vendredi, 18 mai 2007
Le premier gouvernement Fillon
... que l'on appelle (abusivement ?) parfois le "gouvernement Sarkozy", tant la marque du nouveau président de la République semble grande sur la composition de l'équipe chargée de gérer les affaires courantes en attendant les élections législatives. Ben oui : aucune décision importante ne sera prise avant que la nouvelle Assemblée ne soit élue. Nicolas Sarkozy est toujours en campagne, et il est très habile. Observons d'un peu plus près sa nouvelle garde rapprochée.
C'est d'abord un gouvernement U.M.P. : outre François Fillon, tous les ministres sont étroitement liés à ce parti (membres ou affidée comme Mme Albanel), à deux exceptions près : Bernard Kouchner et Hervé Morin. 2 sur 15, sur 16 même. L'Etat U.M.P. risque de reproduire feu l'Etat R.P.R. chiraquien. Bonjour la rupture... Par contre, trois des cinq secrétaires d'Etat ne sont pas du sérail gaullo-conservateur. Notons que deux d'entre eux, Hirsch et Bosson, occupent des strapontins sans réel pouvoir. Ils auraient tout aussi bien pu faire le même travail sans appartenir au gouvernement, à l'image de ce qui était annoncé à propos de Claude Allègre.
Concernant le renouvellement, il y a matière à discussion. Cinq des ministres peuvent être considérés comme de vrais débutants dans ces fonctions : R. Dati, H. Morin, C. Boutin, V. Pécresse et C. Albanel. Six peuvent être considérés comme pas trop usés en politique : B. Hortefeux, X. Darcos, C. Lagarde, X. Bertrand, E. Woerth et R. Bachelot. Les cinq autres font figure de vieux routiers : F. Fillon, A. Juppé, M. Alliot-Marie, B. Kouchner et J.-L. Borloo.
Enfin, causons un peu de "l'ouverture". La dernière semaine a été le théâtre d'une piquante farandole de faux-culs. Le président a bien manipulé ce petit monde. Commençons par les "gaucho-sarkozystes". L'attitude de Bernard Kouchner est à la fois sidérante et parfaitement compréhensible. Elle est sidérante parce qu'il s'est parfois exprimé avec sévérité sur le nouveau locataire de l'Elysée et qu'il va côtoyer au gouvernement des personnes avec lesquelles il n'a pas grand chose en commun. De surcroît, il n'est qu'un deuxième choix pour ce poste, pour lequel N. Sarkozy avait d'abord contacté Hubert Védrine. Mais, finalemement, c'est assez conforme au tempérament du fondateur de M.S.F.. Il aime que l'on parle de lui et il estime que ses compétences n'ont pas été assez valorisées dans le passé. Je me rappelle que, lors de la campagne des européennes de 1994, Kouchner, numéro 3 de la liste Rocard, avait fait un vibrant éloge de Bernard Tapie, qui conduisait une liste concurrente ! (Il me semble même qu'il avait fini par déclarer avoir voté pour sa liste !!!) Du coup, aujourd'hui, je ne suis guère étonné de le voir pratiquer le grand écart qui l'a conduit à soutenir Ségolène Royal avant de prôner, dès avant le second tour de la présidentielle, une alliance avec François Bayrou, pour finir dans la musette de Nicolas Sarkozy. A 67 ans, le docteur qui n'est jamais parvenu à se faire élire n'a plus rien à perdre. Il fait preuve de la même insouciance que lorsqu'il a servi de caution morale à Total en Birmanie. (Tiens, un petit lien pour ceux qui auraient la mémoire courte : http://www.fidh.org/article.php3?id_article=357 .) Point positif de sa nomination : elle pourrait conduire à la mise à l'écart de Madame (Christine Ockrent voyons !) qui, chaque semaine, fait la preuve dans France Europe express qu'il est possible de sortir d'écoles prestigieuses et d'avoir une très faible idée de ce qu'est l'impartialité.
J'ai pas mal ricané quand j'ai appris la danse du ventre des vieux débris de la gauche. Védrine ne pouvait se résoudre à ne plus jouer un rôle, vu la haute opinion qu'il a de sa petite personne. Claude Allègre s'est montré fidèle à lui-même : à l'ego surdéveloppé, davantage que la conscience politique sans doute ! Bon, je ne vais pas m'acharner sur tous les has-been du P.S., même s'il est toujours bon de rire un peu de la bêtise d'autrui. Je ne vais quand même pas laisser passer Eric Besson. Voilà un bon client ! Dès qu'il a exprimé ses doutes sur la campagne de Ségolène Royal, je me suis dit : "Toi, mon gaillard, tu as repéré le sens du vent !" A l'époque, les journaleux français, toujours aussi médiocres, ne l'avaient pas suffisamment "travaillé au corps" à mon goût. Quelle belle conversion que celle du plus virulent contempteur du maire de Neuilly au P.S., devenu soudainement un apôtre du nouveau Messie ! Il était évident qu'on lui avait promis quelque chose ! Et sa pitoyable prestation d'entre-deux-tours au meeting de N. Sarkozy était tout sauf imprévisible ! Au final, il doit tout de même se contenter d'un poste limite merdique. Le traître est récompensé, mais a minima. Et Sarkozy en profite pour faire la nique à Ségolène, qui lui aurait demandé (d'après un écho paru dans Le canard enchaîné fin avril - début mai) de ne pas prendre le félon dans l'équipe gouvernementale. Mais, que la Jeanne d'Arc du Poitou se console, il en est des membres de ce gouvernement comme des regrettées "jupettes", beaucoup risquent de ne pas faire long feu...
Cerise sur le gâteau : les "centristes". Un seul ministre ! C'est dire l'influence que les as du retournement de veste vont avoir sur la politique gouvernementale, surtout si les élections législatives envoient 350 à 400 députés U.M.P. au Palais Bourbon ! Car c'est là le coeur du problème. En dépit de sa confortable victoire, Nicolas Sarkozy n'est pas certain de disposer d'une ample majorité à l'Assemblée : les projections comportent une marge d'incertitude, liée au nombre de triangulaires et quadrangulaires (faut pas oublier les frontistes tout de même !). Si l'actuel gouvernement devrait s'appuyer sur une majorité absolue, elle pourrait être étriquée, et donc contraindre le chef de l'Etat à plus de négociations que ce qu'il escomptait.
19:35 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Politique
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