mercredi, 11 septembre 2024
Le fantôme des égouts ruthénois
La Une de l'hebdomadaire aveyronnais Le Villefranchois du 5 septembre dernier comporte un titre qui n'a pas manqué de piquer ma curiosité :
Lorsqu'on se rend page 9 du journal, on peut lire, sous la plume de Pascal Cazottes, un article relatant cet étrange fait divers, qui s'est déroulé en février-mars 1918, en plein centre-ville de Rodez.
Derrière la cathédrale, au cœur de la vieille ville, au coin de la Place de la Cité, là où commence la rue du Touat (la bien nommée, le mot signifiant "égout" en langue d'oc), un vendredi d'hiver finissant, une voix semblant venir d'outre-tombe a commencé à interpeller les passants. Voici ce qu'en dit le quotidien local de l'époque, Le Journal de l'Aveyron, dans son édition du 17 mars 1918 (page 3) :
Moins d'une semaine plus tard, l'information est reprise dans l'hebdomadaire Le Narrateur, ancêtre du Villefranchois (page 2):
L'article est accompagné d'un poème satirique, le même qui a été auparavant publié dans Le Journal de l'Aveyron. Il est signé Bertrand Bonpunt.
Nos locales follicules
Ont tout récemment cité
Que, Place de la Cité,
Lorsque choient les crépuscules,
A l'heure où des magasins,
Sort la frisque Ruthénoise,
Pour laquelle en rut et noise
Se mettent les fantassins,
Un singulier noctambule
Intrigue de son bagout
Par la bouche d'un égout
Les badauds qu'il accumule ;
Et que, malgré qu'hivernal
Soit le temps, le sieur Tarfume
Depuis huit jours se parfume
En ce lieu sub-vicinal.
Hypothèse et commentaire
Aussitôt d'aller bon train :
Est-ce quelque militaire
Que cache ce souterrain ?
N'est-ce point quelque fumiste
Qui se gausse du bourgeois ?
- Mais non, dit un alarmiste,
C'est quelque espion sournois !
D'un habile ventriloque
Quelques-uns ont le soupçon,
Mais tous battent la breloque
Du fait de ce polisson.
Haranguant notre police
Tel écrit, non sans malice :
« Tant pis pour ces beaux galons
Qui te vont jusqu'aux talons,
Tant pis pour les uniformes !
Il convient que tu t'informes,
Qu'au devoir tu te dévoues
Et poursuives jusqu'aux boues !
A quiconque te débine
Prouve que ta carabine
Ne sort de chez Offenbach :
Plonge-toi donc... au fin bac ! »
Sur le cas chacun discute
Nonobstant que le bon goût
Exige qu'on ne dispute
Ni des couleurs... ni d'égout.
Le mystérieux fantôme de la rue du Touat a disparu aussi brusquement qu'il était apparu... peut-être refroidi par la descente que les gendarmes aveyronnais ont fini par effectuer dans le vieil égout (dont une partie remonte à l'époque gallo-romaine). Aujourd'hui, en raison des travaux qui ont eu lieu aussi bien dans la rue que sur la Place de la Cité (considérablement embellie), à l'endroit signalé (au pied d'une bijouterie), on ne peut plus voir que ceci :
21:48 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, presse, médias, journalisme, occitanie
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