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Maquia - When the promised flower blooms

   Dans le cadre de la quinzaine japonaise des cinémas CGR (les Saisons Hanabi), j'ai découvert ce film d'animation, dont l'intrigue s'inscrit dans un univers d'heroic fantasy, où l'on perçoit l'influence de l'œuvre de Tolkien. L'action se déroule dans un Moyen Age fantasmé, urbain et rural, avec des châteaux-forts, des chevaliers, des auberges, des marchands et des paysans.

   On y croise des êtres fabuleux, comme les Renatos, sortes de dragons ailés, et le peuple Iolph, à l'extraordinaire longévité : quand les humains vieillissent de 10 ans, eux gagnent l'équivalent d'un ou deux ans. Maquia est l'une d'entre eux. Comme la plupart des femmes de son peuple, elle vit isolée du reste du monde et consacre ses journées à tisser d'impressionnantes étoffes, qui racontent les destins des êtres.

   Cette quiétude est chamboulée par l'intrusion des soldats du royaume voisin, qui massacrent la population pour ne garder que quelques femmes. La meilleure amie de Maquia est dans ce cas, tandis que l'héroïne réchappe par miracle à la tuerie... et s'entiche d'un bébé dont les parents ont été tués.

   A partir de ce moment, l'intrigue se dédouble. On suit Leilia retenue prisonnière au royaume, mariée de force à l'héritier de la couronne, tandis que meurent peu à peu les derniers Renatos, pour une raison mystérieuse. Dans le même temps, Maquia mène sa petite vie de mère célibataire, d'abord à la campagne, où elle se fait des amis, puis en ville. Au bout de quelques années, elle se force à migrer, pour éviter que les humains qu'elle côtoie ne se demandent comment il se peut qu'elle ne vieillisse pas, alors que son bébé devient un enfant, un adolescent, puis un jeune adulte.

   Le fond de l'histoire est donc riche. La jeune Iolph va comprendre pourquoi on leur interdisait de vivre parmi les humains : ceux-ci peuvent se montrer agressifs avec ce qu'ils ne comprennent pas et tout Iolph est destiné à voir rapidement vieillir et mourir les personnes qu'il/elle aime. C'est aussi une réflexion sur la maternité et l'éducation des enfants. Signalons que l'auteur, Mari Okada, est une femme, scénariste de formation.

   Le graphisme n'en est pas moins très élaboré. Certains plans sont une véritable splendeur, comparables à ce qu'on peut voir dans les meilleures œuvres d'Hayao Miyazaki.

   J'ai donc beaucoup apprécié ce film, en dépit de ses longueurs et de l'aspect un peu trop mélo de la seconde partie. Celle-ci est aussi parfois trépidante, avec l'assaut du château principal par des rivaux des kidnappeurs du début.

   Je recommande vivement cette œuvre originale, parfois captivante.

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jeudi, 13 juin 2019 | Lien permanent

Les Enfants de la mer

   Ce film d'animation est l'adaptation d'un manga, par un illustre inconnu, Ayumu Watanabe. Les héros sont trois (pré)adolescents (ni crétins, ni rivés sur leur téléphone portable), une fille et deux garçons. Les parents de celle-ci travaillent dans un parc d'attraction aquatique, qui fascine leur fille depuis son plus jeune âge. De surcroît, elle semble avoir un don pour communiquer avec le monde marin. Par contre, à l'école, la gamine pleine d'énergie ne se fait pas que des amis...

   Un été, au début des vacances, elle rencontre deux garçons très spéciaux, Umi et Sora, deux orphelins qui ont été recueillis par des chercheurs après avoir été élevés par des dugongs. Ils paraissent dotés de pouvoirs surnaturels. (A un moment, le film nous propose une scène éblouissante avec des dugongs, animaux très joueurs et qui manifestent si paisiblement leur affection pour leurs proches.)

