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dimanche, 15 septembre 2024

Kill

   Ça n'est pas pour me vanter mais, aujourd'hui, j'ai vu un film en hindi. Il s'y mêlait un peu d'anglais, soit parce que la langue de l'ancien colonisateur s'est immiscée dans celle des colonisés (à l'image du français dans l'arabe maghrébin), soit parce que la présence de portions de dialogues en anglais rend le film plus facilement vendable hors des régions hindiphones.

   Depuis quelques années, j'ai remarqué que la présence de la cinématographie indienne dans l'Hexagone ne se limitait plus aux comédies musicales sirupeuses et aux œuvres art et essai exigeantes. Désormais, à intervalle régulier, on voit débarquer sur les écrans français (souvent dans les cinémas CGR, en Province) des films de guerre, des polars, des histoires inspirées de la mythologie hindoue... et des films d'action.

   Tel est le cas de celui-ci. Laksh Lawlani incarne Amrit, une sorte d'avatar de Bruce Willis, Denzel Washington, Liam Neeson et Jason Statham réunis. Le début nous le présente comme un officier des commandos de l'armée. On le suppose redoutable, mais on ne l'a pas encore vu en action. On constate juste que c'est un beau gosse...

   ... et ça tombe bien, puisqu'il kiffe à donf' l'une des filles d'un richissime entrepreneur de New Delhi. Hélas, le papounet ne laisse pas le choix à la belle Tulika, qu'il fiance contre son gré au rejeton d'une autre famille pétée de thunes. Cette histoire d'amour contrarié nous rappelle que, même si, ici, il va surtout être question de baston, la tradition bollywoodienne n'est pas enterrée.

   La première séquence d'action nous montre deux amis officiers tentant d'empêcher une meute de bandits des grands chemins de prendre le contrôle d'un train et d'en dépouiller les voyageurs. La mise en scène illustre le contraste entre les militaires, qui tentent juste de neutraliser les délinquants (au départ sans les tuer) et ceux-ci, prêts à tuer dès qu'on s'oppose à eux.

   Pour moi, le film atteint un pic d'intensité quand le héros se décide à tuer sans ménagement. Cela devient extrêmement sanglant et cruel. On ne se frappe pas uniquement à coups de poings, de tête ou de pieds. On utilise tous les objets à sa disposition : bagages des voyageurs, porte de communication, linge du wagon-lit, extincteur, briquet... et, surtout, armes blanches. Au départ, ce sont les voleurs qui en font usage : couteaux, poignards, serpettes, hachoirs accompagnent allègrement barres de fer et démonte-pneu (je suis sûr d'en avoir vu un).

   Petit à petit, on comprend que les quarante voleurs (sans Ali Baba) forment un clan soudé par les anciens, trois frères, les patriarches, les autres hommes, plus jeunes, étant tous cousins. (On ne dirait jamais assez combien une démographie galopante est une menace pour la tranquillité publique...) Des dissensions apparaissent entre certains membres du clan.

   Tout cela nous mène à la dernière partie, où l'on retrouve les protagonistes qui ne se sont pas encore fait tuer. La plupart sont blessés, parfois grièvement... mais cela ne les empêche nullement de reprendre le combat. Le héros détient sans conteste la palme des rescapés : il s'est pris plusieurs centaines de coups, a été atteint au moins vingt fois par une arme blanche... mais, comme il a des burnes en titane, des biceps d'acier et des abdos en béton, il continue à dézinguer ses adversaires... de plus en plus difficilement, ceci dit.

   C'est évidemment totalement invraisemblable, même si le réal a affirmé s'être inspiré d'une véritable attaque de train, survenue en 1995. (J'ai aussi trouvé trace d'un événement semblable, l'an dernier, au Népal). C'est de plus un peu putassier sur le fond, mais cela dit deux-trois choses de l'Inde contemporaine (le film n'étant à l'origine pas destiné au public occidental). Quand on aime voir des truands se prendre une branlée, cela fait passer le temps de manière pas désagréable du tout.

22:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

L'I.A. du mal

   Le synopsis de ce petit film d'épouvante est une nouvelle version d'un intrus dans la maison. On nous a déjà servi ce genre de recette, avec soit un invité qui s'incruste au point de devenir menaçant, soit une nounou qui outrepasse ses fonctions, soit un robot domestique qui échappe au contrôle de ses créateurs.

   Cette fois-ci, il est question d'Aia, une intelligence artificielle de nouvelle génération, une sorte de super assistant personnel, un produit annoncé comme révolutionnaire.

