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jeudi, 07 mars 2024

14 jours pour aller mieux

   Et c'est parti pour une comédie sociétale, qui évoque à la fois la différence de classe, les centres de bien-être et le petit commerce, à travers les aventures de Max, un cadre commercial arrogant et stressé (bien interprété par Maxime Gasteuil, une découverte pour moi).

   Au début de l'histoire, le gars paraît plutôt antipathique, même si les dialoguistes ont offert à son personnage une brochette de punchlines saillies bien senties. Un peu de gentillesse émane toutefois du milieu familial, la quincaillerie possédée par ses parents, qui ont les traits de Chantal Lauby et Michel Boujenah.

   Sur le point d'épouser une ravissante gosse de riche, Max est entraîné par son futur beauf (un pauvre type oisif, gagné par le new age) dans un centre de remise en forme, dirigé par un couple d'anciens babas cools, incarnés avec gourmandise par Zabou et Lionel Abelanski. Là, ça devient parfois fendard, parce que ce duo de "clairvoyants" va soumettre le groupe de pigeons clients (à 1500 euros par personne le séjour...) à une thérapie plutôt originale. On découvre les compagnons d'infortune de Max, du faux Jésus au dragueur invétéré, sans oublier l'érotomane et la fumeuse de joints. Au cours de leur séjour, les clients du centre vont aussi croiser un boulanger complotiste et un policier municipal adepte de la manière forte...

   Bref, on ne s'ennuie pas, même si ce n'est pas aussi "salé" que je l'avais espéré. Cela devient même consensuel dans le dernier quart d'heure, qui voit plusieurs personnages évoluer positivement... et donc valider indirectement les pratiques charlatanesques que le reste du film s'était amusé à dézinguer.

   C'est (pour moi) franchement dommage, même si le mini-bêtisier qui pimente le début du générique de fin rehausse un peu le cachet comique de cette sympathique comédie.

dimanche, 18 février 2024

Cocorico

   Le scénario de cette comédie sociétale mêle deux arguments narratifs : l'annonce d'un mariage transclasse (entre l'héritière d'un important domaine viticole et le fils d'un ex-garagiste) et la découverte de leurs origines par les quatre parents, par l'entremise de tests ADN lancés en secret par les futurs (?) mariés.

   Ces deux-là ont beau jouer un rôle déterminant dans l'intrigue, ils sont moins présents à l'écran que les quatre cadors qui incarnent leurs parents. Je signale quand même la bonne prestation de Chloé Coulloud, très convaincante en jeune femme moderne.

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   Du côté des géniteurs, on a droit à deux beaux couples caricaturaux. A ma gauche (en haut), se trouvent les Martin, avec Gérard le garagiste devenu concessionnaire Peugeot, fier de sa francitude, marié à Nicole, épouse effacée qui ignore la composition d'une branche de son arbre généalogique. Didier Bourdon et Sylvie Testud nous livrent de fort belles compositions. Je trouve le premier mieux utilisé que dans les films de Philippe Lachaud (et on lui a réservé quelques répliques saillantes). La seconde est épatante, notamment à partir du moment où elle découvre l'origine d'une partie de sa famille. Testud incarne très bien ce personnage qui, d'une certaine manière, part en vrille.

   A ma droite (en bas sur la photographie) se trouvent les Bouvier-Sauvage, une famille "vieille France", pétée de thunes, de bonne conscience et de préjugés. Le rôle de Frédéric va comme un gant à Christian Clavier, qui certes en fait des caisses... mais des caisses de Bordeaux grand cru ! A ses côtés, Marianne Denicourt est Catherine, une grande bourgeoise faussement effacée, qui va s'affirmer dans l'adversité.

   La première partie nous présente les deux familles et leur rencontre, pleine de sous-entendus. C'est délicieux, caricatural, méchant. Dans la salle, ça ricanait sec.

   Tout le monde attend avec impatience de découvrir ce que contient chaque enveloppe. Dans l'ordre, Gérard, Catherine, Nicole et Frédéric vont apprendre à quelle(s) population(s) leurs ADN se raccrochent... et c'est à chaque fois savoureux. Le talent du scénariste-dialoguiste-réalisateur (Julien Hervé, qui parvient presque à faire oublier qu'il a contribué à l'aventure des Tuche...) est de faire rebondir l'intrigue à chaque révélation.

   La troisième partie montre les deux couples tentant de gérer les informations concernant leur passé familial. C'est inégal, parfois drôle, parfois totalement anodin. On s'achemine sans surprise vers une fin convenue, qui réconcilie tout le monde, chacun assumant sans excès son arbre généalogique...

   ... mais ce n'est pas tout à fait fini. Au vu de la manière dont se déroulait l'histoire, je m'attendais à un nouveau coup de théâtre, qui survient tardivement et de manière partielle... sans doute pour ménager la possibilité d'une suite.

   Voilà. J'ai ri. Souvent. Peut-être pour de mauvaises raisons. Mais j'ai passé un bon moment.

   P.S.

   C'est clairement une comédie qui ne vise pas très haut. (Pour une fois, je suis -presque- d'accord avec ce qu'en disent les critiques du Masque & la Plume.) L'auteur s'est montré très sage dans l'exploitation de la face cachée des arbres généalogiques. De ce point de vue, un film comme Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? était plus transgressif... et Didier Bourdon qui, jadis, a joué avec Les Inconnus un sketch se moquant du théâtre de boulevard, est devenu un peu l'incarnation de ce qu'il caricaturait autrefois.

vendredi, 09 février 2024

Chasse gardée

   Au mois de janvier, ce film a été l'un des plus gros succès (en terme d'entrées) au cinéma de Rodez, avec... Les SEGPA au ski... ce qui a fait dire à l'une de mes connaissances que la succession de la vieille génération de beaufs était déjà assurée.

   Faisant fi de ces préjugés, je me suis glissé dans une salle obscure, histoire de vérifier si cette comédie de prime abord franchouillarde ne valait pas mieux que cela.

   Le début est sans surprise, chaque groupe socio-professionnel étant dans son bain, une sorte de nouvelle version des rats des villes et des rats des champs. (Cette amorce ne donne pas du tout envie de vivre à Paris.)

   On attend avec impatience que débute la confrontation. Le réalisateur Frédéric Forestier (auquel on doit aussi bien Le Boulet et Stars 80 que Les Bodin's en Thaïlande...) fait durer le plaisir : les ruraux accueillent plutôt bien les Parisiens, qui font des efforts pour s'intégrer à la vie du village picard.

   La première partie de chasse est assez spectaculaire. C'est l'occasion de découvrir un sanglier dont on n'a pas fini d'entendre parler dans la suite de l'histoire. L'intrigue commence à se corser quand débarque peut-être la meilleure séquence, celle qui fait intervenir Thierry Lhermitte (le papa de la Parisienne, accessoirement redoutable avocat). Le repas de chasse vaut son pesant de terrine... et il est une nouvelle preuve qu'en France, la bouffe et le pinard contribuent au "vivre ensemble".

   La suite vire à la quasi-guerre civile. C'est plaisant parce que, des deux côtés, les comédiens ne se prennent pas au sérieux... tout en incarnant leur personnage avec conviction.

   Le scénario ménage plusieurs rebondissements. Tout le monde en prend pour son grade et, au final, chacun fait des concessions. L'histoire se conclut de manière consensuelle (anciens et néo-ruraux se coalisant contre une nouvelle menace), sur une chanson de Bourvil.

   Ce n'est pas la comédie du siècle, mais elle détend... et, comme dasola, je trouve qu'elle vaut mieux que ce qui transparaît dans la bande-annonce.

   P.S. I

   Le titre fait référence à une réplique, dans la bouche d'un personnage féminin... non chasseur.

   P.S. II

   Didier Bourdon figurant en tête de distribution, les spectateurs de ma génération attendent avec impatience le moment où il sera fait allusion au célèbre sketch des Inconnus... Il faut patienter longtemps, jusqu'à une partie de chasse qui vire au complot.

mercredi, 07 février 2024

La Tresse

   J'ai fini par me laisser traîner dans une salle obscure pour voir l'adaptation du roman à succès de Laetitia Colombani (par elle-même). Dans la salle, j'ai ressenti la curieuse impression qu'une brochette de mâles étaient dans la même situation que moi.

   Hélas, seules des séances en version doublée sont disponibles dans mon cinéma local. Pour la partie canadienne, ce n'est pas gênant. Les voix semblent correspondre aux personnages. Cela devient limite pour la partie italienne, durant laquelle j'aurais tellement aimé entendre parler la langue de Giorgia Meloni Dante. De surcroît, dans cette partie, il est question d'un migrant indien (sikh) qui tente de s'améliorer dans la compréhension et la pratique de l'italien. (A ce sujet, on remarque qu'il progresse très rapidement dans la compréhension de l'Italienne...) Le pire est atteint dans la partie indienne. Elle est très correctement filmée mais, la plupart du temps, les voix ne correspondent pas aux personnages. Cela m'a gêné.

   J'ai tout de même apprécié ces portraits de femmes lumineuses, de la mère de famille intouchable qui veut un autre destin pour sa fille unique à la brillante avocate divorcée, en passant par la jeune fille de patron de PME, assez anticonformiste. Chez ce personnage, j'ai particulièrement aimé qu'on montre une protagoniste adepte de la lecture, une activité hélas souvent complètement absente des films de fiction.

   Je ne suis toutefois pas emballé par le cœur de l'intrigue. Le scénario place progressivement les trois héroïnes au fond du trou, de manière très appuyée. C'est assez attendu concernant l'Intouchable, dont j'aime toutefois qu'elle conserve sa combativité. (Par contre, sa gamine...) J'ai trouvé très datée (ie patriarcale) l'ambiance familiale italienne. Sérieusement, au XXIe siècle, en Italie ? J'ai été presque énervé par la partie canadienne, avec une héroïne agaçante à force de vouloir tout contrôler : avocate géniale, super-maman et guerrière implacable contre le cancer. Le principe de réalité finit par s'imposer à elle, mais il n'était pas nécessaire d'être aussi manichéen.

   Bref, ce n'est pas inintéressant (surtout dans la V.O. à mon avis), mais c'est trop surligné pour moi.

vendredi, 02 février 2024

La Ferme des Bertrand

   Ce documentaire agricole retrace les grandes évolutions d'une exploitation familiale (bovine), en Haute-Savoie (commune de Mieussy), de 1972 à 2022. Les images ont été tournées en 1972 (en noir et blanc), en 1997 (en couleurs, "granuleuses", de format carré) et en 2022 (de très bonne qualité). L'auteur est un documentariste connu, Gilles Perret, engagé à gauche. On lui doit notamment Les Jours heureux et La Sociale. Ici (peut-être parce qu'il est originaire du coin), le propos militant a tendance à s'effacer derrière la volonté de rendre hommage à une lignée de travailleurs.

