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samedi, 26 avril 2025

La Revanche des Sith

   Cela fait presque vingt ans que ce film est sorti dans les salles françaises, époque à laquelle je l'ai vu pour la première fois. Les cinémas CGR se sont associés à l'anniversaire et ont proposé une ressortie limitée... très limitée même à Rodez, puisqu'une seule séance a été programmée, ce vendredi à 20 heures. (Dans d'autres cinémas CGR, des séances supplémentaires sont prévues, notamment ce week-end.)

   Avant la projection, nous avons échappé aux tunnels de publicités et de bandes annonces traditionnels. (Ouf !) A la place, des animations étaient proposées, avec un peu de cosplay et une série de parties de jeu vidéo en ligne, en direct, projetées sur le très grand écran de la salle 1. (Le jeu, Battlefront II, datant lui aussi de vingt ans, permettait d'incarner soit un défenseur de la République, soit un partisan de l'Empire.)

   J'allais oublier : juste avant le début du film, nous avons quand même eu droit à la promotion de la partie 2 du dernier Mission : impossible... et ça a l'air de dépoter grave ! (Vivement le 21 mai !)

   Ensuite, enfin, dans une salle quasi archi comble (où, curieusement, dominait la tranche d'âge des 15-30 ans), la projection a pu commencer.

   Je ne suis pas un grand fan de cette prélogie (l'action des trois épisodes, sortis après la trilogie originelle, se déroulant avant), en particulier du premier épisode, La Menace fantôme. Je les trouve plus faibles que les trois films d'origine... mais je dois dire qu'après avoir vu ce que Disney a fait de la franchise, j'ai un peu réévalué mon jugement, surtout pour ce troisième film, qui voit Anakin Skywalker devenir Dark Vador, dans une fin d'histoire aux accents shakespeariens.

   Vingt ans plus tard, je trouve toujours aussi cucul-la-praline l'histoire d'amour entre Padmé et Anakin... mais elle est indispensable pour la suite. Je trouve aussi trop abrupt le basculement de Skywalker, peut-être en raison de l'interprétation maladroite d'Hayden Christensen, dont je ne cesse de penser qu'il était une erreur de casting. Quant au machiavélique chancelier, il est plutôt bien interprété par Ian McDiarmid, mais le comédien avait trop vieilli entre les deux trilogies, alors qu'il était censé incarner la version plus jeune de son personnage.

   Outre la partie sur la planète Mustafar (lieu de l'épique duel final), j'ai aimé toutes les scènes où figure Yoda (peut-être mon personnage préféré de la saga), ainsi que la séquence (très enlevée) sur Utapau. Je dois aussi reconnaître que la séquence introductive a toujours autant de gueule.

   Bref, ce fut une bonne soirée. A la fin, la salle s'est peu à peu vidée de ses spectateurs (certains exhalant une prégnante odeur de transpiration), laissant le sol jonché de débris de pop corn...

00:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 24 avril 2025

Aimons-nous vivants

   Ces dernières années, il est devenu à la mode d'associer de vieilles gloires de la comédie française (parfois avec une jeune vedette). Ainsi, en 2023, on a vu Thierry Lhermitte et Patrick Timsit (aussi présent ici) dans Sexygénaires. L'an dernier, c'est avec Michèle Laroque que Gérard Darmon a fait équipe, dans L'Heureuse Élue.

   La différence ici est que Darmon, naguère époux velléitaire et papa cool, joue le vieux grincheux, artiste vieillissant et solitaire. Au cours d'un trajet en train (entre Paris et la Suisse), il rencontre une charmante admiratrice, Victoire (Valérie Lemercier, en pleine forme), qui se révèle aussi collante que déroutante... et même un peu cinglée. La découverte des différentes facettes de ce personnage farfelu fait le délice de la première demi-heure, alors que les scènes entre Antoine (Darmon) et son agent (Timsit) ne sont pas très bonnes.

   On a un peu l'impression de se retrouver dans une nouvelle version du Boulet, avec une femme dans le rôle de l'acolyte pesante, voire gênante. C'est plutôt bien mis en scène par Jean-Pierre Améris, dont j'ai apprécié les précédents films (Marie-Line et son juge et Les Folies fermières).

   Je ne vais pas trop en dire pour garder un peu de mystère concernant l'intrigue, mais sachez qu'Antoine se rend en Suisse avec un projet bien précis en tête et que la rencontre avec Victoire va l'obliger à le reporter... celle-ci espérant même l'y faire renoncer.

   La deuxième partie de l'intrigue voit les deux héros se rapprocher. Antoine accepte de filer un coup de main à Victoire et lui -comme nous- se rend compte que, sous le masque d'une certaine frivolité, se trouve une femme qui souffre. Lemercier est aussi bonne dans ce registre-là que dans la comédie. A son contact, Antoine l'égoïste devient un peu moins con... C'est alors qu'un énorme quiproquo survient, qui relance le film pour une dernière demi-heure assez réussie.

   Voilà. Cela ne va pas révolutionner le genre, mais on passe un bon moment.

22:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 23 avril 2025

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère)

   Amah (la grand-mère) habite une vieille maison d'un quartier populaire d'une ville thaïlandaise (Bangkok ?). Elle a trois enfants, tous adultes, et vit seule depuis le décès de son époux, recevant de temps à autre la visite de sa progéniture, rarement accompagnée des petits-enfants.

   L'autre héros de cette histoire est précisément l'un d'entre eux, M, un jeune homme qui s'incruste chez sa mère divorcée, prétendant vouloir gagner sa vie grâce au commerce en ligne... mais passant surtout son temps à jouer en réseau. Il est présenté comme foncièrement égoïste.

   Tout change lorsqu'un cancer est diagnostiqué à la grand-mère (qui, dans un premier temps, n'est pas mise au courant). Comme elle est propriétaire de la maison, tous ses descendants se rapprochent d'elle dans l'espoir d'en hériter... y compris M, stupéfait de voir sa cousine récupérer la demeure du grand-père dont elle était devenue l'aide à domicile.

   Sur ce fond limite nauséabond est construite une savoureuse comédie de mœurs, avec une grand-mère au caractère bien trempé, un fils aîné présenté comme étant sous la coupe de son épouse, un cadet menteur et flambeur et une benjamine méritante, occupant un emploi peu valorisé... avec en plus son fainéant de fils à charge. Celui-ci essaie tant bien que mal de s'imposer comme le soutien au quotidien d'Amah, qui voit clair dans son jeu.

   C'est drôle et subtil à la fois, parce que le film prend le temps de développer chacun des personnages de la famille, tous ayant des qualités et des défauts. Au passage, il convient de préciser qu'il s'agit d'une famille métissée, la grand-mère, d'origine chinoise, ayant épousé un Thaï.

   Pour des Français, il sera sidérant de constater qu'à plus de 70 ans, Amah continue de se lever à cinq heures du matin pour aller vendre son gruau à des travailleurs modestes, sur un trottoir où elle installe son étal. De plus, les soins hospitaliers ne semblent pas, pour la plupart, remboursés par l'équivalent d'une Sécurité sociale.

   J'ai aussi été marqué par le fait que les mêmes problèmes familiaux se posent, en Thaïlande et en France. M et ses deux oncles pensent principalement à l'héritage, ce qui pourrit les relations à l'intérieur de la famille. Les enfants négligent leur mère, qui n'aime rien tant qu'un repas en famille, le dimanche, suivi d'une partie de cartes. Même ça, les enfants ont du mal à le lui offrir.

   Pat Boonnitipat (dont c'est, je crois, le premier long-métrage) filme très bien les intérieurs : le bric-à-brac qui encombre le labyrinthe qu'est la vieille maison d'Amah, l'exiguïté du modeste appartement loué par sa fille et le luxe du logement haut-de-gamme où habite le fils aîné. On respire lors des scènes d'extérieur, au cimetière (où les pratiques sont très différentes de ce qu'on connaît en Occident) et au temple bouddhiste, utilisé de manière consumériste par la plupart des pèlerins, un peu à l'image de Lourdes chez nous.

   Au fur et à mesure que l'histoire se déroule, l'émotion prend le pas sur l'humour... et l'on a parfois les yeux qui piquent. La grand-mère (incarnée par une actrice non-professionnelle, formidable) réserve quelques surprises à sa progéniture, dont une post-mortem.

   C'est peut-être le plus beau film de ce début d'année 2025.

dimanche, 20 avril 2025

La Jeune Femme à l'aiguille

   Au Danemark, en 1918, la Première Guerre mondiale est finissante... mais le pays y joue un rôle annexe : il est resté militairement neutre, tout en commerçant (plus ou moins ouvertement) avec des pays des deux camps. Certaines industries en ont profité, comme l'atelier de couture où travaille l'héroïne, Karoline (superbement incarnée par Victoria Carmen Sonne).

   Celle-ci est dans une situation délicate : son mari a disparu (peut-être est-il marin) et elle ne peut plus payer son loyer. En désespoir de cause, elle demande de l'aide au directeur de l'usine, un patron du genre paternaliste, pas odieux avec ses employées... et qui n'est pas insensible au charme de cette ouvrière. Une liaison va démarrer, avec des conséquences insoupçonnées...

   Je n'en dirai guère plus à propos de l'intrigue, riche en rebondissements, pour laisser le plaisir de la découverte. Je signale juste que l'histoire s'inspire d'un fait divers qui a défrayé la chronique, mais je ne préciserai pas à quel sujet, plusieurs aspects (sordides) de l'intrigue pouvant déboucher sur une action judiciaire.

   En attendant d'éclaircir ce mystère, on peut profiter d'un superbe noir et blanc, qui correspond parfaitement à l'ambiance "à la Charles Dickens" du Copenhague de 1918. Les écarts de richesse y sont énormes et les classes populaires urbaines souffrent, les femmes encore plus que les hommes.

   La seconde partie de l'histoire est centrée sur un étrange duo féminin, composé de l'héroïne et d'une commerçante plus âgée (interprétée par Trine Dyrholm, dans laquelle les cinéphiles reconnaîtront un des personnages de Festen, de Thomas Vinterberg). Ce duo est en fait un trio, puisqu'une jeune fille accompagne les deux adultes... les hommes jouant un rôle annexe.