   Un mécanisme s'enclenche après le passage d'un météore, qui s'est échoué dans l'océan, à un endroit où la faune marine semble converger, notamment d'extraordinaires baleines qui, dans certaines circonstances, deviennent resplendissantes. La clé se trouve peut-être dans leur chant, étudié par des scientifiques, eux-mêmes chapeautés par des militaires qui aimeraient bien tirer parti de leurs découvertes.

   Vous réalisez donc que c'est d'une grande richesse scénaristique. Le film traite à la fois (évitant la lourdeur comme la superficialité) des problèmes familiaux, de l'intégration à l'école, d'amitié, de la sauvegarde des océans... et de l'origine du monde.

   Au niveau de la mise en images, c'est souvent d'une beauté stupéfiante. On a visiblement beaucoup travaillé les effets autour de l'eau (de l'océan, des piscines, de la pluie... et même des larmes). Soyez aussi attentifs aux (grands) yeux des personnages principaux (et des baleines). Il s'y passe beaucoup de choses. J'ajoute que les décors sont superbes et que les jeux de lumières sont à couper le souffle.

   Le dernier quart de l'histoire tourne au conte philosophique (genre 2001, L'Odyssée de l'espace). La base en est quand même scientifique : la vie sur Terre vient de l'eau et celle-ci est arrivée de l'espace (je fais court). Comme les Japonais ne sont pas monothéistes, ils ne vont pas chercher un deus ex-machina derrière tout cela. Non, l'explication se trouve plutôt dans une forme de panthéisme, parfaitement compatible avec des convictions écologistes.

   Dit ainsi, cela semble peut-être pompeux. Allez voir le film, et vous comprendrez sans peine, grâce aux images.

   Je ne sais pas qui est Ayumu Watanabe (le réalisateur), mais il peut prétendre au titre de digne successeur d'Hayao Miyazaki !

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samedi, 13 juillet 2019 | Lien permanent | Commentaires (1)

Miss Hokusai

   Cette animation japonaise est consacrée à l'un des maîtres de la peinture extrême-orientale (l'auteur de Sous la vague au large de Kanagawa)... et à l'une de ses filles, elle aussi très douée pour le dessin... et qui a contribué à certaines de ses œuvres. L'intrigue se déroule toutefois en 1814, bien avant qu'Hokusai ne réalise la Vague.

   Cette histoire est d'abord une une réhabilitation, celle d'O-Ei, la fille méconnue, restée dans l'ombre d'un père ombrageux et narcissique. On nous la montre dotée d'un caractère bien trempé... et elle en a bigrement besoin, vu la faune masculine qu'elle fréquente au quotidien... à commencer par son père. Cet animé a donc le grand mérite de ne pas chercher à masquer les aspects déplaisants de la personnalité du Maître.

   Il nous offre ainsi un tableau de la condition féminine dans le Japon de l'époque, plus précisément à Tokyo, alors nommée Edo. En ville se croisent sans se mélanger deux principales catégories de femmes : les épouses et les prostituées. Devinez lesquelles sont les plus populaires auprès des artistes... Cela nous vaut toutefois plusieurs portraits saisissants des personnes qui louent leur corps (et leurs talents de divertissement), en particulier celui d'une femme qui dort dans un lit protégé par une moustiquaire très spéciale : elle a pour objet d'empêcher l'ectoplasme de sa tête quitter son corps lorsqu'elle est endormie. A l'écran, la séquence est saisissante et répond à une autre, qui montre les mains et les avant-bras d'Hokusai partir à l'aventure, là aussi durant la nuit.

   De manière générale, l'animation est "propre" sans être exceptionnelle. Les amateurs de l’œuvre de Miyazaki seront peut-être déçus, sauf à l'occasion  de ces séquences oniriques, la première d'entre elles mettant en scène un dragon fantasmagorique, dont Hokusai père et fille vont tenter de fixer l'image sur le papier.

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   C'est le moment de préciser que le réalisateur Keiichi Hara n'est pas un inconnu : on lui doit notamment Colorful, qui témoignait de la même fascination pour la peinture. Cela se voit sans certaines des scènes les plus "bluffantes" : on a réussi à représenter l'acte du dessinateur (ou de la dessinatrice). Cela n'a l'air de rien, mais c'est extrêmement difficile.

