dimanche, 27 octobre 2024
Barbès, little Algérie
Cette fiction à caractère autobiographique a pour cadre un quartier du nord de Paris (essentiellement dans le XVIIIe arrondissement), quartier qui porte le nom d'un militant républicain du XIXe siècle, Armand Barbès. Pour les touristes et les Provinciaux de passage, le nom Barbès évoque surtout une station de métro : Barbès-Rochechouart. Le quartier est réputé multi-ethnique, à tel point que, lorsque, comme l'auteur de ces lignes, il vous est arrivé, il y a des années de cela, de vous balader dans les rues proches de la station de métro, il a fallu attendre longtemps avant de croiser une autre personne "blanche" !
Dans la première partie, le réalisateur veut mettre en valeur cette diversité (de moins en moins maghrébine, de plus en plus subsaharienne, à ce qu'on m'a dit). Il le fait de manière très maladroite, avec des acteurs visiblement souvent non-professionnels... et ça se sent (en particulier au niveau de l'interprète principal). De ce naufrage je sauverai toutefois Adila Bendimerad (qui incarne une commerçante au caractère affirmé), Eye Haïdara (dans le rôle d'une mère de famille indépendante) et Khaled Benaissa (qui interprète Préfecture, sorte de Huggy-les-bons-tuyaux franco-algérien).
Sur le fond, je suis aussi très partagé. La première demi-heure est clairement marquée par une ambiance anti-flics. Français d'ascendance africaine, étrangers en situation régulière et immigrés clandestins sont (presque) tous montrés comme victimes de violences policières. Il est vrai que les forces de l'ordre n'ont pas la tâche facile : poursuivre les auteurs de vol, lutter contre le trafic de drogues... et faire respecter horaires de confinement et port du masque (ambiance covid).
C'est dans ce domaine que la mise en scène est particulièrement farfelue : les personnages portent ou pas de masque, pratiquent ou pas les fameux gestes barrières, parfois lors de la même scène, sans que leur comportement obéisse à la moindre logique. Il y a clairement défaillance au niveau de la direction d'acteurs.
Toutefois, je trouve qu'au fur et à mesure que le film avance, le propos s'affine. Le héros, qui, au début, cherche à se procurer rapidement de quoi s'adonner à la fumette, finit par éviter le petit monde des trafiquants. Il est montré par le réalisateur comme un homme cherchant à faire le bien, un "bon musulman". Je commençais à redouter que cela ne tourne au conte de fées... lorsqu'une rupture de ton est intervenue. Elle a beau être assez mal jouée, elle redonne du tonus à l'intrigue et de la profondeur à ce portrait de quartier.
Au final, c'est tout de même décevant. Les belles idées ont besoin de qualités professionnelles pour donner de bons films.
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samedi, 05 octobre 2024
Les riches de l'Aveyron
Un article du quotidien aveyronnais Centre Presse, mis en ligne ce matin, a attiré mon attention. S'appuyant sur les données fiscales de 2022-2023, Quentin Marais a établi un palmarès des communes (15 sur 285) où résident le plus grand nombre de ménages ayant le revenu fiscal le plus élevé (supérieur à 100 000 euros par an) :
Sans surprise, Rodez arrive largement en tête, avec 352 foyers fiscaux ayant déclaré, en 2023, un revenu annuel 2022 supérieur à 100 000 euros. Ce classement m'est apparu trompeur, puisque le podium, comprenant Rodez, Millau et Onet-le-Château, est constitué des trois communes les plus peuplées du département (d'après l'INSEE) ! Je me suis donc mis en tête d'affiner la comparaison. Voici ce à quoi je suis arrivé :
(cliquer sur le tableau pour l'agrandir)
Dans un premier temps, j'ai comparé le nombre de foyers très riches à la population municipale de chaque commune. Je n'ai pas calculé des pourcentages, notamment parce que cela m'aurait conduit à mélanger des chèvres (des foyers) avec des choux (des comptages individuels d'habitants). J'ai préféré calculer des ratios, en divisant le nombre d'habitants par le nombre de foyers très riches.
Cela donne un classement très différent. Plus le résultat est bas, plus le poids des foyers très riches est important dans la population communale. Le trio de tête est composé de Salles-la-Source (où la population est 47 fois plus nombreuse que le nombre de foyers fiscaux très riches), Rodez (69) et Olemps (70), trois communes de l'aire urbaine de Rodez.
Cela ne me satisfaisait pas complètement. Il m'est apparu plus pertinent encore de calculer la part que représentent ces foyers très riches dans le nombre total de foyers de chacune de ces communes. J'ai trouvé ces données sur un site gouvernemental. Les résultats (nombre total de foyers fiscaux et pourcentage de foyers très riches) figurent dans les deux dernières colonnes du tableau figurant plus haut dans ce billet.
Salles-la-Source arrive de nouveau en tête : 3,9 % des foyers fiscaux y ont déclaré, en 2023, plus de 100 000 euros de revenus. Elle précède Druelle-Balsac (2,6 % de foyers à très hauts revenus) et Sébazac-Concourès (2,4 %). Pas très loin derrière se trouvent Olemps et Rodez (2,3 %), puis Onet-le-Château et Flavin (2,2 %). Ces sept communes sont situées dans l'aire urbaine de Rodez.
Sur la carte des communes aveyronnaises ci-dessus, j'ai colorié ces sept communes en rouge, marquant en jaune les huit autres composant le groupe des quinze mis en valeur par l'article de Centre Presse.
Je reconnais que cette analyse comporte au moins deux défauts. Tout d'abord, je n'ai pas calculé le pourcentage de foyers ayant déclaré un revenu élevé pour toutes les communes aveyronnaises. Je pense que d'autres pourraient se glisser dans le top 15.
Enfin, pour mesurer la richesse des foyers, il faudrait, en plus des revenus (déclarés), tenir compte du patrimoine (mobilier comme immobilier).
15:01 Publié dans Aveyron, mon amour, Economie, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : médias, presse, journalisme, économie, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, occitanie, société
samedi, 21 septembre 2024
Les Barbares
Qui sont les barbares ? Les migrants moyen-orientaux, dont certains meublent assez régulièrement la chronique des faits divers, en Europe ? Ou bien ces Français en apparence bien comme il faut, mais dont le fond sent un peu (beaucoup ?) le moisi ? Julie Delpy s'est lancée dans une entreprise casse-gueule, avec ses qualités et ses défauts, tant et si bien que j'ai été amené à rédiger (comme, naguère, avec Belle et Sébastien, Elvis et L’Étoile de Noël) non pas une, mais deux critiques de ce film.
ON COMMENCE AVEC LA CRITIQUE FAVORABLE
Dans son dernier film, Julie Delpy met toute sa malice et son ironie au service d'un propos universaliste.
Ainsi, chacun des cinq actes qui constituent Les Barbares est introduit par la vue d'une peinture classique, représentant des hommes en train de commettre des crimes. Mais ces assassins ressemblent bien peu aux réfugiés qui vont être l'objet de la suspicion des Paimpontais.
La famille qui débarque en Bretagne ne correspond pas aux stéréotypes racistes concernant les migrants. Elle est issue de ce qui fut la classe moyenne syrienne (avant la guerre civile) : le père est architecte, son épouse décoratrice d'intérieur (ou graphiste, je sais plus), la sœur médecin, le grand-père se distinguant par son goût prononcé pour la poésie. Quand j'aurai ajouté que la fille ainée du couple est joueuse d'échecs, vous aurez compris que le scénario ne mise pas forcément sur le misérabilisme pour apitoyer les spectateurs.
Ces bourgeois cultivés sont victimes (entre autre) de déclassement social. Le contraste est fort avec les habitants du village, pas d'un niveau social et culturel aussi élevé... mais qui se croient plus "civilisés". Le fossé est élargi par le fait qu'au lieu d'Ukrainiens victimes de la guerre déclenchée par la Russie de Vladimir Poutine, ils accueillent une famille musulmane du Proche-Orient.
Celle-ci est très bien incarnée. Ziad Bakri excelle à faire ressentir à la fois la fierté et la fragilité du père, tandis que Rita Hayek interprète à la perfection une jeune femme à la fois brillante et brisée.
De manière générale, Julie Delpy réussit ses scènes de couple, qu'elles soient entre les Français, entre les Syriens... voire entre Français(e) et Syrien(ne). Elle introduit de la légère dans la gravité.
On rit donc souvent, soit des incompréhensions mutuelles, soit de la beauferie de certains hommes (la palme revenant à Laurent Lafitte, crédible en plombier raciste), soit de la maladresse de quelques femmes. Notons que la réalisatrice ne s'est pas attribué le plus beau rôle. Elle est certes motrice dans l'action, mais souvent un peu ridicule, en vieille fille dévouée corps et âme à ses causes progressistes. J'ai aussi beaucoup apprécié les interventions d'Albert Delpy (le papa de Julie), plutôt bien dirigé par fifille dans cette œuvre-ci.
Le scénario milite pour le "vivre ensemble", tout en pointant les petits (et grands) défauts de chacun. On passe un bon moment, tout en réfléchissant.
ET VOICI LA CRITIQUE DÉFAVORABLE
La comédienne franco-américaine Julie Delpy nous livre une œuvre militante, qu'on pourrait qualifier de propagande.
Elle nous brosse un portrait caricatural d'une France profonde (qui serait) patriarcale et gangrenée par le racisme. Aucun des personnages qui émettent des réserves quant à l'accueil de réfugiés syriens n'est présenté de manière positive.
Ainsi, on peut percevoir comme un mépris de classe dans la manière dont la résidente d'une banlieue chic (et bobo) de Los Angeles dépeint des Français (très) moyens. Du maire macroniste aux identitaires bretons, en passant par le plombier, le charcutier et l'épicier, il semble n'y avoir pas grand chose à sauver. J'ajoute que certains portraits de femmes sont embarrassants. Delpy utilise le charisme d’Émilie Gavois-Kahn pour présenter une charcutière infidèle et pas subtile, tandis qu'India Hair est chargée d'incarner l'épouse soumise et un peu stupide du plombier. (Elle ne s'exprime de manière un peu élaborée qu'à partir du moment où elle s'émancipe de l'emprise de son mari.) A l'inverse, les personnages interprétés par J. Delpy et Sandrine Kiberlain, au-delà de la pointe de ridicule qui les caractérise, sont les plus sympathiques. Un peu trop souvent, on s'aperçoit que Julie a laissé tomber la dentelle et qu'elle filme avec des moufles.
Concernant la famille syrienne, on nage en plein politiquement correct. Aucune femme de cette famille musulmane (dont certains membres estiment que Bachar El-Assad est pire que Daesh) ne porte le voile (une hypothèse envisagée par la réalisatrice, mais à laquelle elle a fini par renoncer). Et, quand on apprend que l'un des membres de la famille, qui n'a pas pu fuir la Syrie, a mal tourné, ce n'est pas parce qu'il aurait rejoint l’État islamique, mais parce qu'il s'est engagé dans l'armée du dictateur syrien ! On semble avoir voulu éviter à tout pris que la moindre tache ne souille le portrait de famille.
Le summum est atteint lors de la séquence à la plage, pour laquelle Julie chausse ses gros sabots. On sent venir la principale péripétie (et sa conclusion) à des kilomètres.