   Les images datant de 1972 sont les moins nombreuses. On y voit un trio de frères, jeunes, vigoureux, qui ont repris l'exploitation familiale après des trajectoires diverses, l'un des trois étant, dans un premier temps, parti chercher son bonheur à la ville. Deux d'entre eux ont effectué leur service militaire en Algérie. Au début des années 1970, l'exploitation n'est quasiment pas mécanisée.

   Vingt-cinq ans plus tard, en 1997, les trois frères sont toujours à l’œuvre... et toujours célibataires. Du coup, c'est l'un de leurs neveux, Patrick, qui les a rejoints. (Il est sans doute le fils de l'une de leurs sœurs.) Lui est marié (à Hélène, co-exploitante) et a trois enfants, deux filles et un garçon, que l'on fait témoigner. Les tracteurs et autres machines agricoles sont devenus très présents. Le travail semble moins pénible qu'autrefois.

   En 2022, deux des trois oncles sont décédés... tout comme Patrick (à 50 ans). Sa veuve est sur le point de prendre sa retraite, laissant son fils Marc et l'un de ses gendres mener leur barque. L'exploitation va se doter d'une salle de traite automatique. La nouvelle génération est encore plus branchée machines que la précédente (au point de limiter le plus possible le travail strictement manuel)... et elle est plus présente auprès des membres de sa famille.

   J'ai trouvé cela passionnant et beau. Cela dure 1h25 et l'on est pris par la diversité des thèmes abordés et l'habileté du montage, qui alterne les séquences issues de périodes différentes, plutôt que de proposer un suivi strictement chronologique.

   Je recommande vivement.

jeudi, 11 janvier 2024

Moi capitaine

   Environ cinq ans après Dogman, Matteo Garrone revient avec un autre film sociétal coup-de-poing, consacré cette fois aux migrants africains, ici principalement sénégalais.

   La première partie se passe autour de Dakar. On y découvre les héros de l'histoire, dont, durant tout le film, on aura du mal à dire s'ils sont frères ou bien cousins, les sous-titres naviguant entre ces deux possibilités. Ce début ne m'a pas enchanté. J'ai eu du mal à entrer dans l'histoire et à suivre cette intrigue en wolof (sous-titré), mâtiné de termes français. De plus, certains acteurs (visiblement non professionnels) ne sont pas convaincants.

   Pour moi, le film décolle vraiment quand les garçons arrivent aux franges du Sahara, au début d'un périple qui se révèlera plus dangereux et compliqué que ce qu'ils avaient imaginé au départ. Garrone fait montre de son savoir-faire, filmant le désert à la fois comme un piège sournois et un espace empreint de beauté.

   La meilleure partie est sans conteste le séjour en Libye, qui commence par un "détroussage" nocturne  en plein désert, suivi d'une période de semi-esclavage. Le début nous montre des passeurs et une mafia cruels au possible, avant qu'un peu de nuance ne soit introduite. Tous les Libyens ne sont pas des salauds et un peu d'humanité émerge, notamment aussi parce que certains des migrants ébauchent une forme de solidarité. Une belle relation naît entre un maçon (guinéen je crois) et le plus jeune des Sénégalais, Seydou.

   Concernant ce personnage (et celui de son cousin, Moussa), un basculement se produit. Au départ, l'aîné est le plus entreprenant et semble en position de force. Au fur et à mesure du périple, le cadet mûrit, prend de l'assurance... et des décisions parfois draconiennes, alors que l'aîné se retrouve en position de faiblesse.

   On attend avec impatience la dernière partie, censée montrer la traversée de la Méditerranée, direction l'Italie. Elle est clairement moins réussie, le discours militant prenant (pour moi) nettement le dessus sur le projet cinématographique. L'ensemble n'en constitue pas moins une œuvre forte, clairement engagée, perfectible, mais qui pose de bonnes questions.

   P.S.

   Sur le même thème, je recommande La Pirogue (à mon avis plus réussi).

vendredi, 01 décembre 2023

Testament

   Quatre ans après avoir clôturé sa trilogie autobiographico-sociétale (avec La Chute de l'empire américain), le Québécois Denys Arcand revient avec une comédie sociétale acide, que la critique bien-pensante (notamment celle du Monde) a détesté. Essayons de comprendre pourquoi.

   L'histoire a pour cadre un EHPAD une maison de retraite des aînés, dont la cuisine propose quantité de menus adaptés à toutes les allergies, tous les (dé)goûts, toutes les fulgurances à la mode. C'est un établissement plutôt haut-de-gamme, dont les résidents vivent dans des appartements privés. Le narrateur Jean-Michel est l'un de ces résidents, documentaliste à la retraite, septuagénaire du genre anar, libertaire, qui pose un regard goguenard sur son époque. (C'est évidemment un double du réalisateur.)

   L'une des rares fois où on le suit hors de sa résidence, il assiste à une remise de prix littéraires, dont il est le seul lauréat masculin, les récompenses étant quasi monopolisées par des femmes. Celles-ci sont censées représenter toutes les "catégories" à valoriser, puisqu'on rencontre une lesbienne, une Afro-américaine, une obèse, une musulmane (intégriste)... Bref, on nage en plein politiquement correct, à la sauce multiculturelle. Ce n'est pas leur talent littéraire que l'on a primé, mais le fait que les auteures appartiennent à telle ou telle catégorie de "personnes opprimées". La satire n'est pas d'une grande finesse, mais elle est diablement efficace : dans la salle, le public (majoritairement féminin) riait de bon cœur.

   L'hospice (comme il est appelé à une reprise, par une personne qui ne manie pas la langue de bois) n'est pas sans mystères. Ainsi, on se demande ce que peut bien faire Jean-Michel chaque semaine, pendant  une heure, lorsqu'il reçoit une sculpturale beauté blonde. On se dit aussi que l'apparence rigide de la directrice doit cacher quelques lourds secrets... et l'on se demande bien pourquoi la fresque qui orne la salle de musique de l'établissement suscite une telle polémique.

   Elle devient l'objet de la colère d'un groupe de jeunes activistes, qui prétendent représenter les "nations premières" du pays... alors qu'aucun d'entre eux n'en fait partie. Leur langage comme leurs manifestations sont rodés. Ce sont des habitués de l'agitprop, des enfants de la classe moyenne, inscrits à l'université, mais qui passent plus de temps à manifester qu'à étudier. Le portrait qui en est brossé par Arcand pourrait sembler exagéré mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de croiser certains individus de cette espèce (en France), je n'ai pas eu l'impression qu'il grossissait le trait.

   Si le film se limitait à cette distrayante satire, il pourrait sembler anecdotique (bien que nécessaire, à une époque où de nouveaux curés de la pensée tentent d'imposer leurs interdits). Fort heureusement, Arcand y a aussi instillé de la tendresse, celle qui existe, de manière surprenante, entre le héros et sa "visiteuse", celle qui naît, de manière tout aussi étonnante, entre la directrice et le pensionnaire. Commence alors une autre histoire, celle d'une réconciliation familiale et du début d'une nouvelle vie, malgré l'âge avancé.

   Le cinéaste n'oublie cependant pas son projet initial. La troisième partie est le théâtre d'un délicieux retournement, au cours duquel on voit notamment une députée progressiste défendre avec la même conviction que dans la première partie une position presque antagoniste à la précédente... Bravo à la comédienne !

   Le film se conclut sur un triple clin d’œil. Le premier concerne le héros et sa nouvelle vie, qui a des conséquences sur ses opinions. Le second est une vision futuriste, qui ne manque pas de saveur. Le troisième est constitué par la chanson finale, qui renvoie de manière ironique à un dialogue du film.

   Je suis sorti de là d'excellente humeur !

mercredi, 25 octobre 2023

Une Année difficile

   Je ne suis pas un grand fan du duo Nakache-Toledano. Dans leur filmographie, je retiens surtout Le Sens de la fête (plus qu'Intouchables)... mais je n'ai pas tout vu. Ici, j'ai été pris dès le début. Le film démarre par une bonne idée d'introduction, qui nous fait remonter le temps, et donne une indication sur la morale de l'histoire. Les auteurs ne sont partisans ni du "C'était mieux avant", ni du "Le monde est foutu". Du coup, les vieux cons comme les jeunes crétins risquent de ne pas apprécier.

   ... et pourtant, au départ, ces écologistes militants sont dépeints sous un jour favorable. La mise en scène nous les présente comme organisés, instruits, plutôt altruistes et pas bien méchants. Au blocage de l'entrée de l'hypermarché répondent les manifestations en extérieur. La réalisation est tonique, le montage donne du rythme et les acteurs sont convaincants, parfois percutants.

   Parmi eux, il faut bien entendu distinguer Pio Marmaï et Jonathan Cohen, celui-ci drôlissime et, au moins une fois, émouvant (quand il "hume"...). Le duo (inversé par rapport à ce qui était prévu au départ : Pio devait jouer le dépressif et Jonathan le magouilleur) fonctionne très bien. Le fait que tous les deux soient (au départ) très dubitatifs quant au combat des jeunes bobos donne peut-être une indication sur le point de vue des réalisateurs... mais, à la fin, ils ont évolué.

   Parmi les sources de gag, il y a l'usage des pseudos : Cactus, Quinoa, Antilope, Sirène, Poussin, Lexo... Les rires fusent dans la salle, encore plus quand l'idéalisme béat de certains écolos est confronté au matérialisme (parfois un peu gras) des deux surendettés, pour qui le climat passe après leur propre survie quotidienne.

   Dans ce marigot de mecs soit goguenards soit gauchisants, la sincérité de Cactus (Noémie Merlant, très bien) tranche. Elle est en quelque sorte le noyau atomique de la cellule militante, celle qu'on admire, celle qu'on suit aveuglément, celle dont on tombe amoureux. On comprend très vite que son militantisme extrême masque une sorte de "complexe de l'imposteur" : elle est issue d'une famille riche, a eu une vie de privilégiée. Elle se juge donc en partie responsable du désastre actuel et appréhende fortement la suite, ce qui l'empêche d'être heureuse. Il faudra ce qui ressemble à l'intervention du covid (d'une manière que je ne révèlerai pas) pour qu'elle envisage la vie autrement.

   C'est une jolie histoire, nourrie d'humour, qui fait passer un bon moment.

dimanche, 24 septembre 2023

France 3 soutient ouvertement l'immigration illégale...

   ... avec des fonds publics ! J'ai failli tomber de mon fauteuil, ce soir, en regardant Meurtres à Font-Romeu, énième épisode d'une collection qui alterne l'acceptable et le moins bon. Mais, ça, c'est sur le plan technique : des comédiens approximatifs, des dialogues écrits avec les pieds, des rebondissements abracadabrantesques... mais de beaux paysages et, parfois, un scénario bien troussé.

