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samedi, 25 avril 2009

Chomsky et compagnie

   Pour ceux qui ne le connaissent pas, il faut d'abord préciser que Noam Chomsky, linguiste internationalement reconnu, est devenu une sorte d'icône altermondialiste intello, parce qu'il a, très tôt, formulé une dénonciation argumentée de la politique étrangère des Etats-Unis. Il est aussi très critique vis-à-vis de l'économie de marché telle qu'elle existe aujourd'hui. Il n'est pas communiste pour autant. On pourrait dire que c'est un franc-tireur de la gauche critique.

   C'est pour cette raison, je pense, que l'équipe de l'émission Là-bas si j'y suis (diffusée du lundi au vendredi sur France inter, accessible aussi sur la Toile) a décidé de rencontrer N. Chomsky... et deux autres intellectuels, un Belge et un Canadien (du Québec). Le tout a été enregistré en 2007.

   Alors, qu'est-ce que cela donne ? Un vrai film tout d'abord, parce qu'un documentaire qui se contenterait du jeu de questions-réponses entre Daniel Mermet et ses interlocuteurs serait vite ennuyeux... surtout que cela dure deux heures (à mon avis, c'est nécessaire... et encore, c'est une synthèse). La séquence du début est très bien et, à plusieurs reprises, dans le film, on sent quand même la volonté de travailler l'image, de ne pas se contenter du texte.

   En s'appuyant sur les travaux de Chomsky, notamment sa comparaison de la manière dont les médias ont rendu compte des exactions des Etats-Unis et de l'U.R.S.S. (ou de leurs alliés) pendant la Guerre froide, les auteurs veulent faire émerger l'idée que les médias de masse nous mentent, souvent par omission d'ailleurs. Dans le flot d'informations qui circule désormais, les actions de tri et de hiérarchisation prennent une importance capitale. C'est globalement convaincant.

   A ce sujet, j'ai bien aimé l'anecdote du comptage de passes. En gros, en regardant la vidéo suivante (qui dure moins d'une minute), essayez de compter les passes que les blancs et les noirs se font. L'idéal est que, dans le même temps, à côté de vous, une autre personne regarde la vidéo sans compter les ballons. Partagez vos réactions à la fin !

   Le film est aussi intéressant par ce qu'il dit de l'autocensure et de la complaisance journalistiques. Il n'y a pas de complot pour cacher la vérité ou mettre les opinions dissidentes (pas forcément minoritaires) sous l'éteignoir. Mais, soit les professionnels de l'information (ici surtout télévisée) sont complètement en accord avec les idées dominantes, soit ils ont intégré les limites qu'il vaut mieux ne pas dépasser pour rester en cour... et espérer faire carrière. Quelques extraits viennent appuyer le propos. Je recommande tout particulièrement le passage qui voit Arno Klarsfeld apporter un soutien aussi bruyant qu'infondé à l'intervention des Etats-Unis en Irak.

   Le film ne laisse pas de côté LA question polémique, celle du soutien de Chomsky à la publication des thèses négationnistes, bien qu'il ne les partage pas. Ici l'on voit le fossé qui peut opposer des intellectuels européens à ce penseur somme toute très américain, pour qui la liberté d'expression doit être pleine et entière, se référant notamment au premier amendement à la Constitution des Etats-Unis :

"Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre."

    Le film, tout en empathie avec Chomsky, prend plutôt parti pour lui dans la controverse qui l'a opposé à l'historien Pierre Vidal-Naquet. Peut-être que tous les spectateurs ne le ressentent pas ainsi, mais, en ce qui me concerne, j'aurais aimé un peu plus de recul critique vis-à-vis des propos de Chomsky sur ce sujet en particulier.

   Un autre point est à noter. Au début de l'entretien, D. Mermet fait réagir le professeur au massacre, commis juste avant leur rencontre, dans une université de Virginie (à l'époque, le massacre avait semé le trouble chez les Coréens, des Etats-Unis et d'ailleurs). Peut-être est-ce dû à la tonalité de l'entretien, aux thèmes qui devaient être abordés. En tout cas, au lieu d'évoquer la menace que constitue pour les citoyens américains la facilité de se procurer des armes dans son pays, Chomsky fait immédiatement une comparaison avec un massacre ignoré de mineurs chiliens et de leurs familles. Je vois bien où il veut en venir : les médias voguent sur le "sensationnel", au détriment de la réflexion. Le massacre commis par l'étudiant coréen n'est hélas pas un phénomène isolé, méconnu, alors que la violence exercée, avec le soutien des Etats-Unis, en Amérique latine, a été longtemps largement passée sous silence.

   Sur le site de Noam Chomsky, on peut accéder (en anglais) à nombre des articles qu'il a écrits, y compris un très récent sur l'attitude de Barack Obama sur le conflit du Proche-Orient.

14:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film

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