   La mise en scène est un mélange de styles. La vie quotidienne est peinte de manière réaliste. On ne nous épargne pas la crasse de certains logements... et de certains protagonistes, ni les difficultés d'un accouchement, ni les rares horreurs de la guerre qui parviennent jusqu'au Danemark. Ces aspects sordides sont presque sublimés par le noir et blanc. Le cinéaste semble être un formaliste, mais je pense aussi qu'il a utilisé cette esthétique pour poser la question de la monstruosité. Dans cette capitale européenne en apparence moderne, où la boue côtoie parfois le grand luxe, qu'est-ce qui est réellement horrible : l'apparence (sale) de certains habitants ou le comportement (odieux) d'autres, mieux habillés ?

   Même si le film n'est pas sans défaut, je trouve qu'il pose de bonnes questions (certes de manière parfois allusive) et qu'il est d'une grande force visuelle.

   P.S.

   Attention, quelques divulgâchages sont en approche, notamment pour nuancer mon enthousiasme.

1) Je trouve irréaliste que le directeur de l'usine culbute son employée en plein centre-ville (certes dans une ruelle obscure)... et avec le consentement de celle-ci.

2) J'ai du mal à comprendre comment l'époux de l'héroïne peut revenir avec les blessures qui lui sont attribuées. Elles correspondent plutôt à celles d'un soldat d'un pays belligérant... mais elles permettent de poser d'intéressantes questions sur l'apparence physique... et leur mise en scène est, je pense, une référence à Elephant Man (et peut-être aussi à Au-revoir là-haut).

3) Une autre référence cinéphile est insérée dans la première partie, lorsque nous est montrée l'entrée de l'atelier de couture, à la fin d'une journée de travail. On pense inévitablement à la sortie des usines Lumière, qu'on peut actuellement revoir sous trois aspects dans le formidable documentaire de Thierry Frémaux.

Lumière, l'aventure continue !

   Huit ans après Lumière ! L'aventure commence, Thierry Frémaux remet le couvert, en cette année anniversaire (les 130 ans de l'invention du cinématographe). Il utilise la même méthode et les mêmes recettes que dans le précédent film (dont il réemploie une partie du matériau) et nous propose, en 1h45 (environ), plus d'une centaine de petits films d'époque, restaurés, sur une musique de Gabriel Fauré.

   On redécouvre ainsi avec plaisir les trois versions de la fameuse sortie d'usine, commentées avec acuité. Frémaux a une fois encore su doser sa parole, intervenant quand c'est utile, ne surchargeant pas le docu de propos verbeux... et c'est toujours pertinent.

   La suite est classée par thèmes. On nous rappelle que Louis Lumière a employé et formé une brochette d'opérateurs, qu'il a envoyés aux quatre coins du monde. Ils sont cités dans le générique de fin, mais je trouve qu'ils ne sont pas assez mis en avant, puisque, le plus souvent, leur travail de qualité est mis au compte du seul Louis Lumière : Gabriel Veyre, Alexandre Promio, François-Constant Girel, Félix Mesguich...

   Grâce à eux, nous avons, aujourd'hui encore, des images datant de plus de cent ans du continent américain (États-Unis, Canada, Mexique...), des colonies françaises d'Afrique et d'Asie (l'Indochine en particulier)... mais aussi d'Europe, avec une place importante accordée à la France, surtout à Paris et à Lyon. D'autres villes de province sont présentes à l'écran, l'une d'entre elles étant particulièrement difficile à reconnaître :

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(réponse en fin de billet)

   De ma région je n'ai reconnu qu'un passage sur Carmaux, avec des femmes travaillant dans les mines, mais en surface. (On les voit charger du coke dans des brouettes.)

   Les travaux et les jours constituent une thématique importante. Le monde paysan est à l'honneur, même si sa place dans le film est plus faible que celle qu'il occupait dans la société de l'époque.

   Un autre passage intéressant concerne les militaires, français, mais aussi étrangers : on voit des Allemands (reconnaissables au casque à pointe) et des Mexicains, entre autres. Frémaux fait remarquer que les unités françaises qui nous sont montrées ne semblent pas très redoutables... mais c'est peut-être lié au fait que, devant la caméra, beaucoup de personnes filmées (quelle que soit la classe sociale) ont envie de "faire l'intéressant".

   La famille des frères Lumière fait l'objet de nombreuses prises de vue. On les voit dans leur propriété, mais aussi en vacances, à la mer. Louis a aimé filmer les enfants, soit au naturel, soit en les dirigeant, tel un metteur en scène contemporain.

   Cela nous mène à un autre propos de Thierry Frémaux : l'aspect précurseur des frères Lumière et de leurs équipes. Les plans de leurs petits films étaient construits avec soin : le cadre n'est jamais choisi au hasard et, souvent, les images fourmillent de détails, que Frémaux se plaît à souligner.

   Le plus souvent, les preneurs d'images se font documentaristes. Mais ils ne s'interdisent pas quelques effets : panoramique, travelling et, de temps en temps, mise en abyme, un opérateur figurant dans le champ.

   Quelques petites fictions nous sont aussi proposées, avec des trucages visuels. C'est plaisant, mais ce ne sont pas les films les plus aboutis des frères Lumière. Dans ce domaine, ils ont été vite dépassés par l'un de leurs admirateurs, présent à l'une de leurs premières projections, un certain Georges Méliès.

   L'ensemble constitue un formidable panorama de l’œuvre des pionniers du cinéma. C'est passionnant à regarder et à écouter. Sur le plan historique, on pourra toutefois regretter que Frémaux n'évoque pas la sympathie éprouvée par les deux frères vieillissants pour le régime de Vichy. Il rétorquerait sans doute qu'il n'a pas vraiment fait œuvre de biographe, mais rendu hommage aux débuts foisonnants de ce qui n'était pas encore appelé le Septième Art.

   P.S.

   Pour la ville de province, la réponse est ici.

samedi, 19 avril 2025

La Réparation

   Plus de dix ans après Le Temps des aveux, Régis Wargnier nous propose son nouveau film, toujours sous le sceau de l'Asie orientale (ici Taïwan, la Chine non communiste).

   C'est une histoire de filiation, d'amour(s) et de transmission, entre la France et Taïwan. La première partie se déroule en Bretagne, où se trouve un restaurant (doublement) étoilé... et dont le chef cuistot, "Janko" (interprété par Clovis Cornillac), espère décrocher une distinction supplémentaire... et passer le flambeau à sa fille unique, qui a une liaison (secrète) avec son premier commis.

   Cette partie nous propose du déjà-vu (au cinéma et à la télévision), mais plutôt bien joué et correctement mis en scène. (Je trouve que Wargnier filme bien la forêt, ainsi que la cuisine en action.) Cornillac (rôdé par la série Chefs) est au poil dans le rôle, à la fois cuisinier passionné, chef de brigade exigeant voire autoritaire... et papounet très protecteur, un brin directif. J'ai aussi bien aimé les scènes de retour en arrière, montrant Janko avec sa fille, alors enfant. Je suis moins convaincu par celle qui la joue à l'âge adulte, Brigitte Bardot Julia de Nunez, et par ses collègues masculins, Antoine Pelletier et Julien de Saint-Jean (qu'on a vu meilleur dans Le Comte de Monte-Cristo).

   On attend le (premier) coup de théâtre et ses conséquences. Cela introduit un intéressant suspens, concernant deux personnes. Pour l'une des deux, le doute subsiste quasiment jusqu'à la fin...

   Une ellipse nous projette quelques années plus tard, à Taïwan, où le film prend une nouvelle inspiration. On sent Wargnier fasciné à la fois par l'ultra-modernité urbaine et les espaces naturels de l'île. Je trouve que le restaurant de Taipei est encore mieux filmé que son homologue de Bretagne. Le nouveau protagoniste (un jeune chef taïwanais prometteur), est bien interprété, par J.C. Lin. 

   Dans cette séquence, on retrouve avec plaisir Louis-Do de Lencquesaing, en critique gastronomique pontifiant (pléonasme ?). Mais la sauce ne prend pas. Je pense que les acteurs chevronnés s'en sortent mieux parce qu'ils ont compris ce que Wargnier attendait d'eux, sans avoir besoin d'être cornaqués... ou alors c'est tout simplement parce qu'ils sont meilleurs que les jeunes (Français). Quoi qu'il en soit, pour moi, le plat qui nous est proposé, au final, manque un peu de saveur.

10:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 17 avril 2025

Novocaïne

   Le titre est le surnom que porte le personnage principal. Il est lié à sa "particularité" : ne pas ressentir la douleur (physique). L'introduction nous présente donc Nathan (Jack Quaid, fils de, récemment vu dans Companion) au quotidien, avec ses rituels suivis à la lettre et une multitude de petites précautions visant à éviter le moindre accident. Nate est un chic type, il a le profil du "gendre idéal" : poli, propre sur lui, déjà directeur-adjoint d'une agence bancaire, assez empathique. Mais il vit seul, entouré de ses bouquins et d'un équipement informatique haut de gamme, qui lui a permis de se faire un ami gamer... qu'il n'a jamais rencontré (dans la vraie vie).

   Depuis quelques mois, il a encore plus de plaisir à se rendre au boulot, depuis qu'a été engagée une nouvelle employée, Sherry, une petite bombe mini-jupée qui semble lui faire de l’œil. Les deux tourtereaux se rapprochent... et se découvrent des points communs, notamment une enfance difficile. Cette rom com (comédie romantique) est légèrement épicée, puisqu'on a brièvement l'occasion de découvrir la "particularité" de Nathan à l’œuvre.

   Cela se corse un peu lors du braquage de la banque, ultra-violent, bien filmé. On est à l'approche des fêtes de fin d'année et un trio de Pères Noël débarque sans prévenir, pour distribuer quelques pralines. Cela ne se passe donc pas très bien... et Sherry est prise en otage.

   Nathan se lance à la poursuite des méchants... et c'est l'escalade. Il va les rencontrer un à un, successivement dans la cuisine d'un restaurant, une maison regorgeant de pièges et un garage. (Je recommande aussi le passage chez le tatoueur, qui ne déçoit pas.) Cela devient de plus en plus violent, de plus en plus gore... de plus en plus invraisemblable. Mais, qu'on soit horrifié(e) ou qu'on rigole, pris dans le rythme, cela se tient. Maquillage, prothèses, sauce tomate et effets numériques contribuent à nous faire toucher du doigt l'ampleur des sévices que ce brave Nathan va subir (sans avoir mal), pour tenter de sauver sa dulcinée. A propos de celle-ci, un petit coup de théâtre nous est ménagé à mi-parcours.

