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samedi, 10 février 2018

Le 15h17 pour Paris

   L'ami Clint a décidé de se pencher sur l'attentat du Thalys d'août 2015, en embauchant certains des protagonistes (dont les trois jeunes Américains) pour qu'ils jouent leur propre rôle. Attention toutefois : l'essentiel du film n'est pas consacré au déroulement de l'attentat, mais au passé des trois héros. Même si la première scène nous montre (de dos) l'islamo-fasciste Ayoub El-Khazzani, la suite est constituée de longs retours en arrière.

   Ce n'est pas qu'une coquetterie de cinéaste. C'est lié au propos politique qui constitue l'ossature du film. Eastwood veut montrer deux choses : la première que ces jeunes hommes sont des types ordinaires, plutôt pas gâtés par le destin ; la seconde que, s'ils se sont comportés en héros, c'est en raison de l'éducation religieuse qu'ils ont reçue, de la formation que deux d'entre eux ont suivie et de leur goût pour les armes et le combat.

   C'est clairement un "film de droite", un poil manichéen, sur la lutte du Bien contre le Mal. Le Bien est incarné par les valeurs américaines (même si Eastwood lance quelques piques sur ce qui se passe dans son pays) et le lien avec la France. Au début, celle-ci n'est pourtant pas montrée à son avantage : les trois jeunes hommes en vacances en Europe hésitent à se rendre à Paris, rebutés par les rumeurs concernant le mauvais accueil qu'on y réserve parfois aux touristes. Mais, comme il y a la Tour Eiffel...

   Le Mal n'est que schématiquement représenté, par un homme costaud, surarmé et impitoyable. Il est de surcroît mutique, ce qui lui confère une aura menaçante supplémentaire. Notons qu'Eastwood n'associe aucun symbole religieux au personnage. Ce film n'est pas islamophobe. Il dénonce le terrorisme. C'est délicat de la part d'Eastwood, mais il est quand même culotté de passer sous silence l'idéologie mortifère qui anime le terroriste.

   Ce ne sont néanmoins pas pour moi des éléments rédhibitoires. Le problème vient plutôt de la direction d'acteurs et de l'interprétation. Les premiers retours en arrière nous montrent Spencer, Anthony et Alek jeunes, scolarisés dans une école religieuse. (Cette période de leur vie avait fait l'objet d'un reportage publié dès août 2015 dans Paris Match.) C'est l'occasion pour Clint de dire ce qu'il pense d'une partie du corps enseignant. Au fil des scènes, on découvre trois garçons plutôt complexés, l'un grassouillet, les deux autres petits et maigres. Cerise sur le gâteau : leur situation familiale n'est pas des plus apaisées. Ils sont élevés principalement par leurs mères (toutes ferventes croyantes apparemment). L'absence de la figure du père peut expliquer le parcours ultérieur de ces gars, en quête de reconnaissance virile. Hélas pour les spectateurs, les gamins ne jouent pas très bien et les dialoguistes leur font tenir des propos d'adultes. (J'ai vu le film en version originale sous-titrée.)

   On retrouve le même problème avec les trois jeunes hommes. Les scènes qui les font interagir sont à moitié jouées. C'est souvent maladroit. Il aurait fallu retourner certaines d'entre elles. (Peut-être serait-il préférable de voir le film en version française, si le doublage est de qualité.) J'ai cependant été touché par le parcours de Spencer (le plus charismatique de la bande), qui accumule les guignes mais essaie de garder un esprit positif.

   Le film ne prend vraiment son élan que dans la dernière partie. La séquence du Thalys est très bien filmée. Il y a de l'action et de l'émotion, même si l'on connaît déjà le déroulement des événements. Seul un détail m'a fait tiquer : les vues aériennes du train le montrent se déplaçant à une vitesse assez réduite, alors qu'il est censé aller très vite !

   Ah, et puis, il y a autre chose : Eastwood ne met en valeur que les passagers américains qui ont combattu le terroriste. On ne voit que brièvement le premier à s'opposer à lui, un Français (pas présenté comme tel) qui se trouvait au niveau des toilettes (et qui par la suite a souhaité garder l'anonymat). On distingue à peine le Britannique qui a contribué à maîtriser l'assassin. Il faut attendre la séquence de l'Elysée pour le découvrir vraiment. Pour cette partie, Eastwood a entremêlé les images d'archives et d'autres, retournées ensuite, avec notamment une doublure de François Hollande (incarné par Patrick Braoudé, selon Allociné). Notons que le film nous propose l'intégralité du discours présidentiel, qui est très beau.

   A vous de voir : c'est clairement un Eastwood mineur et surtout un film paresseux au niveau de la direction d'acteurs.