   Cette virtuosité est aussi parfois mise au service de l'humour, comme dans cette scène qui voit le chien de la famille et l'un des apprentis d'Hokusai se comporter de manière mimétique :

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   A travers cet exemple et bien d'autres, disséminés dans l'histoire, on retrouve l'intérêt, très présent chez les réalisateurs japonais, pour la représentation des animaux et des phénomènes naturels. Cela contribue à rendre ce film encore plus attrayant. Sa sortie confidentielle n'en est que plus scandaleuse. C'est pour moi l'un des meilleurs films du moment, qui pourtant peine à trouver sa place sur des écrans occupés par quantité de médiocrités.

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vendredi, 11 septembre 2015 | Lien permanent

Le Jour des corneilles

   C'est un (superbe) dessin animé français, qui puise à la fois dans la tradition du conte à l'européenne et dans l'imaginaire de créateurs comme Hayao Miyazaki. L'animation est le résultat du travail d'une équipe franco-belbo-luxembourgo-canadienne.

   L'histoire commence un soir d'orage. Un géant porte un enfant, qu'il se dépêche de cacher dans la forêt. (Cela nous vaut une première scène virtuose, dans un terrier, avec le bébé qui tente de téter une sorte de grosse belette ou de femelle castor.) L'enfant est ensuite récupéré par le géant, qui va l'élever à la dure... lui interdisant de sortir de la forêt, sous peine de disparaître pour toujours.

   Mais... le gamin est curieux... et son père va avoir un accident. A partir de là, l'histoire s'emballe.

   Le titre n'est peut-être pas très bien choisi : les corneilles n'interviennent que dans la deuxième partie du film. Mais elles vont jouer un rôle dans la relation entre le garçon et Manon, la fille du médecin (à qui Claude Chabrol a prêté sa voix, peu de temps avant de mourir).

   Pour moi, ce sont les deux morceaux du film qui se déroulent dans la forêt qui sont les plus réussis. Un grand soin a été apporté au paysage végétal, ainsi qu'aux mouvements des personnages, notamment des animaux. Il y a donc le début, avec la vie autarcique du géant et du garçon. La scène de chasse est brillante. Moins clinquantes, mais magnifiques visuellement, sont les scènes qui voient le garçon dialoguer avec d'étranges personnages, à corps humain tête d'animal. Il rencontre un chat forestier, une biche, un crapaud... Le mystère ne sera expliqué que dans le dernier quart du film.

   Le passage par le village est l'occasion de stigmatiser la bêtise d'une partie des habitants. On en apprend un peu plus sur le passé du géant. C'est surtout le lieu de la rencontre entre le garçon et Manon. Tout ce petit monde va se retrouver dans la maison du médecin, l'hôpital n'étant pas adapté au séjour d'un géant récalcitrant !

   Le retour dans la forêt va donner la clé de l'énigme aux spectateurs qui n'auraient pas encore deviné. On aboutit à une séquence magnifique, dans un recoin secret, avec ce superbe personnage muet de la femme-biche. Mais l'orage approche. Une dernière transformation va faire rebondir l'histoire...

   P.S.

   Le site internet mérite vraiment le détour.

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samedi, 17 novembre 2012 | Lien permanent

La Maison des égarées

   Le titre français de cette animation japonaise (bien que fort poétique) n'est pas tout à fait adapté. Les « égarées » dont il est question sont des personnes (très majoritairement des femmes) perdues, dans tous les sens du terme. C'est une référence au folklore japonais, dont on a l'explication dans la première légende que raconte une mystérieuse grand-mère.

   Mais, avant cela, on découvre un drôle de trio féminin, dans la région de Fukushima. Les conséquences du tsunami sont vivaces. Il ne semble plus y avoir d'homme dans la famille, sauf, peut-être, le père de l'adolescente, qu'elle a fui (ou qu'elle a pu fuir à l'occasion du tsunami). Au départ, la mise en scène laisse entendre que ce sont les liens du sang qui unissent la petite fille (devenue muette suite à un choc émotionnel), l'adolescente et la grand-mère. La suite va nous révéler une situation plus complexe.