   Le dernier méchant Père Noël (Simon) est le plus difficile à dézinguer. On pensait en avoir fini au bout d'1h30... et voilà que la production nous en remet une couche, pour un petit quart d'heure supplémentaire de boucherie. La manière dont ce Simon (interprété par Ray Nicholson, autre fils de) est définitivement mis hors d'état de nuire est croquignolesque (mais a choqué les demoiselles assises pas très loin de moi).

   Cela m'a un peu rappelé l'ambiance des Deadpool, à ceci près que le super-héros mal élevé ressent la douleur (mais se rétablit de ses blessures), alors que Nathan ne ressent rien... mais finit par avoir bigrement besoin d'une aide médicale.

   C'était mon "plaisir coupable" du mois d'avril.

00:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéùa, cinema, film, films

mardi, 15 avril 2025

Minecraft (le film)

   La Warner s'est lancée dans le périlleux exercice de transposition de l'univers du célèbre jeu sur grand écran, dans le cadre d'une comédie d'aventures. Une pelletée d'effets spéciaux a été employée pour animer des scènes de bagarre, de poursuite... ou de créativité architecturale. Pour moi (qui ne suis pas un gamer), c'est réussi et cela constitue un agréable divertissement.

   Cela démarre sur les chapeaux de roue, avec la jeunesse de Steve, garçon un peu timide qui, plus tard, parvient à pénétrer dans la fameuse mine, où il a réalisé la découverte qui a changé sa vie. Cette première vision des deux univers parallèles (le paradis de briques et l'enfer porcin) sert d'introduction... et peut-être de mise à jour, pour le public qui ignore tout du jeu.

   Ensuite, c'est un deuxième film qui commence, dans une petite ville d'Idaho, dans le nord-ouest des États-Unis. On y fait connaissance avec les autres protagonistes de l'histoire : un garçon sensible et intelligent, qui vient de perdre sa mère, sa grande sœur, une agente immobilière qui n'a pas la langue dans sa poche et une ancienne gloire locale (devenu un gros beauf), Garrett "Garbage" Garrison, qui a les muscles, les tatouages et les cheveux de Jason Momoa. On remarque que, dans cette petite ville d'un comté sans doute rural, beaucoup d'adultes sont en surpoids et que leur intelligence est en général très limitée... On comprend que les jeunes aient envie de s'enfuir !

   Leurs aventures leur font rejoindre l'univers où Steve (Jack Black, très bien) est resté enfermé... Cela ne vous rappelle rien ? Mais si, bien sûr, Jumanji ! C'est du même niveau, même si c'est plus sage au niveau des dialogues... et il n'y a pas d'héroïne bad ass (juste une directrice de collège très dragueuse, interprétée Jennifer Coolidge, célèbre naguère pour avoir incarné la mère de Stifler, dans les American Pie).

   Les effets spéciaux sont vraiment bien fichus. J'ai particulièrement aimé les animaux, tous de forme cubique bien entendu : les poules, les moutons, les cochons, les loups... Celles et ceux qui goûtent peu l'habillage visuel peuvent s'amuser à repérer les clins d’œil cinéphiles, au Seigneur des anneaux, à Star Wars, Indiana Jones...

   Dans cet univers loufoque, l'improbable équipe de bras cassés doit resserrer ses liens et croire en elle pour surmonter l'adversité. On assiste bien entendu à une énième naissance de famille recomposée, le Bien finissant par vaincre le Mal. A la fin de l'histoire, chacun a mûri... et l'on a passé un bon moment... à savourer jusqu'au bout, avec deux scènes ajoutées.

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Voyage avec mon père

   A la suite du décès d'une personne proche, deux citoyens (juifs) des États-Unis, apparentés, effectuent un voyage mémoriel en Pologne, dans la région qui fut le berceau familial (du côté de Lodz). Leur périple sera l'occasion de se fâcher et de se rabibocher, dans une Pologne plus ou moins accueillante... Cela ne vous rappelle rien ? Eh, oui, on dirait l'intrigue du récent A Real Pain... à ceci près qu'ici l'histoire est entièrement vraie... et plus touchante que ce qu'on a pu voir dans le film de Jesse Eisenberg.

  Le duo de héros est composé d'un père et de sa fille, Edek et Ruth, incarnés par l'excellent Stephen Fry et la surprenante Lena Dunham (venue de la télévision). Tous deux n'ont pas la même manière de gérer le deuil de l'épouse d'Edek (mère de Ruth). Lui n'en parle quasiment pas et essaie de goûter aux plaisirs de la vie, tandis que sa fille a tendance à déprimer.

   C'est elle qui a eu l'idée de ce voyage mémoriel, auquel son père, au départ, ne voulait pas participer. Il faut dire que Ruth n'a pas eu de grands-parents... ni de cousins. Le décès de la mère et l'ouverture de la Pologne post communiste (au début des années 1990) aux touristes du monde capitaliste ont contribué à la réalisation du projet.

   Là encore, le père (qui a fini par décider d'accompagner Ruth) et la fille ne sont pas d'accord. Elle a établi un programme précis, qu'elle veut suivre à la lettre. Edek préfère musarder, tentant d'éviter de retourner à Lodz en s'adonnant à un tourisme traditionnel, profitant de l'occasion pour pratiquer à nouveau la langue polonaise. Il se rapproche même langoureusement d'interprètes locales, très ouvertes aux échanges interculturels...

   Sur le fond, le film ne cherche pas à emprunter un sentier politiquement correct. Le père ment à sa fille à propos de l'emplacement de l'ancien ghetto juif et il n'arrête pas de lui reprocher de "bouffer des graines" (elle est végétarienne) et de s'être séparée de son époux, qu'Edek considère comme un chic type. (Il en conserve même des photographies dans son porte-feuille.)

   Mais le malaise le plus grand s'installe lors du passage par Lodz. Edek montre à Ruth l'appartement (miteux) où, jeune homme, il est allé draguer sa future épouse, avant de l'accompagner dans un autre endroit de la ville, où se trouve l'immeuble que possédait sa famille, qui logeait dans l'un des grands appartements. La rencontre avec les nouveaux occupants polonais (catholiques) réserve pas mal de surprises...

   On l'attend et elle finit par arriver : la séquence à Auschwitz. Elle est surprenante dans son déroulement, très émouvante, mais pas forcément comme on s'y attend. C'est toujours aussi bien interprété, du côté états-unien comme du côté polonais (avec notamment un chauffeur de taxi empathique et débrouillard).

   J'ai beaucoup aimé. Je regrette d'autant plus que le film ait été minimisé, voire dénigré, par une partie des critiques français, que la mémoire de ce génocide semble quelque peu déranger.

lundi, 14 avril 2025

Vermiglio ou la mariée des montagnes

   En 1944, la Seconde Guerre mondiale est finissante (en Europe). Ses échos parviennent, étouffés, dans un village du Trentin, dans le nord de l'Italie, aux confins de l'actuelle Autriche.

   Deux soldats italiens arrivent au village. L'un est du coin, tandis que l'autre est originaire de Sicile, et peine à se faire comprendre des habitants, son dialecte étant fort éloigné de la langue régionale. On comprend très vite que ces deux militaires ont déserté, la tournure prise par la guerre étant il est vrai déconcertante. L'Italie, fasciste, fut un allié de l'Allemagne, jusqu'au renversement de Mussolini, en 1943. Le nouveau gouvernement s'est rapproché des Alliés, tandis qu'au nord, les Allemands ont lancé une invasion pour remettre le Duce au pouvoir, dans une parodie de régime fasciste, la République de Salo (dénomination qui est riche de sens, en français).

   Dans ce village du Trentin, les femmes sont nombreuses... mais sous la coupe des hommes, notamment des vieux. L'instituteur fait office de notable local, cultivé, raisonnable, parlant bien. Il en impose à tout le monde, y compris au sein de sa famille. Son épouse est sur le point d'accoucher de leur dixième (!) enfant, sept des précédents ayant semble-t-il survécu : trois garçons très curieux, un adolescent pas bien futé, une gamine qui excelle à l'école (le grand espoir de la famille) et deux sœurs aînées. La première (Ada) est partagée entre sa foi intense et ses pulsions, tandis que la seconde (qui me semble être la plus âgée), Lucia, va vite avoir le béguin pour le jeune Sicilien. Celui-ci a une belle gueule, des mains douces et, parfois, le zizi tout dur...

   La première partie raconte l'intégration des soldats à la vie villageoise (les habitants ayant décidé, à l'initiative de l'instituteur, de ne pas les dénoncer). Les scènes sont quasi naturalistes, ayant pour cadre soit de magnifiques paysages alpins soit des intérieurs ruraux que, par politesse, on qualifiera de rustiques. On ne roule pas sur l'or dans cette campagne oubliée, où la force des bras est le principal atout pour survivre.

   Petit à petit, on découvre les différents aspects de la domination qui s'exerce sur les femmes, cantonnées à certains travaux : cuisine, ménage, lessive, gestion des enfants... Quelques-unes aspirent à autre chose, ce qui implique d'échapper au schéma marital qui leur est imposé. Ce pourrait être par la voie des ordres (pour la plus croyante des filles), grâce à des études poussées (pour la petite douée) ou en partant travailler à la ville.

   Tout cela est suggéré avec finesse, au cours de scènes en apparence anodines, mais qui disent beaucoup de choses.

   C'est mis en scène et dirigé avec talent, par Maura Delpero, dont je n'avais pas entendu parler auparavant.

   La seconde partie voit la guerre s'achever. C'est le moment où les humains, les marchandises et les informations se remettent à circuler (plus ou moins) librement. Plusieurs changements majeurs surviennent, toujours très bien amenés par la réalisatrice qui, de surcroît, réussit son dernier quart d'heure, que j'ai trouvé éblouissant.

   C'est un film à voir, s'il passe près de chez vous.

dimanche, 13 avril 2025

Piégé

   Une petite racaille va se retrouver enfermée dans un somptueux SUV et soumise aux desiderata d'un vieux chirurgien réactionnaire. (Le véhicule, de la marque fictive DOLUS, semble avoir été spécialement conçu pour le film, à partir d'un modèle Land Rover.)