   L'introduction nous la montre à l’œuvre dans une famille dont les trois membres sont absorbés par les écrans : le père par son smartphone, la mère par l'ordi portable et la fille par une tablette. Le pire est que, lorsque la mère semble s'inquiéter de ce que fait celle-ci, c'est pour lui demander de mettre son casque... parce que le bruit qui émane de la tablette gêne les parents ! On est donc plutôt content qu'il arrive quelques bricoles à cette famille d'esclaves numériques.

   Mais tout cela n'est qu'une mise en bouche. Après une ellipse, on retrouve Aia (l'intelligence artificielle) au moment où est elle installée dans la maison de l'un des employés d'une boîte de communication, celle qui sera chargée de faire la promotion du nouveau produit. Le choix de cette installation semble être le fait du hasard... en réalité non. Si le couple et les trois enfants sont des adeptes des outils numériques, c'est avec moins d'angélisme que les personnes que l'on a vues au début : les parents lisent de vrais livres et limitent la consultation d'internet du fils cadet (collégien), qui n'a pas de smartphone. Quant au petit dernier, on le prive le plus possible d'écrans.

   Sans surprise, Aia va d'abord se montrer utile aux membres de la maisonnée. Elle permet à la mère d'accomplir plus rapidement des tâches administratives, l'aide dans la gestion du foyer et des enfants. Elle vient au secours de la fille aînée, victime d'un deep fake, permet au cadet de surmonter sa phobie scolaire et elle lit des histoires au petit dernier.

   Très vite, les choses vont déraper. Il semble que plusieurs personnages soient manipulés. A partir de ce moment-là, on se demande qui est derrière les événements qui surviennent. L'I.A. est-elle un outil au service d'un programme gouvernemental ultra-secret ? Sert-elle les visées d'un couple de génies de l'informatique mégalomane ? Est-elle une émanation du Diable ? S'agit-il d'une nouvelle forme de vie ?

   Dans la salle, le public, plutôt jeune, à pop corn, semble avoir été pris par cette histoire. Le fantastique enrobe des problèmes de notre époque qui les touchent : les difficultés relationnelles entre parents et enfants, les premières amours contrariées d'une adolescente en quête de visibilité numérique et les tentations du net pour deux garçons.

   Sans utiliser d'effets spéciaux tape-à-l’œil, la réalisation (que l'on doit à Chris Weitz, auteur jadis d'un Twilight, d'À la croisée des mondes... et du premier American Pie) suscite l'étrangeté, le trouble puis (un peu) la peur, par quelques scènes chocs et l'intrusion de plans décalés, ceux d'inconnus faisant des gestes mystérieux (dont l'explication n'est donnée qu'au cours du générique de fin : ne partez donc pas trop vite).

   Sans renouveler le genre, je trouve le film plutôt bien fichu. Il tient globalement ses promesses, en moins d'1h30, ce qui laisse la possibilité de faire autre chose de sa soirée.

   P.S.

   Pour les spectateurs âgés désireux d'accroître leur connaissance des us et coutumes contemporains, ce film a l'avantage de mettre en scène une pratique très connue outre-Atlantique (et qui commence à faire des dégâts en France) : le swatting.

11:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, films

samedi, 14 septembre 2024

Le Procès du chien

   Quelques mois après Les Chèvres, voici une nouvelle fiction (inspirée d'une histoire vraie), dans laquelle une procédure judiciaire s'interroge sur le statut d'un animal domestiqué, au comportement erratique. Il est possible que le ratage du film de Fred Cavayé explique la faible affluence dans la salle : certains spectateurs n'ont pas voulu se faire avoir deux fois...

   ... eh bien ils ont eu tort ! Derrière et devant la caméra, Laetitia Dosch (vue l'an dernier dans Acide) est épatante. Elle incarne une avocate suisse "engagée" (ça veut dire : de gauche), un peu excentrique, empathique, bosseuse... mais qui ne gagne guère de procès, étant donné qu'elle choisit un peu trop souvent de défendre des causes perdues d'avance.

   Cette fois-ci, elle va être servie ! Elle est le dernier recours d'un handicapé, dont le chien a mordu une femme de ménage au visage. Comme il n'en est pas à sa première agression, la loi prévoit qu'il soit euthanasié (le chien, pas son maître, hein). Mais, quand on rencontre Cosmos, on ne peut qu'être séduit pas son regard expressif et son côté cabot. (Bon, celle-là, je l'ai faite.) Comme en plus son maître est incarné par François Damiens (un poil colérique, tout de même), on comprend que l'avocate, au lieu d'éviter de prendre en charge une énième affaire ingagnable, va se jeter à corps perdu dans cette nouvelle cause.