   L'épisode inédit de ce soir respecte le cahier des charges de la série : un duo d'enquêteurs qui, au départ, ne s'entend pas, va unir ses forces pour résoudre une ténébreuse affaire, sur fond de paysages superbes, dans une province où les langues ne se délient pas facilement. Cette fois-ci, hélas, on n'a pas de légende locale (ni d'anecdote historique marquante) à se mettre sous la dent.

   La distribution comprend du lourd (sur le plan télévisuel... le budget n'est tout de même pas illimité) : Béatrice de La Boulaye (remarquée dans Tropiques criminels) côtoie Stéphane Henon, issu lui d'un programme iconique de la chaîne publique : Plus belle la vie. C'est dire l'importance que la direction des programmes accorde à ce téléfilm. (La titulaire du poste, Anne Holmes, s'est fait la main en supprimant des séries parmi les plus populaires des chaînes publiques -Mongeville et Commissaire Magellan- sans doute jugées pas assez dans le coup de la "modernitude"...)

   Déjà, le côté enquête policière n'est pas des plus réussis. On nous ressert le coup de la Parisienne -forcément dynamique- qui débarque dans une rugueuse province et qui se retrouve avec un collègue plutôt taiseux. Il faut plaindre B. de La Boulaye, pas uniquement en raison de l'horrible coupe de cheveux dont est affublé son personnage :

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   En effet, la comédienne, qui pouvait légitimement penser qu'on lui réservait le rôle phare, se retrouve à jouer les faire-valoir du principal interprète masculin, incarnant un officier de gendarmerie qui... aide les migrants clandestins !

   Les promoteurs de l'épisode se sont bien gardés d'informer le public de la teneur de cette intrigue secondaire, qui prend de plus en plus de place au fur et à mesure que l'histoire se déroule. Seule une courte bande-annonce a été diffusée, en avant-première, dans laquelle il est impossible de deviner ce qu'on s'apprête à nous servir.

  L'enquête gendarmesque prend un tour pas du tout crédible, certains personnages secondaires étant mal campés. Même l'enquêtrice est mise dans des situations qui prêtent à sourire : par une soirée glaciale, elle épie son collègue pendant plusieurs heures, sans s'être emmitouflée, ses vêtements restant ouverts au niveau du col !

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   Ce soir-là comme la nuit suivante (quand elle prend son collègue en filature), elle est d'une absence de discrétion consternante pour un officier supposé chevronné.

   En revanche, les scénaristes semblent s'être appliqués à rendre les migrants les plus sympathiques possibles. Tous sont calmes, gentils, craintifs. Au besoin, on tente d'attendrir les spectateurs avec les enfants, de manière limite putassière (le coup du gamin qui fait tomber son jouet au moment de fuir une intervention de la gendarmerie...). Que tout cela est lourd, appuyé !

   Ah, j'allais oublier : on finit par apprendre que le capitaine de gendarmerie a entretenu une liaison avec une sans-papier... Par-dessus le marché, le commandant qui a le capitaine dans le viseur et qui mène la chasse aux migrants s'appelle... Hicham Naouri ! N'en jetez plus, la coupe de la bien-pensance est déjà pleine !

   P.S.

   Sans surprise, la personne qui a commis les meurtres est blanche, de culture catholique.

samedi, 16 septembre 2023

Le Château solitaire dans le miroir

   Bien placée dans la course du film au titre le plus long sorti en France cette année, cette animation japonaise est assez étonnante, en raison du croisement des genres qu'elle opère. Sur le fond, il s'agit d'une œuvre sociétale, qui traite de la phobie scolaire et du harcèlement, entre autres. Mais le traitement s'effectue par le prisme d'une intrigue fantastique.

   Les héros sont sept adolescents, tous collégiens (même si certains ont plutôt un physique de lycéens), tous japonais, tous (sauf un) réfugiés au domicile de leurs parents. Par le biais de miroirs magiques, ils vont se retrouver, à intervalle régulier, pendant un an, dans un mystérieux château, perché sur une île-rocher perdue au milieu de nulle part, avec pour hôtesse une mystérieuse reine-louve, apparemment une enfant portant un masque, mais qui semble diablement mûre (et forte) pour son âge. Elle assigne une mission au groupe : trouver une clé dissimulée dans le château. Elle permettra à l'un(e) d'entre eux de réaliser son vœu le plus cher.

   Des sept nous suivons surtout le parcours de Kokoro, fille unique d'un couple de cadres urbains, scolarisée dans un collège public où elle est devenue le souffre-douleur d'une bande de pétasses. Au fil de ses séjours dans le château, elle découvre qu'elle a d'autres points communs avec ses six compagnons, qui vont devenir des amis. Mais pourquoi ont-ils été réunis là ? Et comment trouver la clé ?

   Le mystère semble dans un premier temps s'épaissir (l'existence d'univers parallèles ne tenant pas la route). Sans me vanter, j'ai assez vite deviné le twist... ainsi que l'identité réelle de la reine-louve. Cela n'a nullement entamé mon plaisir, puisque le scénario (adapté d'un roman) est foisonnant, ouvrant de multiples perspectives.

   La réalisation est cependant inégale. La majeure partie des scènes est assez plan-plan. Toutefois, dès qu'il est question d'une surface réfléchissante (miroir, glace, vitre...), on remarque un incontestable brio.

   C'est visible par les petits et les grands. Je pense que le film est conçu pour susciter des discussions dans les familles... et c'est aussi une histoire particulièrement énigmatique, pour qui aime se triturer les méninges.

   PS

   Du réalisateur, Keiichi Hara, on a déjà pu voir dans les salles : Wonderland, le royaume sans pluie, Miss Hokusai et Colorful.

mardi, 15 août 2023

La Voie royale

   Il ne s'agit pas de l'adaptation d'un roman d'André Malraux, mais de la peinture de la "formation des élites". L'action ne se déroule pas au sein d'une de ces grandes écoles que le monde entier nous envie, mais, là où tout se joue en fait, dans une classe préparatoire scientifique, en province, dans l'un de ces lycées publics sélectifs qui ambitionnent de rivaliser avec certains établissements parisiens.

   Derrière la caméra se trouve Frédéric Mermoud, auquel on doit l'excellent Moka et, plus récemment la mini-série L'Île aux 30 cercueils. Sa mise en scène varie les plans, montrant aussi bien les groupes (qui jouent un rôle important dans le milieu décrit) que les duos, certains comédiens étant régulièrement filmés en gros plan.

   La brochette de jeunes acteurs constitue sans doute le principal atout de ce film. L'héroïne, Sophie, est incarnée par Suzanne Jouannet, qui confirme tout le bien que je pensais d'elle dans Des Choses humaines. C'est une fille de petits agriculteurs, douée en maths, sur le point de devenir "transfuge de classe". Boursière, elle se retrouve plongée dans un milieu (grand) bourgeois, celui de la classe prépa.

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   Une étrange amitié va se nouer avec la surdouée de la promo, Diane (assise à côté d'elle sur la seconde photographie d'illustration, ci-dessus), très bien interprétée par Marie Colomb. Du côté féminin, il faut aussi signaler la prestation de Maud Wyler (vue notamment Alice et le maire) en prof de physique pète-sec, dont l'apparente hyper-rigidité cache un humanisme que la comédienne parvient à faire passer, avec subtilité.

   Du côté des messieurs, plusieurs figures se détachent. Alexandre Desrousseaux incarne avec une pointe de jubilation le gosse de riche doué et sans complexe (un brin macronien sur les bords), tandis que Lorenzo Lefebvre (aperçu dans Délicieux) joue l'étudiant de seconde année (qui "cube"), plus sympa (mûr ?) que les autres, et qui tente de se rapprocher de Sophie. Je pourrais signaler aussi Cyril Metzger, qui incarne le frère de l'héroïne.

   La galerie de figurants est tout aussi convaincante. Cela, allié à une réelle qualité d'écriture, aide à camper une ambiance de prépa très réaliste, des séances de colle au travail en chambre, en passant par les discussions de couloir. Pour nuancer ce tableau très élogieux, je pourrais signaler quelques ajouts pas vraiment bien sentis, comme le coup des gilets jaunes (dont on comprend qu'il est mis là pour souligner le fossé qui sépare la vie de Sophie de celle de la plupart de ses camarades de promo).

   Bref, c'est bien conçu, bien interprété, prenant à suivre, avec quelques rebondissements. C'est l'une de ces bonnes surprises de l'été... et un bon film français sociétal, ce qui n'est pas si fréquent.

mercredi, 05 juillet 2023

La guerre des cagnottes

   La mort du jeune Nahel, à Nanterre, n'a pas fini de faire des vagues. Une conséquence inattendue est la rivalité qui est née entre plusieurs initiatives dont, au départ, il est légitime de penser que les organisateurs n'envisageaient pas qu'elles prennent de telles proportions.

   La première cagnotte a été créée dès le mercredi 28 juin, le lendemain de la mort du jeune homme, la veille de la "marche blanche" qui semble avoir été si bien organisée (avec, rappelez-vous, des T-shirts déjà imprimés). Intitulée « Soutien à la maman de Nahel », elle a vu son montant rapidement augmenter, pour atteindre, au moment où j'écris ces lignes, le total de 444 201,97 euros, pour 22 542 contributeurs, soit une moyenne de 19,7 euros par personne.

   Cependant, dès le lendemain jeudi, des personnalités d'extrême-droite ont lancé ce qu'on pourrait appeler une "contre-cagnotte", au départ en soutien au policier auteur du coup de feu, modifiée ensuite (pour des raisons juridiques) en « Soutien pour la famille du policier de Nanterre ». La création de cette cagnotte a suscité un fort rejet... mais aussi une forte adhésion, puisque son montant a rapidement dépassé celui de la première cagnotte. Il a atteint la somme de 1 636 110 euros, pour 85 101 contributeurs, soir une moyenne de 19,2 euros... quasiment la même que celle de la première cagnotte.

   Ce montant n'est plus destiné à augmenter : l'ajout de nouveaux dons a été bloqué par l'organisateur, peut-être en raison de la plainte qui a été déposée par l'avocat de la famille. (A ce sujet, on se demande ce qui agace le plus les partisans du délinquant décédé : qu'une contre-cagnotte ait été créée, ou qu'elle ait remporté un bien plus grand succès que la leur ?)

   De surcroît, quand on regarde la liste des dons, on constate qu'au-delà d'une minorité de sommes assez importantes (un apport de 3000 euros et quelques dizaines de plusieurs centaines d'euros), l'écrasante majorité des contributions est comprise entre 5 et 20 euros. Il s'agit bien d'un mouvement (relativement) populaire, en tout cas autant que celui qui s'est porté sur la première cagnotte... et c'est en contradiction avec ce que nombre d'internautes affirment sans preuve sur la Toile.