   L'introduction nous présente le délinquant, qui a passé les trente ans, mais vit encore comme un adolescent irresponsable, entre trafics minables, vols et consommation de stupéfiants. Toutefois, la mise en scène est chargée de nous faire comprendre qu'au fond, c'est plutôt un type bien, attaché à sa fille (qui vit avec son ex), que les circonstances vont conduire à enfreindre de nouvelles règles.

   La suite est un quasi-huis-clos, à l'intérieur du SUV. C'est un mano a mano, d'abord à distance, entre un vieux réac (Anthony Hopkins, certes affaibli, mais tenant encore la route, si j'ose dire) et un jeune rebelle (Bill Skarsgård, étonnant). Caméras intérieures, micros et ordinateur de bord (connecté) permettent aux deux personnages d'échanger... et même de débattre, avant que le rapport de force ne reprenne le dessus.

   Le véhicule ultra-perfectionné regorge de recoins et de possibilités, ce qui donne lieu à divers rebondissements, parfois sanglants. De plus, comme l'intrigue s'étend sur plusieurs jours, au sein du même véhicule, vous pensez bien qu'à un moment donné, il va être question de nourriture, de boisson... et de déjections. J'ai beaucoup aimé tous ces aspects du film (sang, nourriture, pisse et... odeur de merde).

   Si l'on sait très vite pourquoi le jeune homme braque le véhicule, en revanche, on met un petit moment à comprendre quelles sont les motivations profondes du vieux chirurgien.

   De son côté, le cinéaste, à travers le confrontation de deux profils sociologiques et de deux tempéraments différents, semble avoir voulu mettre en scène deux Amérique, l'une plutôt progressiste et "laxiste", l'autre travailleuse, autoritaire et attachée aux "vraies valeurs". C'est donc, pour moi, globalement, un bon "film de droite", dont toutefois la conclusion pourra être appréciée par des spectateurs de différentes sensibilités.

10:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 12 avril 2025

Doux Jésus

   Une nonne atteinte de pré-ménopause précoce décide de retrouver son grand amour d'adolescence, pour sauver celui-ci... et, peut-être, se sauver elle-même.

   Sur ce schéma hyper-balisé, Frédéric Quiring (un peu aidé semble-t-il par Sophia Aram) a construit une comédie sans guère de surprise, pas franchement anti-cléricale mais assez irrévérencieuse, s'appuyant sur une brochette de comédiennes très engagées dans leur rôle, à défaut d'être subtiles.

   J'ai eu plaisir à voir évoluer Isabelle Nanty (la Mère supérieure autoritaire qui, bien entendu, au fond, a du cœur... et cache un ou deux secrets) et Marilou Berry (à propos de laquelle je regrette qu'une saison 3 de la série Marianne ne soit pas prévue), en bonne sœur un peu cruche au départ, qui se pose de plus en plus de questions... et décide de prendre des risques. Les deux vedettes sont épaulées par une belle brochette de "gueules", notamment Anne Benoit, Barbara Bolotner et Evelyne Buyle.

   A partir du moment où sœur Lucie part explorer le monde urbain contemporain, les situations (en général) cocasses s'enchaînent. Je laisse chacun(e) découvrir comment, grâce à la technologie moderne, la religieuse en vadrouille pense pouvoir dialoguer directement avec le Seigneur...

   Je pourrais établir ici une liste des invraisemblances dont le périple (d'abord urbain, puis rural, dans la région Grand Est) de Lucie est jalonné, mais je préfère rester sur l'image joyeuse de comédiennes pleines d'énergie, qui certes cabotinent, mais nous font passer un bon moment, le rire laissant parfois la place à l'émotion, quand il est question de la vie de femme de celle qui fut jadis une adolescente éperdument amoureuse, avant de renoncer à la possibilité de fonder une famille.

   P.S.

   Je me dois quand même de signaler que le dernier quart d'heure n'est pas le meilleur du film. Dommage.

19:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Le Joueur de Go

   Dans le Japon ancien (l'équivalent de notre époque moderne, XVIe - XVIIIe siècles), Tokyo s'appelait Edo. Elle était dirigée par une caste de seigneurs, qui employaient des samouraïs. L'un d'entre eux vit quelque peu retiré, avec sa fille. Il fait commerce de ses gravures et a pour seul loisir le jeu de go, dont les parties les plus disputées passionnent les foules urbaines.

   Pour un spectateur occidental, l'un des intérêts de ce film maîtrisé, à la reconstitution soignée, est le dépaysement. Les coiffures les robes, les chaussures, l'architecture... tout nous place dans un autre monde, régi par un code d'honneur qui toutefois nous paraîtra suranné.

   Cela n'empêche pas la première partie de ce film d'être éblouissante. Le réalisateur Kazuya Shiraishi (inconnu au bataillon) réussit à intégrer les parties de go à son intrigue et à rendre le tout passionnant. Le samouraï déchu est un redoutable joueur, qui croise la route d'un vieux commerçant, un peu magouilleur, que personne ne parvient à vaincre, jusqu'à présent. Les deux hommes finissent par s'affronter et leur rivalité va s'accompagner de la naissance d'une amitié, sur fond d'estime réciproque. Dans le même temps, le neveu du commerçant découvre que la fille du samouraï a un charme fou...

   Les scènes sont construites avec soin. La majorité des personnages apparaissent futiles et volubiles, en comparaison des protagonistes, en particulier le samouraï, au visage quasi indéchiffrable, en particulier quand il se lance dans une partie de go. Le moindre froncement de sourcil ou plissement des lèvres est porteur de sens.

   La seconde heure voit ressurgir le passé du guerrier. Un coup de théâtre se produit. Il faudra attendre longtemps avant de connaître la véritable cause de la disparition d'une forte somme d'argent (avec, quand on la connaît, une résolution malicieuse, bien qu'ayant eu des conséquences dramatiques).

   Je trouve cette partie moins réussie. On y a un peu trop misé sur l'orgueil excessif et le manque de communication entre certains personnages. C'est néanmoins le moment où, enfin, les sabres sont de sortie (mais juste un peu).

   L'intrigue demeure passionnante et, même si le jeu de go passe un peu au second plan, il demeure très présent, servant de théâtre à l'histoire du vol ainsi qu'à la traque d'un triste sire, responsable (jadis) de la mort de l'épouse du samouraï.

   Je recommande ce film, qui tranche avec le tout-venant de la production cinématographique et qui est d'une grande beauté formelle.

09:32 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 09 avril 2025

The Amateur

   Cet "amateur" est un agent de la CIA, un analyste doté d'un Q.I. de 170, passionné d'énigmes (un peu comme l'Astrid de la série Astrid et Raphaëlle), spécialisé en cryptage et décryptage. Quand son épouse est brutalement assassinée, il demande à devenir agent de terrain, pour se venger. Dans le même temps, il découvre certains dysfonctionnements au sein de la CIA.

   Rami Malek (que je crois n'avoir jamais vu mal jouer) incarne avec conviction cet "espion de clavier", incurablement touché par le deuil... et diablement inventif quand il s'agit de se venger, quitte à duper ses employeurs.

   Au niveau des seconds rôles, on croise quelques vieilles connaissances, comme Laurence "couille-de-poisson" Fishburne, Holt McCallany ou encore Julianne  Nicholson (une ancienne de New York, section criminelle). Le tout est dirigé par James Hawes, dont j'avais bien aimé Une Vie, sorti l'an dernier.

   L'habillage technologique est très réussi, sur la forme comme sur le fond... et c'est flippant, quand on y pense. Même si une partie de ce qui nous est montré a déjà été vue ailleurs, je trouve que ce film-ci parvient à innover dans la mise en scène de l'espionnage 3.0.

   C'est (assez) mystérieux, rythmé, prenant. (La première heure passe comme un rêve.) Il y a bien quelques facilités ici et là : on a bien compris que les scénaristes n'avaient pas envie que le héros se fasse dézinguer par les diverses crapules (russes ou américaines) qui le pourchassent et, parfois, il est quand même un peu trop habile avec ses gadgets électroniques.

   Mais j'ai été pris par cette chasse à l'homme déclenchée par un geek veuf éploré, qui n'a rien d'un tueur mais se transforme petit à petit en redoutable loup.

   La fin est finement surprenante.

   J'ai passé un très bon moment.

22:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 31 mars 2025

Le Garçon

   Les gens ordinaires ont une histoire, et celle-ci mérite d'être contée, autant que celle des vedettes et des puissants. Partant de ce principe, Zabou Breitman et Florent Vassault ont conçu ce documentaire à quatre mains. Un lot de vieilles photographies (datant du lendemain de la Seconde Guerre mondiale aux années 1990), trouvé dans une brocante, leur a servi de point de départ. Toutes concernent la même famille (inconnue), dont se détache un garçon, devenu adolescent puis adulte. Zabou décide de le baptiser Jean, ce prénom ayant été trouvé au dos de l'une des photographies.

   Les réalisateurs se lancent alors dans une double démarche. Alors que Vassault part à la recherche des membres de la famille et des lieux pris en photographie, Zabou conçoit des scènes de fiction pour tenter de ressusciter les moments capturés par les appareils photographiques.

   Il faut signaler que, bien que ceux-ci aient été argentiques (dotés d'une pellicule ou fonctionnant en instantané), ce sont des appareils numériques que, dans les scènes de fiction, on voit les personnages manipuler. Cet anachronisme est volontaire. Il permet, dans certains plans, de superposer la scène jouée, prise en photographie, à l'authentique image, qui s'affiche comme par miracle sur l'écran de contrôle de l'appareil. Cette inhabituelle mise en abyme produit des effets surprenants.

   J'ajoute que ces scènes de fiction sont bien jouées, notamment par Isabelle Nanty et François Berléand, qui incarnent les parents de "Jean".

   Ces scènes alternent avec les étapes de l'enquête menée par Vassault. Au départ, il fait chou blanc. Que ce soit dans la commune de résidence comme sur les lieux de vacances, plus aucun rescapé de l'époque ne peut témoigner de la présence de la fameuse famille.

   Le déclic finit par se produire. Les premières informations concrètes vont être données par un frère de "Jean", puis un de ses anciens collègues et amis. Petit à petit, la pelote va se dévider...

   ... et l'on s'aperçoit que ce que Zabou avait imaginé, à propos des scènes prises en photo, était parfois bien trouvé, parfois à côté de la plaque. Certaines découvertes ne manquent pas de saveur, notamment concernant l'identité réelle de certaines personnes présentes sur les photographies.