Le film semble exercer une sorte de chantage sur ses spectateurs. Si l'on est du côté du Bien, on doit forcément adhérer aux propos de la cinéaste. Sinon, c'est qu'on fait partie de la troupe d'individus pathétiques qui nous a été présentée.
16:48 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
samedi, 14 septembre 2024
Le Procès du chien
Quelques mois après Les Chèvres, voici une nouvelle fiction (inspirée d'une histoire vraie), dans laquelle une procédure judiciaire s'interroge sur le statut d'un animal domestiqué, au comportement erratique. Il est possible que le ratage du film de Fred Cavayé explique la faible affluence dans la salle : certains spectateurs n'ont pas voulu se faire avoir deux fois...
... eh bien ils ont eu tort ! Derrière et devant la caméra, Laetitia Dosch (vue l'an dernier dans Acide) est épatante. Elle incarne une avocate suisse "engagée" (ça veut dire : de gauche), un peu excentrique, empathique, bosseuse... mais qui ne gagne guère de procès, étant donné qu'elle choisit un peu trop souvent de défendre des causes perdues d'avance.
Cette fois-ci, elle va être servie ! Elle est le dernier recours d'un handicapé, dont le chien a mordu une femme de ménage au visage. Comme il n'en est pas à sa première agression, la loi prévoit qu'il soit euthanasié (le chien, pas son maître, hein). Mais, quand on rencontre Cosmos, on ne peut qu'être séduit pas son regard expressif et son côté cabot. (Bon, celle-là, je l'ai faite.) Comme en plus son maître est incarné par François Damiens (un poil colérique, tout de même), on comprend que l'avocate, au lieu d'éviter de prendre en charge une énième affaire ingagnable, va se jeter à corps perdu dans cette nouvelle cause.
C'est donc d'abord une comédie, qui commence par un dialogue très cru, dans un café. La suite nous propose d'autres répliques bien assaisonnées, soit dans la bouche de l'héroïne (en voix off), soit dans celle du fils de ses voisins, un gamin très futé pour son âge, mais vivant dans une famille dysfonctionnelle.
Deux procès nous sont présentés, le premier, bref, permettant la tenue du second, qui va occuper presque une heure. J'ai été agréablement surpris par le fait que le scénario ménage suffisamment de rebondissements pour tenir la distance. Cela tient en partie à de truculentes scènes de dialogues, qui font notamment intervenir une autre avocate (celle de la partie civile), candidate populiste à la mairie, et un maître-chien comportementaliste perspicace (Pascal Zaïdi, sobre et efficace).
Certaines scènes valent leur pesant de croquettes, comme la réunion d'un comité d'éthique, en plein procès, au sein duquel siègent un psychiatre, un philosophe, une éthologue, un rabbin, un imam, un pasteur et une moine bouddhiste ! J'ai aussi beaucoup aimé la tentative de faire dialoguer le juge qui préside l'audience avec l'accusé (canin), à l'aide d'un procédé révolutionnaire... que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.
Au-delà de la comédie, il est question de la place des animaux dans notre société, du rôle des femmes, des immigré(e)s... et des (mé)faits des réseaux sociaux.
En 1h20, la réalisatrice brasse beaucoup de thèmes, de manière tonique. Le film fait à la fois rire et réfléchir, ce qui n'est pas si fréquent ces dernières semaines, dans les salles obscures de l'Hexagone.
P.S.
Je pense que le titre du film s'inspire de celui d'un vieux (très bon) long-métrage, Procès de singe.
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vendredi, 23 août 2024
Blink Twice
Slater King est un milliardaire de la tech, qui tente de se racheter une conduite. Le brillant jeune homme (Channing Tatum, excellent), un poil arrogant, au management un peu autoritaire et dont on sent qu'il n'a pas toujours été très correct avec les dames, a décidé de devenir un type bien. Il suit une thérapie et se ressource régulièrement sur une île paradisiaque des Caraïbes, où l'on vit frugalement, sans smartphone, où l'on mange bio et où l'on se respecte. De temps à autre, il y invite quelques amis... et de jolies jeunes femmes.
Deux d'entre elles se sont tapé l'incruste lors d'une soirée consacrée au tycoon, sur le continent. Ce sont des employées de la société qui gère l'événement, mais elles font tout pour se rapprocher des vedettes... et se font remarquer... puis inviter sur l'île. Au départ, tout semble merveilleux, mais, petit à petit, Frida commence à avoir des pertes de mémoire et remarque des trucs bizarres... jusqu'à la disparition d'un invité dont personne d'autre qu'elle ne semble se souvenir.
Même si j'estime ces deux premières parties un peu trop longues, je trouve que la progressive montée en tension (liée notamment à l'étrangeté grandissante de la situation) est maîtrisée. Il y a du Shyamalan (première époque) dans ce film de Zoé Kravitz... en tout cas plus que dans le récent Trap. J'y vois aussi une pincée d'ambiance lynchienne (à la Twin Peaks), pas uniquement en raison de la présence de Kyle MacLachlan dans la distribution.
On attend évidemment que l'apparente ambiance paradisiaque vole en éclat et, quand cela arrive, on n'est pas déçu. Petit à petit, la vérité se fait jour, avec une deuxième couche concernant l'un des personnages, marqué par une discrète cicatrice, antérieure à son séjour dans l'île.
Du coup, je trouve que ce film de genre est bien maîtrisé, avec en sous-texte un brûlant sujet de société sur lequel je ne peux m'attarder, sous peine de trop déflorer l'intrigue...
... MAIS J'EN DIS PLUS CI-DESSOUS.
NE LISEZ SURTOUT PAS LA SUITE SI VOUS COMPTEZ VOIR LE FILM.
CELA RISQUE DE VOUS PRIVER D'UNE PARTIE DU PLAISIR.
Blink Twice est un film Metoo. Ce n'est pas tant le monde de la tech qui est dépeint que, par métaphore, celui du cinéma... et ce qu'il impose aux femmes en général, aux actrices en particulier.
Les hommes sont donc (presque) tous des prédateurs... et blancs (gros défaut du film, qui exonère les mâles issus des "minorités visibles" des comportements sexistes). La petite nuance porte sur l'un des mecs, qui ne participe pas, mais qui se tait et préfère oublier. A travers lui, Kravitz dénonce la passivité de certains acteurs ou réalisateurs hollywoodiens, qui ont fermé les yeux sur les déviances d'Harvey Weinstein, tant que cela ne les touchait pas de près.
La contexte des comportements prédateurs pourrait aussi faire allusion à l'affaire Epstein, même si l'intrigue se concentre sur des femmes majeures.
Enfin, il y a le cas du personnage de Stacy, la sœur de Slater, qui en sait plus qu'elle ne le dit et qui se fait la complice de l'entreprise de prédation de son frère. Elle est incarnée par Geena Davis, une comédienne investie dans la défense des droits des femmes, mais, surtout, une femme de la "génération d'avant". Je pense qu'à travers ce personnage, la réalisatrice pointe (selon elle) la responsabilité partielle de ces actrices qui n'ont pas été victimes des violences sexuelles (parce qu'elles étaient intouchables, protégées par un compagnon, aptes à se défendre... ou tout simplement très prudentes), mais se doutaient de ce qui se passait dans certaines chambres d'hôtel. Le film met en avant la sororité, cette solidarité féminine qui aurait peut-être permis d'éviter certains comportements scandaleux.
Ce petit film de genre, en apparence assez lisse, est donc au final plus profond qu'il n'en a l'air, un peu à l'image du Get out de Jordan Peele il y a quelques années.
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samedi, 13 juillet 2024
Sons
Comme le titre l'indique, dans ce film, il est question de fils, mais aussi de mères. C'est l'une d'entre elles qui se trouve au cœur de l'intrigue, une gardienne de prison prénommée Eva. La première partie, quasi documentaire, nous la montre dans son élément (jamais en dehors de son lieu de travail), dans le quartier réservé à des prisonniers plutôt fragiles sur le plan psychologique et condamnés à de courtes peines. Outre son activité de surveillance et de "gestion des flux", Eva donne des cours de yoga et fait du soutien scolaire, pour des jeunes hommes dont il est légitime de penser que la détresse sociale les a poussés dans la délinquance.
La caméra suit au plus près le personnage principal, incarné par Sidse Babett Knudsen, absolument formidable, qui casse un peu son image à l'occasion de ce film.
Tout change lors de l'arrivée d'un convoi de détenus réputés dangereux. Ils sont destinés à occuper le quartier de haute sécurité, la partie de la prison la plus fermée vis-à-vis de l'extérieur, où les gardiens rencontrent souvent des problèmes. Eva semble reconnaître l'un des arrivants et demande à être affectée dans le QHS. On ne sait pas pourquoi, le personnage étant du genre mutique... et un peu menteur, comme on le découvre à cette occasion.
Dans le QHS, l'ambiance est totalement différente de celle de l'unité 5, où elle travaillait auparavant. On change donc d'univers... et Eva change aussi sous nos yeux. On ne met pas très longtemps à comprendre qui est pour elle ce nouveau détenu, sujet à des épisodes violents. (Il est très bien interprété par Sebastian Bull Sarning.)
C'est ici que le film se fait original, en tout cas très différent de ce que pourrait donner la même histoire traitée par un cinéaste français. Je signale que le réalisateur, Gustav Möller, est l'auteur de l'excellent The Guilty, sorti en salle il y a six ans de cela.
Pour une œuvre qui pourrait passer de prime abord comme quasi documentaire, la caméra se fait relativement inventive. Il faut se méfier de ce qui nous est montré en tout début de scène. Parfois, quand la caméra commence à bouger (après un début en plan fixe), on découvre que le personnage n'est pas seul dans la pièce ou que la situation est différente de ce qui nous a été d'abord suggéré. Il y a aussi un travail sur le rapport entre l'image et le son.
Sur le fond, le film sort des sentiers battus de la "bien-pensance".
ATTENTION !
DIVULGÂCHAGE !
Sur ce genre de sujet, la vulgate moralisatrice nous présenterait une héroïne se rapprochant du détenu et des liens amicaux finissant par se nouer entre deux êtres qu'au départ tout sépare... Que nenni ! Eva la polie, Eva la respectueuse, Eva l'affectueuse va chercher à... se venger. C'est l'occasion pour le cinéaste de nous montrer de quelle capacité de nuisance dispose une employée de la pénitentiaire... mais aussi qu'entre ces murs, les rapports de force sont complexes... et qu'ils peuvent s'inverser.
On est donc loin d'un film "politiquement correct". Il n'en est que plus fort.
10:21 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
lundi, 24 juin 2024
Le seul buteur français de l'Euro 2024...
... ne joue pas pour l'équipe de France. Étonnant, non ? Pourtant, me direz-vous, en deux matchs, les Bleus ont pourtant bien inscrit un but (contre l'Autriche, lors de leur première rencontre). Sauf que c'était un but contre son camp, du défenseur autrichien Maximilian Wöber (sur un centre de Kylian Mbappé) :
Contre les Pays-Bas, le compteur des Bleus est resté vierge... mais, dans le même temps, celui de la petite équipe de Géorgie s'est animé. Elle se trouve dans le redoutable groupe F, en compagnie du Portugal, de la Turquie et de la Tchéquie.
En deux matchs (défaite contre la Turquie puis nul contre la Tchéquie), la Géorgie a marqué deux buts, par le même joueur, un certain Georges Mikautadze, né à Lyon en 2000... et doté de la double nationalité, française et géorgienne. Il a été naturalisé français en 2005, en compagnie de sa sœur aînée et de son frère :
Il a fait les beaux jours du FC Metz (aujourd'hui relégué en Ligue 2).
