vendredi, 20 avril 2007
Michel Rocard et le mitterrandisme
C'est une vieille histoire, qui prend racine dans les années 1960. Mitterrand a toujours été l'obstacle qui a empêché Rocard de connaître son "destin national" (du moins ce qu'il croyait devoir l'être). Pourtant, Michou a eu plusieurs fois sa chance. La première survient en 1969. Mitterrand, candidat unique de la gauche socialo-communiste en 1965, le "metteur en ballottage" du Général (avec l'aide de Lecanuet toutefois), est grillé. Rocard se présente au nom du P.S.U. et obtient... 3,61 % des suffrages exprimés. Pas mal pour un énarque de 39 ans ! Moins cependant que Gaston Defferre, et ses 5,01 % pour les socialos ancien modèle. Exit donc Rocard, qui voit la stratégie d'unification de Mitterrand porter ses fruits au début des années 1970. La création du P.S. signe la marginalisation du P.S.U. rocardien, qui va finir par faire allégeance au concurrent. Mitterrand est donc à nouveau candidat en 1974. Battu de justesse, mais battu quand même.
La deuxième chance de Rocard vient en 1979-1980 : Mitterrand paraît usé par ses échecs : les présidentielles, mais aussi les législatives de 1978, que la gauche aurait dû gagner. Mais Rocard ne parvient pas à obtenir l'investiture P.S. pour 1981. Mitterrand est élu. Rocard patiente. Arrive 1988. Mitterrand le cancéreux se représente, ruinant les espoirs de Rocard : il balaie Chirac. Toutefois, cela permet à Rocky de devenir Premier ministre. Première étape vers la consécration, pense-t-il : il s'imagine succéder à Tonton. Au bout de trois ans, il doit en rabattre. Mitterrand tente un "coup" médiatique, en nommant Edith Cresson. Tout cela finit en débandade aux élections cantonales, régionales puis législatives.
Rocard se dit que cette fois c'est la bonne ! Il mène la liste P.S. aux européennes de 1994. Pas de bol, Mitterrand lui balance la liste Tapie dans les pattes : 12% pour celle-ci, contre 15,5 % pour celle menée par notre héros. Baudis, pourtant lui aussi handicapé par la liste de Villiers (et dont le manque de charisme n'a rien à envier à celui de Rocard...), le distance largement. Rocard se retrouve exclu de la prochaine présidentielle. Il devait s'attendre à ce que Jacques Delors vienne sortir les marrons du feu, mais celui-ci a manqué de couilles visiblement. J'imagine la réaction de Michou quand il s'est aperçu que c'est Lionel Jospin qui allait reprendre le flambeau : l'héritier présomptif de Mitterrand (avant qu'il n'ait un faible pour Fafa), son rival des années 1990, décroche non seulement la candidature, mais arrive en tête au premier tour ! Même s'il est battu au second, il prend définitivement le P.S. en mains... et bénéficie de la gaffe chiraquienne de 1997 pour arriver au pouvoir (merci les triangulaires avec le F.N. !). Il sera le candidat P.S. en 2002. Hollande est son second, sans doute son poulain. Pour Rocard, c'est fini.
Eh bien, non ! Dans Le canard enchaîné du mercredi 18 avril 2007, un entrefilet nous en apprend de belles ! Des propos de Ségolène Royal sont rapportés : elle réagit à la tribune publiée par Rocky dans Le Monde. Elle révèle alors qu'elle a reçu la visite de Rocard quelques semaines auparavant. Celui-ci, pas gêné, lui aurait demandé de se retirer en sa faveur, lui promettant de la nommer à ses côtés ! Extraordinaire, non ? Je trouve quand même stupéfiant que Michel Rocard, qui a la réputation d'être intelligent, ne se soit pas rendu compte de l'absurdité de sa proposition. Il n'est pas crédible en candidat à la présidence de la République : il est trop vieux, c'est un homme du passé, qui ne suscite aucun engouement dans la population française. Les électeurs n'ont aucune envie de propulser un expert-comptable à l'Elysée ! Mais on retrouve là la manifestation de la sensibilité du personnage : il ne supporte pas qu'une mitterrandienne qu'il juge incompétente (l'est-elle moins que Chirac, Raffarin ou Villepin après tout ?) puisse avoir une chance d'accéder à la fonction qu'il a convoitée toute sa vie...
21:50 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Politique
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