   La seconde partie du film est presque uniquement consacrée aux progrès de l'enquête (en réalité menée à deux, même si, au départ, Vassault a caché certains de ses résultats à Zabou, pour ne pas influencer son tournage). On finit par comprendre comment le lot de photographies a été abandonné... et quel secret concernant la vie de "Jean" a été dissimulé.

   J'ai trouvé ce film formidable, à la fois documentaire-polar et portrait sociologique de la (vraie) "France d'en-bas". Il ne dure qu'1h30. Ne le ratez pas, s'il passe près de chez vous.

   P.S.

   Pour être totalement honnête, je dois toutefois révéler que le procédé prétendûment utilisé pour tourner ce film a été un peu biaisé. En effet, pendant la majeure partie du tournage, Zabou était censée ignorer ce que son comparse avait filmé. Or, une oreille attentive remarquera sans peine que les dialogues des scènes de fiction sont issus des entretiens (réels) tournés par Vassault (que l'on entend plus tard dans le film). Cela ne m'a pas choqué. Cela donne une autre profondeur à cette histoire, le réel et la fiction se répondant mutuellement. D'autre part, certaines répliques prennent un sens différent selon qu'elles sont dites par un personnage de fiction ou un autre, dans la vraie vie (qui est rarement la version réelle du personnage de fiction).

Berlin, été 42

   Hilde est une jeune femme ordinaire, la trentaine, au tempérament effacé. D'abord assistante chez un dentiste, elle trouve un nouvel emploi dans une compagnie d'assurances, qui dépend du gouvernement... nazi. Nous sommes en Allemagne, en 1942-1943. Hilde, dont le petit ami (juif) est parti "vers l'Est", tombe amoureuse d'un grand escogriffe, qui appartient à un groupe d'opposants au nazisme. Cet été est à la fois celui d'un épanouissement personnel et celui d'une prise de conscience politique.

   Le montage alterne deux types de scènes : celles de l'amitié et de l'amour (durant l'été) et celles de la répression et de l'incarcération, de l'automne 1942 à l'été 1943. C'est un peu perturbant parce que, si la trame de la répression suit un ordre strictement chronologique, tel n'est pas le cas pour la "trame de l'amour", qui alterne différents moments, dans un ordre qui m'a semblé aléatoire : le pique-nique au bord du lac, le premier baiser, le premier travail en commun contre le régime, la première relation sexuelle, la rencontre, la première danse...

   En revanche, j'ai trouvé intéressante la mise en parallèle de l'éveil sensuel d'une jeune femme et de son progressif engagement politique. Elle découvre l'amour véritable, le plaisir sexuel, la grossesse, en même temps qu'elle s'initie au marxisme (le groupe est composé d'opposants communistes), aux messages en morse et au collage d'affichettes antinazies.

   Aux images lumineuses des sorties d'été et de l'amour naissant s'opposent les plans, plus sombres, des scènes d'interrogatoire, d'incarcération, de procès... Enceinte, Hilde est dirigée vers une prison spéciale, où elle va réussir à survivre et à garder son bébé en vie. De temps en temps, elle bénéficie d'un peu d'entraide, y compris d'une gardienne nazie, qui idolâtre le Führer mais peut faire preuve d'humanité.

   Le propos est donc relativement nuancé, bien que très dur au fond sur les traitements infligés aux antinazis. Concernant Hilde, on ne nous épargne presque aucun fluide corporel, de la perte des eaux aux excréments du bébé, en passant par le vomi, l'urine, les larmes... Ne manquent à l'appel que les sécrétions génitales, mais l'on n'en est pas loin.

   Le réalisateur Andreas Dresen se montre fasciné par les corps, ceux, très bien formés, des jeunes amants et, plus tard, ceux des victimes des nazis, perclus de souffrances.

   Le portrait qui nous est brossé de ces opposants sans histoire est assez éclectique, allant de la fille de paysans au mannequin, en passant par le serveur et les soldats mobilisés. (On pense parfois à un autre groupe de jeunes antinazis, ceux -catholiques- de la Rose blanche, évoqués dans le film Sophie Scholl.)

   L'histoire est très forte, prenante... et vraie, comme nous le rappelle, en toute fin, une voix âgée, celle d'une personne qui a survécu à cette période infernale et en cultive un souvenir ému.

   Cette petite perle a été scandaleusement minimisée par la critique française. Si cela passe près de chez vous, courez-y !

samedi, 29 mars 2025

La Cache

   Adaptant le livre éponyme de Christophe Boltanski (prix Femina 2015), Lionel Baier dresse le portrait d'une famille hors norme, en mai 1968. Quatre générations vivent sous le même toit, celui d'un immeuble parisien bourgeois (avec porte cochère, s'il-vous-plaît), situé rue de Grenelle.

   Au dernier étage est installée l'arrière-grand-mère, qui cohabite avec son fils, l'épouse de celui-ci, deux de leurs trois fils... et, occasionnellement, l'arrière-petit-fils (futur auteur du bouquin), quand ses parents (qui ont commis le sacrilège de partir s'établir ailleurs) le confient à la tribu.

   Celle-ci est un peu foutraque, entre la matriarche qui écoute du Prokoviev à fond la caisse, sa belle-fille qu'il vaut mieux ne pas contrarier quand elle est au volant et ses petits-fils tous plus ou moins révolutionnaires... eh, oui : on est vachement de gauche, dans cette famille.

   La première partie de l'histoire met en valeur celle qui refuse d'être qualifiée de "mamie", la peu conventionnelle épouse du fils médecin, issue d'une famille monarchiste et catholique, mais ardemment féministe et engagée socialement. Ce personnage est l'occasion d'admirer le talent d'une comédienne franco-suisse peu présente sur nos écrans : Dominique Reymond.

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   Cette première partie m'a toutefois un peu laissé sur ma fin. J'ai en général aimé les scènes qui voient intervenir cette comédienne, mais je trouve que, globalement, ce n'est pas très bien joué (ou plutôt que les acteurs n'ont pas été très bien dirigés). Je crois que, pour illustrer le caractère particulier de cette famille, le réalisateur a voulu filmer de manière foutraque des personnages se comportant parfois de manière bizarre... et incarnés de manière un peu approximative. Sur le plan visuel, cela se veut inventif... Cela passe, ou pas.

   La seconde partie nous plonge davantage dans l'émotion. C'est à ce moment-là que le titre prend sa pleine signification. Depuis le début du film, on constate que le gamin est persuadé qu'un chat habite l'immeuble, mais dans une partie non accessible aux humains. Ne se trouverait-il pas dans une cachette, utilisée jadis (25-26 ans auparavant ?) par l'un des membres de la famille ? L'intrigue rebondit quand nos héros reçoivent une visite totalement inattendue. C'est évidememnt invraisemblable, mais j'ai aimé l'intrusion de cette fantaisie cocasse, qui débouche sur quelques belles scènes.

   L'histoire de la cachette est utilisée pour évoquer un pan de l'histoire de cette famille (majoritairement) juive ashkénaze, originaire de l'actuelle Ukraine. L'arrière-grand-mère a tenté de transmettre le yiddish à toutes les générations et, au détour d'une remarque acerbe, on constate l'existence de ce que certains hypocrites appellent "un antisémitisme résiduel".

   J'ai trouvé la fin assez poignante, mais pas en raison de ce que raconte l'ultime séquence. Ce sont les dernières images de Michel Blanc, qui incarne le fils médecin. (Mais il paraît qu'on va bientôt le revoir, dans Le Routard, qui sort le 2 avril.) Le dernier échange qu'il a avec celle qui incarne son épouse résonne étrangement quand on connaît la suite et le fait de le voir, un peu plus tard, lentement s'éloigner de l'objectif, de dos, ressemble à un adieu.

De la Guerre Froide à la Guerre Verte

   On doit ce documentaire à la cinéaste italo-paraguayenne Anna Recalde Miranda. Tourné au Paraguay et au Brésil, il tente de mettre en relation deux époques, celle des dictatures latino-américaines (alliées dans ce qu'on a appelé le Plan Condor) et celle des luttes à la fois populaires et écologistes des actuels paysans sans terre.

   La réalisatrice s'appuie sur divers témoignages, notamment celui Martin Almada (décédé en 2024), un enseignant engagé qui fut arrêté et torturé sous la dictature d'Alfredo Stroessner. Il y a une trentaine d'années, il est parvenu à documenter les crimes du régime grâce à la découverte des "Archives de la terreur".

   Le film a pour mission de démontrer que, malgré le passage à la démocratie (libérale), certaines pratiques demeurent et que, sur le fond, la lutte menée par certains intérêts économiques (paraguayens, mais aussi étrangers) contre les militants écologistes et les paysans du MST ressemble bigrement à ce qui s'est passé jadis durant la Guerre froide... même si le nombre de victimes est considérablement moins élevé.

   La réalisatrice a rencontré divers militants et journalistes, au Paraguay et au Brésil. Au Paraguay, elle s'appuie beaucoup sur le témoignage d'un ancien ministre du président Fernando Lugo (l'un des deux seuls chefs d’État en place depuis 70 ans à ne pas être membre du Parti Colorado) et sur celui d'un journaliste anarchiste, décédé en 2018. Sans apporter la moindre preuve, la cinéaste sous-entend que le décès de celui-ci (auquel elle semblait très attachée) ne serait pas naturel...

   La partie brésilienne est plus convaincante, plus charpentée. On rencontre des militants écologistes et des paysans indigènes victimes de grands propriétaires terriens et de leurs alliés politiques. Le Brésil étant organisé de manière fédérale, les États locaux disposent d'assez grands pouvoirs... et, quand la manière légale ne suffit pas, une série d'accidents de la route vient rappeler aux paysans pauvres qu'ils ne sont pas à l'abri d'une mésaventure.

   Il reste que la tentative d'établir une filiation directe entre les mouvements et gouvernements de droite d'Amérique du Sud (qui ont certes provoqué la chute de Lugo au Paraguay et de Dilma Rousseff au Brésil) et les pratiques des régimes dictatoriaux des années 1960-1980 n'est que moyennement convaincante. Vu le que le documentaire a été en partie tourné pendant l'épidémie de Covid (donc entre 2020 et 2022), je m'attendais à ce que la présidence Bolsonaro (au Brésil) soit plus directement impliquée... ben non. Peut-être était-ce de la prudence de la part de la réalisatrice, dont le film a sans doute été achevé avant la victoire de Lula.