Contre la Turquie, il a égalisé grâce à un ballon passé par un trou de souris, avant que son équipe ne soit finalement débordée par une séduisante formation turque. Contre la Tchéquie, il a en revanche ouvert le score, sur pénalty.
J'ajoute que l'équipe géorgienne est entraînée par un certain... Willy Sagnol, ex-joueur français (finaliste malheureux de la Coupe du monde 2006).
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samedi, 22 juin 2024
Tehachapi
Jusqu'à il y a peu, "JR", pour moi, c'était le gros méchant de la série Dallas (excellemment interprété par le regretté Larry Hagman). Je me suis laissé tenter par ce film en raison de son sujet : l'intervention d'un "artiste de rue" dans une prison de haute sécurité, aux États-Unis... et ses suites.
Tehachapi est l'autre nom de la California Correctional Institution, située dans la ville du même nom (en Californie donc). Ce centre de détention est réputé être l'un des plus durs du pays. Y sont incarcérés des criminels jugés particulièrement dangereux, dans un complexe organisé en quatre niveaux, du 1 (le moins rude, pour les détenus plutôt calmes) au 4 (pour les détenus les plus turbulents). Jusqu'à il y a peu, ce niveau comportait des cellules-cages, installées dans une cour. Certains des personnages interrogés dans le documentaire y ont été enfermés.
Au départ, le projet de JR était de contribuer à la réhabilitation de certains condamnés réputés incurables, volontaires, en les faisant participer à la création d'une fresque photographique temporaire, complétée par un site internet. Cette première demi-heure est passionnante, de la rencontre entre l'artiste et les détenus au collage des énormes bandes de papier (dans l'une des cours de la prison), en passant par la prise de photographies et les premiers entretiens.
Petit à petit, on découvre cette étrange "faune", composée principalement de membres de gangs (soit dès avant la prison, soit depuis leur incarcération, pour se bâtir une protection) latinos, afro-américains ou néo-nazis.
Sans trop de surprise, on apprend que ces criminels endurcis ont tous une vie (plus ou moins) fracassée. Leur cas particulier est d'avoir été condamnés très jeunes, à des peines de prison très longues (voire à la perpétuité réelle, l’État de Californie ne pratiquant plus la peine de mort depuis 2019, année de début du tournage). On les découvre tous alors qu'ils ont déjà purgé dix à quinze ans de taule. Ce ne sont donc plus les adolescents ou jeunes adultes prédateurs qu'ils furent naguère, d'autant qu'ils ont voulu participer au projet, sans doute avec l'idée d'alléger leur peine. Et donc, si, d'une certaine manière, JR utilise ce matériau humain pour se faire valoir, ses cobayes eux-mêmes utilisent son projet pour tenter d'améliorer leur sort.
Il n'en est pas moins vrai que la démarche est louable et les séquences montrées à l'écran souvent fortes. Elles ont été tournées avec un smartphone, un drone ou une caméra embarquée. Elles sont généralement d'une bonne qualité technique.
Mais JR n'en est pas resté là. Par la suite, il est entré en contact avec certains des proches, qui ont parfois découvert le devenir du détenu grâce à son travail mis en ligne. Le film gagne en profondeur avec ces nouveaux témoignages.
JR est retourné sur place un an et demi plus tard, pour lancer une seconde fresque photographique : une copie du paysage de montagne extérieur à la prison... mais sur l'un des murs internes, avec un bel effet de trompe-l’œil. On découvre que plusieurs détenus sont passés au niveau 3, certains pouvant même envisager une libération prochaine. En raison de la pandémie de Covid (et sans doute de la réticence de l'administration pénitentiaire au regard du profil de quelques-uns de ces condamnés), l'étape suivante est un peu reportée. Elle fait l'objet de la dernière demi-heure du film. Elle est assez émouvante, même s'il faut rester conscient que les cas qui nous sont présentés sont plutôt l'exception que la règle.
Malgré un certain angélisme (et la volonté d'en dire le moins possible sur les crimes commis par ces détenus), j'ai apprécié la démarche, qui associe création artistique et action civique. C'est un film pétri d'humanisme et qui, en ces temps d'aigreurs et de haine, fait beaucoup de bien.
mercredi, 15 mai 2024
Un p'tit truc en plus
Ce petit truc en plus peut être un grain de folie... ou un chromosome 21 surnuméraire, ce petit plus qui semble être de trop. Voilà donc Artus qui nous embarque dans une comédie sociétale centrée sur les handicapés mentaux. Un groupe est sur le point de partir en vacances dans un gîte, à la montagne (dans le Vercors ?). Il manque toutefois un passager, qui est retard. Le premier quiproquo porte sur l'identité de ce passager. Pour des raisons que je n'expliquerai pas, Paulo, le comparse maladroit d'un braqueur de banques, est pris pour le retardataire. Les deux voyous s'incrustent dans la colonie de vacances très très spéciale... (Le devenir du véritable retardataire, qui se trompe de bus, devient une respiration régulière de l'intrigue, souvent cocasse, mais qui a aussi pour but de montrer qu'un handicapé peut très bien faire la fête avec des "valides".)
On s'attend évidemment à retrouver les saillies dont la bande-annonce est nourrie. Pour celles et ceux qui ont vu et revu celle-ci, cela manque toutefois un peu de saveur. Mais la scène de douche est plus piquante (et plus longue) que ce que l'on nous a montré. La première partie de l'histoire reste marquée par l'irruption tonitruante des personnages handicapés et leur confrontation avec les "valides".
Je trouve que le film vaut toutefois mieux que l'étiquette de gaudriole qui lui a été collée. Plus que sur les handicapés eux-mêmes, le comique porte sur le regard que l'on porte sur eux. Certains des protagonistes du film vont d'ailleurs évoluer à ce sujet. Contraints de partager le quotidien du groupe de vacanciers, les deux braqueurs doivent s'adapter... et vont même nouer des liens.
Sans surprise, Artus (vu récemment dans J'adore ce que vous faites) incarne le gentil, un type que son paternel a entraîné dans ses combines, mais qui a juste besoin d'une bonne occasion pour retourner dans le droit chemin. La mise en scène (pourtant guère imaginative) réussit à nous faire toucher du doigt la complicité qui naît entre Paulo et les véritables handicapés, qu'il ne réussit pas à tromper très longtemps. (La séquence de préparation collective du repas est très belle.)
Sans plus de surprise, Clovis Cornillac interprète le paternel bourru, de prime abord égoïste, voire méprisant. C'est le personnage qui évolue le plus dans le film.
Le scénario rend aussi hommage aux accompagnateurs des handicapés, des personnes dévouées, altruistes, pas cher payées, parfois elles-mêmes un peu barrées. Alice Belaïdi (découverte jadis dans Radiostars) rayonne en quasi-sainte laïque, d'une beauté éclatante. Céline Groussard est un peu en-dessous, même si son personnage nous réserve quelques surprises. Enfin, Marc Riso est chargé d'incarner le "poissard" de l'intrigue, un loser généreux, un peu pathétique, mais lui aussi gentil au fond. (La fin de l'histoire "récompense" ce personnage un peu trop caricatural.)
Voilà. C'est assez prévisible, pas aussi désopilant que ce que la bande-annonce laisse espérer, mais c'est finalement mieux, avec un peu d'émotion et une belle morale.
21:17 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mercredi, 08 mai 2024
Un Homme en fuite
Dans ce polar aux accents franco-belges, il n'est pas question d'un pensionnaire d'EHPAD souffrant d'incontinence. Nous suivons deux trajectoires en apparence parallèles, mais qui en réalité tendent à converger : celle d'une OPJ de la gendarmerie et celle d'un écrivain-voyageur. Tous deux sont originaires de la commune (fictive) de Rochebrune, où un braquage sanglant vient d'être commis.
La gendarme avait quitté cette ville avec ses parents, alors qu'elle était encore gamine, plusieurs dizaines d'années auparavant, tandis que l'écrivain s'était littéralement enfui à l'âge adulte, pour une raison que l'on peine à déterminer. Léa Drucker (vue notamment dans Couleurs de l'incendie) et Bastien Bouillon incarnent ces deux personnages dont les parcours se répondent sans, dans un premier temps, se croiser. La première m'a impressionné en enquêtrice tenace et sans parti-pris, plutôt du genre taiseuse. Le deuxième, que j'avais trouvé très bien dans La Nuit du 12, m'a paru un peu en-dessous ici. Il se fait voler la vedette par les interprètes des seconds rôles, Marion Barbeau et surtout Pierre Lottin... oui, Wilfried Tuche ! (Je n'en reviens pas d'avoir écrit ce qui précède...)
Les ouvriers sont eux aussi très bien campés, tout comme le truand belge emprisonné, qui a les traits de Wim Willaert, qu'on peut actuellement retrouver dans Une Affaire de principe.
J'ai choisi d'aller voir ce film en partie en raison du cadre de son histoire : le nord des Ardennes, entre Charleville-Mézières, Revin et Fumay, celle-ci située dans la fameuse "pointe de Givet", l'index français (le majeur ?) qui gratifie la Belgique d'un toucher rectal...
Je me suis déjà rendu dans le coin à plusieurs reprises, mais l'été. C'est en général assez animé et le temps ensoleillé rend la région très agréable à parcourir. Ce n'est hélas pas le cas dans le film, tourné pendant les mois de novembre-décembre. C'est gris, pluvieux, les bâtiments semblant tous en mauvais état... et la population guère mieux. Chômage, déprime, maladies semblent être le quotidien d'un bassin d'emploi menacé de perdre un de ses derniers fleurons industriels. Le braquage du fourgon n'aurait-il pas été commis par le "Robin des bois" de la région, ce Johnny, rebelle inclassable, qui soutient la cause des ouvriers ?
Patiemment, Anna (la gendarme) mène l'enquête, s'efforçant de ne pas céder aux pressions qui viennent d'en-haut, tout en renouant avec une partie de son enfance. Ici, contrairement à ce qu'on peut voir dans tant de films et séries policières hexagonales, le travail des forces de l'ordre n'est pas représenté de manière fantaisiste. De son côté, Paul (l'écrivain) retrouve ses parents... et son ex, pas vue depuis quinze ans.
Petit à petit, on comprend que l'une des clés du mystère se trouve dans le passé, une nuit durant laquelle sont survenus deux événements que personne, à l'époque, n'avait pensé à relier. Le réalisateur nous y amène assez finement, grâce notamment à des retours en arrière qui nous conduisent de l'enfance de Paul à cette fameuse nuit, en passant par une fin d'adolescence tourmentée. C'est donc aussi une histoire d'amour(s) et d'amitié, avec des regrets, des rancœurs, des non-dits.
C'est enfin un film politique, engagé... de manière un peu trop manichéenne pour moi. Les patrons sont des méchants, les politiciens sont corrompus et les flics sont (presque) tous des salauds (surtout les CRS). Certains fils scénaristiques sont même tissés pour guider notre regard (et donc notre jugement) sur les événements. Alors que deux meurtres ont été commis (à quinze ans d'intervalle), nous sommes incités à trouver des excuses à certains personnages. Mais, dans les deux cas, on ne dispose que d'une version de l'histoire, la mise en scène évitant de surcroît de montrer frontalement les deux décès.