   Ce trio finit par trouver refuge dans une vieille maison isolée, sur un escarpement rocheux proche d'un estuaire, pas très loin d'une forêt. Bien retapée, la bicoque devient coquette... et magique. On y entend de d'étranges sons... et des phénomènes inexpliqués s'y produisent.

   Ce sont les histoires racontées par la grand-mère qui vont nous permettre, petit à petit, de percer le mystère. Dans ces moments-là, le graphisme (très propre) du début cède la place à une animation plus tourmentée, de plusieurs styles différents (celui de la première légende s'apparentant -je trouve- au travail de Bill Plympton).

   Surgissent alors les esprits de la nature, comme d'étranges génies des eaux, qui vont aider les occupantes de la maison à comprendre leur environnement... et à lutter contre une menace grandissante. Certains esprits malfaisants sont de retour dans la région. Ils prospèrent notamment sur les peurs des humains. Je laisse à chacun le plaisir de découvrir comment les héroïnes vont les combattre.

   Cette deuxième partie, plus flamboyante au niveau de l'animation, fait immanquablement penser aux œuvres de Hayao Miyazaki, comme Le Voyage de Chihiro et Princesse Mononoké. Shintoïsme et Bouddhisme s'entremêlent dans une histoire qui, au delà d'une apparente simplicité, s'avère plus complexe, plus riche.

   C'est aussi un film qui respire, l'air de la campagne bien sûr, mais aussi le plaisir des choses simples et un certain art de vivre, fait d'une relative lenteur et du sens de l'effort. (On est loin des métropoles occidentales, où sévit la masculinité toxique d'adolescents mal élevés.) Les scènes de cuisine et de repas m'ont terriblement donné faim !

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lundi, 03 juillet 2023 | Lien permanent | Commentaires (3)

La Légende de la forêt

   Il s'agit d'un ensemble de 5 films, 4 courts-métrages et un moyen (le dernier), réalisés par Osamu Tezuka, un des maîtres du manga japonais (mort en 1989). Il s'est notamment fait connaître par la série Astroboy. Ici, il est moins corseté par les exigences des studios et laisse libre court à sa fantaisie.

   "La Sirène" est inspiré du conte d'Andersen. Le dessin n'est pas très élaboré. Le propos est politique. A travers le destin de ce jeune homme amoureux de ce que tout le monde croit être un simple poisson, l'auteur dénonce les sociétés formatées et répressives... comme le fut le Japon dans la jeunesse de Tezuka. On notera les influences occidentales diverses dans la conception du dessin animé. (De manière générale, il semble que le mouvement expressionniste, en peinture comme au cinéma -on pense à Eisenstein- ait inspiré l'auteur.)

   "La Goutte" est, dans le style, assez proche de La Panthère rose et de certains films de Tex Avery. Il est question des affres d'un naufragé, qui mène une quête désespérée d'eau potable. L'histoire, très classique à la base, prend vite un tour surréaliste.

   "Le film cassé" est un hommage à Hollywood, aux premiers films d'animation, à leur côté "bricoleur génial". Cela fourmille d'inventions visuelles (attention, cela peut dérouter les petits, comme l'ensemble des films d'ailleurs). C'est l'histoire d'un cowboy qui sauve sa belle d'une mort certaine. Mais c'est bien plus que cela !

   "Le Saut" est une expérience originale : un film entièrement perçu de manière subjective par les spectateurs, qui sont mis dans la peau de l'être bondissant qui fait le tour du monde. Ses sauts (d'amplitude variée) lui font découvrir une foultitude de pays et de paysages... et le mettent souvent dans des situations délicates. C'est à la fois drôle et touchant.