   D'un point de vue technique, le film c'est ben conçu. Les images d'archives alternent avec des scènes d'entretien et d'autres plans, où la photographie est parfois vraiment belle, notamment quand la cinéaste s'attache aux animaux, comme ces chevaux qui se roulent dans l'eau d'un fleuve, en période de canicule, ou ce chat couché sur le bureau d'une militante, ronronnant sous ses caresses, ou encore ce rapace installé en zone urbaine.

   Le film n'est donc pas sans talent et ne manque pas d'intérêt sur le plan historique. Mais, construit (selon moi) à partir d'a priori idéologiques, il a tendance à vouloir rassembler tout ce qui incarne le Mal dans un seul grand projet d'ensemble dont l'existence reste à prouver.

   P.S.

   Concernant le militant de gauche Martin Almada, un détail ne manque pas de piquant. Il a été décoré de la légion d'honneur sous la présidence d'Emmanuel Macron, que d'aucuns, en France, caricaturent soit en suppôt de l'ultralibéralisme, soit en marchepied du Rassemblement national. Quand on prend un peu de recul géopolitique et qu'on compare la situation française avec ce qu'il se passe, par exemple, sur le continent américain (aussi bien aux États-Unis qu'au Brésil ou en Argentine), cela prête à sourire.

vendredi, 28 mars 2025

A Real Pain

   Le comédien Jesse Eisenberg est passé derrière la caméra pour tourner une histoire qui lui tient à cœur, celle de deux cousins américains juifs (David et Benji) qui partent en "pèlerinage familial" en Pologne, sur les traces de leur grand-mère (récemment décédée) et de leurs ancêtres disparus durant la Shoah.

   La "douleur véritable" est donc à la fois celle du deuil actuel et celle de la perte (ancienne) d'une partie de l'arbre généalogique familial. C'est aussi le mal-être du cousin Benji, dont l'apparente frivolité masque un désespoir profond. Enfin, je pense que, pour le public anglo-saxon, le titre est une allusion à une expression populaire, a pain in the ass désignant un individu exaspérant, un emmerdeur de première, une plaie...

   ... et cela correspond parfaitement au personnage de Benji, immature, très autocentré (caractéristique de l'ancien enfant gâté). Dans le rôle, Kieran Culkin en fait des tonnes... et il a eu raison, puisque cela lui a rapporté l'Oscar du second rôle ! Je pense que Jeremy Strong (stupéfiant Roy Cohn dans The Apprentice) méritait davantage la statuette que lui, mais les votants ont peut-être surtout voulu récompenser l'acteur de la série Succession.

   Cette (grosse) réserve mise à part, le film fonctionne bien. Le duo formé par les deux cousins, autrefois comme cul et chemise, aujourd'hui séparés par leurs choix de vie, donne naissance à des situations cocasses.

   Toutefois, pour moi, la partie la plus intéressante réside dans la découverte des vestiges de la Pologne juive, du très ancien cimetière (à Grodzisko) aux vieux quartiers de Lublin, en passant par le camp d'extermination de Majdanek. Certaines scènes se passent de dialogues... ou s'en seraient passées.

   La petite troupe de touristes de la mémoire est intéressante par sa diversité d'origines et de tempéraments. J'aurais aimé que le réalisateur creuse davantage cet aspect-là, plutôt que de nous imposer les interventions parfois beaufissimes du cousin Benji.

   A signaler que le film atteint parfois un haut niveau d'émotion sans le moindre effet de manche, comme lorsque les cousins finissent par trouver la maison d'enfance de leur grand-mère. Du coup, je trouve que cette histoire, en dépit de ses défauts, mérite le détour.

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mercredi, 26 mars 2025

Je le jure

   D'apparence, il s'agit d'un nouveau film de procès, qui débarque sur nos écrans quelques mois après deux belles réussites, Le Fil (de Daniel Auteuil) et Juré n°2 (de Clint Eastwood).

   Pourtant, le début de l'histoire nous plonge dans un tout autre univers, celui de la « France d'en-bas », composée de travailleurs modestes, aux goûts simples, vivant dans une petite ville de Lorraine, à proximité de Metz. On y chasse, on y chante, on y danse, lors de soirées au bar ou de repas en commun.

   On découvre ainsi, dans son milieu, le personnage principal de l'histoire, Fabio, plutôt beau gosse, musclé, tatoué, mais introverti, taiseux... et cachant à son entourage sa liaison avec une femme qui a l'âge d'être sa mère.

   Sa convocation pour participer à un jury de Cour d'Assises d'appel, à Metz, le sort de son petit confort quotidien et lui fait rencontrer des personnes qu'il a sans doute rarement l'occasion de croiser. Mais, surtout, cette convocation lui donne du pouvoir, des responsabilités : celles de décider de la condamnation d'un jeune incendiaire, responsable de la mort d'un pompier. (Le scénario semble s'inspirer de réelles flambées de violence dont le quartier des Planchettes, situé dans la ville de Verdun, en Meuse, a été le théâtre, notamment en 2021.)

   L'aspect judiciaire est soigné. La préparation des jurés, leur sélection, leur vie au quotidien dans le tribunal, leur écoute des audiences, leurs discussions informelles tout comme leurs débats officiels sont très pédagogiquement mis en scène, le groupe associant des acteurs non professionnels à des pointures comme Marina Foïs (la présidente du tribunal), Louise Bourgouin, Micha Lescot, Emmanuel Salinger (trois jurés) ou encore Sophie Guillemin (la procureure). Samuel Theis a un vrai talent pour filmer les groupes, bien épaulé par l'équipe de montage.

   Mais le plus important est ailleurs, dans le questionnement intérieur de chaque juré... et la personnalité de l'accusé (bien interprété, je trouve), qui ne nie pas sa culpabilité, mais tente d'atténuer sa peine. Petit à petit, on comprend qu'entre le fils d'immigrés ivoiriens et Fabio le Rital les points communs sont plus nombreux qu'on ne le pensait de prime abord.

   Cela donne un film fort, soigné, qui prend le temps de traiter tous les volets de son intrigue et ménage un réel (petit) suspens quant à sa conclusion, le verdict n'étant pas facile à deviner au vu des échanges entendus pendant le délibéré.

samedi, 22 mars 2025

Black Dog

   Primé l'an dernier au Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard, ce film nous transporte dans le Far-West chinois, aux confins du désert de Gobi, loin des lumières des mégapoles de la côte orientale, à la veille de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, en 2008.

   La région est victime de la désindustrialisation. Elle a été vidée d'une partie de ses habitants, qui sont allés chercher du travail ailleurs... mais ont souvent laissé leurs chiens sur place. Les bâtiments à l'abandon sont donc parfois peuplés de canidés, certains se réunissant en meute, suscitant la crainte des habitants.

   C'est le moment où débarque Lang, qui sort de dix années de prison, pour un meurtre dont les circonstances demeurent longtemps mystérieuses. Il n'est pas toujours le bienvenu dans la région. Il y est pourtant célèbre pour ses acrobaties à moto (et un certain talent de musicien), mais l'homme qu'il a tué était le neveu d'un commerçant local qui a pignon sur rue... et qui dispose d'une bande de loubards pour assurer sa protection.

   Cette masse d'informations nous est donnée par petites touches, souvent par allusion. C'est l'un des grands talents de ce film que de nous dire beaucoup de choses avec une économie de dialogues... et ça tombe bien, puisque le personnage principal (Lang) est du genre taiseux.

   Il est rapidement embauché par la brigade canine locale, qui veut débarrasser la petite ville des chiens errants, en particulier du "chien noir", réputé enragé. Je pense ne pas dévoiler grand chose en écrivant que l'ex-taulard et le diable à quatre pattes vont nouer une bien étrange relation, plutôt hostile au départ, puis de plus en plus amicale. C'est, pour moi, ce qu'il y a de plus beau dans ce film, la naissance de cette complicité, qui va prendre des formes inattendues, quand chacun des deux va se retrouver en danger. Tout cela est suggéré par une mise en scène talentueuse.

   En revanche, je ne suis pas emballé par la photographie. Certains plans montrent l'aspect semi-désertique de la région, parfois accidentée, mais l'image est granuleuse, pas d'une netteté extraordinaire. Je pense que c'est volontaire puisque vers la fin, on a droit à quelques plans au soleil couchant de toute beauté.

   Hu Guan (dont j'aimerais bien découvrir d'autres films) a voulu montrer à la fois un monde qui disparaît et un autre qui grandit. On voit donc des immeubles décrépits, certains déconstruits, voire détruits, tandis qu'un programme de rénovation urbaine est mis en route. Au niveau des humains, les "anciens" sont sur le déclin. Aussi tristes soient certaines péripéties, le cinéaste veut suggérer que la vie continue, parfois sous une autre forme.

   On a parfois affirmé que ce film était critique du pouvoir chinois. Je pense qu'on surinterprète. Durant la majorité de l'histoire, les problèmes du héros (ou du chien) viennent des autres habitants de la ville. La police est présentée comme garante d'un ordre minimal et ses officiers semblent calmes et assez compréhensifs. Il n'y a guère que dans le peu d'enthousiasme en faveur des JO qu'on peut distinguer une forme de réticence vis-à-vis de la propagande du pouvoir, mais j'y vois une autre signification.

   Au-delà d'un monde de paillettes (la construction de quartiers modernes, la médiatisation de l'éclipse et la cérémonie d'ouverture des JO), le film prétend qu'il n'y a rien de plus fort (et de plus beau) que l'amour inconditionnel et indéfectible entre un humain et son chien.

12:00 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 19 mars 2025

The Monkey

   On nous annonce un film adaptant une nouvelle de Stephen King, par le réalisateur de Longlegs... donc on pense horreur et épouvante... et cela a trompé une partie du public. Certes, on a droit à son content de scènes violentes, avec hémoglobine, décapitation, amputation, étripage, explosion, perforations diverses et variées... mais c'est surtout drôle !

   Cela fonctionne parce que les comédiens se sont bien investis dans cette comédie horrifique et parce que les effets spéciaux sont très corrects. En revanche, l'histoire des frères jumeaux tout comme la relation père-fils sont totalement inintéressantes.