   Ces derniers jours, une troisième cagnotte a fait son apparition, en soutien aux familles des émeutiers arrêtés par la police. (La formulation, prudente, tient compte de ce qui a été reproché à la deuxième cagnotte : elle vise officiellement à aider les familles, pas les personnes mises en cause par la justice.) Au moment où j'écris ces lignes, elle a atteint le montant de 82 519 euros, pour 1995 contributeurs, soit une moyenne de 41,4 euros par personne... eh, oui, plus du double des autres ! Contrairement à ce qu'affirment certains des contributeurs, c'est cette cagnotte-ci qui est la plus bourgeoise. On y relève quantité de dons de plusieurs centaines d'euros, proportionnellement bien plus nombreux que dans la cagnotte de soutien à la famille du policier.

   Une certaine bourgeoisie gauchisante soutient volontiers les (familles des) émeutiers, tandis que les contributeurs modestes se répartissent entre le soutien à la famille du délinquant et le soutien à la famille du policier. Contrairement à ce qu'affirment certains militants d'extrême-gauche, cette affaire n'est pas l'illustration d'une opposition de classe. La bourgeoisie est divisée, entre celle qui soutient le gouvernement, celle qui soutient les émeutiers et celle qui penche pour le RN (et trouve le gouvernement trop mou). Il en est de même pour les catégories populaires. Certaines éprouvent plutôt de l'empathie pour le jeune homme décédé et sa famille, d'autres sont ulcérées par les actes de délinquance et la sauvagerie à l’œuvre dans des émeutes qui n'ont plus rien à voir avec la défense de valeurs démocratiques.

mardi, 04 juillet 2023

Rheingold

   Selon l'un des personnages de ce biopic allemand, l'or du Rhin est censé rendre immortel. C'est une allusion à l'opéra de Richard Wagner (qui trouve sa conclusion dans le clin d’œil final). Le sens qui lui est donné est musical. La reconnaissance et la célébrité (versions contemporaines de l'immortalité) sont d'abord acquises par le père du héros, compositeur réputé, qui accède à la fonction de chef d'orchestre. Quant à son fils, Giwar Hajabi, c'est le rap (après bien d'autres choses...) qui permet son élévation, dans tous les sens du terme.

   Cette nouvelle illustration du petit gars d'origine modeste qui va se faire un nom après avoir surmonté d'atroces épreuves ne manque pas d'originalité. L'histoire commence en Iran, au moment où le régime du Shah cède la place à la République islamique. Le père y est déjà un compositeur et chef d'orchestre de renom, sa compagne étant musicienne. Tous deux sont kurdes... et opposés au nouveau régime, contre lequel la mère du héros va jusqu'à prendre les armes. Les parents connaissent les prisons iraniennes, avant de fuir, d'abord en Irak, puis en France, avant de s'installer en Allemagne.

   Le jeune Giwar est programmé pour succéder à son père dans la carrière musicale. Mais tout ne va pas se passer comme prévu. Le père peine à communiquer sa passion rigoureuse pour la musique... et la vie des réfugiés politiques dans un quartier populaire allemand n'est pas de tout repos. Turcs, Iraniens, Palestiniens, Marocains et Kurdes se croisent, s'entraident ou se bastonnent dans une ambiance de trafic de drogue et de vols de CD. (On est dans les années 1990.) Après l'épisode iranien (vu essentiellement sous la forme de retours en arrière), très réussi, Fatih Akin (auquel on doit, entre autre, In The Fade) accroche les spectateurs avec sa représentation du quartier multiethnique et des tensions qui le traversent.

   La déchéance socio-économique de la famille de Giwar est suivie d'une première élévation, par la force (à coups de poings), puis par les combines (sous la houlette d'un chef de clan kurde). Dans le même temps, Giwar ressent à nouveau de l'attirance pour la musique, mais pas celle prônée par son père. Il croise des rappeurs (et même une prostituée rappeuse) et, surtout, un habile arrangeur. C'est vraiment intéressant... à ceci près que les paroles des "chansons" que l'on entend ne sont pas à l'honneur des apprentis artistes. On y parle beaucoup de « pognon », de « putes » (sauf maman, qui est une sainte) et de « chattes »... Les pseudo-rebelles au micro se proposant de saisir les dames par la même partie de leur anatomie que Donald Trump... (On nage en pleine « masculinité toxique ».) Akin n'a pas beaucoup de recul vis-à-vis du "machisme de banlieue", à part sur la fin, quand il insère une vision de la mère, qui fait modifier les paroles d'une de ses chansons à son délinquant de fils.

   Celui s'est d'abord lancé dans le trafic de drogue, où il rencontre des fortunes diverses. Le fonctionnement du clan kurdo-turc bénéficie d'une réalisation efficace, avec (notamment) une scène de règlement de compte qu'on ne voit absolument pas venir. Giwar finit par se lancer dans le braquage d'un fourgon de transport de fonds, dans une séquence assez emballante. Les braqueurs ont un petit côté pieds nickelés... mais ils réussissent, dans un premier temps, à berner des policiers de fort belle manière.

   Une autre séquence (fractionnée en plusieurs morceaux) est marquante : celle de l'emprisonnement en Syrie, où le trafiquant se croyait à l'abri. Le problème (pour lui et son acolyte) est qu'il y débarque juste avant le printemps arabe. Le temps va se gâter pour lui, d'autant que beaucoup de monde est à la recherche de l'or volé. Cette partie est peut-être la plus atroce, entre cellules surpeuplées (et organisées de manière communautaire) et séances de torture.

   Je laisse à chacun(e) le loisir de découvrir comment tout ceci se termine.

   Si l'on supporte les à-côtés peu reluisants du monde du rap, ce film est à voir. Il est très bien fichu et nous plonge dans l'envers du "miracle allemand". L'acteur principal, Emilio Sakraya, est une révélation. Le paradoxe est que, vu la manière dont il a été mis en scène, le film conviendra aussi bien à celles et ceux qui apprécient de voir représentées les difficultés auxquelles sont confrontés les immigrés dans les sociétés occidentales qu'à celles et ceux qui estiment que ces immigrés (authentiques réfugiés ou pas) sont, en partie, la cause de leurs problèmes et de ceux du pays d'accueil, compte tenu des activités délictuelles dans lesquelles ils sont impliqués.

lundi, 19 juin 2023

Sexygénaires

   Cinq ans après La Finale, Robin Sykes nous propose une nouvelle "comédie sociétale" autour du troisième âge, là encore avec Thierry Lhermitte. L'ancien Popeye du Splendid porte beau et le scénario mise là-dessus pour nous plonger dans les difficultés d'un hôtel-restaurant de luxe (un peu vieillissant lui aussi)... et dans le monde du mannequinat aux tempes argentées.

   Le début plante le décor de manière classique : Michel (T. Lhermitte) dirige son établissement varois avec passion, faisant passer sa vie personnelle au second plan. On est de tout cœur avec cet homme aimable, veuf inconsolable, qui met sa stabilité financière personnelle en jeu pour tenter de sauver son entreprise (et son personnel). On n'est pas vraiment surpris de découvrir que son vieil ami et associé, Denis, installé à Paris, est en fait un combinard de première. Mais c'est de cet ami que va peut-être venir la solution à ses problèmes.

   Dans le rôle du raté sympathique (Denis), Patrick Timsit livre sans doute la prestation que l'on attendait de lui. Son personnage doit inspirer de la pitié... mais, surtout, agacer (objectif plus qu'atteint) et placer Michel dans des situations délicates.

   Le duo fonctionne bien, parce qu'il est particulièrement contrasté... trop même. Michel n'a quasiment que des qualités et Denis en fait vraiment des caisses.

   Heureusement qu'il y a la distribution féminine. Zineb Triki (vue récemment dans Vortex) est parfaite en agente ambitieuse, organisée, séduisante et... sans tabou. Marie Bunel offre un contrepoint intéressant aux deux principaux personnages masculins : elle est de la même génération, a réussi de son côté... et a de beaux restes, comme on dit. Sur le plan comique, il faut signaler la prestation de la toujours piquante Olivia Côte, en photographe allumée, qui n'hésite pas à bousculer ses modèles... et à se montrer délicieusement grossière. D'autres seconds rôles sont aussi bien campés.

   Voilà. Ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais c'est au final assez plaisant et cela dure à peine 1h20.

dimanche, 18 juin 2023

Sick of myself

   Présenté à Cannes l'an dernier, dans la catégorie « Un certain regard », ce film norvégien n'est pas sans rapport avec une autre œuvre scandinave, la Palme d'or 2017, The Square, du Suédois Ruben Östlund (qui, lui, est reparti de l'édition 2022 avec une seconde palme, pour Sans filtre).

   Dans les deux films il est question de l'art contemporain, de posture, de snobisme et de narcissisme. Mais, ici, le réalisateur ne s'intéresse pas tant à l'élite de l'art contemporain qu'à celles et ceux qui essaient de la rejoindre. Le couple de héros est formé d'un créateur qui commence à percer, un jeune homme plutôt bien de sa personne, habile et charmeur, qui a une haute opinion de lui et aime s'écouter parler. Sa compagne, Signe, une ravissante blonde, est... serveuse, mais a des prétentions artistiques. Surtout, elle a désespérément besoin qu'on s'intéresse à elle.

   La première partie du film est un délice de mauvais esprit, à froid (à la scandinave). Les deux "héros" y apparaissent assez pathétiques. Les dialogues, ciselés, nous font vite comprendre à quel point le couple est asymétrique. J'ai particulièrement aimé certaines séquences, celle au cours de laquelle la serveuse sauve la vie d'une femme mordue par un chien et celle du dîner mondain, au cours duquel la jeune femme simule une allergie à la noix.

   Elle est prête à tout pour devenir le centre de l'attention, y compris à devenir malade. Le personnage devient encore plus pathétique et déplaisant... mais c'est compensé par l'ironie qui irrigue la mise en scène des conséquences de son activisme. Là, il convient d'être particulièrement attentif : certaines scènes sont fantasmées, d'autres réelles. A plusieurs reprises, Signe imagine quel degré de célébrité elle pourrait atteindre (et comment).. ou quelles pourraient être les conséquences négatives de ses actes. Je crois ne pas trop en dévoiler en affirmant que la jeune femme arrive plus ou moins à son but. Cela la conduit à une agence "inclusive", dont la patronne promeut une mode et une communication "éthiques". On ne s'étonnera donc pas qu'elle ne travaille quasiment qu'avec des "minorités" dans tous les sens du terme : son assistante est aveugle, une autre employée est noire et sa précédente "pouliche" est un mannequin n'ayant qu'une main... C'est dire le potentiel qu'elle voit dans une jeune femme défigurée, victime supposée d'une maladie inconnue !

