jeudi, 15 janvier 2009
Les Bureaux de Dieu
... En direct du paradis ? Non, du planning familial ! C'est une fiction documentaire de Claire Denis : le scénario et les dialogues sont inspirés de l'expérience de plusieurs centres du planning familial, alors que les situations montrées par le film ont été jouées par de vraies actrices, connu-e-s pour les conseillers-ères, peu connues pour les "patientes".
Il y a une volonté forte de "donner chair" (et rendre hommage) à ces conseillères du planning familial, à travers des comédiennes charismatiques comme Nathalie Baye, Nicole Garcia, Béatrice Dalle, Marie Laforêt, Isabelle Carré, qui, ici, donnent leur nom et leur talent sans trop occuper le devant de la scène, puisqu'elle doivent incarner des personnages dont la principale qualité est l'écoute. On appréciera aussi la participation de Michel Boujenah en médecin paternaliste et d'Emmanuel Mouret en conseiller conjugal stagiaire fougueux et maladroit. (Perso, si le charme de Nathalie Baye ne me laisse pas indifférent, je kiffe à donf Rachida Brakni.)
Vous aller me dire, rien de neuf sous le soleil. En fait, si : face à ces grosses pointures, les acteurs peu connus font en général excellente impression. Bon, il est vrai que parfois, le film se voulant aussi didactique (il véhicule de manière claire des messages sur la contraception, l'avortement ou tout simplement la biologie féminine), des répliques peuvent ressembler un peu trop à des extraits de plaquettes d'information. Mais, au-delà de cette (légère) maladresse, l'interprétation des "patientes" est très bonne.
La première heure passe comme un rêve : on découvre chaque "conseiller", en général face à des cas plutôt classiques : un retard de règles, un conflit mère-fille, la prise de la première pilule pour une mineure, le souci de la virginité dans un couple. On remarque la forte présence de populations à l'ascendance maghrébine, le film posant, avec délicatesse, la question de l'adaptation de moeurs patriarcales à une société permissive (ben la nôtre, quoi).
Vers la fin de la première heure, j'ai senti comme un coup de mou (à moins que ce ne soit ma propre fatigue). Puis ça redémarre, avec une série de cas plus lourds. Il est notamment question d'I.V.G. tardives, voire très tardives, voyage en Espagne à la clé. Il y a celle qui sort d'un asile, qui ne croyait pas pouvoir tomber enceinte, la mineure d'origine portugaise, dont personne ne soupçonnait la grossesse, la femme mariée infidèle prise dans un double piège et la Bulgare très digne, à l'accent fascinant.
La force du film est de faire passer le non-dit : chaque cas recèle des complications qui n'apparaissent qu'avec le dialogue, lui-même porteur de solutions. Nos conseillères en avortement jouent ici un peu le rôle d'accoucheuses socratiques. La mise en scène nous fait davantage toucher du doigt l'intériorité des personnages, la pièce la plus intime étant paradoxalement le balcon (ça, c'est du Claire Denis), où l'on s'isole (ou se réunit) pour fumer. La musique jazzy accompagne le grouillement humain comme les tourments intérieurs. Un chouette film, quoi !
23:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma
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