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mercredi, 15 juin 2016

Le Chemin de Buenos Aires

   C'est le titre d'un ouvrage paru en 1927 et rédigé par le journaliste Albert Londres. Sur les conseils d'un lecteur du blog (qui a commenté la note portant sur le film Eva ne dort pas), je me suis procuré une édition de poche, parue au Serpent à Plumes.

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   La première remarque que j'ai à formuler est la qualité de l'écriture. C'est extrêmement vivant, avec notamment un art consommé du portrait (des hommes comme des femmes). Du coup, les quelque 250 pages se dévorent en un rien de temps. Cela m'a rappelé l'intérêt qu'avait jadis suscité en moi la lecture d'un autre ouvrage d'Albert Londres, Terre d'ébène (consacré à la colonisation française en Afrique subsaharienne).

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   Mais revenons à l'Argentine. Le journaliste français évoque le dynamisme du pays entre les deux guerres mondiales, avec une immigration européenne massive, d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Pologne, d'URSS... et de France. De notre pays sont notamment issues des prostituées, surnommées "Franchuchas". Le mot qui, à l'origine, désignait les Françaises, est devenu synonyme de "fille de mauvaise vie".

   L'enquête d'Albert Londres (qui avait réussi à se faire accepter de certains membres du "milieu") décrit les processus à l'oeuvre dans la déchéance des jeunes femmes, beaucoup n'étant même pas majeures (c'est-à-dire âgées d'au moins 21 ans, à l'époque). Grâce aux témoignages qu'il a recueillis, auprès de prostituées, de policiers et surtout de proxénètes, il a reconstitué les trajets suivis et les méthodes employées. 

   Dans le livre, il manque juste un élément du contexte, qui était évident en 1927, à tel point que l'auteur n'a pas cru bon de le préciser : les conséquences de la Première guerre mondiale. Des centaines de milliers de jeunes femmes se sont retrouvées veuves sans ressources ; d'autres n'ont pas pu trouver de mari et d'autres, plus jeunes, sont devenues orphelines. Cela forme un ensemble important de personnes fragiles susceptibles de céder aux sirènes d'un habile enjôleur, caressant et vêtu d'un beau costume. Mais le principal intérêt du reportage est de montrer l'adhésion parfois volontaire des jeunes femmes à la prostitution : vu l'état de grande pauvreté dans lequel elles se trouvaient, c'est apparu comme la moins mauvaise des solutions, à une époque où l'Etat-providence n'existait pas en France.

   Le livre évoque deux autres catégories de prostituées : les locales, apparemment peu estimées et que l'auteur a visiblement rarement rencontrées, et les immigrées juives d'Europe de l'Est, qui étaient moins bien considérées que les Françaises. Le journaliste s'attarde un peu sur les Polonaises et les Russes, dont il avait déjà pu constater auparavant dans quelle affreuse misère elles vivaient dans leur pays d'origine.

   Beaucoup de choses se jouent aussi sur les bateaux qui assurent la liaison entre l'Europe et l'Amérique latine. Plusieurs anecdotes enrichissent le récit, qui prend un tour parfois romanesque.

   A Buenos Aires, Albert Londres découvre une corruption très étendue, qui touche aussi bien la justice que la police. Certains maquereaux ont su nouer des alliances très profitables et exercent une considérable influence occulte. Devant le journaliste toutefois, ils jouent les modestes... et minimisent leurs revenus !

   C'est vraiment un livre à lire, très vivant et bien documenté.

Red Amnesia

   Wang Xiaoshuai n'est pas le plus connu des réalisateurs chinois contemporains. Je crois même que tous ses films n'ont pas été distribués en France. De lui, j'ai vu Une Famille chinoise (assez mélo) et surtout Beijing Bicycle, dont je garde un bon souvenir.

   Ici, l'héroïne est une veuve, dont les deux fils vivent à Pékin, comme elle, mais aimeraient bien couper le cordon ombilical. De plus, l'épouse de l'aîné ne s'entend pas très bien avec sa belle-mère. Cela fait un peu cliché mais, à l'opposition des caractères s'ajoute un fossé socio-économique, la nouvelle génération, plus riche, étant en grande partie occidentalisée, alors que la maman est restée très traditionnelle. C'est aussi pour cela qu'elle a du mal à encaisser le mode de vie du cadet, toujours célibataire à presque quarante ans...

   C'est alors que des événements nouveaux surgissent dans la vie de l'héroïne. Elle apprend le décès d'un ancien camarade, qu'elle a connu avant la naissance de son second fils. Elle commence à recevoir des coups de fil anonymes, silencieux. Dans le même temps, le réalisateur nous fait suivre la vie quotidienne d'un jeune homme taciturne. On le voit dans plusieurs appartements, sans trop savoir ce qu'il fait. On finit par découvrir qu'il suit la vieille femme.

   Qu'est-ce qui relie ces deux personnages ? La réponse se trouve-t-elle dans le passé, à l'époque de la Révolution culturelle ? Ou bien s'agit-il d'une coïncidence, la vérité étant plus prosaïque, liée à des faits divers ? Une autre possibilité nous est proposée, puisque l'héroïne rêve et a parfois des hallucinations, en période d'éveil. Qu'est-ce qui est réel dans ce qu'elle aperçoit ?

   C'est donc un polar sociétal, sur fond politique. Attention toutefois : ce n'est pas un thriller à l'américaine. L'action n'est guère trépidante, puisque l'histoire évolue au rythme de l'héroïne, âgée d'environ 65 ans. Mais cette intrigue est assez habilement construite, et la mise en scène instille tantôt l'inquiétude, tantôt le doute.

17:11 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films