   "La Légende de la forêt" a donné son nom à l'ensemble. C'est le plus long des cinq. C'est un pamphlet écologiste d'une virulence étonnante pour l'époque. Les bûcherons et l'entreprise de construction sont dépeints comme des monstres. On notera en particulier la volonté du concepteur de donner les traits d'Adolf Hitler au patron du B.T.P.. A travers ce détour européen, Tezuka stigmatise la "modernisation" forcée à laquelle le Japon s'est livré après la Seconde Guerre mondiale. En ce sens, il est un précurseur de Hayao Miyazaki, dont le superbe Princesse Mononoke doit beaucoup à ce film. Ici, le graphisme est très élaboré, tout en restant varié. Le tour de force est d'avoir parfaitement réussi à faire coïncider des pans entiers de la symphonie n°4 de Tchaikovsky avec les éléments de l'intrigue. Cela m'a rappelé un des Bugs Bunny, où l'image est mariée à l'ouverture du Barbier de Séville (l'action se passant évidemment dans un opéra ; pour un court extrait http://www.starzik.com/mp3/titres/The_Rabbit_of_Seville_L...).

   Bah tiens, on peut écouter l' Ouverture à cette adresse :

http://franckmusic.blog4ever.com/blog/lirarticle-267362-1...

   En plus, je termine par un échantillon de Kulture. Elle est pas belle la vie ?

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dimanche, 28 décembre 2008 | Lien permanent

Miraï, ma petite soeur

   J'ai parfois lu et entendu que cette oeuvre révélait au grand public un créateur de la trempe d'Hayao Miyazaki (dont je parlerai bientôt). C'est oublier que Mamoru Hosoda n'est pas un débutant. Cela fait une quinzaine d'années qu'il réalise des longs-métrages, parmi lesquels on peut distinguer Summer Wars, Les Enfants Loups et, il y a trois ans, l'enthousiasmant Le Garçon et la bête.

   D'ailleurs, dès les premières minutes, n'importe quel spectateur peut constater quel est le degré de maîtrise de l'auteur, à travers plusieurs types de plan. Il y a les vues aériennes d'une grande ville portuaire, sans doute Yokohama. Il y a les scènes montrant le gamin faire de la buée sur les vitres avec son souffle, un geste simple mais très difficile à mettre en image. Il y a enfin les premiers instants du bébé à la maison, en gros plan... saisissant.

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   L'histoire s'adresse à la fois aux parents et aux enfants (de différents âges). Le coeur de l'intrigue porte sur la jalousie que Kun éprouve à l'arrivée de Miraï dans la famille. Le gamin, déjà assez capricieux à la base (et jamais puni par ses parents, des intellos "modernes"), va devenir limite insupportable... et se réfugier dans l'imaginaire, croit-on.

   En réalité, le jardin situé dans la cour intérieure de l'habitation est magique. Il va mettre Kun en contact avec l'ancien "prince de la maison" (un grand jeune homme qui est le substitut d'un personnage que je laisse à chacun le plaisir de découvrir), puis sa soeur devenue adolescente, ensuite sa propre mère lorsqu'elle était enfant, son grand-père récemment disparu, enfin une version plus âgée de lui-même.

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   C'est passionnant, d'abord parce que c'est crédible sur le plan visuel (un grand soin ayant été apporté aux détails), ensuite parce que les rencontres effectuées par Kun sont toutes porteuses de sens. Elles lui font comprendre qu'un autre personnage a déjà connu le sentiment de déclassement affectif qui le taraude désormais. Il est aussi amené à voir sa petite soeur sous un autre jour (le gag étant que la version de celle-ci adolescente appelle "grand frère" un gamin de moins de huit ans !). Il va mieux comprendre ses parents (le caractère de sa mère et l'introversion de son père).

   Du coup, quand on est spectateur, on a le choix du personnage auquel s'identifier. On peut se reconnaître dans plusieurs d'entre eux, à différents moments de la vie. Qu'est-ce qu'être parent ? Qu'est-ce que l'enfance ? (dans le Japon d'aujourd'hui... et ailleurs) Le film ambitionne de répondre (avec humour et délicatesse) à ces angoissantes questions.