   Avis aux âmes sensibles : le réalisateur Kristoffer Borgli pousse le bouchon vraiment très loin. J'ai pensé aux œuvres de David Cronenberg et au Rock'n Roll de Guillaume Canet. C'est donc plutôt à réserver à un public averti... même si je pense que les ados d'aujourd'hui tireraient le plus grand profit de la vision de ce film.

lundi, 01 mai 2023

Le retour de l'ours

   Le mois dernier, j'ai recommandé le sympathique nanard Crazy Bear, dont l'intrigue s'inspire d'un fait divers remontant aux années 1980. Eh bien cette histoire a resurgi samedi dernier, lorsque M6 a diffusé le quatrième épisode de la vingtième saison de la série NCIS, intitulé (en français) Les Jolis Coeurs.

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   L'enquête se déroule en partie dans un parc naturel américain, où l'on retrouve le cadavre d'un marine. Un peu plus tard, l'un des protagonistes doit échapper aux assauts d'un ours furibard. L'homme, au centre ci-dessus, est membre de la police des parcs... et c'est l'ex-petit ami de l'une des nouvelles enquêtrices du NCIS, la bimbo Jessica Knight (à gauche ci-dessus).

   Le fait que l'ours ait consommé une substance hallucinogène joue un rôle dans l'intrigue, au cours de laquelle le chef de l'équipe, l'agent Parker (à droite sur la photographie) rappelle l'histoire de "Cocaine Bear", que, dans l'épisode, on surnomme "Pablo Ourscobar" (en français) ou "Pablo Escobear" (en anglais).

   Cela épice un peu ces aventures un peu quelconques, la série ayant perdu beaucoup de son intérêt après les départs de plusieurs acteurs : Emily Wickersham, Maria de Bello et surtout Mark Harmon, l'insubmersible Gibbs, désormais trop vieux pour le rôle.

   Concernant l'ours, cet épisode ayant été diffusé aux États-Unis en octobre 2022, il a donc précédé la sortie sur les écrans de Crazy Bear (en février 2023 outre-Atlantique). La coïncidence n'en est pas moins troublante. Je me demande si les scénaristes de l'épisode n'avaient pas entendu parler du tournage du long-métrage.

samedi, 08 avril 2023

Les Petites Victoires

   Plutôt réticent au départ, j'ai fini par me décider à voir ce film, en raison de très nombreux retours positifs dans mon entourage. Il faut dire que la distribution est alléchante : outre les têtes d'affiche Julia Piaton et Michel Blanc (dans un rôle proche de celui qu'il interprétait dans Je vous trouve très beau), on croise India Hair, Lionel Abelanski, Marie Bunel et... Marie-Pierre Casey ! Elle interprète Jeannine, une retraitée souffrant de la hanche, qui, aujourd'hui, aurait bien du mal à dépoussiérer une grande table de salon.

   Derrière la caméra se trouve Mélanie Auffret, dont j'avais déjà aimé Roxane. Elle a ce talent pour, d'une part, créer une comédie propre à favoriser la sécrétion de dopamine et d'endorphine, d'autre part, évoquer ce monde rural qui souffre, mais qui, souvent, n'obtient l'attention des médias dominants qu'en cas de drame ou pour véhiculer une image de carte postale.

   Les petites victoires en question ne sont ni d'ordre militaire (on est loin d'Austerlitz), ni d'ordre sportif, politique ou économique. Le village breton (des Côtes-d'Armor) n'héberge ni artiste célèbre, ni richissime startupper, ni recordman du monde... mais on y admire quand même Kylian Mbappé. Le scénario fait l'éloge des exploits du quotidien, comme réapprendre à lire, rouvrir un commerce local, oser exprimer ses sentiments... L'intrigue est peuplée de "gens normaux"... mais pas trop.

   Émile est un retraité illettré (ancien carreleur), célibataire malgré lui... et caractériel. J'ai bien aimé la manière dont la réalisatrice fait émerger le problème dont il souffre, avec les implications que cela a. Petit à petit, on découvre les stratégies qu'il avait mises en place (pour passer le permis de conduire, livrer des journaux, faire les courses...). Cela sonne juste... et cela permettra peut-être à une partie du public de découvrir la situation d'une frange méconnue de la population française.

   A cette intrigue principale se greffe un contexte particulier, celui d'une commune en déclin (peuplée de moins de 500 habitants), sans boulanger, ni médecin... ni bar ! Ne reste que l'école primaire, à classe unique, à son tour menacée de fermeture.

   La lutte de ces Indiens des temps modernes en rappelle d'autres, mais elle est mise en scène avec un certain dynamisme et un sens indéniable de la cocasserie. Plusieurs scènes sont particulièrement bien troussées, comme celle de l'utilisation d'une application de rencontre... et celle au cours de laquelle la maire découvre ce qu'il se passe réellement dans la boulangerie-épicerie récemment rouverte. Cela prend une tournure âpre... avant qu'une chute inattendue ne détende l'atmosphère.  (La réputation des forces de l'ordre ne sort pas grandie de cet épisode...)

   J'ai aussi apprécié que ce nouveau feel good movie ne prenne pas trop l'allure d'un conte de fées. On a évité de faire de l'héroïne trentenaire célibattante une jeune femme en quête éperdue du grand amour qui va changer sa vie. S'ajoute à cela une conclusion plus subtile que prévue concernant le devenir de l'école.

   Au final, même si le film est farci de "politiquement correct" (la classe métissée au fin fond de la Bretagne, l'exposé "thunbergien" sur le climat à l'école, la réconciliation générale autour de boissons alcoolisées...), j'ai passé un très bon moment.

jeudi, 06 avril 2023

Bonne conduite

   Il est difficile de résumer ce qu'est cet improbable film de Jonathan (bien) Barré. Cela commence comme un thriller vengeur, empreint de bretonnitude. Il manque sans doute une case ou deux à la serial killeuse (on comprend plus tard pourquoi), de surcroît assez maladroite. C'est qu'on ne s'improvise pas tueuse en série du jour au lendemain ! Dans le rôle de cette moderne Némésis, Laure Calamy n'était peut-être pas le meilleur choix (une actrice plus athlétique aurait sans doute mieux convenu), mais elle ne manque pas d'allant. Elle s'est de plus pleinement investie dans un personnage tragicomique auquel elle évite de sombrer dans le ridicule.

   Elle bénéficie aussi d'un entourage masculin très bien choisi. Le duo d'antagonistes qu'elle forme avec Tchéky Karyo m'a bien plu, tout comme l'intervention du binôme d'enquêteurs (les compères Marsais et Ludig), suffisamment professionnel pour s'approcher régulièrement de la conclusion de l'enquête... et suffisamment crétin pour à chaque fois passer à côté de l'évidence (voir la scène au cours de laquelle on découvre le nom d'un bateau).

   L'intrigue surprend parce qu'à la soif de vengeance s'ajoutent un trafic de drogue, une croisade antiradars... et une peinture peu reluisante de la délinquance routière. Même s'il est évident qu'on est là d'abord pour rigoler (fût-ce de manière macabre), on sent à plusieurs reprises poindre la volonté de faire toucher du doigt ce que représentent chaque année tant de drames routiers. A cet égard, la plus belle scène se trouve à la fin, quand l'héroïne est sur le point d'accomplir sa vengeance suprême... mais une surprise est au-rendez-vous, qui donne une belle profondeur à l'histoire. (Joli caméo d'Olivier Marchal, soit dit en passant.)

   D'un point de vue technique, outre la réutilisation des codes des films de genre, on peut noter aussi la volonté de mettre en scène les "moments inutiles" d'une intrigue de film à suspens, ces espaces intermédiaires au cours desquels les protagonistes accomplissent des gestes anodins, réputés ralentir l'action, voire casser son rythme. Ici, au contraire, le réalisateur se délecte de ces moments cocasses, parfois gênants, qui font de son film une œuvre inclassable, source de délassement.

mardi, 17 janvier 2023

Les Survivants

   Au sens littéral, ces survivants sont des migrants, rescapés de la traversée de la Méditerranée, qui tentent un nouveau passage périlleux, celui des Alpes, à la frontière franco-italienne. Au sens figuré, les survivants sont sont ceux qui peinent à surmonter une perte (le décès d'un.e proche).

   Dans le rôle de la migrante, on trouve Zar Amir Ebrahimi, révélée au public international par Les Nuits de Mashhad. Dans le rôle du montagnard fracassé par la vie, on a Denis Ménochet, acteur à la filmographie éclectique, remarqué notamment dans Seules les bêtes.

   L'intérêt repose sur trois éléments : l'utilisation du cadre alpin, à la fois magnifique et oppressant, la relation ambiguë qui se noue entre le passeur et la migrante et le choix de traiter l'intrigue sous la forme d'un thriller. La montée progressive en tension est bien maîtrisée, avec une séquence particulièrement remarquable, celle tournée dans un hôtel-restaurant à l'abandon, un labyrinthe où tout semble possible, en particulier le pire.

   J'ai aussi bien aimé l'idée que chaque membre du duo apporte quelque chose à l'autre. Samuel fait profiter Chehreh de sa connaissance de la montagne. Celle-ci se révèle très utile face à la menace qui pointe (celle de la traque menée par les identitaires) : elle est habituée à fonctionner en mode survie. Cette entraide se double progressivement d'une meilleure compréhension mutuelle, d'où la tendresse n'est pas absente...

   Le gros problème est le traitement manichéen du sujet. On ne laisse aucune liberté aux spectateurs, sommés de compatir pour le duo de héros, tandis que leurs antagonistes anti-immigration sont dépeints de la pire des manières, le sommet étant atteint avec la caractérisation du personnage de Justine (très bien interprété par Victoire du Bois, ceci dit). On ne peut pas ne pas détester le trio de traqueurs, alors que la migrante est si sympathique, à la fois belle, forte et fragile, le passeur faisant immanquablement penser à un gros nounours, affectueux, un peu maladroit... et parfois en colère.