   J'ai toutefois apprécié le tableau d'une Amérique de l'envers, celle des zones reculées de Nouvelle-Angleterre (dans le Maine notamment), où la concentration en demeurés semble particulièrement élevée.

   Le début du film nous cueille avec la scène du magasin, durant laquelle on découvre le pouvoir diabolique du fameux singe musicien dont il ne faut surtout pas dire qu'il est un jouet. La suite est un long retour en arrière, en deux parties, avec d'abord l'enfance des héros, puis, alors qu'ils pensent être débarrassés de l'objet maléfique, le retour de celui-ci quand ils sont devenus trentenaires. Parmi les morts croquignolesques, je recommande celle de l'oncle des gamins (lors d'une partie de chasse), celle de la baigneuse (dans le Motel)... et celle d'un personnage que je ne peux pas ouvertement désigner (pour ménager l'effet de surprise). Je vous dirai juste que cela se passe dans une voiture et que cela implique un nid de frelons...

   C'est un plaisir coupable d'1h30 environ, pour amateurs du genre.

16:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 16 mars 2025

L'Enigme Vélazquez

   Producteur (entre autres) de L'Ombre de Goya (que j'ai vu en 2022 au festival de cinéma de La Rochelle), Stéphane Sorlat a décidé de passer à la réalisation, pour se consacrer à un autre peintre ibérique, emblématique du Siècle d'or espagnol.

   Le documentaire mêle biographie, aspects esthétiques et filiation culturelle. Les vues de tableaux sont assez nombreuses, mais avec, au final, peu d'analyses de détail (avec très gros plans). Quand cela se produit, c'est passionnant. Mais, la plupart du temps, les tableaux sont associés à des commentaires de spécialistes (européens ou nord-américains), en général contemporains, mais parfois plus anciens. (Concernant Les Ménines, on attend évidemment les propos de Michel Foucault, mais l'extrait qui nous est proposé est décevant.) J'ai trouvé cela globalement trop verbeux.

   Le film n'apporte pas beaucoup d'informations précises sur les modèles de Vélazquez. On pense que certaines œuvres de Léonard de Vinci l'ont inspiré, tout comme celles du Titien et du Tintoret, qu'il a découvertes soit à la Cour d'Espagne, soit lors d'un voyage en Italie... soit par l'intermédiaire de copies de Rubens.

   Le documentaire s'attarde davantage sur l'influence que Vélazquez  a eue sur des peintres ultérieurs : Goya et Picasso principalement, mais aussi Édouard Manet (et, globalement, les impressionnistes), dans une séquence fort bien faite. Mais je dois reconnaître que j'ai surtout été marqué par l'irruption de Salvador Dali. On le voit peu, on l'entend peu, mais il emporte tout. En comparaison, les autres interventions paraissent fades.

   Au niveau de la technique, le film évoque notamment les jeux d'ombre et l'utilisation du noir. Il trace une filiation entre une série de peintres, jusqu'au XXe siècle... mais, curieusement, ne prolonge pas jusqu'à Pierre Soulages.

   J'ajoute qu'on a cherché à tout prix à relier certaines œuvres de Vélazquez à des thématiques plus contemporaines. C'est loin d'être toujours convaincant.

   L'ensemble mérite toutefois le détour, si l'on aime la peinture et si l'on veut profiter d'un visionnage sur très grand écran.

samedi, 15 mars 2025

Le Secret de Kheops

   L'actrice Barbara Schulz (actuellement à l'affiche de la série Carpe Diem, diffusée par TF1) s'est placée derrière la caméra pour tourner cette comédie d'aventures, qui repose principalement sur le charisme de Fabrice Lucchini et de Julia Piaton, accompagnés de quelques invités prestigieux : Jackie Berroyer, Camille Japy et Arié Elmaleh. Je pourrais ajouter Marie Denarnaud, Romain Levi et Vincent Heneine, efficaces seconds rôles.

   C'est alléchant... mais joué de manière parfois caricaturale. Je suis conscient que c'est une fantaisie, un polar pseudo-archéologique familial, à l'image de tant de productions anglo-saxonnes. Mais, une fois n'est pas coutume, j'ai trouvé que F. Lucchini en faisait vraiment trop, dans la peau d'un chercheur fantasque. Les "méchants" m'ont eux aussi paru excessifs, pas très bien campés. Les autres sont plutôt bons, surtout Julia Piaton... et j'ai bien aimé la manière dont le scénario joue des clichés à propos du fils de celle-ci, un adolescent supposé maladroit et inculte, mais qui prend une distance salutaire vis-à-vis de son personnage.

   A son sujet, les amateurs de séries policières françaises auront reconnu Gavril Dartevelle, un habitué des rôles d'ado un peu casse-couilles (mais pas méchant, au fond), en général jeté dans les pattes des enquêteurs vedettes, que sa "djeunsitude" contribue à ringardiser. On a pu ainsi le voir en 2021, dans un épisode de L'Art du crime (Le Testament de Van Gogh, où il incarne l'un des enfants de l'enquêteur principal)...

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   ... puis en 2023, dans un épisode de César Wagner (le neuvième, dans lequel, collégien de 3e... et filleul du médecin de la police, il effectue un stage au commissariat)...

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    ... et très récemment, début 2025, dans un épisode de la dispensable Mademoiselle Holmes (Une Histoire de sœurs, où il incarne, une fois encore, un stagiaire, cette fois-ci de Seconde... et encore fils de flic).

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   Mais revenons à nos moutons. Le début du film m'a mis dans de bonnes dispositions : il s'agit d'une scène de fouilles archéologiques, qui se termine de manière surprenante... et cocasse. J'y vois la malice des scénaristes (et de la réalisatrice), qui nous indiquent qu'ils ne sont pas en train de nous faire un Indiana Jones à la française.

   Autre qualité du film : l'arrière-plan historique a été travaillé. L'intrigue navigue entre l’Égypte antique (celle du pharaon du troisième millénaire avant JC) et l'époque napoléonienne, en particulier l'expédition d’Égypte (1798-1800) et ses conséquences, impliquant le directeur des musées Dominique Vivant Denon (DVD, pour les intimes). Une passionnante chasse au trésor conduit les héros du musée du Louvre à la place de la Bastille, en passant par les égouts de Paris et le château de Malmaison. Cette quête n'est pas sans danger, puisqu'un groupe de trafiquants s'en mêle. Ce n'est pas l'aspect le plus réussi de cette histoire...

   En dépit de ses défauts, j'ai trouvé le film distrayant et intéressant sur le plan culturel. Il aurait été parfait en sortie de Noël.

   P.S.

   L'une des péripéties conduit les héros au cimetière du Père Lachaise, où se trouve le tombeau de Vivant Denon. La statue dont il est surmonté subit une (légère) dégradation... censée expliquer son état réel, actuel !

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   En effet, d'après les photographies que j'ai pu consulter, la main droite de la statue du cimetière ne tient rien (ou alors des fleurs, voire une rose, placées là par une bonne âme). Tel n'est pas le cas du plâtre qui lui a servi de modèle. Si vous voulez savoir quel est cet objet et ce qu'il lui est arrivé, il faut aller voir le film !

21:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

On ira

   L'actrice et réalisatrice Enya Baroux a choisi la tragi-comédie pour traiter de questions très sensibles : le cancer, le choix de sa mort et les relations parents-enfants.

   Dans la première partie de l'histoire domine un ton comique, perceptible dès l'introduction, qui présente les deux principaux personnages, Marie et Rudy, interprétés par la merveilleuse Hélène Vincent et l'incontournable Pierre Lottin (déjà excellent dans En Fanfare, un film quasiment ignoré par les derniers César... mais est-ce réellement étonnant ?). Entre la veuve isolée (mais très maline) et le jeune travailleur social maladroit (mais plein de bonne volonté) va naître une improbable complicité, que le talent des deux comédiens rend crédible.

   J'ai été nettement moins enthousiasmé par le personnage du fils. Pourtant, il est plutôt bien interprété par David Ayala, qui tente de le rendre moins antipathique... mais je dois avouer qu'en dépit d'un scénario généreux, il m'a collé des boutons durant tout le film. Il ressemble trop à un membre de ma famille et je trouve le portrait de départ très chargé : c'est donc un mauvais fils, mais aussi un père lamentable, un ex-mari pathétique... et un auto-entrepreneur ridicule. L'histoire a évidemment pour but de nous montrer une sorte de rédemption... qui met du temps à survenir.

   En attendant Godot ce moment miraculeux, on peut profiter des nombreuses péripéties du film, certaines très cocasses (en général quand P. Lottin est à l'écran), d'autres plus émotionnelles : autour du début de l'adolescence de la fille, et quand il s'avère que la santé de Marie se dégrade irrémédiablement.

   A signaler aussi certains moment totalement inattendus, comme la séquence chez les Gitans, qui rebondit de manière très poétique en toute fin d'histoire.

   Si l'on ajoute à cela de beaux paysages du sud-est de la France et le surgissement, à intervalle régulier, du tube de Desireless (jusqu'au générique de fin, interprété par Barbara Pravi), on peut dire qu'on passe un beau moment, nimbé d'humour au départ, avec les yeux qui piquent à la fin.

vendredi, 14 mars 2025

The Insider

   Le titre "français" du dernier Soderbergh fait allusion au personnage principal, le terne mais redoutablement efficace George Woodhouse (Michael Fassbender, excellent), agent du MI5... mais il pourrait tout aussi bien désigner la "taupe", le traître que le héros est chargé de débusquer parmi la short list des suspects... dont fait partie son épouse Kathryn (Cate Blanchett, impeccable, bien que trop maquillée). Cela nous ramène au titre original du film, Black Bag, une expression utilisée par les espions quand ils ne peuvent pas parler d'un de leurs déplacements, en général une mission ultra-secrète... mais aussi, parfois, un rendez-vous galant qu'il vaut mieux cacher à son (sa) conjoint(e).

   C'est peu de dire que l'intrigue de ce film d'espionnage baigne dans le mensonge, les faux-semblants... et le billard à trois bandes. On met longtemps à comprendre quels ressorts sont à l’œuvre dans cette histoire bien tordue, digne d'un roman de la Guerre froide.

