lundi, 03 octobre 2005
Elections polonaises
Je ne suis pas pleinement satisfait de ce que j'ai lu et entendu sur le sujet. J'ai vraiment l'impression que les journalistes et autres commentateurs sélectionnent l'information, soit volontairement, soit inconsciemment, de manière à appuyer une démonstration. Eh bien, à mon tour !
Dans le cas de la Pologne, c'est d'abord sur le taux d'abstention qu'il fallait insister : 60 %, c'est énorme ! D'une part, cela donne une idée du désaveu dont souffrent les partis politiques, puisque ces électeurs abstentionnistes ne se sont sentis représentés par aucune des formations, pourtant diverses, qui sollicitaient leurs suffrages. D'autre part, cela permet d'expliquer la chute du parti au pouvoir (S.L.D.) : ses électeurs sont en partie restés chez eux. Il serait bon d'avoir aussi le pourcentage de bulletins blancs et nuls. (Décidément, ces comptes-rendus d'élection sont partiels !)
Le succès de "droit et justice" (qui triple presque son pourcentage des suffrages exprimés) peut se comprendre comme la victoire de la droite la plus "sociale" : les néolibéraux ont fait peur. Et puis la fermeté de langage des dirigeants de cette formation a pu séduire bien des électeurs lassés des scandales de corruption auxquels la gauche a été mêlée. Il reste que, pour moi, cette nouvelle majorité PiS-PO est très fragile : elle est hétéroclite et sa victoire est d'abord une victoire par défaut.
De ce point de vue, la Pologne ressemble à la France d'il y a quelques années. En moins de 10 ans, elle a connu une évolution comparable à celle que notre pays a subi en un peu plus de 20 ans. Chez nous, le monolithisme gaullien a cédé la place aux libéraux puis à la gauche ; chez les Polonais, le monolithisme prosoviétique a cédé la place à Solidarité (alliée aux ultralibéraux) puis aux postcommunistes. (Toutes proportions gardées, les grèves des chantiers navals de Gdansk ont été le "Mai 68" des Polonais.) La situation polonaise actuelle a comme une parenté avec l'année 1993 en France, à ceci près que, chez nous, à la gauche mitterrandienne finissante a succédé la droite libérale (dans un pays déjà assez déchristianisé). Même la poussée populiste (Le Pen aurait pu se retrouver au second tour dès 1995, après tout) est commune, puisque le parti Samoobrona d'Andzej Lepper est désormais la troisième force politique du pays, un peu à l'image de notre Front National.
Un peu de prospective pour terminer : l'actuel président de la République Kwasniewski s'est tenu à l'écart. Malin comme il est, je le vois bien, une fois son deuxième (et dernier) mandat achevé, récupérer les lambeaux des sociaux-démocrates pour forger une nouvelle force d'opposition (de gauche) à ce gouvernement qui ne manquera pas de trahir les aspirations sociales d'une partie de son électorat. Comme c'est le Premier ministre qui détient la réalité du pouvoir, Kwasniewski doit ambitionner de revenir sur le devant de la scène en tant que chef de gouvernement... d'autant plus qu'il est bien vu à l'Ouest, où l'euroscepticisme des formations victorieuses des dernières élections est connu. Sinon, je sens bien une percée populiste se confirmer : Lepper pourrait se trouver en position de force, aux présidentielles ou aux prochaines législatives. La Pologne connaîtra-t-elle son 21 avril ?
12:45 Publié dans Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (0)
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