   C'est vraiment dommage, parce qu'il y avait un beau sujet de société à traiter, que le réalisateur a escamoté pour mettre l'accent sur la relation entre Samuel et Chehreh.

lundi, 05 décembre 2022

Un P.V. approximatif

   La chaîne de télévision Chérie 25 rediffuse actuellement la série policière Deux Flics sur les docks. Je ne l'avais jamais regardée auparavant, lorsqu'elle était programmée sur France 2. L'épisode que j'ai récemment vu est le douzième et dernier de la série. Il est intitulé "Amours mortes". J'en ai trouvé l'intrigue bien construite et les acteurs (notamment Jean-Marc Barr et Bruno Solo) plutôt convaincants. Mais un document, visible vers la fin, m'a interpellé :

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   Il s'agit d'un procès-verbal d'audition, celle d'un suspect par un officier de police judiciaire (un capitaine en l'occurrence). A ce moment de l'intrigue, la personne interrogée signe la première page du P.V., qu'on pense rédigé par le capitaine (d'après les déclarations du suspect)... mais c'est truffé de fautes de français. J'ai mis les principales en exergue :

- "croisé" au lieu de "croisée", puisque le complément d'objet direct ("l"), placé avant le verbe, remplace Amandine

- "il a finit" au lieu de "il a fini", le participe passé du verbe finir (lorsqu'il ne s'accorde pas) s'écrivant sans "t" final

- "honfleur" au lieu de "Honfleur", le nom d'une commune prenant une majuscule ; il est d'ailleurs correctement orthographié plus haut dans le P.V.

- "du" au lieu de "dû", participe passé (masculin singulier) du verbe avoir ; l'accent circonflexe permet de distinguer ce participe passé de l'article contracté

- "est parti" au lieu de "est partie", puisque le sujet (voiture) est féminin

- "repartie" au lieu de "reparti", là au contraire parce que le sujet ("je") est un jeune homme

   Si encore cela avait été manuscrit, on aurait pu faire porter le poids de l'incorrection orthographique sur les épaules du jeune homme. Là, soit on a voulu montrer (de manière très furtive) que les OPJ ne sont pas des experts en langue française, soit la "petite main" chargée de rédiger le faux P.V. pour la production mériterait de retourner à l'école primaire...

samedi, 26 novembre 2022

She Said

   Elle a dit... mais on ne l'a pas écoutée. Ou alors, elle n'a pas osé dire... et personne ne lui a demandé. L'affaire Weinstein et la dénonciation du harcèlement sexuel (ainsi que du viol) à Hollywood sont au cœur de ce film militant, qui démarre par un détour... en 2016, avec Donald Trump. La misogynie du personnage est connue (et, soit dit en passant, ne semble pas déranger ses électrices). Son rappel, juste avant les mid-terms de 2022 (le film a commencé à être projeté en octobre dernier aux États-Unis) n'était évidemment pas anodin.

   Mais avant cela, on nous projette en Irlande, en 1992. On sent que quelque chose de très désagréable est arrivé à une ado. Il faut attendre plus d'une heure pour comprendre les dessous de cette histoire (et son importance dans le déroulement de l'affaire), lorsqu'une journaliste du New York Times retrouve la jeune femme, devenue mère de famille, loin du monde du cinéma.

   C'est un film-dossier et un hommage au travail des journalistes, symboles de ce « quatrième pouvoir » qui est bien utile quand les autres baissent les bras ou ferment les yeux. On pense à Dark Waters et aux Hommes du président, surtout dans les scènes filmées au sein de la rédaction du Times. C'est classique, mais efficace, avec Maria Shrader (I'm your man) derrière la caméra

   Même si (comme moi), on a suivi l'évolution de l'affaire, le film conserve l'attrait d'un polar haletant. Pour les journalistes, il s'agit d'identifier les victimes, d'arriver à les faire parler, de trouver des témoins et de s'appuyer sur les documents qui permettraient de corroborer leurs affirmations. Le scénario et le montage ont pour objectif de montrer l'ampleur (et la difficulté) de ce travail, les scènes professionnelles alternant avec la vie privée des héroïnes. Toutes deux sont heureuses en ménage, avec un compagnon compréhensif. Toutes deux sont mères... et, parfois (souvent ?) la vie professionnelle empiète sur la vie privée.

   Les actrices (Zoe Kazan et Carey Mulligan) sont épatantes. Elles peuvent s'appuyer sur des personnages secondaires bien campés... ainsi que sur certaines des protagonistes de l'affaire, qui jouent leur propre rôle.

   Je ne suis pas un inconditionnel du mouvement MeeToo, qui a donné lieu à des dérives (au nom du « name and shame »), mais je trouve passionnante la démarche des journalistes, qui ont mené une enquête serrée pour dénoncer un prédateur sexuel et mettre fin à ses agissements.

samedi, 08 octobre 2022

Novembre

   La sortie du film de Cédric Jimenez, consacré aux premiers jours de l'enquête judiciaire consécutive aux attentats du 13 novembre 2015, est l'événement de la semaine. Ces dernières années, du côté français, la fiction s'est plutôt intéressée aux terroristes, par exemple avec La Désintégration (de Philippe Faucon) et Made in France (de Nicolas Boukhrief). Du côté des forces de l'ordre, on n'a guère que L'Assaut à se mettre sous la dent.

   C'est la première originalité de film de Jimenez : il suit pas à pas l'évolution d'une galerie de policiers, de grades différents, de fonctions différentes, appartenant à des services et des unités différents. Par sa diversité (et grâce à un montage nerveux), ce patchwork n'est pas sans rappeler le Short Cuts de Robert Altman.

   L'histoire commence pourtant de tout autre manière. L'action se déroule en Grèce. Plusieurs forces antiterroristes (grecques, françaises, américaines...) interviennent conjointement pour "serrer" les membres d'une cellule... surtout un, en fait. La conclusion de cette intervention a eu des répercussions, jusqu'en France...

   C'est aussi l'occasion de découvrir le "héros" de l'histoire, un commissaire pugnace, habité par son travail, formidablement incarné par Jean Dujardin. (Dans le jeu de l'acteur, quel contraste avec le dernier OSS 117 !)

   Une ellipse nous conduit à Paris, quelques mois plus tard. la tension est retombée. La population, qu'elle soit au travail ou sortie pour se détendre, suit plus ou moins attentivement le match de football qui se déroule ce soir-là au Stade de France. Parmi les anonymes, des policiers sortis du boulot, qui vont vite être rappelés.

   Commence alors une course contre-le-montre. Une fois les attentats commis, il s'agit de mettre la main sur les terroristes encore vivants, en fuite. Les policiers en viennent rapidement à penser que les tueurs ont une dernière cible en tête. La mise en scène, survitaminée, nous met dans les pas des policiers, entre filatures, écoutes téléphoniques, interrogatoires, consultation des bases de données, échanges d'informations entre services... C'est passionnant. Les scénaristes ont visiblement consulté le rapport parlementaire de juillet 2016 (en particulier le tome 1, pages 42-53 et 61-69). Ils semblent avoir aussi puisé dans des sources annexes. Bref, c'est documenté, mais ne vise pas à l'exhaustivité : on a fait des choix (pertinents), pour tenir la ligne dramatique du sujet.

   Le film a l'élégance de ne pas sombrer dans le pathos. Des rescapés nous sont montrés, à l'hôpital, interrogés par des policiers. C'est digne sans être appuyé. Ces moments touchants constituent presque des pauses de douceur dans la course frénétique pour tenter d'attraper les suspects.

   J'ai aussi apprécié que les personnages des tueurs ne soient pas développés. Ce sont des ombres, qui parviennent longtemps à filer entre les doigts de la police. Les deux femmes musulmanes sont des exceptions. L'une est la cousine de l'un des terroristes, l'autre une amie qui l'héberge. Ce sont d'ailleurs, selon moi, les deux personnages féminins les mieux incarnés. Ils sont plus convaincants que ceux des policières, que j'ai trouvé un peu caricaturaux (ou pas suffisamment crédible : Anaïs Demoustier en Inès... bof).

   Viennent alors les questionnements autour du personnage de Samia, la logeuse qui informe la police (très bien interprétée par Lyna Khoudri). En contradiction avec la réalité, les scénaristes ont choisi d'en faire une musulmane intégriste (voilée)... mais qui ne soutient pas le terrorisme. Certains y verront un prêchi-prêcha gauchisant, tendant à faire accepter à la masse de la population française que les femmes voilées sont tout à fait respectables. D'autres y verront plutôt une forme de propagande à destination de nos concitoyens musulmans, tentant de leur faire admettre l'idée qu'un musulman, même très pieux, ne peut pas soutenir des terroristes. Choisissez votre version !

   Cette tension converge vers l'apogée que tout le monde attend : l'assaut du dernier repaire des terroristes. Cette séquence tonitruante, filmée dans une semi-obscurité, est particulièrement impressionnante, dans une grande salle. (J'ai un peu pensé à la fin de Zero Dark Thirty.) Elle conclut de manière magistrale un très bon film d'action, qui ne juge pas ses personnages, mais qui met l'accent sur ceux qui ont choisi de défendre la vie.

mercredi, 28 septembre 2022

Poulet frites

   L'équipe de l'émission Strip-tease est de retour dans les salles obscures avec un documentaire qui se regarde à la fois comme un grand reportage en immersion et comme un polar dont on tente d'élucider l'énigme.

   C'est filmé en noir et blanc, souvent caméra à l'épaule, mais sans agitation frénétique. Les spectateurs de 2022 seront surpris de découvrir les enquêteurs d'une brigade criminelle bruxelloise en train de travailler sur des ordinateurs dotés d'un moniteur à tube cathodique : on est en 2003, comme nous l'apprend indirectement un calendrier punaisé au mur. Pas de smartphone à l'époque, rien que des fixes et des portables rudimentaires, les fameux « GSM ».

   Pendant 1h40, on suit une seule enquête, sur le meurtre d'une jeune femme, sauvagement égorgée en pleine nuit. On commence par découvrir, filmé de dos, le premier suspect qui se présente aux yeux des policiers : un ex-taulard, drogué, compagnon occasionnel de la victime. Sans voir les traits du visage du gars, on sent le malaise qui pèse dans la salle d'interrogatoire, face à des policiers partagés entre une certaine compréhension et la conviction que le type a des choses à cacher. Simule-t-il ses pertes de mémoire ou bien n'est-il qu'un pauvre type pris dans un engrenage ? Seule une enquête approfondie le déterminera.

   Celle-ci est menée par le commissaire Lemoine, dont l'équipe fournit un véritable travail de bénédictin, pour tenter de découvrir le fond de l'affaire et de réunir les preuves permettant de confondre le coupable. Une de ces preuves pourrait être une portion de frites, dont l'origine puis le devenir suscitent des interrogations. On voit aussi les policiers se flinguer les yeux à éplucher des relevés téléphoniques, dont l'analyse, recoupée avec des éléments de terrain, pourrait les mener à la solution.

   Ils sont épaulés par une juge de caractère, que les fans de l'émission connaissent : il s'agit d'Anne Gruwez, vue dans Ni juge ni soumise, mais plus jeune ici. Elle passe au second plan, l'accent étant mis sur les policiers et les suspects.

   Certains d'entre eux sont issus de l'immigration indo-pakistanaise. La Belgique est une étape sur le chemin qui mène de l'Asie du Sud au Royaume-Uni. On constate aussi que les réseaux et les communautés s'étendent jusqu'à l'Italie et même les États-Unis. Cela complique encore plus le travail des policiers.