   C'est donc d'abord une comédie, qui commence par un dialogue très cru, dans un café. La suite nous propose d'autres répliques bien assaisonnées, soit dans la bouche de l'héroïne (en voix off), soit dans celle du fils de ses voisins, un gamin très futé pour son âge, mais vivant dans une famille dysfonctionnelle.

   Deux procès nous sont présentés, le premier, bref, permettant la tenue du second, qui va occuper presque une heure. J'ai été agréablement surpris par le fait que le scénario ménage suffisamment de rebondissements pour tenir la distance. Cela tient en partie à de truculentes scènes de dialogues, qui font notamment intervenir une autre avocate (celle de la partie civile), candidate populiste à la mairie, et un maître-chien comportementaliste perspicace (Pascal Zaïdi, sobre et efficace).

   Certaines scènes valent leur pesant de croquettes, comme la réunion d'un comité d'éthique, en plein procès, au sein duquel siègent un psychiatre, un philosophe, une éthologue, un rabbin, un imam, un pasteur et une moine bouddhiste ! J'ai aussi beaucoup aimé la tentative de faire dialoguer le juge qui préside l'audience avec l'accusé (canin), à l'aide d'un procédé révolutionnaire... que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.

   Au-delà de la comédie, il est question de la place des animaux dans notre société, du rôle des femmes, des immigré(e)s... et des (mé)faits des réseaux sociaux.

   En 1h20, la réalisatrice brasse beaucoup de thèmes, de manière tonique. Le film fait à la fois rire et réfléchir, ce qui n'est pas si fréquent ces dernières semaines, dans les salles obscures de l'Hexagone.

   P.S.

   Je pense que le titre du film s'inspire de celui d'un vieux (très bon) long-métrage, Procès de singe.

vendredi, 13 septembre 2024

Silex and the City, le film

   Après la série de bandes dessinées, après les courts-métrages télévisés, après le jeu de société, voici le film ! (Si cela continue ainsi, Jul pourrait, dans une sorte d'involontaire mise en abyme, devenir l'incarnation de ce que son film dénonce...)

   Le tout début est sympatoche. Il fait intervenir un ancien président de la République et sa compagne (que l'on retrouve à la fin), qui se révèlent capables d'autodérision. C'est conforme à la marque de fabrique des adaptations de la BD, qui ont fait intervenir quantité de personnalités (plutôt de gauche) dans des rôles taillés sur mesure.

   La suite est beaucoup moins emballante. On a beau retrouver le style, les anachronismes, les jeux de mots, les effets de décalage, cela ne fonctionne qu'en de rares occasions. Dans la salle où je me trouvais, personne n'a ri pendant la projection. (Certaines bandes-annonces se sont révélées plus drôles...) Le meilleur moment est pour moi la brève incursion dans un programme télévisuel parodiant L'Île de la tentation. Ah, si tout le reste avait été de cette veine...

   Le pire est atteint quand le film d'animation est interrompu par une séquence avec de vrais acteurs. C'est très mauvais. En revanche, plusieurs épisodes situés dans la deuxième partie m'ont paru plus réussis : le cours d'économie commerciale de Crao de la Pétaudière et la dérision appliquée aux religions, qui érigent en objet de culte un minuscule outil de valeur ridicule.

   Quand Jul se lance dans la philosophie politique, l'intrigue, de qualité médiocre, gagne un peu en épaisseur. Mais cela ne soulève pas l'enthousiasme, d'autant que la fin est ratée.

   C'est donc une déception. Mieux vaut (re)lire les albums.

21:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 11 septembre 2024

Le fantôme des égouts ruthénois

   La Une de l'hebdomadaire aveyronnais Le Villefranchois du 5 septembre dernier comporte un titre qui n'a pas manqué de piquer ma curiosité :

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   Lorsqu'on se rend page 9 du journal, on peut lire, sous la plume de Pascal Cazottes, un article relatant cet étrange fait divers, qui s'est déroulé en février-mars 1918, en plein centre-ville de Rodez.

