Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 23 avril 2010

Claude Allègre, climatonul ?

   En général, j'aime bien les francs-tireurs, quand ils sont compétents. La personnalité de Claude Allègre ne provoque chez moi ni poussée d'urticaire ni enthousiasme délirant. Quand j'ai appris qu'il avait sorti un livre, L'Imposture climatique, j'ai tendu l'oreille. Je me suis arrangé pour regarder l'émission Salut les Terriens ! quand il y a été invité par Thierry Ardisson. Le problème, valable pour presque toutes les émissions auxquelles il a participé (à la télévision comme à la radio), est qu'il n'a pas de contradicteur en face de lui, juste un animateur, en général cultivé, qui  a préparé son sujet, mais qui n'a pas d' "épaisseur" scientifique. L'exception est son passage par France Inter, où, même là, il n'a eu qu'un écologiste en face de lui, pas un vériable spécialiste du climat... et pourtant, vous pourrez voir comme il a été agacé.

   Je l'ai senti plus dans la polémique que dans le raisonnement scientifique. Je partage son point de vue quand il déplore que l'on s'occupe plus du climat qui va régner dans 50 (plutôt que 100) ans que du chômage (et des inégalités sociales, il aurait fallu rajouter cela) : une écologie qui ne servirait qu'à enjoliver le monde de la classe moyenne supérieure sans se préoccuper de la dèche dans laquelle vit la masse n'est d'aucune utilité. Ceci dit, les membres du GIEC ne sont pas là pour cela. Ils s'occupent de leur spécialité et c'est déjà beaucoup. Et assimiler cet organisme à une mafia ou à un mouvement totalitaire est un argument d'une grande pauvreté intellectuelle, surtout quand il n'est pas étayé. Je suis néanmoins encore d'accord quand il parle du désamour des Français vis-à-vis de la politique, de la "croissance verte". Par contre, dès qu'il parle de l'agriculture bio, il commence à s'emmêler les pinceaux et il a visiblement des comptes à régler avec certains scientifiques. Du coup, je n'ai pas acheté son livre et j'ai cherché à en savoir plus.

   Très tôt, Le Monde a relevé une série d'erreurs grossières... et a démontré la faible valeur des références de Claude Allègre, qui s'est permis d'enrôler dans sa cause des personnes qui ne partagent pas ses vues... quand elles existent ! (Plusieurs chercheurs ont d'ailleurs protesté contre l'utilisation frauduleuse de leurs travaux, comme Louis Sime et Hakan Grudd.) Cela a conduit l'ancien ministre à publier un "Point de vue" dans le quotidien. Il n'y répond pas sur le fond mais réitère ses accusations.

   L'étude la plus argumentée des affirmations de Claude Allègre disponible sur la toile est accessible sur le site de Libération. Sur le blog de Sylvestre Huet, on peut trouver la réfutation d'une série de contrevérités  présentes dans L'Imposture climatique (le 1er avril, alors que Le Monde avait réagi plus tôt, dès le 27 février, sentant sans doute qu'il fallait très vite apporter des arguments à ceux qui allaient recevoir le géochimiste). Le journaliste a approfondi sa critique. Un premier billet traite des mensonges d'Allègre à propos notamment du GIEC et des températures. Un deuxième aborde la relation entre l'activité du soleil et le climat de la Terre. Le troisième (très technique) et le cinquième (plus abordable) traitent de l'utilisation des graphiques par les "climatosceptiques" (climatofraudeurs ?). Et le quatrième, dans tout ça ? Ben c'est un billet assez généraliste qui pointe certaines insuffisances du livre, à l'image ce qui avait été fait peu avant dans Le Monde.

   Si tout cela vous a paru un peu indigeste, sachez que Sylvestre Huet a eu la bonne idée de sortir un livre grand public, dans lequel il synthétise toutes les remarques qu'il a pu écrire ici ou là sur le livre de Claude Allègre. Cela s'appelle L'Imposteur, c'est lui - Réponse à Claude Allègre :

Allègre imposteur.jpg

   Il ne coûte que 12 euros et il est divisé en 7 chapitres :

I. Mauvaises manières (L'auteur y revient sur l'écart de température par rapport à il y a 125 000 ans, les terres qui s'enfoncent et les références scientifiques d'Allègre.)