   L'ensemble est émaillé d'humour, mais pas tant que cela. Le choix de brosser un portrait social et de présenter de manière assez minutieuse les progrès de l'enquête policière l'emportent. Cela n'exclut pas les moments cocasses, comme la séquence qui montre les efforts patients du commissaire bruxellois pour obtenir de collègues de banlieue le détachement de renforts en uniforme pour mener une perquisition jugée capitale. La succession des coups de téléphone, rebondissant de correspondant en correspondant, évoque un univers quasi kafkaïen.

   On note ainsi quelques effets de mise en scène. Ils sont particulièrement visibles concernant l'un des suspects. Son changement de statut au cours de l'enquête coïncide avec une modification dans la manière dont il est filmé.

   Bref, même si c'est un peu long, c'est passionnant.

   P.S.

   A propos d'Anne Gruwez, je ne saurais trop conseiller de binger la mini-série Marianne, récemment diffusée sur France 2, dont les six épisodes sont accessibles sur le site de France TV jusqu'en janvier prochain.

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   Marilou Berry y incarne une pétulante juge d'instruction, dotée d'un accent belge redoutable (et inspirée d'A. Gruwez). Elle mène ses enquêtes tambour battant, aux côtés d'un capitaine de police taciturne mais pugnace, interprété efficacement par Alexandre Steiger. Leur duo fait des étincelles, d'autant que les dialogues, très bien écrits, sont souvent truculents. (C'est bien plus drôle que toutes les comédies françaises sorties au cinéma ces derniers mois.)

   Chaque épisode est construit autour de trois schémas narratifs. L'une des trames, en général légère (mais souvent graveleuse), montre la juge en train de traiter une affaire "secondaire", dans son bureau, face à l'accusé et à son avocat. Se succèdent devant elle un veuf éploré (qui a enlevé une guenon, pour en faire sa compagne), un époux violent (dans le déni), un taxidermiste (qui a déterré le cadavre d'un chien), la maîtresse dominatrice d'un mari infidèle, de jeunes voleurs de homards et un ex-taulard qui a pénétré par effraction dans un commerce pour y montrer son cul à une caméra de surveillance...

   Ces moments saugrenus alternent avec la principale enquête de chaque épisode, beaucoup moins marrante, en général. Complète le tout une affaire fil rouge, celle du meurtre non résolu d'une prostituée, Marianne ayant décidé de prendre le fils de celle-ci sous son aile.

   J'ai a-do-ré !

samedi, 03 septembre 2022

Les Cinq Diables

   Ce petit thriller français entremêle les thématiques. Au fantastique se superposent des questions sociétales : racisme, homophobie, harcèlement scolaire... Intersectionnalité quand tu nous tiens ! Intéressons-nous plutôt à ce qui est d'ordre cinématographique.

   La première partie de l'intrigue est dominée par le sentiment d'étrangeté. C'est d'abord l'histoire d'un couple qui bat de l'aile. Le désir semble avoir quitté le foyer, à tel point que l'épouse (Adèle Exarchopoulos, crédible en maître-nageuse) soupçonne son conjoint d'aller voir ailleurs. C'est du moins ce que suggèrent la mise en scène et le jeu de la comédienne. C'est peut-être trompeur...

   L'étrangeté réside dans la composition du couple : une fille du pays (Joanne) et un immigré d'origine sénégalaise (Jimmy). Leur fille, Vicky, suscite étonnement et moqueries chez les gamines de la région, un coin de l'Isère où semble régner un certain entre-soi.

   Un autre élément d'étrangeté est l'irruption de l'homosexualité (féminine), dans une petite ville où la conception du couple est très traditionnelle.

   Cette étrangeté prend un tour fantastique avec Vicky, une gamine mûre pour son âge... et à l'odorat hyper-développé. Elle repère les gens à leur(s) odeur(s), qu'elle essaie de "capturer". Elle tente aussi des expériences sensorielles. L'une d'entre elles la projette dans le passé, à plusieurs reprises.

   La mise en scène soutient les choix scénaristiques, en particulier dans la première demi-heure. A plusieurs reprises, on comprend que la manière dont la caméra a été placée n'est pas due au hasard ni à une quelconque coquetterie. Soit le point de vue est décentré, soit on invite les spectateurs à chercher ce qui, dans le plan, sort de l'ordinaire.

   Ce sont les principaux atouts du film. Globalement, l'interprétation est très inégale. Les comédiennes sont toutes bonnes, chacune dans son rôle. Je suis beaucoup moins convaincu par l'acteur qui incarne le mari pompier, déjà vu dans Amin. Côté masculin toujours, j'ai apprécié de revoir Patrick Bouchitey, qui joue le père de Joanne... et donc le grand-père de Vicky.

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   Sally Dramé est la révélation de ce film, qu'elle porte sur ses frêles épaules. La relation forte qu'entretient son personnage avec celui de sa mère est très bien rendue... et on ne doute pas une seconde qu'elle possède des pouvoirs spéciaux.

   Sur le plan scénaristique, on est confronté à une boucle temporelle. Au cours de certaines expériences olfactives, Vicky découvre le passé familial, dans toute sa complexité... mais sa seule irruption dans ce passé contribue à façonner celui-ci. Je n'en dirai pas plus, afin de laisser à chacun le plaisir de la découverte... plaisir qui dure jusqu'à la toute fin, en forme de clin d’œil, mais qui pourrait ouvrir la voie à une suite.

samedi, 30 juillet 2022

La première femme vainqueure aux Jeux Olympiques

   Aujourd'hui, en lisant Le Monde, un détail a piqué ma curiosité. Au détour d'un article consacré à l'équipe états-unienne de cyclisme féminin, le nom de Cynisca est apparu. (Elle a été choisie pour dénommer la nouvelle équipe américaine.) Née sans doute vers 440 avant JC, elle a remporté à deux reprises la course de chars lors des Jeux Olympiques antiques, vraisemblablement en 396 et 392 avant JC.

   Certains de mes lecteurs, férus d'histoire, pourraient arguer de l'impossibilité de ces victoires, les femmes étant exclues de ces Jeux, des participants comme du public (sous peine de mort). En revanche, les femmes non mariées pouvaient participer à des jeux spécifiques, dits héréens (les Heraia).

   Ce serait négliger un détail : aux Jeux était déclaré vainqueur non le conducteur du char, mais son propriétaire (et entraîneur). Cynisca, sœur du roi de Sparte Agesilas II, a bel et bien possédé un équipage, à l'entraînement duquel elle aurait veillé. Les historiens ont longtemps débattu du rôle réel de cette aristocrate. Les auteurs de l'Antiquité (souvent misogynes) avaient tendance à présenter la candidature de Cynisca comme un moyen pour son frère de ridiculiser les Jeux et leur prétention à couronner une forme de « mérite ». Des études plus récentes (et plus poussées) tendent à montrer que Cynisca aurait agi avec une relative indépendance, sans doute avec le soutien discret et bienveillant de son frère, qui voyait là un moyen de rehausser le prestige de sa cité et de sa lignée. Il convient donc de se garder de tout anachronisme : les victoires de l'équipage de Cynisca sont celles d'une Spartiate et d'une (riche) aristocrate plus que celles d'une femme.

   Elle a été glorifiée de son vivant et après sa mort, avant de tomber progressivement dans l'oubli. D'autres femmes réussirent à inscrire aussi leur nom au palmarès : la Spartiate Euryléonis et la Macédonienne Bérénice, devenue reine d’Égypte.

   Cynisca n'a pas attendu le XXIe siècle pour voir son image utilisée à des fins féministes. Ainsi, au début du XIXe siècle, l'écrivaine Sophie de Renneville (qui a notamment participé à l'Athénée des dames) l'a représentée en conductrice de char :

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   Si vous avez lu attentivement le début de ce billet, vous savez que cette représentation est mensongère, puisque les femmes ne pouvaient pas participer aux Jeux Olympiques. Peut-être faut-il plutôt y voir une allégorie...

   Plus récemment, à l'occasion des Jeux de Tokyo, une série a été produite, sous forme de mini-manga. Elle met en scène Moa, une adolescente sportive (sans doute japonaise), qu'un génie facétieux (baptisé Oly) envoie régulièrement dans l'Antiquité. L'un des épisodes lui fait rencontrer Cynisca :

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   Dans cette historiette, si l'on voit à plusieurs reprises l'héroïne conduire un char, c'est dans la vie quotidienne et à l'entraînement (ce qui est plausible). Pas en compétition. (C'est la tâche assignée au jeune garçon se trouvant à sa droite, qu'elle va devoir former.) Toutefois, ce petit film est entaché de deux erreurs majeures : Cynisca y assiste à la course finale (faux) et elle semble être âgée (au plus) d'une vingtaine d'années, la moitié de son âge à l'époque des faits.

 

mardi, 05 juillet 2022

En roue libre

   J'ai eu très peur au début. J'ai trouvé que le film en faisait des tonnes dans la caractérisation du personnage principal, celui de Louise, infirmière hospitalière victime de ce qu'il faut bien appeler un burn out. Elle est fatiguée par son dernier service de nuit. Elle dort mal, ne semble pas bien s'alimenter, vit seule, dans un immeuble pas très haut de gamme. Visiblement, elle déprime... et elle se prend une nouvelle prune, pour stationnement gênant. (C'est bizarre d'ailleurs, cette histoire d'amende : elle semble habiter un quartier HLM, plutôt en périphérie de Beaune, disposant de nombreuses places de stationnement gratuit.) Du coup, elle est incapable de sortir de sa voiture.

   Marina Foïs a beau être très impliquée dans le rôle, j'ai mis un temps fou à entrer dans cette histoire. Ma gêne a été accentuée par plusieurs invraisemblances, au premier rang desquelles les circonstances de la rencontre entre les deux protagonistes. Comment le jeune homme peut-il ne pas voir qu'il y a déjà une personne (mal cachée) dans la voiture ? Plus tard, on est prié de croire que le véhicule (désormais doté d'un toit ouvrant très spécial) ne subit jamais les conséquences d'une météo pluvieuse...

   Le film est sauvé par ses interprètes. Marina Foïs est totalement crédible en infirmière au bout du rouleau et Benjamin Voisin (déjà remarqué dans Illusions perdues) est impeccable en petite racaille issue d'un milieu modeste. Là aussi le scénario n'y va pas avec le dos de la cuillère : le gamin a des parents "cassos", il semble avoir échoué à l'école et, surtout, il a perdu son guide, son mentor : son frère aîné.