Du coup, on n'est guère surpris par la conclusion, en particulier par l'attitude de la gendarme, totalement irréaliste. C'est décevant et très dommage, parce que l'habillage, tant visuel que musical, est joli et les acteurs convaincants.
(C'est plutôt un film à recommander aux électeurs de gauche radicale.)
23:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mardi, 16 avril 2024
Nous, les Leroy
On sait, au moins depuis les Rita Mitsuko, que les histoires d'amour finissent mal... en général. Une nouvelle déclinaison nous est proposée à travers l'évolution du couple formé par Sandrine (épatante Charlotte Gainsbourg) et Christophe (José Garcia, en clown triste et attachant).
J'ai été pris par le début, qui nous présente le passé du couple à travers un montage de messages laissés sur des répondeurs téléphoniques ou des boîtes vocales. On sent bien qu'au départ, ce fut passionnel, rock'n'roll même. Cet amour s'est densifié, ramifié... et semble ensuite se rabougrir : Sandrine a envie d'autre chose.
Les deux interprètes principaux sont excellents. José Garcia n'en fait pas trop dans le rôle du père qui en fait trop pour tenter de sauver son couple. Charlotte Gainsbourg prouve à nouveau qu'elle dispose d'une palette de jeu étendue. Je signale aussi la bonne composition de Lily Aubry et Hadrien Heaulmé, qui ont la charge d'interpréter les enfants du couple, âgés de 16-18 ans. C'est suffisamment rare pour être signalé : je n'ai pas eu envie d'en prendre un pour frapper l'autre. Ce ne sont pas des ados caricaturaux. Les personnages sont sans doute bien écrits, mais je pense que le talent des comédiens y est aussi pour quelque chose.
Le scénario se nourrit évidemment d'anecdotes vécues, dans lesquelles peuvent se retrouver des parents comme des enfants. Devant certaines situations, j'ai eu comme une impression de déjà-vu...
La première partie mise principalement sur le ressort comique. Le désamour, le risque de séparation et les tentatives pathétiques de Christophe pour ressouder le couple suscitent souvent les rires. Il y a bien évidemment la séquence de l'ancien appartement, en zone HLM, avec la participation marquante de Jérôme Niel. Il y a aussi la séquence inattendue du square, drôle et touchante, qui ne se déroule pas du tout comme on le pressent... avec, en bonus, une référence très surprenante à Michel Sardou (d'autant qu'il ne fait partie de l'univers musical d'aucun des protagonistes). La voix du chanteur populaire surgit à l'occasion d'une autre séquence, celle du caricaturiste, bien plus subtile que ce qui est montré dans la bande-annonce. Sébastien Chassage y est excellent en dessinateur sûr de son art... et pas du tout flatteur avec ses clients !
Le film évite de tomber dans le travers de la comédie hyper-balisée. Ce n'est pas une re-love story, mais quelque chose de différent, entre tendresse, nostalgie et ressentiment. On va finir par se dire ses quatre vérités (et même plus que cela). Mais, une fois l'abcès crevé, que va-t-il rester ?
Le film se conclut sur une fin qui est à la fois heureuse et triste (selon le point de vue que l'on adopte). Cela donne une sorte de comédie de la maturité, pas exempte de (petits) défauts, mais visible par tous.
20:51 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
dimanche, 31 mars 2024
Haut l'aisselle !
C'est ce que j'ai pensé aujourd'hui en regardant en avant-première (avant sa diffusion ce soir, sur France 3) « Effet domino », le quatrième et dernier épisode de la vingt-troisième saison de la série Midsomer Murders, autrement dit Inspecteur Barnaby.
La personne ci-dessus, au bras droit levé, est une drag-queen (prénommée Malik à l’État civil). Elle (Il ?) et ses copines sont l'atout dépaysant de l'épisode qui, au-delà d'une énième peinture des tourments de la vie provinciale anglaise, vise à valoriser une minorité sexuelle qui cherche à gagner en visibilité.
Le scénario est plutôt bien écrit, avec une intrigue sinueuse, même si cette fois-ci j'ai deviné assez vite qui avait commis les meurtres. Le (faussement) débonnaire inspecteur-chef fait de nouveau preuve de toute sa sagacité, face à une galerie de personnages finalement assez antipathiques (sauf les travestis...). Cependant, le dynamisme des débuts n'est plus là. On sent que Neil Dudgeon, en dépit de ses qualités, n'est plus très loin de la sortie. (Rassurons toutefois les fans français : il est présent dans la vingt-quatrième saison, déjà diffusée outre-Manche.)
Les épisodes se laissent voir sans déplaisir, notamment par leur sens du détail cocasse, comme cette scène de crime qui se révèlera plus compliquée à analyser qu'il n'y paraît :
A voir aussi, les précédents épisodes de la saison. Le premier (disponible comme les autres sur le site de France Télévisions) s'intitule « La Fin du monde ». On y trouve une peinture ironique des survivalistes, sur fond de vengeance familiale. Le titre français du deuxième épisode (« Secrets et mensonges ») fait référence à un film de Mike Leigh (de 1996). Les secrets de famille s'entremêlent avec une vieille affaire de vol, le tout dans le cadre d'une maison de retraite pour anciens officiers de police. Enfin, la semaine dernière a été diffusé « Qui sème le vent », un épisode dans lequel le décès d'un jeune homme, mal élucidé, a un impact sur le fonctionnement actuel d'une boulangerie bio. Le schéma récurrent des scénarios de cette saison semble donc être le télescopage d'une mort (plus ou moins) ancienne avec les aigreurs et les jalousies du temps présent.
La semaine prochaine, France 3 enchaîne avec les nouvelles aventures de Rex, chien policier... sans intérêt pour moi.
20:01 Publié dans Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, télé, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, société, série télé, séries télévisées, médias
jeudi, 07 mars 2024
14 jours pour aller mieux
Et c'est parti pour une comédie sociétale, qui évoque à la fois la différence de classe, les centres de bien-être et le petit commerce, à travers les aventures de Max, un cadre commercial arrogant et stressé (bien interprété par Maxime Gasteuil, une découverte pour moi).
Au début de l'histoire, le gars paraît plutôt antipathique, même si les dialoguistes ont offert à son personnage une brochette de punchlines saillies bien senties. Un peu de gentillesse émane toutefois du milieu familial, la quincaillerie possédée par ses parents, qui ont les traits de Chantal Lauby et Michel Boujenah.
Sur le point d'épouser une ravissante gosse de riche, Max est entraîné par son futur beauf (un pauvre type oisif, gagné par le new age) dans un centre de remise en forme, dirigé par un couple d'anciens babas cools, incarnés avec gourmandise par Zabou et Lionel Abelanski. Là, ça devient parfois fendard, parce que ce duo de "clairvoyants" va soumettre le groupe de pigeons clients (à 1500 euros par personne le séjour...) à une thérapie plutôt originale. On découvre les compagnons d'infortune de Max, du faux Jésus au dragueur invétéré, sans oublier l'érotomane et la fumeuse de joints. Au cours de leur séjour, les clients du centre vont aussi croiser un boulanger complotiste et un policier municipal adepte de la manière forte...
Bref, on ne s'ennuie pas, même si ce n'est pas aussi "salé" que je l'avais espéré. Cela devient même consensuel dans le dernier quart d'heure, qui voit plusieurs personnages évoluer positivement... et donc valider indirectement les pratiques charlatanesques que le reste du film s'était amusé à dézinguer.
C'est (pour moi) franchement dommage, même si le mini-bêtisier qui pimente le début du générique de fin rehausse un peu le cachet comique de cette sympathique comédie.
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dimanche, 18 février 2024
Cocorico
Le scénario de cette comédie sociétale mêle deux arguments narratifs : l'annonce d'un mariage transclasse (entre l'héritière d'un important domaine viticole et le fils d'un ex-garagiste) et la découverte de leurs origines par les quatre parents, par l'entremise de tests ADN lancés en secret par les futurs (?) mariés.
Ces deux-là ont beau jouer un rôle déterminant dans l'intrigue, ils sont moins présents à l'écran que les quatre cadors qui incarnent leurs parents. Je signale quand même la bonne prestation de Chloé Coulloud, très convaincante en jeune femme moderne.
Du côté des géniteurs, on a droit à deux beaux couples caricaturaux. A ma gauche (en haut), se trouvent les Martin, avec Gérard le garagiste devenu concessionnaire Peugeot, fier de sa francitude, marié à Nicole, épouse effacée qui ignore la composition d'une branche de son arbre généalogique. Didier Bourdon et Sylvie Testud nous livrent de fort belles compositions. Je trouve le premier mieux utilisé que dans les films de Philippe Lachaud (et on lui a réservé quelques répliques saillantes). La seconde est épatante, notamment à partir du moment où elle découvre l'origine d'une partie de sa famille. Testud incarne très bien ce personnage qui, d'une certaine manière, part en vrille.
A ma droite (en bas sur la photographie) se trouvent les Bouvier-Sauvage, une famille "vieille France", pétée de thunes, de bonne conscience et de préjugés. Le rôle de Frédéric va comme un gant à Christian Clavier, qui certes en fait des caisses... mais des caisses de Bordeaux grand cru ! A ses côtés, Marianne Denicourt est Catherine, une grande bourgeoise faussement effacée, qui va s'affirmer dans l'adversité.
La première partie nous présente les deux familles et leur rencontre, pleine de sous-entendus. C'est délicieux, caricatural, méchant. Dans la salle, ça ricanait sec.
Tout le monde attend avec impatience de découvrir ce que contient chaque enveloppe. Dans l'ordre, Gérard, Catherine, Nicole et Frédéric vont apprendre à quelle(s) population(s) leurs ADN se raccrochent... et c'est à chaque fois savoureux. Le talent du scénariste-dialoguiste-réalisateur (Julien Hervé, qui parvient presque à faire oublier qu'il a contribué à l'aventure des Tuche...) est de faire rebondir l'intrigue à chaque révélation.
La troisième partie montre les deux couples tentant de gérer les informations concernant leur passé familial. C'est inégal, parfois drôle, parfois totalement anodin. On s'achemine sans surprise vers une fin convenue, qui réconcilie tout le monde, chacun assumant sans excès son arbre généalogique...
... mais ce n'est pas tout à fait fini. Au vu de la manière dont se déroulait l'histoire, je m'attendais à un nouveau coup de théâtre, qui survient tardivement et de manière partielle... sans doute pour ménager la possibilité d'une suite.
Voilà. J'ai ri. Souvent. Peut-être pour de mauvaises raisons. Mais j'ai passé un bon moment.
P.S.
C'est clairement une comédie qui ne vise pas très haut. (Pour une fois, je suis -presque- d'accord avec ce qu'en disent les critiques du Masque & la Plume.) L'auteur s'est montré très sage dans l'exploitation de la face cachée des arbres généalogiques. De ce point de vue, un film comme Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? était plus transgressif... et Didier Bourdon qui, jadis, a joué avec Les Inconnus un sketch se moquant du théâtre de boulevard, est devenu un peu l'incarnation de ce qu'il caricaturait autrefois.
22:49 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
vendredi, 09 février 2024
Chasse gardée
Au mois de janvier, ce film a été l'un des plus gros succès (en terme d'entrées) au cinéma de Rodez, avec... Les SEGPA au ski... ce qui a fait dire à l'une de mes connaissances que la succession de la vieille génération de beaufs était déjà assurée.