   PS

   Au niveau de la trame temporelle, à première vue, on pourrait penser qu'il y a un problème de concordance des âges. Kun enfant a au maximum six-sept ans, ses parents étant âgés de 35 à 40 ans. Or, le grand-père est censé avoir vécu (jeune) la Seconde guerre mondiale (et l'un des bombardements massifs de 1945). S'il avait ne serait-ce que 18 ans à l'époque, il ne peut avoir donné naissance à l'un des deux parents de Kun, qui sont nés une trentaine d'année avant celui-ci, donc vers 1980.

   La solution est donnée par un dialogue entre le héros et sa version plus vieille (âgée sans doute de 18-20 ans). Le vrai présent est celui au cours duquel Miraï est devenue ado et Kun un jeune adulte, prenant le train pour suivre ses études à Tokyo. Le présent de la narration (avec Kun âgé de 5-6 ans) est en fait un passé récent (remontant à 12-15 ans). L'action se déroulerait au tout début des années 2000, les parents de Kun étant nés au milieu des années 1960.

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mercredi, 02 janvier 2019 | Lien permanent

Colorful

   C'est un manga, adapté d'un roman japonais. Il est "plein de couleurs" parce qu'il est souvent question de peinture, à travers l'atelier artistique d'un collège, où se rejoignent certains élèves de 3e. C'est aussi une allusion au tempérament des personnages principaux, à plusieurs facettes.

   Au départ, l'histoire ne semble pas alléchante : on ne voit pas le personnage principal, que l'on ne fait qu'entendre. Il croit qu'il est mort. Pas de chance ! Il va devoir intégrer le corps d'un autre garçon, qui vient de se suicider. Voilà qui n'est guère réjouissant. Mais je vous assure que la séquence du "purgatoire" est brillante, souvent drôle. Et l'on se demande qui peut être ce curieux "employé du Ciel", ce garçon en costume-cravate...

   La suite est la découverte de la seconde existence de celui qu'on appelle Makoto Kobayashi. Le réalisateur a tenu à nous montrer la vie quotidienne d'une famille de "Japonais moyens". La façade est jolie (ils ont une maison, un intérieur coquet à défaut d'être luxueux, deux garçons propres sur eux), mais le fond est moins joyeux : le père est un gentil ringard, un brin alcoolique, très pris par son boulot minable ; la mère, qui a eu des faiblesses pour son professeur de danse, est d'une insupportable soumission à la maison ; le frère aîné semble être un jeune homme égoïste et le rescapé Makoto est un enfant gâté.

   Il est surtout décalé par rapport à ceux qui croient le connaître. Il n'a que quelques semaines pour mener à bien sa "mission"... qu'il ne connaît pas, en fait. On sent qu'il doit "réparer" certaines choses. Pour cela, il doit découvrir pourquoi le garçon qu'il remplace s'est suicidé. Il mène donc une petite enquête. Ce qu'il découvre n'est pas toujours joli joli.

   Mais l'âme réincarnée se rebelle parfois. Il veut n'en faire qu'à sa tête. (N'oublions pas que c'est un gamin.) Comme celui qu'il remplace n'avait visiblement pas d'ami, il tente de s'en faire. Il va aussi découvrir sa "famille", les voir sous un autre jour. Une des belles séquences le voit partir à la pêche avec son "père". On peut relever aussi les scènes de repas, vraiment réussies... et qui donnent faim !

   Les Occidentaux seront stupéfaits de découvrir un collège où les garçons portent l'uniforme et les filles la jupe et de grandes socquettes. Mmmm... Les Occidentaux seront peut-être aussi surpris par le respect de certaines convenances, la politesse des protagonistes. Heureux Japon... Du point de vue scolaire, on apprend que les lycées prestigieux sont publics, alors que les bahuts privés semblent appartenir à deux catégories : ceux qui acceptent tous les collégiens, quels que soient leurs résultats, et ceux qui offrent une formation très spécialisée (en arts plastiques, par exemple).

