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jeudi, 08 décembre 2005

"Le Monde" et la banlieue

   Dans le numéro daté de jeudi 8 décembre (comme je suis un abonné provincial, je ne l'ai en main que jeudi soir, de retour du boulot, alors qu'à ce moment-là, les Franciliens et les habitants de grandes villes comme Toulouse ou Nancy ont déjà pu acheter en kiosque -et même lire !- le numéro daté de vendredi 9), Ariane Chemin retrace le dernier jour de la vie des deux adolescents morts électrocutés à Clichy-sous-Bois. Ariane Chemin doit travailler à la rubrique "France". Je me souviens plutôt d'articles qu'elle a signés sur des sujets politiques au sens strict (ça a pu évoluer récemment). Il y a plusieurs mois, elle avait publié un livre sur une promotion de Sciences Po Paris, me semble-t-il. Elle a dû passer par là (comme pas mal de personnes qui "comptent" comme on dit... relations trop incestueuses entre les médias, les "managers" et les politiques...). J'ai bien aimé quand "Le Monde" a pris à rebrousse-poil l'opinion toute faite (émise par la direction de la police et le ministre responsable de celle-ci) qui veut que les personnes interpellées à la suite des émeutes seraient très majoritairement déjà fichées par les services de police et de justice. Chiffres à l'appui, l'article du "Monde" montrait qu'au contraire, parmi les incendiaires et caillasseurs arrêtés (d'accord, les plus habiles ont filé entre les doigts de la police... ceux-là étaient fichés sans doute), les néophytes sont majoritaires.

   Je suis moins satisfait de l'article d'Ariane C. . Suivons son fil. Le père de la première victime est éboueur à la Ville de Paris. (Le père de l'autre aussi.) On ne signale pas la profession de la mère, sans doute au foyer. Comme le père d'un autre ado, il semble assez strict. (Très bien ! En plus, cela casse un peu l'image des "parents démissionnaires".) Mais le gamin me semble bien gâté pour un fils d'éboueur. Il possède une playstation, un survêtement qu'il repasse (un bon gars, mais cela veut aussi dire que, s'il en prend soin, il a dû coûter cher... un produit de marque ?) et une paire de Nike (autour de 100 euros sur un site internet de vente à prix cassé). La famille possède visiblement un abonnement à un bouquet de chaînes satellites et un lecteur de dvd récent, puisqu'il lit les DivX (que le jeune s'est fait graver). On est quand même assez à l'aise, ce qui nous éloigne de la vision misérabiliste de la banlieue. Les copains de la deuxième victime l'ont filmé avec une caméra. Là aussi, pas de misère en vue. Je pense que la journaliste n'a cité ces détails que pour rendre compte du vécu de ces jeunes (ça fait vrai). Elle aurait pu prendre un peu plus de recul... y compris sur d'autres éléments.

    Ainsi la deuxième victime voulait rentrer au plus vite chez ses parents et surtout éviter une interpellation par la police de peur d'être envoyé en Tunisie (au "bled" qui plus est), d'où est originaire son père et où il est sans doute né. On ne vit donc pas si mal que cela en France, dans la banlieue. De surcroît, on pourrait s'attendre à ce qu'une femme journaliste s'attarde un peu sur le sexisme à l'oeuvre. Elle écrit bien "Il fait beau. Tout le monde traîne dehors, c'est-à-dire tous les garçons." Quid des filles ? Pourquoi les mecs seraient-ils autorisés à davantage faire de conneries ? A. Chemin reste en surface. Par contre, quand il s'agit d'établir les responsabilités des policiers, l'article est très fouillé. On s'oriente visiblement vers de la "non assistance à personne en danger". J'apprécie ce travail d'enquête (et d'interprétation), mais il est unilatéral. Ce n'est pas ce que l'on attend d'un(e) journaliste impartial(e).

19:10 Publié dans Presse, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société

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