Faisant fi de ces préjugés, je me suis glissé dans une salle obscure, histoire de vérifier si cette comédie de prime abord franchouillarde ne valait pas mieux que cela.
Le début est sans surprise, chaque groupe socio-professionnel étant dans son bain, une sorte de nouvelle version des rats des villes et des rats des champs. (Cette amorce ne donne pas du tout envie de vivre à Paris.)
On attend avec impatience que débute la confrontation. Le réalisateur Frédéric Forestier (auquel on doit aussi bien Le Boulet et Stars 80 que Les Bodin's en Thaïlande...) fait durer le plaisir : les ruraux accueillent plutôt bien les Parisiens, qui font des efforts pour s'intégrer à la vie du village picard.
La première partie de chasse est assez spectaculaire. C'est l'occasion de découvrir un sanglier dont on n'a pas fini d'entendre parler dans la suite de l'histoire. L'intrigue commence à se corser quand débarque peut-être la meilleure séquence, celle qui fait intervenir Thierry Lhermitte (le papa de la Parisienne, accessoirement redoutable avocat). Le repas de chasse vaut son pesant de terrine... et il est une nouvelle preuve qu'en France, la bouffe et le pinard contribuent au "vivre ensemble".
La suite vire à la quasi-guerre civile. C'est plaisant parce que, des deux côtés, les comédiens ne se prennent pas au sérieux... tout en incarnant leur personnage avec conviction.
Le scénario ménage plusieurs rebondissements. Tout le monde en prend pour son grade et, au final, chacun fait des concessions. L'histoire se conclut de manière consensuelle (anciens et néo-ruraux se coalisant contre une nouvelle menace), sur une chanson de Bourvil.
Ce n'est pas la comédie du siècle, mais elle détend... et, comme dasola, je trouve qu'elle vaut mieux que ce qui transparaît dans la bande-annonce.
P.S. I
Le titre fait référence à une réplique, dans la bouche d'un personnage féminin... non chasseur.
P.S. II
Didier Bourdon figurant en tête de distribution, les spectateurs de ma génération attendent avec impatience le moment où il sera fait allusion au célèbre sketch des Inconnus... Il faut patienter longtemps, jusqu'à une partie de chasse qui vire au complot.
21:44 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mercredi, 07 février 2024
La Tresse
J'ai fini par me laisser traîner dans une salle obscure pour voir l'adaptation du roman à succès de Laetitia Colombani (par elle-même). Dans la salle, j'ai ressenti la curieuse impression qu'une brochette de mâles étaient dans la même situation que moi.
Hélas, seules des séances en version doublée sont disponibles dans mon cinéma local. Pour la partie canadienne, ce n'est pas gênant. Les voix semblent correspondre aux personnages. Cela devient limite pour la partie italienne, durant laquelle j'aurais tellement aimé entendre parler la langue de Giorgia Meloni Dante. De surcroît, dans cette partie, il est question d'un migrant indien (sikh) qui tente de s'améliorer dans la compréhension et la pratique de l'italien. (A ce sujet, on remarque qu'il progresse très rapidement dans la compréhension de l'Italienne...) Le pire est atteint dans la partie indienne. Elle est très correctement filmée mais, la plupart du temps, les voix ne correspondent pas aux personnages. Cela m'a gêné.
J'ai tout de même apprécié ces portraits de femmes lumineuses, de la mère de famille intouchable qui veut un autre destin pour sa fille unique à la brillante avocate divorcée, en passant par la jeune fille de patron de PME, assez anticonformiste. Chez ce personnage, j'ai particulièrement aimé qu'on montre une protagoniste adepte de la lecture, une activité hélas souvent complètement absente des films de fiction.
Je ne suis toutefois pas emballé par le cœur de l'intrigue. Le scénario place progressivement les trois héroïnes au fond du trou, de manière très appuyée. C'est assez attendu concernant l'Intouchable, dont j'aime toutefois qu'elle conserve sa combativité. (Par contre, sa gamine...) J'ai trouvé très datée (ie patriarcale) l'ambiance familiale italienne. Sérieusement, au XXIe siècle, en Italie ? J'ai été presque énervé par la partie canadienne, avec une héroïne agaçante à force de vouloir tout contrôler : avocate géniale, super-maman et guerrière implacable contre le cancer. Le principe de réalité finit par s'imposer à elle, mais il n'était pas nécessaire d'être aussi manichéen.
Bref, ce n'est pas inintéressant (surtout dans la V.O. à mon avis), mais c'est trop surligné pour moi.
13:32 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
vendredi, 02 février 2024
La Ferme des Bertrand
Ce documentaire agricole retrace les grandes évolutions d'une exploitation familiale (bovine), en Haute-Savoie (commune de Mieussy), de 1972 à 2022. Les images ont été tournées en 1972 (en noir et blanc), en 1997 (en couleurs, "granuleuses", de format carré) et en 2022 (de très bonne qualité). L'auteur est un documentariste connu, Gilles Perret, engagé à gauche. On lui doit notamment Les Jours heureux et La Sociale. Ici (peut-être parce qu'il est originaire du coin), le propos militant a tendance à s'effacer derrière la volonté de rendre hommage à une lignée de travailleurs.
Les images datant de 1972 sont les moins nombreuses. On y voit un trio de frères, jeunes, vigoureux, qui ont repris l'exploitation familiale après des trajectoires diverses, l'un des trois étant, dans un premier temps, parti chercher son bonheur à la ville. Deux d'entre eux ont effectué leur service militaire en Algérie. Au début des années 1970, l'exploitation n'est quasiment pas mécanisée.
Vingt-cinq ans plus tard, en 1997, les trois frères sont toujours à l’œuvre... et toujours célibataires. Du coup, c'est l'un de leurs neveux, Patrick, qui les a rejoints. (Il est sans doute le fils de l'une de leurs sœurs.) Lui est marié (à Hélène, co-exploitante) et a trois enfants, deux filles et un garçon, que l'on fait témoigner. Les tracteurs et autres machines agricoles sont devenus très présents. Le travail semble moins pénible qu'autrefois.
En 2022, deux des trois oncles sont décédés... tout comme Patrick (à 50 ans). Sa veuve est sur le point de prendre sa retraite, laissant son fils Marc et l'un de ses gendres mener leur barque. L'exploitation va se doter d'une salle de traite automatique. La nouvelle génération est encore plus branchée machines que la précédente (au point de limiter le plus possible le travail strictement manuel)... et elle est plus présente auprès des membres de sa famille.
J'ai trouvé cela passionnant et beau. Cela dure 1h25 et l'on est pris par la diversité des thèmes abordés et l'habileté du montage, qui alterne les séquences issues de périodes différentes, plutôt que de proposer un suivi strictement chronologique.
Je recommande vivement.
18:49 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société, histoire, agriculture, france
jeudi, 11 janvier 2024
Moi capitaine
Environ cinq ans après Dogman, Matteo Garrone revient avec un autre film sociétal coup-de-poing, consacré cette fois aux migrants africains, ici principalement sénégalais.
La première partie se passe autour de Dakar. On y découvre les héros de l'histoire, dont, durant tout le film, on aura du mal à dire s'ils sont frères ou bien cousins, les sous-titres naviguant entre ces deux possibilités. Ce début ne m'a pas enchanté. J'ai eu du mal à entrer dans l'histoire et à suivre cette intrigue en wolof (sous-titré), mâtiné de termes français. De plus, certains acteurs (visiblement non professionnels) ne sont pas convaincants.
Pour moi, le film décolle vraiment quand les garçons arrivent aux franges du Sahara, au début d'un périple qui se révèlera plus dangereux et compliqué que ce qu'ils avaient imaginé au départ. Garrone fait montre de son savoir-faire, filmant le désert à la fois comme un piège sournois et un espace empreint de beauté.
La meilleure partie est sans conteste le séjour en Libye, qui commence par un "détroussage" nocturne en plein désert, suivi d'une période de semi-esclavage. Le début nous montre des passeurs et une mafia cruels au possible, avant qu'un peu de nuance ne soit introduite. Tous les Libyens ne sont pas des salauds et un peu d'humanité émerge, notamment aussi parce que certains des migrants ébauchent une forme de solidarité. Une belle relation naît entre un maçon (guinéen je crois) et le plus jeune des Sénégalais, Seydou.
Concernant ce personnage (et celui de son cousin, Moussa), un basculement se produit. Au départ, l'aîné est le plus entreprenant et semble en position de force. Au fur et à mesure du périple, le cadet mûrit, prend de l'assurance... et des décisions parfois draconiennes, alors que l'aîné se retrouve en position de faiblesse.
On attend avec impatience la dernière partie, censée montrer la traversée de la Méditerranée, direction l'Italie. Elle est clairement moins réussie, le discours militant prenant (pour moi) nettement le dessus sur le projet cinématographique. L'ensemble n'en constitue pas moins une œuvre forte, clairement engagée, perfectible, mais qui pose de bonnes questions.
P.S.
Sur le même thème, je recommande La Pirogue (à mon avis plus réussi).
21:15 Publié dans Cinéma, Politique étrangère, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
vendredi, 01 décembre 2023
Testament
Quatre ans après avoir clôturé sa trilogie autobiographico-sociétale (avec La Chute de l'empire américain), le Québécois Denys Arcand revient avec une comédie sociétale acide, que la critique bien-pensante (notamment celle du Monde) a détesté. Essayons de comprendre pourquoi.
L'histoire a pour cadre un EHPAD une maison de retraite des aînés, dont la cuisine propose quantité de menus adaptés à toutes les allergies, tous les (dé)goûts, toutes les fulgurances à la mode. C'est un établissement plutôt haut-de-gamme, dont les résidents vivent dans des appartements privés. Le narrateur Jean-Michel est l'un de ces résidents, documentaliste à la retraite, septuagénaire du genre anar, libertaire, qui pose un regard goguenard sur son époque. (C'est évidemment un double du réalisateur.)
L'une des rares fois où on le suit hors de sa résidence, il assiste à une remise de prix littéraires, dont il est le seul lauréat masculin, les récompenses étant quasi monopolisées par des femmes. Celles-ci sont censées représenter toutes les "catégories" à valoriser, puisqu'on rencontre une lesbienne, une Afro-américaine, une obèse, une musulmane (intégriste)... Bref, on nage en plein politiquement correct, à la sauce multiculturelle. Ce n'est pas leur talent littéraire que l'on a primé, mais le fait que les auteures appartiennent à telle ou telle catégorie de "personnes opprimées". La satire n'est pas d'une grande finesse, mais elle est diablement efficace : dans la salle, le public (majoritairement féminin) riait de bon cœur.
L'hospice (comme il est appelé à une reprise, par une personne qui ne manie pas la langue de bois) n'est pas sans mystères. Ainsi, on se demande ce que peut bien faire Jean-Michel chaque semaine, pendant une heure, lorsqu'il reçoit une sculpturale beauté blonde. On se dit aussi que l'apparence rigide de la directrice doit cacher quelques lourds secrets... et l'on se demande bien pourquoi la fresque qui orne la salle de musique de l'établissement suscite une telle polémique.
