare. C'est l'occasion pour le réalisateur de montrer plusieurs aspects de la Chine ultralibérale, où des usines licencient, où les soins ne sont plus garantis aux citoyens pauvres et où l'argent achète (presque) tout.

   La paradoxe est que c'est la solidarité familiale qui va déstructurer la vie des membres du groupe. C'est parce qu'ils veulent aider le père malade que la mère, la fille aînée et le fils cadet vont entrer dans une spirale dangereuse, chacun de leur côté.

   On les suit tous successivement. Entre deux séjours à l'hôpital (ceux-ci filmés avec une sobriété glaçante), le père se traîne et découvre qu'il est désormais mal vu de certains de ses collègues de travail.

   Son épouse est une "mère-courage". Elle cumule deux emplois dans la journée. Le matin, elle se lève avant tout le monde pour livrer du lait. Ensuite, elle enchaîne avec son kiosque à journaux. Petit à petit, on découvre son passé, celui d'une chanteuse-danseuse qui a été licenciée... et sans doute abandonnée par le père de sa fille.

   Celle-ci, une superbe jeune femme, mène au départ une vie totalement insouciante. L'histoire est un peu celle de sa chute. Elle qui voyait la vie en rose va découvrir le cynisme d'une partie de ses concitoyens. La description de ses relations avec sa mère est pleine de subtilité. Elles ne se disent rien mais l'on comprend tout.

   Le film s'attarde un peu plus sur Lin, l'adolescent taciturne, travaillé par ses hormones et pas bien intégré à l'école. Lui qui était néanmoins bon élève inquiète son professeur principal, un type bien qui n'ose pas avouer à la mère à quel point l'assiduité de son fils s'est dégradée. Le gamin s'est mis à fréquenter des trafiquants sur les berges du Yangzi Jiang (l'action se déroule à Chongqing). L'une des premières scènes, qui montre le garçon s'approchant des berges avec, à l'arrière-plan, les immeubles modernes qui apparaissent nimbés dans un brouillard de pollution, est magnifique. On a d'autres occasions de vérifier que l'ancien assistant de Chen Kaige a retenu les leçons de ce cinéaste formaliste, notamment lorsque la ville est filmée de nuit.

   Auprès du fleuve, l'adolescent cherche d'abord du réconfort, puis de l'argent... et il pourrait découvrir beaucoup plus, s'il parvient à se rapprocher de la ravissante jeune femme qui travaille pour les trafiquants.

   Il convient d'être aussi attentif aux sons. Wang Chao se moque de la propagande maoïste comme de la musique sirupeuse qui masque les aspects sordides de la vie quotidienne des humbles. En à peine 1h25, le réalisateur réussit à boucler son intrigue et à nous livrer une oeuvre d'une belle qualité visuelle.

23:58 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film