mardi, 29 juin 2010
L'Illusionniste
Non, ce billet n'est pas consacré à l'actuel président de la République française ! J'en connais qui ont vraiment l'esprit mal tourné ! Les autres ont bien compris que j'allais causer du dernier long métrage de Sylvain Chomet, adapté d'un scénario de Jacques Tati. Notons que le cadre de l'action a été déplacé de la Tchécoslovaquie à l’Écosse, où Chomet s'est d'ailleurs installé il y a quelques années.
Cela nous vaut quelques moments savoureux, très "couleur locale" : les Écossais aiment consommer des boissons fermentées (le bateau de l'un d'entre eux s'appelle même "Whisky") et c'est une époque (les années 1950-1960, apparemment) où l'on porte encore volontiers le kilt (avec une jolie scène de bateau, vent à la clé).
L'histoire est très nostalgique. Il est question de ces artistes de cabaret (magiciens, ventriloques, acrobates...), qui peinent à gagner leur vie, concurrencés qu'ils sont par les nouvelles idoles (la musique pop-rock et la télévision). Le film s'évertue pourtant à mettre en valeur leur talent. Pour s'en sortir, il faut souvent désormais un deuxième métier. Cela donne des moments comiques (par exemple dans le garage ou dans la vitrine d'un grand magasin) mais aussi tristes voire tragiques (autour du clown).
C'est aussi une histoire d'amour et d'amitié. Une relation père-fille se noue entre le héros, l'illusionniste donc, qui a des airs de Monsieur Hulot, et une jeune servante des hautes terres écossaises, qui va le suivre à Édimbourg. Le problème est que la vision de la femme est assez datée. Alice a fonction de ménagère, réclame de beaux habits (que lui offre l'homme du ménage, qui travaille pour gagner sa pitance) et rêve d'un prince charmant (forcément super beau gosse). Cet aspect scénaristique aurait pu être modernisé.
L'un des personnages principaux du film est un être inanimé : l'hôtel bon marché où logent nombre des saltimbanques. Entre la lumière qui entre par les fenêtres, la musique du tourne-disque et les mouvements acrobatiques des triplés, on ne s'ennuie pas dans ce curieux établissement, tenu par des nains !
L'animation est ma-gni-fique. Si l'on retrouve sans peine le style de l'auteur des Triplettes de Belleville, le trait s'est affiné, les mouvements sont plus détaillés, plus gracieux. On a semble-t-il ajouté des effets numériques (notamment dans les vues urbaines). On remarque aussi un apport asiatique (japonais et coréen, qui figure au générique... au fait, restez jusqu'à la fin), perceptible au niveau du personnage de la jeune fille, très nettement visible dans l'animation du lapin. Le résultat est éblouissant, l'image comprenant une profusion de détails, des jeux d'ombres et de lumières.
J'aime aussi beaucoup la musique, douce, dans le ton de l'histoire.
Reste que je déconseille aux dépressifs d'aller voir ce film, vu qu'il est particulièrement mélancolique. C'est à mon avis un reflet des sentiments éprouvés par Jacques Tati au début des années 1960. C'est l'époque où sa fille Sophie (à qui est dédié le film), adolescente, se détache un peu de lui, pour devenir adulte. On pourrait voir dans la mue du personnage d'Alice une transposition (sublimée) de ce qu'a vécu Tati dans sa vie familiale : à la fin du film, le héros regarde une photographie, sur laquelle il m'a semblé reconnaître Sophie Tatischeff.
P.S.
Le site internet mérite le détour.
12:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
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