Elle devient l'objet de la colère d'un groupe de jeunes activistes, qui prétendent représenter les "nations premières" du pays... alors qu'aucun d'entre eux n'en fait partie. Leur langage comme leurs manifestations sont rodés. Ce sont des habitués de l'agitprop, des enfants de la classe moyenne, inscrits à l'université, mais qui passent plus de temps à manifester qu'à étudier. Le portrait qui en est brossé par Arcand pourrait sembler exagéré mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de croiser certains individus de cette espèce (en France), je n'ai pas eu l'impression qu'il grossissait le trait.
Si le film se limitait à cette distrayante satire, il pourrait sembler anecdotique (bien que nécessaire, à une époque où de nouveaux curés de la pensée tentent d'imposer leurs interdits). Fort heureusement, Arcand y a aussi instillé de la tendresse, celle qui existe, de manière surprenante, entre le héros et sa "visiteuse", celle qui naît, de manière tout aussi étonnante, entre la directrice et le pensionnaire. Commence alors une autre histoire, celle d'une réconciliation familiale et du début d'une nouvelle vie, malgré l'âge avancé.
Le cinéaste n'oublie cependant pas son projet initial. La troisième partie est le théâtre d'un délicieux retournement, au cours duquel on voit notamment une députée progressiste défendre avec la même conviction que dans la première partie une position presque antagoniste à la précédente... Bravo à la comédienne !
Le film se conclut sur un triple clin d’œil. Le premier concerne le héros et sa nouvelle vie, qui a des conséquences sur ses opinions. Le second est une vision futuriste, qui ne manque pas de saveur. Le troisième est constitué par la chanson finale, qui renvoie de manière ironique à un dialogue du film.
Je suis sorti de là d'excellente humeur !
21:41 Publié dans Chine, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mercredi, 25 octobre 2023
Une Année difficile
Je ne suis pas un grand fan du duo Nakache-Toledano. Dans leur filmographie, je retiens surtout Le Sens de la fête (plus qu'Intouchables)... mais je n'ai pas tout vu. Ici, j'ai été pris dès le début. Le film démarre par une bonne idée d'introduction, qui nous fait remonter le temps, et donne une indication sur la morale de l'histoire. Les auteurs ne sont partisans ni du "C'était mieux avant", ni du "Le monde est foutu". Du coup, les vieux cons comme les jeunes crétins risquent de ne pas apprécier.
... et pourtant, au départ, ces écologistes militants sont dépeints sous un jour favorable. La mise en scène nous les présente comme organisés, instruits, plutôt altruistes et pas bien méchants. Au blocage de l'entrée de l'hypermarché répondent les manifestations en extérieur. La réalisation est tonique, le montage donne du rythme et les acteurs sont convaincants, parfois percutants.
Parmi eux, il faut bien entendu distinguer Pio Marmaï et Jonathan Cohen, celui-ci drôlissime et, au moins une fois, émouvant (quand il "hume"...). Le duo (inversé par rapport à ce qui était prévu au départ : Pio devait jouer le dépressif et Jonathan le magouilleur) fonctionne très bien. Le fait que tous les deux soient (au départ) très dubitatifs quant au combat des jeunes bobos donne peut-être une indication sur le point de vue des réalisateurs... mais, à la fin, ils ont évolué.
Parmi les sources de gag, il y a l'usage des pseudos : Cactus, Quinoa, Antilope, Sirène, Poussin, Lexo... Les rires fusent dans la salle, encore plus quand l'idéalisme béat de certains écolos est confronté au matérialisme (parfois un peu gras) des deux surendettés, pour qui le climat passe après leur propre survie quotidienne.
Dans ce marigot de mecs soit goguenards soit gauchisants, la sincérité de Cactus (Noémie Merlant, très bien) tranche. Elle est en quelque sorte le noyau atomique de la cellule militante, celle qu'on admire, celle qu'on suit aveuglément, celle dont on tombe amoureux. On comprend très vite que son militantisme extrême masque une sorte de "complexe de l'imposteur" : elle est issue d'une famille riche, a eu une vie de privilégiée. Elle se juge donc en partie responsable du désastre actuel et appréhende fortement la suite, ce qui l'empêche d'être heureuse. Il faudra ce qui ressemble à l'intervention du covid (d'une manière que je ne révèlerai pas) pour qu'elle envisage la vie autrement.
C'est une jolie histoire, nourrie d'humour, qui fait passer un bon moment.
19:06 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
dimanche, 24 septembre 2023
France 3 soutient ouvertement l'immigration illégale...
... avec des fonds publics ! J'ai failli tomber de mon fauteuil, ce soir, en regardant Meurtres à Font-Romeu, énième épisode d'une collection qui alterne l'acceptable et le moins bon. Mais, ça, c'est sur le plan technique : des comédiens approximatifs, des dialogues écrits avec les pieds, des rebondissements abracadabrantesques... mais de beaux paysages et, parfois, un scénario bien troussé.
L'épisode inédit de ce soir respecte le cahier des charges de la série : un duo d'enquêteurs qui, au départ, ne s'entend pas, va unir ses forces pour résoudre une ténébreuse affaire, sur fond de paysages superbes, dans une province où les langues ne se délient pas facilement. Cette fois-ci, hélas, on n'a pas de légende locale (ni d'anecdote historique marquante) à se mettre sous la dent.
La distribution comprend du lourd (sur le plan télévisuel... le budget n'est tout de même pas illimité) : Béatrice de La Boulaye (remarquée dans Tropiques criminels) côtoie Stéphane Henon, issu lui d'un programme iconique de la chaîne publique : Plus belle la vie. C'est dire l'importance que la direction des programmes accorde à ce téléfilm. (La titulaire du poste, Anne Holmes, s'est fait la main en supprimant des séries parmi les plus populaires des chaînes publiques -Mongeville et Commissaire Magellan- sans doute jugées pas assez dans le coup de la "modernitude"...)
Déjà, le côté enquête policière n'est pas des plus réussis. On nous ressert le coup de la Parisienne -forcément dynamique- qui débarque dans une rugueuse province et qui se retrouve avec un collègue plutôt taiseux. Il faut plaindre B. de La Boulaye, pas uniquement en raison de l'horrible coupe de cheveux dont est affublé son personnage :
En effet, la comédienne, qui pouvait légitimement penser qu'on lui réservait le rôle phare, se retrouve à jouer les faire-valoir du principal interprète masculin, incarnant un officier de gendarmerie qui... aide les migrants clandestins !
Les promoteurs de l'épisode se sont bien gardés d'informer le public de la teneur de cette intrigue secondaire, qui prend de plus en plus de place au fur et à mesure que l'histoire se déroule. Seule une courte bande-annonce a été diffusée, en avant-première, dans laquelle il est impossible de deviner ce qu'on s'apprête à nous servir.
L'enquête gendarmesque prend un tour pas du tout crédible, certains personnages secondaires étant mal campés. Même l'enquêtrice est mise dans des situations qui prêtent à sourire : par une soirée glaciale, elle épie son collègue pendant plusieurs heures, sans s'être emmitouflée, ses vêtements restant ouverts au niveau du col !
Ce soir-là comme la nuit suivante (quand elle prend son collègue en filature), elle est d'une absence de discrétion consternante pour un officier supposé chevronné.
En revanche, les scénaristes semblent s'être appliqués à rendre les migrants les plus sympathiques possibles. Tous sont calmes, gentils, craintifs. Au besoin, on tente d'attendrir les spectateurs avec les enfants, de manière limite putassière (le coup du gamin qui fait tomber son jouet au moment de fuir une intervention de la gendarmerie...). Que tout cela est lourd, appuyé !
Ah, j'allais oublier : on finit par apprendre que le capitaine de gendarmerie a entretenu une liaison avec une sans-papier... Par-dessus le marché, le commandant qui a le capitaine dans le viseur et qui mène la chasse aux migrants s'appelle... Hicham Naouri ! N'en jetez plus, la coupe de la bien-pensance est déjà pleine !
P.S.
Sans surprise, la personne qui a commis les meurtres est blanche, de culture catholique.
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samedi, 16 septembre 2023
Le Château solitaire dans le miroir
Bien placée dans la course du film au titre le plus long sorti en France cette année, cette animation japonaise est assez étonnante, en raison du croisement des genres qu'elle opère. Sur le fond, il s'agit d'une œuvre sociétale, qui traite de la phobie scolaire et du harcèlement, entre autres. Mais le traitement s'effectue par le prisme d'une intrigue fantastique.
Les héros sont sept adolescents, tous collégiens (même si certains ont plutôt un physique de lycéens), tous japonais, tous (sauf un) réfugiés au domicile de leurs parents. Par le biais de miroirs magiques, ils vont se retrouver, à intervalle régulier, pendant un an, dans un mystérieux château, perché sur une île-rocher perdue au milieu de nulle part, avec pour hôtesse une mystérieuse reine-louve, apparemment une enfant portant un masque, mais qui semble diablement mûre (et forte) pour son âge. Elle assigne une mission au groupe : trouver une clé dissimulée dans le château. Elle permettra à l'un(e) d'entre eux de réaliser son vœu le plus cher.
Des sept nous suivons surtout le parcours de Kokoro, fille unique d'un couple de cadres urbains, scolarisée dans un collège public où elle est devenue le souffre-douleur d'une bande de pétasses. Au fil de ses séjours dans le château, elle découvre qu'elle a d'autres points communs avec ses six compagnons, qui vont devenir des amis. Mais pourquoi ont-ils été réunis là ? Et comment trouver la clé ?
Le mystère semble dans un premier temps s'épaissir (l'existence d'univers parallèles ne tenant pas la route). Sans me vanter, j'ai assez vite deviné le twist... ainsi que l'identité réelle de la reine-louve. Cela n'a nullement entamé mon plaisir, puisque le scénario (adapté d'un roman) est foisonnant, ouvrant de multiples perspectives.
La réalisation est cependant inégale. La majeure partie des scènes est assez plan-plan. Toutefois, dès qu'il est question d'une surface réfléchissante (miroir, glace, vitre...), on remarque un incontestable brio.
C'est visible par les petits et les grands. Je pense que le film est conçu pour susciter des discussions dans les familles... et c'est aussi une histoire particulièrement énigmatique, pour qui aime se triturer les méninges.
PS
Du réalisateur, Keiichi Hara, on a déjà pu voir dans les salles : Wonderland, le royaume sans pluie, Miss Hokusai et Colorful.
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mardi, 15 août 2023
La Voie royale
Il ne s'agit pas de l'adaptation d'un roman d'André Malraux, mais de la peinture de la "formation des élites". L'action ne se déroule pas au sein d'une de ces grandes écoles que le monde entier nous envie, mais, là où tout se joue en fait, dans une classe préparatoire scientifique, en province, dans l'un de ces lycées publics sélectifs qui ambitionnent de rivaliser avec certains établissements parisiens.
Derrière la caméra se trouve Frédéric Mermoud, auquel on doit l'excellent Moka et, plus récemment la mini-série L'Île aux 30 cercueils. Sa mise en scène varie les plans, montrant aussi bien les groupes (qui jouent un rôle important dans le milieu décrit) que les duos, certains comédiens étant régulièrement filmés en gros plan.
La brochette de jeunes acteurs constitue sans doute le principal atout de ce film. L'héroïne, Sophie, est incarnée par Suzanne Jouannet, qui confirme tout le bien que je pensais d'elle dans Des Choses humaines. C'est une fille de petits agriculteurs, douée en maths, sur le point de devenir "transfuge de classe". Boursière, elle se retrouve plongée dans un milieu (grand) bourgeois, celui de la classe prépa.