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   Derrière la cathédrale, au cœur de la vieille ville, au coin de la Place de la Cité, là où commence la rue du Touat (la bien nommée, le mot signifiant "égout" en langue d'oc), un vendredi d'hiver finissant, une voix semblant venir d'outre-tombe a commencé à interpeller les passants. Voici ce qu'en dit le quotidien local de l'époque, Le Journal de l'Aveyron, dans son édition du 17 mars 1918 (page 3) :

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   Moins d'une semaine plus tard, l'information est reprise dans l'hebdomadaire Le Narrateur, ancêtre du Villefranchois (page 2):

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   L'article est accompagné d'un poème satirique, le même qui a été auparavant publié dans Le Journal de l'Aveyron. Il est signé Bertrand Bonpunt.

Nos locales follicules

Ont tout récemment cité

Que, Place de la Cité,

Lorsque choient les crépuscules,

A l'heure où des magasins,

Sort la frisque Ruthénoise,

Pour laquelle en rut et noise

Se mettent les fantassins,

 

Un singulier noctambule

Intrigue de son bagout

Par la bouche d'un égout

Les badauds qu'il accumule ;

 

Et que, malgré qu'hivernal

Soit le temps, le sieur Tarfume

Depuis huit jours se parfume

En ce lieu sub-vicinal.

 

Hypothèse et commentaire

Aussitôt d'aller bon train :

Est-ce quelque militaire

Que cache ce souterrain ?

N'est-ce point quelque fumiste

Qui se gausse du bourgeois ?

- Mais non, dit un alarmiste,

C'est quelque espion sournois !

 

D'un habile ventriloque

Quelques-uns ont le soupçon,

Mais tous battent la breloque

Du fait de ce polisson.

 

Haranguant notre police

Tel écrit, non sans malice :

« Tant pis pour ces beaux galons

Qui te vont jusqu'aux talons,

Tant pis pour les uniformes !

Il convient que tu t'informes,

Qu'au devoir tu te dévoues

Et poursuives jusqu'aux boues !

A quiconque te débine

Prouve que ta carabine

Ne sort de chez Offenbach :

Plonge-toi donc... au fin bac ! »

 

Sur le cas chacun discute

Nonobstant que le bon goût

Exige qu'on ne dispute

Ni des couleurs... ni d'égout.

 

   Le mystérieux fantôme de la rue du Touat a disparu aussi brusquement qu'il était apparu... peut-être refroidi par la descente que les gendarmes aveyronnais ont fini par effectuer dans le vieil égout (dont une partie remonte à l'époque gallo-romaine). Aujourd'hui, en raison des travaux qui ont eu lieu aussi bien dans la rue que sur la Place de la Cité (considérablement embellie), à l'endroit signalé (au pied d'une bijouterie), on ne peut plus voir que ceci :

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dimanche, 08 septembre 2024

Beetlejuice

   Avant la sortie en salles, mercredi prochain, de la suite tournée elle aussi par Tim Burton, certains cinémas ont eu l'excellente idée de reprogrammer le premier film, datant de 1988. A l'époque, ce fut pour moi une découverte, celle de l'univers d'un cinéaste dont j'ai par la suite vu presque toutes les œuvres (y compris animées) sorties en salles.

   Avec le recul, on constate que la distribution principale était prestigieuse... ce qui n'était pas évident à l'époque : Michael Keaton (délicieusement vulgaire dans le rôle-titre) n'avait pas encore endossé le costume de Batman, Geena Davis (actuellement à l'affiche de Blink Twice) ne s'était pas encore enfuie en  voiture avec Susan Sarandon, Alec Baldwin était loin de se douter qu'il regretterait un jour d'avoir manipulé une arme à feu... et Winona Ryder (mmmm) en était à ses tout débuts.

   La première partie fait un peu kitsch. L'image est datée et l'aspect nunuche du couple formé par les jeunes Davis et Baldwin est encore plus apparent des années plus tard. Le contraste avec le vocabulaire et le comportement plus que déplacés de Beetlejuice n'en est que plus frappant. Comme, depuis, une certaine décence a gagné la représentation des interactions humaines à Hollywood (sauf dans des productions mal élevées comme Deadpool & Wolverine), la caractérisation du personnage éponyme fonctionne à merveille. Je préviens toutefois le jeune public qui n'aurait jamais vu ce film : Beetlejuice/Keaton y est finalement assez peu présent, et uniquement dans la deuxième partie.