   En attendant de découvrir le fond de l'affaire, on suit George en train de mener sa petite enquête. Les suspects sont tous des gradés du Service. On s'intéresse à leur vie privée, parce qu'elle semble interférer avec leur travail. Mais, comme on est entre gens bien élevés (et qui se connaissent, voire se respectent), on procède avec une certaine délicatesse, sous une apparence de papier glacé. Je dois dire que, même si une scène de repas m'a bien plu, j'ai commencé à piquer du nez... jusqu'à ce que l'une des manipulations se dévoile. On découvre soudain que ce que l'on a vu auparavant n'est pas ce que cela semblait être. Quelqu'un de très habile a joué aux dominos, se contentant de faire tomber la première pièce, déclenchant une cascade de conséquences. C'est brillamment mis en scène... et encore plus stupéfiant quand on comprend que ce sont deux séries de dominos (symboliques) qui ont été mises en branle.

   Dans la seconde partie, le héros tente de remonter le fil de la manipulation. Parmi les séquences marquantes, je relève celle du passage des suspects par le polygraphe, aux dialogues ciselés. J'ai aussi beaucoup aimé le "dîner entre amis", autour d'une table sous laquelle le tapis vient d'être changé...

   Les seconds rôles (Naomie Harris, Pierce Brosnan...) épaulent efficacement les deux vedettes. Ce film fut aussi pour moi l'occasion de revoir la délicieuse Marisa Abela, découverte l'an dernier dans Back to Black.

   Après avoir dû supporter un début un peu poussif, je me suis régalé.

23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Hola Frida

   On doit cette animation picturale française à Karine Vézina et André Kadi. Il y a quelques années, ce duo nous avait offert Dounia et la princesse du désert, qui mêlait l'horreur de la guerre civile syrienne à l'ambiance des contes orientaux.

   Le mélange est aussi la marque de fabrique de ce film-ci, où les personnages ont de grosses têtes (comme dans les mangas... ou chez Mafalda), baignent dans une culture métissée, à la fois occidentale, hispanique et amérindienne (aztèque... ou plutôt mexica et zapotèque). S'ajoutent les références à la vie et l’œuvre de Frida Kahlo, dont on nous présente une partie de la jeunesse, à une époque où elle pouvait encore se déplacer à peu près normalement.

   Je n'ai pas été emballé par l'animation, que j'ai trouvée un peu sommaire... mais très colorée. C'est une explosion kaléidoscopique, qui vise à mettre en relation la vie et l’œuvre de Frida.

   Sur le fond, c'est très intéressant. C'est évidemment un film féministe, sur une gamine aux origines modestes qui voudrait devenir médecin. C'est aussi un film sur les inégalités sociales et sur le surgissement de l'art.

   A destination des enfants, on a conçu des scènes qui évoquent les relations parfois difficiles entre jeunes : incompréhension, moqueries, harcèlement, sentiment de solitude et envie d'appartenir à un groupe. C'est assez subtilement fait, donnant sa chance au personnage du petit con, qui est lui-même en souffrance.

   En toile de fond se trouvent les héritages de la civilisation amérindienne, à travers notamment tout ce qui touche à la mort et à l'au-delà.

   C'est un beau petit film, plutôt destiné au jeune public.

samedi, 08 mars 2025

Julie se tait

   ... et pourtant, elle n'est pas muette. Julie est un grand espoir du tennis belge, scolarisée en sport-études. Elle est sur le point de passer les redoutables sélections nationales, avec, derrière, l'ambition de passer pro, avec le soutien de la fédération de tennis belge. Elle compte sur ses parents, ses amis et son entraîneur, exigeant, qui lui a permis de progresser.

   Mais voilà que celui-ci est suspendu. L'une des joueuses qu'il coache s'est suicidée et d'autres jeunes l'accusent de harcèlement. Une enquête est ouverte, au cours de laquelle tous les athlètes sont interrogés. Julie, réputée proche de l'entraîneur, n'a rien à dire contre lui... parce qu'il n'y a rien à lui reprocher ?... parce que tous deux sont de connivence ?... ou parce qu'elle est sous son emprise ? Il est longtemps difficile de trancher, tant l'impassibilité de la jeune joueuse masque ses sentiments profonds.

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   Il faut donc souligner la qualité de l'interprétation de Tessa Van den Broeck, la révélation de cette fiction présentée à Cannes en 2024. C'est une très bonne actrice... et une joueuse de tennis vraisemblable, d'abord sur le plan physique : elle est mince et athlétique, avec des épaules bien formées, des bras un peu plus épais que la moyenne et des cuisses musclées. Techniquement, elle est au point : quand on la voit s'entraîner (et un peu jouer, en match), elle est parfaitement crédible.

   Cette fiction a donc un aspect documentaire. Elle nous fait découvrir de l'intérieur le monde du tennis de haut niveau, versant espoirs, avec les phases d'entraînement, le rôle des familles, les relations entre jeunes... et les périodes scolaires.

   Il est assez finement suggéré que, dans le lot de celles et ceux qui suivent l'entraînement poussé, très peu ont des chances de faire partie de l'élite, mais que l'école accepte des enfants moyennement doués, issus de familles fortunées, dont les contributions mettent du beurre dans les épinards...

   L'ambiance est assez douce, mais avec une forte tension sous-jacente. L'intrigue bascule dans la seconde partie, après une scène clé. C'est bien écrit, bien filmé, bien joué. C'est l'une des excellentes surprises de ce premier trimestre 2025.

vendredi, 07 mars 2025

Mickey 17

   En vingt-cinq ans, Bong Joon Ho n'a réalisé qu'une dizaine de longs-métrages, parmi lesquels Memories of murder, The Host, Snowpiercer et, bien entendu, Parasite. C'est dire si son nouveau film était attendu.

   Adapté d'un roman, Mickey 17 mêle science-fiction, satire politique, réflexion sur la nature humaine... et humour scabreux. C'est d'abord l'histoire d'un paumé, pas heureux sur Terre, qui s'engage dans la colonisation spatiale sans trop savoir à quoi s'attendre. La peinture de grandes inégalités est mâtinée d'humour, puisqu'on découvre le devenir successif de toutes les précédentes versions de Mickey Barnes... avant de voir débarquer la suivante ! Ce sont donc deux héros (pour le prix d'un) que nous offre ce scénario malicieux, les deux copies conformes (sur le plan physique) se révélant très différentes sur le plan mental.

   Ça a dû être jouissif à jouer pour Robert Pattinson, qui rend crédibles toutes les versions de son personnage. Il faut ajouter qu'il est très bien entouré : Naomi Ackie (récemment vue dans Blink Twice) et la Franco-Roumaine Anamaria Vartolomei (l'ex-Haydée de Monte-Cristo se coulant parfaitement dans l'uniforme d'une policière  bad ass...). A signaler aussi Toni Collette en épouse psychopathe, plus convaincante que Mark Ruffalo, chargé d'incarner une sorte de gourou, mi-politicien mi chef de secte, et qui en fait un peu trop avec son couvre-dents immaculé. Mais c'est aussi conforme au style de Bong Joon Ho, qui aime les personnages excentriques, limite invraisemblables.

   L'intrigue de science-fiction fonctionne bien, en raison de la qualité des décors et des effets spéciaux. Une autre réussite à signaler est celle des énormes insectes peuplant la nouvelle planète, qui réservent pas mal de surprises... Sur le fond, le propos ravira les spectateurs attachés à la défense d'opprimés (humains comme animaux) : c'est suffisamment vague pour n'incriminer personne, et suffisamment habile pour que de nombreuses causes puissent s'y retrouver.

   Le plus étonnant est finalement l'étrange "ménage à trois" qui se met en place dans la seconde partie de l'histoire. Le réalisateur prend ici plus de risques... y compris celui de susciter l'émotion là où on ne l'attend pas.

   J'ai vu le film en version-originale sous-titrée et j'en suis sorti d'excellente humeur.

21:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 05 mars 2025

La Fabrique du mensonge

   Ce long-métrage allemand est centré sur Joseph Goebbels, le ministre de la propagande d'Hitler et sur sa montée en puissance sous le régime nazi, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.

   A priori, cela constitue une proposition cinématographique alléchante (surtout en version originale sous-titrée). Je suis cependant sorti de là très mitigé, pour plusieurs raisons.

   J'ai tout d'abord un problème avec la distribution, en particulier les acteurs chargés d'incarner Goebbels et Hitler, à savoir Robert Stadlober et Fritz Karl. Ils sont trop éloignés de l'image que je me suis faite de ces personnages historiques, tant je les ai vus dans des photographies et des vidéos d'archives. Ainsi, Karl ne fait sentir que très tardivement le déclin physique d'Hitler et il paraît plus jeune (et athlétique) que ne l'était le Führer. De son côté, Stadlober a un visage assez rebondi, presque poupin, alors que le vrai Goebbels avait les traits anguleux et était beaucoup plus laid que l'image qu'en donne le comédien. C'est d'autant plus flagrant que les scènes de fiction alternent avec des extraits de films d'époque... qui d'ailleurs ont plus de force que ce qui a été tourné au XXIe siècle.

   Je ne suis pas non plus enchanté par la manière dont ils incarnent leurs personnages. Hitler passe parfois pour un simple manager du nazisme (je pense que c'est voulu)... et l'aspect cyclothymique de son caractère est très peu présent. Quant à Goebbels, il nous est présenté quasiment comme un cadre commercial (là aussi, c'est sans doute voulu). Fort heureusement, le réalisateur a pensé à évoquer le prédateur sexuel.

   Un autre problème se pose au niveau de la forme : Goebbels parle beaucoup (trop), pour dire ce qu'il fait ou ce qu'il pense, ce qu'aurait dû être capable de suggérer une mise en scène un tant soit peu élaborée.

   Je note tout de même quelques moments savoureux, quand il est question de décrypter la propagande du régime, par exemple dans l'organisation de la remise "spontanée" d'un bouquet de fleurs par un enfant au Führer, ou lorsque sont utilisées des maquettes pour faire croire à une scène de guerre...

   J'ai aussi apprécié quelques piques lancées ici et là, comme le rappel de la critique élogieuse que le jeune Michelangelo Antonioni avait publiée à propos du film antisémite Le Juif Süss... ou la présence, pas toujours discrète, de la cinéaste Leni Riefenstahl dans le premier cercle d'Hitler.

   Ce n'est donc pas totalement inintéressant, mais, au vu du sujet, c'est pour moi une déception.