Une étrange amitié va se nouer avec la surdouée de la promo, Diane (assise à côté d'elle sur la seconde photographie d'illustration, ci-dessus), très bien interprétée par Marie Colomb. Du côté féminin, il faut aussi signaler la prestation de Maud Wyler (vue notamment Alice et le maire) en prof de physique pète-sec, dont l'apparente hyper-rigidité cache un humanisme que la comédienne parvient à faire passer, avec subtilité.
Du côté des messieurs, plusieurs figures se détachent. Alexandre Desrousseaux incarne avec une pointe de jubilation le gosse de riche doué et sans complexe (un brin macronien sur les bords), tandis que Lorenzo Lefebvre (aperçu dans Délicieux) joue l'étudiant de seconde année (qui "cube"), plus sympa (mûr ?) que les autres, et qui tente de se rapprocher de Sophie. Je pourrais signaler aussi Cyril Metzger, qui incarne le frère de l'héroïne.
La galerie de figurants est tout aussi convaincante. Cela, allié à une réelle qualité d'écriture, aide à camper une ambiance de prépa très réaliste, des séances de colle au travail en chambre, en passant par les discussions de couloir. Pour nuancer ce tableau très élogieux, je pourrais signaler quelques ajouts pas vraiment bien sentis, comme le coup des gilets jaunes (dont on comprend qu'il est mis là pour souligner le fossé qui sépare la vie de Sophie de celle de la plupart de ses camarades de promo).
Bref, c'est bien conçu, bien interprété, prenant à suivre, avec quelques rebondissements. C'est l'une de ces bonnes surprises de l'été... et un bon film français sociétal, ce qui n'est pas si fréquent.
13:23 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mercredi, 05 juillet 2023
La guerre des cagnottes
La mort du jeune Nahel, à Nanterre, n'a pas fini de faire des vagues. Une conséquence inattendue est la rivalité qui est née entre plusieurs initiatives dont, au départ, il est légitime de penser que les organisateurs n'envisageaient pas qu'elles prennent de telles proportions.
La première cagnotte a été créée dès le mercredi 28 juin, le lendemain de la mort du jeune homme, la veille de la "marche blanche" qui semble avoir été si bien organisée (avec, rappelez-vous, des T-shirts déjà imprimés). Intitulée « Soutien à la maman de Nahel », elle a vu son montant rapidement augmenter, pour atteindre, au moment où j'écris ces lignes, le total de 444 201,97 euros, pour 22 542 contributeurs, soit une moyenne de 19,7 euros par personne.
Cependant, dès le lendemain jeudi, des personnalités d'extrême-droite ont lancé ce qu'on pourrait appeler une "contre-cagnotte", au départ en soutien au policier auteur du coup de feu, modifiée ensuite (pour des raisons juridiques) en « Soutien pour la famille du policier de Nanterre ». La création de cette cagnotte a suscité un fort rejet... mais aussi une forte adhésion, puisque son montant a rapidement dépassé celui de la première cagnotte. Il a atteint la somme de 1 636 110 euros, pour 85 101 contributeurs, soir une moyenne de 19,2 euros... quasiment la même que celle de la première cagnotte.
Ce montant n'est plus destiné à augmenter : l'ajout de nouveaux dons a été bloqué par l'organisateur, peut-être en raison de la plainte qui a été déposée par l'avocat de la famille. (A ce sujet, on se demande ce qui agace le plus les partisans du délinquant décédé : qu'une contre-cagnotte ait été créée, ou qu'elle ait remporté un bien plus grand succès que la leur ?)
De surcroît, quand on regarde la liste des dons, on constate qu'au-delà d'une minorité de sommes assez importantes (un apport de 3000 euros et quelques dizaines de plusieurs centaines d'euros), l'écrasante majorité des contributions est comprise entre 5 et 20 euros. Il s'agit bien d'un mouvement (relativement) populaire, en tout cas autant que celui qui s'est porté sur la première cagnotte... et c'est en contradiction avec ce que nombre d'internautes affirment sans preuve sur la Toile.
Ces derniers jours, une troisième cagnotte a fait son apparition, en soutien aux familles des émeutiers arrêtés par la police. (La formulation, prudente, tient compte de ce qui a été reproché à la deuxième cagnotte : elle vise officiellement à aider les familles, pas les personnes mises en cause par la justice.) Au moment où j'écris ces lignes, elle a atteint le montant de 82 519 euros, pour 1995 contributeurs, soit une moyenne de 41,4 euros par personne... eh, oui, plus du double des autres ! Contrairement à ce qu'affirment certains des contributeurs, c'est cette cagnotte-ci qui est la plus bourgeoise. On y relève quantité de dons de plusieurs centaines d'euros, proportionnellement bien plus nombreux que dans la cagnotte de soutien à la famille du policier.
Une certaine bourgeoisie gauchisante soutient volontiers les (familles des) émeutiers, tandis que les contributeurs modestes se répartissent entre le soutien à la famille du délinquant et le soutien à la famille du policier. Contrairement à ce qu'affirment certains militants d'extrême-gauche, cette affaire n'est pas l'illustration d'une opposition de classe. La bourgeoisie est divisée, entre celle qui soutient le gouvernement, celle qui soutient les émeutiers et celle qui penche pour le RN (et trouve le gouvernement trop mou). Il en est de même pour les catégories populaires. Certaines éprouvent plutôt de l'empathie pour le jeune homme décédé et sa famille, d'autres sont ulcérées par les actes de délinquance et la sauvagerie à l’œuvre dans des émeutes qui n'ont plus rien à voir avec la défense de valeurs démocratiques.
22:33 Publié dans Politique, Presse, Société, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, société, médias, presse, journalisme, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, nahel
mardi, 04 juillet 2023
Rheingold
Selon l'un des personnages de ce biopic allemand, l'or du Rhin est censé rendre immortel. C'est une allusion à l'opéra de Richard Wagner (qui trouve sa conclusion dans le clin d’œil final). Le sens qui lui est donné est musical. La reconnaissance et la célébrité (versions contemporaines de l'immortalité) sont d'abord acquises par le père du héros, compositeur réputé, qui accède à la fonction de chef d'orchestre. Quant à son fils, Giwar Hajabi, c'est le rap (après bien d'autres choses...) qui permet son élévation, dans tous les sens du terme.
Cette nouvelle illustration du petit gars d'origine modeste qui va se faire un nom après avoir surmonté d'atroces épreuves ne manque pas d'originalité. L'histoire commence en Iran, au moment où le régime du Shah cède la place à la République islamique. Le père y est déjà un compositeur et chef d'orchestre de renom, sa compagne étant musicienne. Tous deux sont kurdes... et opposés au nouveau régime, contre lequel la mère du héros va jusqu'à prendre les armes. Les parents connaissent les prisons iraniennes, avant de fuir, d'abord en Irak, puis en France, avant de s'installer en Allemagne.
Le jeune Giwar est programmé pour succéder à son père dans la carrière musicale. Mais tout ne va pas se passer comme prévu. Le père peine à communiquer sa passion rigoureuse pour la musique... et la vie des réfugiés politiques dans un quartier populaire allemand n'est pas de tout repos. Turcs, Iraniens, Palestiniens, Marocains et Kurdes se croisent, s'entraident ou se bastonnent dans une ambiance de trafic de drogue et de vols de CD. (On est dans les années 1990.) Après l'épisode iranien (vu essentiellement sous la forme de retours en arrière), très réussi, Fatih Akin (auquel on doit, entre autre, In The Fade) accroche les spectateurs avec sa représentation du quartier multiethnique et des tensions qui le traversent.
La déchéance socio-économique de la famille de Giwar est suivie d'une première élévation, par la force (à coups de poings), puis par les combines (sous la houlette d'un chef de clan kurde). Dans le même temps, Giwar ressent à nouveau de l'attirance pour la musique, mais pas celle prônée par son père. Il croise des rappeurs (et même une prostituée rappeuse) et, surtout, un habile arrangeur. C'est vraiment intéressant... à ceci près que les paroles des "chansons" que l'on entend ne sont pas à l'honneur des apprentis artistes. On y parle beaucoup de « pognon », de « putes » (sauf maman, qui est une sainte) et de « chattes »... Les pseudo-rebelles au micro se proposant de saisir les dames par la même partie de leur anatomie que Donald Trump... (On nage en pleine « masculinité toxique ».) Akin n'a pas beaucoup de recul vis-à-vis du "machisme de banlieue", à part sur la fin, quand il insère une vision de la mère, qui fait modifier les paroles d'une de ses chansons à son délinquant de fils.
Celui s'est d'abord lancé dans le trafic de drogue, où il rencontre des fortunes diverses. Le fonctionnement du clan kurdo-turc bénéficie d'une réalisation efficace, avec (notamment) une scène de règlement de compte qu'on ne voit absolument pas venir. Giwar finit par se lancer dans le braquage d'un fourgon de transport de fonds, dans une séquence assez emballante. Les braqueurs ont un petit côté pieds nickelés... mais ils réussissent, dans un premier temps, à berner des policiers de fort belle manière.
Une autre séquence (fractionnée en plusieurs morceaux) est marquante : celle de l'emprisonnement en Syrie, où le trafiquant se croyait à l'abri. Le problème (pour lui et son acolyte) est qu'il y débarque juste avant le printemps arabe. Le temps va se gâter pour lui, d'autant que beaucoup de monde est à la recherche de l'or volé. Cette partie est peut-être la plus atroce, entre cellules surpeuplées (et organisées de manière communautaire) et séances de torture.
Je laisse à chacun(e) le loisir de découvrir comment tout ceci se termine.
Si l'on supporte les à-côtés peu reluisants du monde du rap, ce film est à voir. Il est très bien fichu et nous plonge dans l'envers du "miracle allemand". L'acteur principal, Emilio Sakraya, est une révélation. Le paradoxe est que, vu la manière dont il a été mis en scène, le film conviendra aussi bien à celles et ceux qui apprécient de voir représentées les difficultés auxquelles sont confrontés les immigrés dans les sociétés occidentales qu'à celles et ceux qui estiment que ces immigrés (authentiques réfugiés ou pas) sont, en partie, la cause de leurs problèmes et de ceux du pays d'accueil, compte tenu des activités délictuelles dans lesquelles ils sont impliqués.
lundi, 19 juin 2023
Sexygénaires
Cinq ans après La Finale, Robin Sykes nous propose une nouvelle "comédie sociétale" autour du troisième âge, là encore avec Thierry Lhermitte. L'ancien Popeye du Splendid porte beau et le scénario mise là-dessus pour nous plonger dans les difficultés d'un hôtel-restaurant de luxe (un peu vieillissant lui aussi)... et dans le monde du mannequinat aux tempes argentées.
Le début plante le décor de manière classique : Michel (T. Lhermitte) dirige son établissement varois avec passion, faisant passer sa vie personnelle au second plan. On est de tout cœur avec cet homme aimable, veuf inconsolable, qui met sa stabilité financière personnelle en jeu pour tenter de sauver son entreprise (et son personnel). On n'est pas vraiment surpris de découvrir que son vieil ami et associé, Denis, installé à Paris, est en fait un combinard de première. Mais c'est de cet ami que va peut-être venir la solution à ses problèmes.
