mardi, 10 mars 2009
La vague (die Welle)
Le film commence par une séquence durant laquelle on découvre le personnage principal, au volant d'une splendide 504 (méfions-nous des individus qui avalent les kilomètres dans une vieille Peugeot...), écoutant du rock anglo-saxon. On entend très bien, à plusieurs reprises, les paroles "I don't care about history" (Je me fous de l'histoire)... alors que l'intrigue tourne essentiellement autour d'un phénomène historique, ce que les personnages vont d'ailleurs prendre en pleine figure. C'est une allusion à la formule "(Un peuple) qui oublie son histoire se condamne à la revivre".
Comme l'action se passe en Allemagne, de nos jours, dans un lycée pour rejetons de la classe moyenne, on tend l'oreille, on scrute : oui, il va être question du nazisme, plus généralement en fait du totalitarisme, à travers un "cours" original sur l' "autocratie". Le prof, charismatique, est à la fois entraîneur de water-polo et spécialiste de (science) politique (en voilà enfin un qui a bien compris toute la substance de la politique éducationnelle de Xavier Darcos).
Le réalisateur a voulu nous peindre un cadre particulier. Au départ, on a presque l'impression d'arriver sur un campus états-unien, avec ce travelling si caractéristique. De la même manière, la présentation de plusieurs contextes familiaux nous met en contact avec ces banlieusards friqués mais pas trop qui sont si peu autoritaires avec leurs enfants. Au lycée, les mêmes principes sont à l'oeuvre : les ados passent beaucoup de temps dans des clubs, apportent parfois leur pitance en cours et apparaissent souvent complètement "bouffés" par le consumérisme putassier. Je pense que, derrière cette description sans complaisance du milieu, il y a la volonté de faire toucher du doigt que, dans certaines circonstances, certaines des mesures proposées par des mouvements dangereux peuvent avoir de bons côtés.
Pour bien faire comprendre à ses élèves ce qu'est un mouvement populiste , le prof décide d'en créer un, dans sa classe. Il est fondé sur la soumission absolue à l'autorité et l'exclusion (directe ou plus subtile... perverse même) des dissidents. Le grand intérêt du film est l'évolution de ce groupe de jeunes, où la quête identitaire le dispute au besoin de reconnaissance. (Non, je n'enlèverai pas cette phrase grandiloquente.)
Les acteurs sont formidables, à commencer par ce prof sportif, mais les jeunes sont eux aussi épatants.
Le film souffre cependant d'une faille conceptuelle. En théorie, le prof était chargé de faire toucher du doigt à ses élèves la réalité d'un totalitarisme qui se met en place. Il a donc réussi au-delà de ses espérances. Mais, dans le récit, on l'entend affirmer qu'il voulait surtout leur faire découvrir le collectif, la solidarité (à l'opposé de leurs valeurs bourgeoises égocentriques). Le réalisateur a du mal à gérer cette contradiction, entre le prof manipulateur d'un côté et l'ingénu pédagogue de l'autre. Mais cela reste une formidable expérience cinématographique... que j'ai pu voir, en sortie nationale, dans un cinéma aveyronnais, en version originale sous-titrée ! (Pas à Rodez, hélas, mais à Millau... mes compliments au responsable de la programmation des Lumières de la ville.) Ne vous laissez pas influencer par la critique professionnelle snob, qui n'a en général pas aimé.
Sur un sujet proche, j'avais aussi beaucoup apprécié L'Expérience, de Olivier Hirschbiegel, sorti en 2003.
23:57 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film
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