   Le dessin est agréable à regarder. Ce n'est pas du niveau d'un film de Miyazaki, mais cela a été fait avec soin, surtout au niveau des décors. C'est un peu plus limite quand les mouvements se font rapides.

   La fin nous propose un petit retournement... auquel on peut s'attendre si l'on a été attentif. (C'est pas pour me vanter, mais j'avais "intuité" depuis le début !) Je trouve toutefois le film un peu complexe pour des petits. Dans la salle où je l'ai vu, quelques parents n'avaient visiblement pas lu grand chose à son sujet avant d'y emmener leurs bambins. En dépit de la qualité de l'image et de l'intérêt porté aux relations entre ados, certains ont assez vite décroché... et ils n'ont pas dû comprendre certains traits d'humour.

   On peut glaner plus d'informations sur le site dédié.

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dimanche, 20 novembre 2011 | Lien permanent

Yôjinbô

   Ces dernières années, l’œuvre du cinéaste japonais Akira Kurosawa (décédé en 1998) connaît un regain d'intérêt en France. J'ai pu le constater en observant la programmation "patrimoniale" de certains cinémas du sud-ouest de la France et celle des cinémathèques (rétrospectives à celle de Toulouse en 2017 et celle de Paris en 2022).

   La "quinzaine japonaise" qui s'achève en Midi-Languedoc a été l'occasion de reprogrammer, outre des mangas (dont ceux d'Hayao Miyazaki), certains des films les plus marquants de Kurosawa. Ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion de revoir Rashōmon (célèbre pour son intrigue criminelle à plusieurs voix) et Le Château de l'araignée (transposition captivante du Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval).

   Sorti en France sous le titre Le Garde du corps (alors que Le Mercenaire ou Le Nervi aurait été un poil plus adapté), Yôjinbô, comme les deux précédemment cités, s'appuie sur la participation de l'acteur fétiche de Kurosawa, Toshirô Mifune, qui incarne un rōnin, c'est-à-dire un samouraï sans maître... mais pas sans valeurs.

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   Il débarque dans un bourg où dominent deux clans, qui s'affrontent... ou s'entendent pour contrôler les activités les plus lucratives de la région. Alors que l'action se déroule peu avant le début de l'ère Meiji (sans doute dans les années 1850-1860), l'un des dialogues du début, dans lequel un personnage se désole du comportement des "jeunes d'aujourd'hui" et de la course à l'argent facile qui change (en mal) la société traditionnelle, fait sans doute davantage écho à la situation du Japon au tournant des années 1950-1960 (cent ans plus tard, donc), qui amorçait une fulgurante croissance économique, doublée d'une modernisation sans précédent, le tout sous la houlette américaine.

   Très vite, l'étranger, redoutable sabreur, comprend qu'aucun des camps ne vaut mieux que l'autre... sans parler de l'autorité régionale, dont le représentant se révèle particulièrement sensible à la corruption. C'est donc tout seul... ou presque, que le rōnin en quête de cause va se muer en justicier, tentant de monter un clan contre l'autre. Ses tentatives de manipulation sont savoureuses à suivre, parce que, dans un premier temps, elles ridiculisent les sbires aux faciès menaçants, soit qu'ils se révèlent stupides, soit qu'ils apparaissent soudainement trouillards. Mais le fils de l'un des chefs, de retour de la ville avec une nouvelle arme (un révolver), va lui donner du fil à retordre.

   C'est filmé avec un incroyable brio. Kurosawa sait mettre à profit les contre-plongées et les prises de vue obliques. Il a de plus choisi de faire loger son héros dans une auberge d'aspect misérable... mais située au centre du bourg. A travers les planches amovibles qui masquent les ouvertures, on peut observer tout ce qu'il se passe sans être vu.

   Même si le film a un peu vieilli, il constitue un bon divertissement, avec finalement assez peu de moments d'action violente, mais pas mal de malice, des personnages parfois truculents et une musique d'accompagnement qui oscille entre le grandiose et l'ironique. On en vient presque à penser que le duo Leone-Morricone n'a pas inventé grand chose...

   P.S.

