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mercredi, 23 avril 2025

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère)

   Amah (la grand-mère) habite une vieille maison d'un quartier populaire d'une ville thaïlandaise (Bangkok ?). Elle a trois enfants, tous adultes, et vit seule depuis le décès de son époux, recevant de temps à autre la visite de sa progéniture, rarement accompagnée des petits-enfants.

   L'autre héros de cette histoire est précisément l'un d'entre eux, M, un jeune homme qui s'incruste chez sa mère divorcée, prétendant vouloir gagner sa vie grâce au commerce en ligne... mais passant surtout son temps à jouer en réseau. Il est présenté comme foncièrement égoïste.

   Tout change lorsqu'un cancer est diagnostiqué à la grand-mère (qui, dans un premier temps, n'est pas mise au courant). Comme elle est propriétaire de la maison, tous ses descendants se rapprochent d'elle dans l'espoir d'en hériter... y compris M, stupéfait de voir sa cousine récupérer la demeure du grand-père dont elle était devenue l'aide à domicile.

   Sur ce fond limite nauséabond est construite une savoureuse comédie de mœurs, avec une grand-mère au caractère bien trempé, un fils aîné présenté comme étant sous la coupe de son épouse, un cadet menteur et flambeur et une benjamine méritante, occupant un emploi peu valorisé... avec en plus son fainéant de fils à charge. Celui-ci essaie tant bien que mal de s'imposer comme le soutien au quotidien d'Amah, qui voit clair dans son jeu.

   C'est drôle et subtil à la fois, parce que le film prend le temps de développer chacun des personnages de la famille, tous ayant des qualités et des défauts. Au passage, il convient de préciser qu'il s'agit d'une famille métissée, la grand-mère, d'origine chinoise, ayant épousé un Thaï.

   Pour des Français, il sera sidérant de constater qu'à plus de 70 ans, Amah continue de se lever à cinq heures du matin pour aller vendre son gruau à des travailleurs modestes, sur un trottoir où elle installe son étal. De plus, les soins hospitaliers ne semblent pas, pour la plupart, remboursés par l'équivalent d'une Sécurité sociale.

   J'ai aussi été marqué par le fait que les mêmes problèmes familiaux se posent, en Thaïlande et en France. M et ses deux oncles pensent principalement à l'héritage, ce qui pourrit les relations à l'intérieur de la famille. Les enfants négligent leur mère, qui n'aime rien tant qu'un repas en famille, le dimanche, suivi d'une partie de cartes. Même ça, les enfants ont du mal à le lui offrir.

   Pat Boonnitipat (dont c'est, je crois, le premier long-métrage) filme très bien les intérieurs : le bric-à-brac qui encombre le labyrinthe qu'est la vieille maison d'Amah, l'exiguïté du modeste appartement loué par sa fille et le luxe du logement haut-de-gamme où habite le fils aîné. On respire lors des scènes d'extérieur, au cimetière (où les pratiques sont très différentes de ce qu'on connaît en Occident) et au temple bouddhiste, utilisé de manière consumériste par la plupart des pèlerins, un peu à l'image de Lourdes chez nous.

   Au fur et à mesure que l'histoire se déroule, l'émotion prend le pas sur l'humour... et l'on a parfois les yeux qui piquent. La grand-mère (incarnée par une actrice non-professionnelle, formidable) réserve quelques surprises à sa progéniture, dont une post-mortem.

   C'est peut-être le plus beau film de ce début d'année 2025.