Dans le rôle du raté sympathique (Denis), Patrick Timsit livre sans doute la prestation que l'on attendait de lui. Son personnage doit inspirer de la pitié... mais, surtout, agacer (objectif plus qu'atteint) et placer Michel dans des situations délicates.
Le duo fonctionne bien, parce qu'il est particulièrement contrasté... trop même. Michel n'a quasiment que des qualités et Denis en fait vraiment des caisses.
Heureusement qu'il y a la distribution féminine. Zineb Triki (vue récemment dans Vortex) est parfaite en agente ambitieuse, organisée, séduisante et... sans tabou. Marie Bunel offre un contrepoint intéressant aux deux principaux personnages masculins : elle est de la même génération, a réussi de son côté... et a de beaux restes, comme on dit. Sur le plan comique, il faut signaler la prestation de la toujours piquante Olivia Côte, en photographe allumée, qui n'hésite pas à bousculer ses modèles... et à se montrer délicieusement grossière. D'autres seconds rôles sont aussi bien campés.
Voilà. Ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais c'est au final assez plaisant et cela dure à peine 1h20.
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dimanche, 18 juin 2023
Sick of myself
Présenté à Cannes l'an dernier, dans la catégorie « Un certain regard », ce film norvégien n'est pas sans rapport avec une autre œuvre scandinave, la Palme d'or 2017, The Square, du Suédois Ruben Östlund (qui, lui, est reparti de l'édition 2022 avec une seconde palme, pour Sans filtre).
Dans les deux films il est question de l'art contemporain, de posture, de snobisme et de narcissisme. Mais, ici, le réalisateur ne s'intéresse pas tant à l'élite de l'art contemporain qu'à celles et ceux qui essaient de la rejoindre. Le couple de héros est formé d'un créateur qui commence à percer, un jeune homme plutôt bien de sa personne, habile et charmeur, qui a une haute opinion de lui et aime s'écouter parler. Sa compagne, Signe, une ravissante blonde, est... serveuse, mais a des prétentions artistiques. Surtout, elle a désespérément besoin qu'on s'intéresse à elle.
La première partie du film est un délice de mauvais esprit, à froid (à la scandinave). Les deux "héros" y apparaissent assez pathétiques. Les dialogues, ciselés, nous font vite comprendre à quel point le couple est asymétrique. J'ai particulièrement aimé certaines séquences, celle au cours de laquelle la serveuse sauve la vie d'une femme mordue par un chien et celle du dîner mondain, au cours duquel la jeune femme simule une allergie à la noix.
Elle est prête à tout pour devenir le centre de l'attention, y compris à devenir malade. Le personnage devient encore plus pathétique et déplaisant... mais c'est compensé par l'ironie qui irrigue la mise en scène des conséquences de son activisme. Là, il convient d'être particulièrement attentif : certaines scènes sont fantasmées, d'autres réelles. A plusieurs reprises, Signe imagine quel degré de célébrité elle pourrait atteindre (et comment).. ou quelles pourraient être les conséquences négatives de ses actes. Je crois ne pas trop en dévoiler en affirmant que la jeune femme arrive plus ou moins à son but. Cela la conduit à une agence "inclusive", dont la patronne promeut une mode et une communication "éthiques". On ne s'étonnera donc pas qu'elle ne travaille quasiment qu'avec des "minorités" dans tous les sens du terme : son assistante est aveugle, une autre employée est noire et sa précédente "pouliche" est un mannequin n'ayant qu'une main... C'est dire le potentiel qu'elle voit dans une jeune femme défigurée, victime supposée d'une maladie inconnue !
Avis aux âmes sensibles : le réalisateur Kristoffer Borgli pousse le bouchon vraiment très loin. J'ai pensé aux œuvres de David Cronenberg et au Rock'n Roll de Guillaume Canet. C'est donc plutôt à réserver à un public averti... même si je pense que les ados d'aujourd'hui tireraient le plus grand profit de la vision de ce film.
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lundi, 01 mai 2023
Le retour de l'ours
Le mois dernier, j'ai recommandé le sympathique nanard Crazy Bear, dont l'intrigue s'inspire d'un fait divers remontant aux années 1980. Eh bien cette histoire a resurgi samedi dernier, lorsque M6 a diffusé le quatrième épisode de la vingtième saison de la série NCIS, intitulé (en français) Les Jolis Coeurs.
L'enquête se déroule en partie dans un parc naturel américain, où l'on retrouve le cadavre d'un marine. Un peu plus tard, l'un des protagonistes doit échapper aux assauts d'un ours furibard. L'homme, au centre ci-dessus, est membre de la police des parcs... et c'est l'ex-petit ami de l'une des nouvelles enquêtrices du NCIS, la bimbo Jessica Knight (à gauche ci-dessus).
Le fait que l'ours ait consommé une substance hallucinogène joue un rôle dans l'intrigue, au cours de laquelle le chef de l'équipe, l'agent Parker (à droite sur la photographie) rappelle l'histoire de "Cocaine Bear", que, dans l'épisode, on surnomme "Pablo Ourscobar" (en français) ou "Pablo Escobear" (en anglais).
Cela épice un peu ces aventures un peu quelconques, la série ayant perdu beaucoup de son intérêt après les départs de plusieurs acteurs : Emily Wickersham, Maria de Bello et surtout Mark Harmon, l'insubmersible Gibbs, désormais trop vieux pour le rôle.
Concernant l'ours, cet épisode ayant été diffusé aux États-Unis en octobre 2022, il a donc précédé la sortie sur les écrans de Crazy Bear (en février 2023 outre-Atlantique). La coïncidence n'en est pas moins troublante. Je me demande si les scénaristes de l'épisode n'avaient pas entendu parler du tournage du long-métrage.
09:51 Publié dans Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : télévision, société, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, cinéma, télé, médias
samedi, 08 avril 2023
Les Petites Victoires
Plutôt réticent au départ, j'ai fini par me décider à voir ce film, en raison de très nombreux retours positifs dans mon entourage. Il faut dire que la distribution est alléchante : outre les têtes d'affiche Julia Piaton et Michel Blanc (dans un rôle proche de celui qu'il interprétait dans Je vous trouve très beau), on croise India Hair, Lionel Abelanski, Marie Bunel et... Marie-Pierre Casey ! Elle interprète Jeannine, une retraitée souffrant de la hanche, qui, aujourd'hui, aurait bien du mal à dépoussiérer une grande table de salon.
Derrière la caméra se trouve Mélanie Auffret, dont j'avais déjà aimé Roxane. Elle a ce talent pour, d'une part, créer une comédie propre à favoriser la sécrétion de dopamine et d'endorphine, d'autre part, évoquer ce monde rural qui souffre, mais qui, souvent, n'obtient l'attention des médias dominants qu'en cas de drame ou pour véhiculer une image de carte postale.
Les petites victoires en question ne sont ni d'ordre militaire (on est loin d'Austerlitz), ni d'ordre sportif, politique ou économique. Le village breton (des Côtes-d'Armor) n'héberge ni artiste célèbre, ni richissime startupper, ni recordman du monde... mais on y admire quand même Kylian Mbappé. Le scénario fait l'éloge des exploits du quotidien, comme réapprendre à lire, rouvrir un commerce local, oser exprimer ses sentiments... L'intrigue est peuplée de "gens normaux"... mais pas trop.
Émile est un retraité illettré (ancien carreleur), célibataire malgré lui... et caractériel. J'ai bien aimé la manière dont la réalisatrice fait émerger le problème dont il souffre, avec les implications que cela a. Petit à petit, on découvre les stratégies qu'il avait mises en place (pour passer le permis de conduire, livrer des journaux, faire les courses...). Cela sonne juste... et cela permettra peut-être à une partie du public de découvrir la situation d'une frange méconnue de la population française.
A cette intrigue principale se greffe un contexte particulier, celui d'une commune en déclin (peuplée de moins de 500 habitants), sans boulanger, ni médecin... ni bar ! Ne reste que l'école primaire, à classe unique, à son tour menacée de fermeture.
La lutte de ces Indiens des temps modernes en rappelle d'autres, mais elle est mise en scène avec un certain dynamisme et un sens indéniable de la cocasserie. Plusieurs scènes sont particulièrement bien troussées, comme celle de l'utilisation d'une application de rencontre... et celle au cours de laquelle la maire découvre ce qu'il se passe réellement dans la boulangerie-épicerie récemment rouverte. Cela prend une tournure âpre... avant qu'une chute inattendue ne détende l'atmosphère. (La réputation des forces de l'ordre ne sort pas grandie de cet épisode...)
J'ai aussi apprécié que ce nouveau feel good movie ne prenne pas trop l'allure d'un conte de fées. On a évité de faire de l'héroïne trentenaire célibattante une jeune femme en quête éperdue du grand amour qui va changer sa vie. S'ajoute à cela une conclusion plus subtile que prévue concernant le devenir de l'école.
Au final, même si le film est farci de "politiquement correct" (la classe métissée au fin fond de la Bretagne, l'exposé "thunbergien" sur le climat à l'école, la réconciliation générale autour de boissons alcoolisées...), j'ai passé un très bon moment.
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jeudi, 06 avril 2023
Bonne conduite
Il est difficile de résumer ce qu'est cet improbable film de Jonathan (bien) Barré. Cela commence comme un thriller vengeur, empreint de bretonnitude. Il manque sans doute une case ou deux à la serial killeuse (on comprend plus tard pourquoi), de surcroît assez maladroite. C'est qu'on ne s'improvise pas tueuse en série du jour au lendemain ! Dans le rôle de cette moderne Némésis, Laure Calamy n'était peut-être pas le meilleur choix (une actrice plus athlétique aurait sans doute mieux convenu), mais elle ne manque pas d'allant. Elle s'est de plus pleinement investie dans un personnage tragicomique auquel elle évite de sombrer dans le ridicule.
Elle bénéficie aussi d'un entourage masculin très bien choisi. Le duo d'antagonistes qu'elle forme avec Tchéky Karyo m'a bien plu, tout comme l'intervention du binôme d'enquêteurs (les compères Marsais et Ludig), suffisamment professionnel pour s'approcher régulièrement de la conclusion de l'enquête... et suffisamment crétin pour à chaque fois passer à côté de l'évidence (voir la scène au cours de laquelle on découvre le nom d'un bateau).
L'intrigue surprend parce qu'à la soif de vengeance s'ajoutent un trafic de drogue, une croisade antiradars... et une peinture peu reluisante de la délinquance routière. Même s'il est évident qu'on est là d'abord pour rigoler (fût-ce de manière macabre), on sent à plusieurs reprises poindre la volonté de faire toucher du doigt ce que représentent chaque année tant de drames routiers. A cet égard, la plus belle scène se trouve à la fin, quand l'héroïne est sur le point d'accomplir sa vengeance suprême... mais une surprise est au-rendez-vous, qui donne une belle profondeur à l'histoire. (Joli caméo d'Olivier Marchal, soit dit en passant.)
D'un point de vue technique, outre la réutilisation des codes des films de genre, on peut noter aussi la volonté de mettre en scène les "moments inutiles" d'une intrigue de film à suspens, ces espaces intermédiaires au cours desquels les protagonistes accomplissent des gestes anodins, réputés ralentir l'action, voire casser son rythme. Ici, au contraire, le réalisateur se délecte de ces moments cocasses, parfois gênants, qui font de son film une œuvre inclassable, source de délassement.
22:58 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société