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jeudi, 02 janvier 2020

Séjour dans les monts Fushun

   Cette fresque chinoise s'étend sur un peu plus d'une année. L'action se déroule à proximité de la ville de Hangzhou, située au sud-ouest de Shanghai.

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   La séquence introductive est une fête d'anniversaire, celui de la matriarche, mère de quatre fils, dont celui qui tient le restaurant qui les accueille. C'est l'aîné. Le deuxième est pêcheur sur la rivière Fushun. Le troisième vivote sans parvenir à garder un emploi. Le quatrième, appelé souvent "Cadet" (le benjamin en réalité) est le seul à ne s'être jamais marié.

   Certains d'entre vous ont peut-être été surpris en lisant que la matriarche a eu quatre enfants. Elle a pourtant dû vivre à l'époque où était imposée la politique de l'enfant unique. Oui et non. Tout d'abord, on finit par apprendre qu'elle a eu ses enfants de deux pères différents, ses deux maris successifs. (On perçoit d'ailleurs un écart de génération entre les deux premiers et les deux derniers enfants.) Les deux aînés sont de toute évidence nés avant l'entrée en vigueur de la politique de restriction des naissances. Quant au plus jeune, il a 37 ans, ce qui, si l'action débute en 2015-2016, le ferait naître en 1978-1979.

   Par contre, les trois fils qui se sont mariés n'ont eu qu'un seul enfant. Le couple de restaurateurs a une fille, à qui la mère compte bien faire épouser un beau parti de la région (les filles étant moins nombreuses que les garçons, elles sont très recherchées, surtout si elles sont mignonnes...). Les pêcheurs n'ont qu'un fils, sur le point de convoler. Le troisième enfant de la matriarche a eu un fils, trisomique.

   Toutes ces précisions sont importantes pour comprendre l'un des enjeux de l'intrigue : les stratégies matrimoniales et le comportement des membres de la famille vis-à-vis des traditions. Vaut-il mieux privilégier la sécurité matérielle et l'acquisition d'un bel appartement ou bien prendre le risque de conclure un mariage d'amour, le sentiment n'étant pas voué à durer éternellement ? Les anciens, qui ont connu la misère ou du moins les difficultés financières, veulent (en général) voir leurs enfants à l'abri du besoin. Les plus jeunes n'ont pas le même point de vue.

   C'est la maladie de la matriarche qui va mettre au jour toutes ces tensions. Elle ne peut plus vivre seule. La tradition veut qu'elle soit hébergée par ses enfants, qui se refilent la "patate chaude", comptant sur l'aîné pour assumer cette charge... quitte même à le payer pour cela !

   Clairement, les soucis d'argent sont omniprésents dans l'intrigue. Les cadeaux (objets de prestige ou sommes d'argent) sont un puissant liant social, auquel on ne peut déroger sous peine de perdre la face. Et puis les Chinois sont désormais pris dans la société de consommation. Certains dépensent plus qu'ils ne gagnent. D'autres jouent. D'autres investissent dans l'immobilier, pas toujours à bon escient. Le réalisateur a aussi voulu montrer que cette Chine de l'Est urbanisée, enrichie, subit les contrecoups de la modernisation libérale : les prix de l'immobilier s'envolent et le coût de la santé peut sérieusement grever le budget des ménages.

   Tout cela est mis en scène avec grâce. Le réalisateur Gu Xiaogang (dont c'est le premier film) a vécu dans la région qu'il filme. Il recourt souvent à des plans-séquences, le plus impressionnant étant sans doute celui qui suit l'action le long de la berge de la rivière, de l'arrivée d'un couple d'amoureux à leur passage sur un ferry, en passant par une promenade et même une séance de natation ! Je crois que ce plan dure plus d'un quart d'heure et il n'est nullement ennuyeux.

   C'est d'ailleurs l'une des qualités de ce film très écrit. Bien que durant 2h30, il n'est ni langoureux ni soporifique... et il dit beaucoup de choses sur la Chine d'aujourd'hui mais aussi sur le sens de la vie. Si vous avez l'occasion de le voir, précipitez-vous !

14:23 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films