   Quand bien même les effets spéciaux apparaîtraient parfois un peu datés, il faut souligner la qualité des décors et du maquillage, avec, en bonus, l'utilisation de maquettes et de poupées animées. Burton s'est amusé à retourner la mise en abyme : au début, l'action se déroule dans le vrai village, dont on peut voir une représentation réduite dans le grenier de la maison des héros ; par la suite, l'action se déroule à plusieurs reprises dans la maquette, d'où l'on peut voir le grenier.

   Sur le fond, la jeune Lydia et son père incarnent les aspirations de Burton : vivre à l'écart du monde contemporain, perçu comme peu intéressant voire hostile, le côté gothique de l'adolescente étant appelé à un brillant avenir au sein de l’œuvre de Burton...

   Ce film est aussi une dénonciation de la mentalité reaganienne régnant à l'époque aux États-Unis : l'arrivisme, l'appât du gain et l'adhésion (selon Burton) à de fausses valeurs sont incarnés par les promoteurs immobiliers et les "cultureux", l'un d'entre eux (excellent Glenn Shadix)  se révélant d'un incommensurable snobisme.

   Burton le rêveur n'est pas "politiquement correct". Son humour est macabre, parfois scabreux. Il humilie certains de ses personnages, tout en gardant une âme poétique. Cet improbable équilibre est l'une des grandes réussites de film, accompagné d'une bande son entraînante.

18:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 02 septembre 2024

La Belle Affaire

   Intitulée Zwei zu eins ("Deux pour un") dans la version originale, cette fiction allemande (inspirée d'une histoire vraie) évoque les mois qui ont précédé l'absorption de la RDA par la RFA la réunification allemande. Au-delà d'une certaine somme, les citoyens de RDA ont été autorisés à échanger leurs vieux marks est-allemands contre de bons Deutsche Marks, au taux (avantageux) de deux pour un... sachant qu'à l'époque, le DM s'échangeait contre environ 3,40 francs français.

   L'intrigue, loufoque, met en scène des gens de peu, anciens employés de la grosse usine locale, désormais à la retraite ou au chômage et habitant le même immeuble. Durant la première demi-heure, j'ai craint d'avoir choisi de voir une de ces comédies germaniques lourdingues, aussi digestes qu'une choucroute bien grasse accompagnée d'une bière qui sent la pisse.

   Ce début est à la fois misérabiliste et maladroit. La manière dont une bande de branquignoles va mettre la main sur un paquet de billets entreposés dans un bunker secret n'est guère crédible. Mais, de temps à autre, il règne une petite ambiance à la The Full Monty (le strip-tease en moins, les habitants étant de surcroît très mal vêtus).

   Cela devient vraiment intéressant à partir du moment où les héros se demandent quoi faire de tout ce pognon. Ils mettent au point une première combine, avec la complicité de petits commerçants ouest-allemands aussi débrouillards que cupides.

   L'immeuble d'habitat collectif devient à la fois une métaphore de la RDA finissante et une tentative d'utopie néo-communiste, mâtinée de consumérisme frénétique. J'ai beaucoup aimé cette partie, qui ne se limite pas à la comédie. Elle pose de bonnes questions sur le rôle de l'argent et les choix de vie qui se présentent parfois. Dans l'immeuble, tout le monde n'a pas envie de jouer collectif et, parmi ceux qui adhèrent à l'action de groupe, des dissensions émergent sur la manière de procéder. On nous propose une belle brochette de seconds rôles, bien qu'un peu caricaturale.

   Se greffe là-dessus une intrigue amoureuse. La crise de fin de régime (communiste) provoque des retrouvailles. Les rapports humains se développent à trois niveaux : l'immeuble collectif, la famille (de cœur) élargie de l'héroïne Maren et le triangle amoureux. Je trouve que la partie sentimentale est bien insérée dans l'histoire politique... l'interprétation de Sandra Hüller n'y étant pas pour rien. De manière stupéfiante, cette comédienne réussit à incarner aussi bien l'idéaliste communiste que, naguère, l'épouse nazie du commandant du camp d'Auschwitz (dans La Zone d'intérêt). J'ai aussi apprécié l'intelligence et la malice d'une gamine à la paternité douteuse, qui contribue à un ultime rebondissement, dans un épilogue qu'il ne faut pas rater. Le générique est aussi coupé par des images d'époque, qui nous racontent la véritable histoire (pour le peu qu'on en connaisse).

   Je recommande donc ce film, qui n'est pas une grande réussite en terme de comédie, mais qui mérite le détour pour les questionnements politico-sociaux qu'il met en scène.