   Sans surprise, les personnages qui, au début, se méprisent, s'insultent, se font des coups vaches, vont finir par s'apprécier... et même par s'entraider. C'est la plus belle partie du film, celle où les comédiens sortent un peu du sentier (trop) balisé. Leurs interactions sont souvent croustillantes et j'ai trouvé la mise en scène assez inventive. Didier Barcelo semble doté d'un certain talent pour utiliser des objets en apparence anodins (un gobelet de coca, une boîte de sucreries, de petits crocodiles comestibles, un chien à tête remuante...). Cela donne une touche originale à l'histoire.

   S'ajoutent à cela des seconds rôles bien campés. C'est qu'il passe du monde dans cette voiture : un délinquant, une infirmière, un éboueur, une autostoppeuse, une jeune gitane, un pépé libidineux... et même un psychologue ! On ne fait pas que conduire ou écouter de la musique dans ce véhicule hors d'âge. On y discute, on y dort, on y mange (pas très proprement), on y boit, on y pisse... La liste n'est pas exhaustive.

   Du coup, en dépit du trait surligné et d'une fin que j'estime ratée, j'ai plutôt passé un bon moment. Pour quatre euros, ça passe.

mercredi, 29 juin 2022

I'm your man

   J'ai hésité à aller voir ce film (sorti en même temps qu'une comédie française lourdingue consacrée au même sujet), parce que j'avais moyennement apprécié Stefan Zweig, adieu l'Europe (un des précédents films de la réalisatrice Maria Schrader). Mais, le bouche-à-oreille étant bon, le sujet alléchant, je me suis laissé tenter.

   C'est donc l'histoire d'une universitaire (mi-archéologue, mi-anthropologue) quadragénaire, célibataire sans enfant, qui accepte d'accueillir chez elle pendant trois semaines un androïde conçu pour être le meilleur compagnon possible. Précisons tout de suite que ledit androïde est un grand brun athlétique, à la voix grave et aux yeux bleus. (Dan Stevens très bien... trop bien même !) Il est organisé, cultivé, propre, doux, prévenant, à l'écoute des désirs de sa "compagne"... N'en jetez plus !

   J'ai bien aimé la séquence de la rencontre, dans un club qui n'est pas tout à fait ce qu'il paraît être... tout comme certaines personnes qui le fréquentent. L'héroïne Alma teste son futur "partenaire", de manière un peu surprenante... y compris pour lui !

   La première partie montre plutôt les réticences de l'universitaire (qui n'est sans doute pas la dernière à dénoncer les -nombreux- travers des véritables hommes) : son compagnon est un peu trop parfait. De plus, elle a du mal à séparer l'expérience (qu'elle doit évaluer) de la modification de sa vie privée, à laquelle elle s'oppose farouchement.

   Sans trop de surprise, elle va finir par prendre goût à son jouet technologique (je ne dirai pas jusqu'à quel point). La séquence pivot est celle de la promenade en forêt, de surcroît très bien réalisée. L'intrigue prend un tour particulier : ce n'est pas l'humanité potentielle ou simulée de Tom (l'homme au zizi synthétique) qui est le cœur du sujet, mais la vie d'une femme intelligente, indépendante, athée, accro au boulot... et qui cache un douloureux secret.

   Le film suit son petit bonhomme de chemin. C'est assez prenant, même si je trouve la fin inaboutie.

mercredi, 22 juin 2022

El buen patron

   Qu'est-ce qu'un "bon patron" ? Quelqu'un comme Blanco, qui perpétue la tradition familiale, à la tête d'une PME spécialisée dans la fabrication de balances ? Peut-être. Il porte beau, affiche des valeurs humanistes, du respect, soutient la diversité sous toutes ses formes, prône l'équité... mais pas l'égalité, hein. (Faut pas déconner, quand même !)

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   J'ai pris beaucoup de plaisir à voir évoluer Javier Bardem dans ce rôle ambigu, celui de ce patron paternaliste, habile communicant, dont on se demande jusqu'à quel point il croit à ce qu'il raconte. Le film est bien évidemment ironique, mais l'on ne rit pas vraiment à gorge déployée. On sourit et, parfois, on rit.

   La belle mécanique élaborée par Blanco, dans son entreprise comme dans sa vie, est sur le point de se gripper. Son ami d'enfance, chef de projet dans sa boîte, est devenu un boulet... et un ouvrier licencié fait de la résistance, juste devant l'entrée du site de l'entreprise. Ce qui n'est au départ qu'une petite épine dans le pied pourrait se transformer en coup de poignard : Blanco brûle d'obtenir le prix décerné par la région à l'entreprise vertueuse de l'année, le seul qui manque à son palmarès. Une inspection se profile à l'horizon... et tout pourrait être remis en cause si l'on apprenait que le "père de ses employés" menace certains d'entre eux, licencie sans état d'âme et culbute à l'occasion une jeune stagiaire. La dernière en date lui réserve d'ailleurs quelques surprises.

   C'est donc une comédie engagée, perçue sans doute par nos voisins espagnols comme dans la mouvance de Podemos. Dans la manière dont vivent les "petits" dans le monde de l'entreprise, il y a une certaine représentation de la lutte des classes : le vigile sympathise avec l'ouvrier licencié... qui réussit même à mettre une patrouille de police dans sa poche ! (Cela nous vaut une réplique croustillante de Blanco, qui se désole d'être tombé sur un "policier socialiste"...)

   Le scénario s'amuse à plonger le patron dans la merde (au propre comme au figuré). Mais le gars a de la ressource. La dernière partie nous montre ce à quoi il est prêt pour s'en sortir. La morale est que, si l'on privilégie la loi du plus fort à l'esprit d'entraide, tôt ou tard, le baiseur devient le baisé... et parfois l'inverse.

samedi, 28 mai 2022

Les Folies fermières

   C'est l'histoire d'un paysan (Alban Ivanov, sobre) qui, au bord de la faillite, décide de lancer un "cabaret à la ferme" (le premier de France). Pour cela, il a besoin de recruter et d'entraîner une troupe d'artistes. Il va s'appuyer sur le savoir-faire d'une gogo danseuse en délicatesse avec son patron (Sabrina Ouazani, très impliquée dans le rôle).

   Présenté comme cela, le film donne l'impression d'être une version rurale de The Full Monty. C'est pas faux. Mais c'est aussi une histoire vraie. L'exploitation est située dans le Tarn (pas très loin de Toulouse). L'histoire a été quelque peu retouchée et relocalisée dans le Cantal, entre Mauriac et Aurillac.

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   Qu'est-ce qui a changé entre l'original et la fiction ? L'orientation de l'exploitation. Le Tarnais David Caumette pratique le polyélevage, avec semble-t-il une dominante viande. Sur la plaquette téléchargeable sur son site internet, il mentionne les races Blonde d'Aquitaine, Limousine et Aubrac. Dans le film, même si le héros cite à un moment une race locale (la Salers), les animaux de la ferme sont exclusivement des Montbéliardes, à partir du lait desquelles sa mère fabrique sans doute du fromage (du Cantal). Le film n'évoque pas le fait que l'éleveur se soit d'abord lancé dans la transformation et la vente directe, avant de se tenter l'expérience du cabaret.

   Soyons clairs : l'intrigue est cousue de fil blanc... surtout si l'on connaît un peu l'histoire d'origine. On sait gré aux scénaristes de n'avoir toutefois pas écrit un conte de fées moderne. L'éleveur rencontre de fortes oppositions (notamment celle de son grand-père) et le film ne cache pas la situation précaire de certains agriculteurs. Cela reste néanmoins un feel good movie, avec pas mal d'humour.

   Cela passe aussi parce qu'une brochette de bons comédiens a été recrutée : outre ceux incarnant les deux personnages principaux, il faut citer Michèle Bernier (mère du héros), Guy Marchand (le grand-père réac), Bérengère Krief (l'ex qui en pince encore pour le héros) et puis toutes celles et ceux qui incarnent les seconds rôles, très authentiques.

   Pour moi, Sabrina Ouazani sort clairement du lot. Je ne dis pas cela parce qu'elle se balade la plupart du temps en tenues moulantes et "aérées". Elle a du tempérament, du charisme... et puis, oui, merde, du charme aussi ! (Et je pense qu'elle a dû effectuer un gros travail physique, en amont, pour le rôle.)

   Avec ce film, l'Aveyronnais que je suis se trouve en terrain familier : voir des Cantaliens petit-déjeuner à la charcuterie, au fromage et au vin rouge n'est pas exotique. (Amis Rouergats, soyez attentifs au couteau utilisé par l'un d'entre eux...)

   Bon voilà. Cela n'a rien d'extraordinaire, mais c'est une honnête comédie, centrée sur un beau projet. Elle apporte une touche d'espoir et de gaieté dans un monde parfois tristounet.

   P.S.

   Restez pour le générique. Vous y verrez des images tournées dans la ferme tarnaise, à Garrigues.

samedi, 30 avril 2022

Becker, Londres... et la France

   Ce samedi soir, en famille, nous avons regardé le JT de France 2. (Quelqu'un reprend des carottes râpées ?) Une grosse moitié fut consacrée au conflit russo-ukrainien. (Tu m'as bien dit saignante, ton entrecôte ?) Mon attention fut attirée par un sujet plus anecdotique, sans doute placé juste après pour faire retomber la tension. (Dis donc, Riton, tu ne vas tout de même pas finir la bouteille de rouge tout seul ?) Il était question des ennuis judiciaires de l'ancien champion de tennis allemand Boris Becker. (Marcel, pousse-toi, je ne vois pas la tête du tennisman !)

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   Ce ne sont pas les ravages du temps sur le physique de l'ex-athlète d'exception qui m'ont intéressé, mais le symbole figurant à l'entrée du tribunal londonien. (Mais non, c'est pas en Allemagne ; il est jugé à Londres parce qu'il habite le Royaume-Uni... depuis au moins dix ans d'ailleurs !)

   Sur les armoiries britanniques figure la devise du royaume... en français : "Dieu et mon roi". C'est un lointain héritage de la conquête normande, la noblesse continentale ayant imposé sa langue outre-Manche. (Riton, arrête de faire ton malin... et passe-moi les frites !) La formule, qui serait due à Richard Coeur-de-Lion, est devenue la devise officielle au XVe siècle.

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   Mais la "francitude" de la monarchie anglaise ne s'arrête pas là. Une seconde formule figure sur les armoiries : "Honi soit qui mal y pense". Son origine remonterait elle aussi au Moyen Age, toujours à l'époque de la Guerre de Cent-Ans, mais au XIVe siècle. L'anecdote (peut-être apocryphe) se déroule à la cour du roi Edouard III et voit la naissance de l'Ordre de la Jarretière. (Bon, ça me saoule cette histoire de tennisman malhonnête... on pourrait pas plutôt parler de l'affaire PPDA ?)

   Comme quoi, on peut trouver son bonheur dans un journal télévisé grand public.