   Dans le cinéma où j'ai vu le film (le CGR Lapérouse, à Albi), la séance a été précédée d'une démonstration de sabre, accompagnée d'explications. Ce fut fort instructif... en tout cas plus intéressant que les bandes-annonces et plages de publicité, qui nous été épargnées !

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dimanche, 19 novembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

Le Royaume des abysses

   Cette animation chinoise (que j'ai pu voir, au cinéma de Rodez, en mandarin sous-titré... trop la classe !) puise à de multiples inspirations : chinoises bien sûr, mais aussi japonaises et françaises (les œuvres de Jules Verne).

   Dès l'introduction, on sent la volonté de se calquer sur le modèle japonais qui a réussi : le studio Ghibli. En effet, sur l'un des cartons qui précède le début de l'histoire, on peut voir dessiné un rongeur, emblème de la maison de production chinoise. La conception de l'image rappelle le logo du studio japonais, qui introduit les films d'Hayao Miyazaki.

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   On est rapidement saisi par la qualité de l'animation, la profusion de couleurs, la fluidité des mouvements. Clairement, ce film marque l'arrivée des studios chinois dans la cour des grands. Ils ont désormais les moyens techniques de rivaliser avec Disney-Pixar, DreamsWorks et leurs concurrents japonais (entre autres). Toutefois, à la longue, cette richesse visuelle devient fatigante. Elle n'est pas toujours utilisée à bon escient, selon moi. Ceci dit, sur un très grand écran, c'est très plaisant à voir.

   L'intrigue joue sur un double niveau de lecture. On commence par suivre une famille de classe moyenne, avec deux enfants. On comprend assez vite qu'après départ de sa première épouse, le père de l'héroïne s'est remarié... et vient d'avoir un garçon avec sa nouvelle compagne. Le gamin devient le "petit empereur" de la famille recomposée. La fille aînée, Shenxiu, se sent délaissée, d'autant que sa mère biologique semble avoir coupé les ponts avec sa vie d'avant. La pré-ado est en pleine dépression, ce que presque personne dans son entourage ne remarque. Elle voudrait retrouver sa vie d'avant, surtout la relation forte qu'elle entretenait avec sa mère (qu'elle appelle "Mama" dans la version originale). Une sorte de berceuse sert de leitmotiv à cette relation. C'est je crois une composition d'origine occidentale (au violoncelle), peut-être du Beethoven (ou du Schumann). Au cours d'une croisière, elle se retrouve perdue dans l'océan, où elle pense retrouver sa mère, par l'intermédiaire de créatures fabuleuses. Et c'est parti pour de trépidantes aventures.

   C'est agité, avec de l'humour et un fond de cafard. Shenxiu rencontre un chef restaurateur, capitaine d'un bateau-restaurant amphibie, où le personnel comme les clients sont des animaux aux comportements humains. C'est l'occasion pour le cinéaste de se moquer quelque peu de l'attitude des riches Chinois en vacances (réputés pour leur sang-gêne... un peu comme les Français d'ailleurs). Ils sont représentés comme arrogants, obèses, grossiers... Le chef, quant à lui, utilise ses talents culinaires pour s'enrichir, quitte à profiter indûment des créatures de la mer.

   Deux d'entre elles attirent l'attention : une sorte de poulpe protéiforme, qui se prend d'amitié pour l'héroïne, et le fantôme rouge qui, quand il surgit, se révèle particulièrement menaçant.

   Au bout d'1h30, je commençais à me lasser de la débauche d'effets et d'une petite tendance larmoyante quand s'est produit un coup de théâtre, un twist qui a redonné à tout ce qui précède une saveur supplémentaire. Certes, la fin est un peu trop explicative, jusqu'au générique qui contient des scènes ultérieures, sans doute pour rassurer  le public auquel cette histoire un peu sombre aurait fichu le bourdon. (Allez, je vous le dis : ça se termine bien.)

   Je pense malgré tout que ce Tang Xiaopeng est un réalisateur à suivre.

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jeudi, 22 février 2024 | Lien permanent

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