II. La géopolitique du climat (Il y est question du prétendu complot et de la victimisation des pays en développement.)

III. Mythologie climatique (On y trouve des explications scientifiques sur l'évolution des températures et le cas de l'Antarctique)

IV. Le Giec, du totalitarisme en science (L'auteur décrit le fonctionnement de cet organisme, bien plus démocratique que ce qu'affirme Claude Allègre et revient sur ses méthodes de travail et les erreurs commises)

V. L'affaire Courtillot (Ce chapitre est consacré à ce proche de Claude Allègre, spécialiste de paléomagnétisme et de tectonique des plaques, qui s'est fourvoyé dans cette affaire.)

VI. Ordinateurs, chaos et théorie (On y parle météo !)

VII. Des polémiques inévitables et durables (L'auteur y prend quelques distances avec certaines figures "réchauffistes".)

   Une fois toutes ces belles choses lues, on peut prendre un peu de recul... et réaliser que les dérapages de Claude Allègre ne datent pas de 2009-2010. La polémique la plus ancienne, souvent rappelée par les media, est liée à l'éruption du volcan La Soufrière, en Guadeloupe, en 1976. Un chercheur de l'IPGP (Institut Physique du Globe de Paris), François Beauducel, propose une présentation qu'il veut, je pense, la plus neutre possible.

   Là, j'en vois qui tiquent, qui ont l'air de dire : mais, comme il est de l'IPGP, dirigé par Vincent Courtillot, il y a peu de chances qu'il conclue en défaveur de l'ancien directeur Claude Allègre. J'ai la faiblesse de penser que la grande majorité des chercheurs est au-dessus de ce genre de considérations... mais je suis quand même allé jeter un coup d'oeil aux remerciements formulés pour sa thèse. N'y figurent ni Allègre ni Courtillot. Certes, un de leurs proches, Jean-Louis Le Mouël, était membre du jury, mais cela ne veut rien dire.

   Que peut-on conclure de la présentation de François Beauducel ? Qu'aucun des deux "camps" (celui de Claude Allègre comme celui d'Haroun Tazieff) n'avait totalement raison et qu'ils ont tous commis des erreurs.  Sur l'éruption de la Soufrière, c'est Tazieff qui a finalement vu juste, mais avec des arguments en partie erronés. Peut-être a-t-on aujourd'hui tendance à moins mettre en valeur ses qualités parce qu'il s'est trompé à d'autres occasions... et parce qu'il n'avait pas moins de caractère que Claude Allègre ! Celui-ci a eu tort sur l'éruption de La Soufrière (et il a tout fait pour dissimuler ses erreurs), mais il était l'initiateur d'une sorte de principe de précaution, ce que l'on ne peut honnêtement pas lui reprocher. Par contre, le côté teigneux du personnage ressort déjà à cette époque, puisque, suite à cette polémique, il s'est arrangé pour évincer Haroun Tazieff de l'IPGP.

   Par la suite, Claude Allègre a connu une brillante carrière, sans doute méritée. C'est dans les années 2000 qu'il refait parler de lui, pas en bien. Il est alors sur le déclin. Il ne dirige plus l'IPGP et, après la défaite (et le retrait) de Lionel Jospin, en 2002, il n'a plus guère d'avenir politique, pense-t-on. Lui et Courtillot se lancent alors dans l'aventure climatosceptique, au prix semble-t-il de pas mal d'erreurs. Cela ne s'arrange pas avec la sortie du livre d'Allègre Ma vérité sur la planète, en 2007, prolongé en collection de poche en 2008. Faut-il voir dans ces efforts désespérés l'acharnement de vieux lions qui ne se résolvent pas à retourner dans l'ombre ?

 

 

 

Commentaires

oui oh ça demande pas de commentaire

la terre vie, bouge et les réchauffement et refroidissement

on toujours existés

Écrit par : Marie-Lise EHRET | lundi, 05 juillet 2010

Les commentaires sont fermés.