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lundi, 28 juin 2010

L'offensive Soulages

   Je ne sais pas si l'on peut parler de "matraquage" (je pense qu'il faut réserver le terme ; il sera très utile d'ici deux à trois ans), mais c'est fou ce que l'on parle du futur musée.

   En fait, je dois le révéler, le musée Soulages existe, je l'ai rencontré ! Il se trouve à Olemps, sur deux sites, l'hôtel de ville et la médiathèque. Y sont exposés (jusqu'au 30 juin 2010) les travaux que les élèves de la commune ont réalisés, sous l'experte direction de leurs professeures (que des femmes apparemment... au passage, si l'on ne peut que déplorer la sous-représentation des femmes dans les postes à responsabilité dans notre pays, il serait bon aussi de se poser des questions sur la féminisation excessive de certains métiers). Cette exposition a bénéficié d'une ample couverture médiatique (il en a ainsi été question deux fois dans Le Ruthénois ; de son côté, La Dépêche du Midi s'est fait l'écho de la réalisation en cours puis de l'inauguration de l'expo).

   Les "toiles" sont présentées accompagnées d'un petit carton explicatif. Cela ressemble à du Soulages, c'est (en général) aussi laid que du Soulages, mais ce n'est pas du Soulages. Encore que... je serais bien incapable de distinguer, dans la plupart des cas, l'oeuvre du Maître de la copie des jeunes apprentis.

   Quelques productions ont néanmoins retenu mon attention, notamment celles qui, à l'aide d'un pliage discret, donnent une impression de relief. J'ai aussi bien aimé l'exercice de style sur le bleu et le noir, en couches superposées, en partie raclées :

 
Olemps (6).JPG

   Dans chaque salle, en plus des toiles, on peut consulter un cahier de photographies, où l'on voit les bouts d'chou en action. Ils portent en général un vieux T-shirt de leurs parents (on reconnaît des marques : Le Technicien du sport, Centre Presse - Midi Libre, Nasdaq...). Peut-être a-t-on soigneusement sélectionné les images (encore que... il y en a un paquet !), toujours est-il que les bambins sont très appliqués et "déconnent" rarement ! Franchement, à leur place, j'aurais transformé la salle de classe en toile de Soulages !

   Dans la partie située dans la médiathèque, en plus des productions "soulagiennes", on peut voir un documentaire consacré au Maître (intéressant, ma foi). Je pense qu'il doit s'agit du même film que celui qui a été projeté lors du vernissage de la place de la cité. Dans une autre salle, on trouve aussi des acrostiches construits autour des lettres du nom de l'artiste. Je vous en propose un de mon cru (y a pas de raison que seuls les enfants s'amusent, hein !) :

Saoûlant

Onnycomprendpagranchoze

Ubuesque

Lénifiant

Assommant

Gargarismes

Elitisme

Savacoûterbonbon

   Pour terminer sur Olemps, je signale la plus belle oeuvre (à mon goût) présente sur les lieux : une fresque située dans la cour :

Olemps (5).JPG

   La deuxième couche est apportée par l'exposition de maquettes dans une salle située dans le bâtiment naguère dévolu à la Chambre de Commerce et d'Industrie. (C'est je crois la même que celle qui a été présentée à la Cité de l'architecture et du patrimoine.) Le vernissage a eu lieu vendredi 25 juin, pratiquement en même temps que la conférence de Serge Klarsfeld à Conques et qu'un autre vernissage, celui d'une exposition de photographies datant de l'époque d'Eugène Viala. Notons ce manque de coordination dans l'offre culturelle "haut de gamme", assez désolant.

   Je conseille à tous les contribuables du Grand Rodez d'aller voir ces maquettes. On peut demander des explications à la charmante jeune femme qui assure la permanence. On peut aussi repartir avec de la documentation :

- une vue virtuelle de l'arrière du site, une fois le musée construit (ça, c'est uniquement si vous kiffez à donf')

Musée vue théorique.JPG

- un texte présentant les architectes lauréats du concours

- une plaquette du Grand Rodez (sur papier glacé) détaillant le projet

- un exemplaire du Figaroscope du 16 décembre 2009 (édité, je pense, à l'occasion de l'exposition du centre Beaubourg) : Un musée pour Soulages

   Vous voulez encore de la lecture sur le sujet ? Hé bien, précipitez vous sur le numéro 6 du magazine Rodez, notre ville : deux doubles-pages sont consacrées au réaménagement de la zone du Foirail.

   Si l'oeuvre de Pierre Soulages est votre tasse de thé (noir), vous pouvez aussi aller faire un tour sur son site internet.

   Cela ne vous suffit toujours pas ? Alors peut-être l'audiovisuel va-t-il combler votre attente. Le Grand Rodez a financé le tournage d'un film (dont il existe une version courte, une version longue... et une version pirate). Je trouve la version longue assez bien fichue (pour un film publicitaire). On voit toutefois qu'on s'adresse prioritairement aux classes moyennes. Et Soulages, là-dedans ? Il occupe les dix secondes qui précèdent le générique de fin de la version courte. Dix secondes sur soixante-treize, pas mal pour un musée qui n'existe pas et dont la première pierre n'est même pas posée !

   Même quand on se rend sur le blog économique du Grand Rodez, on n'échappe pas à Soulages. Si vous regardez la courte vidéo de présentation de Ludovic Mouly, vous distinguerez sans peine, à l'arrière-plan, un "brou de noix" du génie de l'outre-noir. Pour l'anecdote, on peut trouver une autre version de cette présentation, un peu plus courte, sur Dailymotion. Ludovic Mouly y est cadré plus serré, micro apparent (le son, d'intensité plus faible, est toutefois de meilleure qualité), il gigote moins (mais on voit plus nettement l'inclinaison de sa tête) et il n'y a pas de coupure.

   Une fois ces couches posées, à la manière de Soulages, il faut gratter un peu. Creusons la partie "coûts". Cela va donner un peu de relief à mon billet ! Commençons par comparer les estimations. Le magazine Rodez, notre ville évoque 23 millions d'euros (toutes taxes comprises) pour l'ensemble formé par le multiplexe de cinéma, le parking et la salle des fêtes. Pour le musée, selon aveyron.com, il est question de 22 millions d'euros... TTC ? Non, en fait. La plaquette que l'on trouve sur le site de l'exposition des maquettes parle de "21 millions 460 000 euros ht, hors restaurant et parc de statonnement" !!!! (Notez le "ht" mis pudiquement pour "hors taxes" : si l'on a coutume d'écrite TTC, il est par contre assez fréquent d'écrire l'autre expression en toutes lettres.)

   C'est là qu'intervient mon voisin de palier, qui demande "Et avec les taxes, ça fait combien, d'après vous ?" Plus de 25 millions d'euros selon Le Parisien... ça fait réfléchir ! On se demande évidemment si les taxes vont être équitablement réparties entre les collectivités qui financent le projet : le Grand Rodez (9,5 millions), le département de l'Aveyron (4 millions), la région Midi-Pyrénées (4 millions) et le ministère de la Culture et de la Communication (4 millions). Pensez aussi aux surcoûts imprévus, aux aléas climatiques etc.

   Voilà de quoi nourrir bien des inquiétudes, peu relayées par la presse, ou alors pour les rabaisser. (Du côté de la blogosphère, j'aime bien l'analyse de KaG.) A ma connaissance, seul Le Nouvel Hebdo se fait régulièrement l'écho du risque financier. Chaque semaine ou presque, un entrefilet ou une incise vient rappeler que tout n'est pas parfaitement ficelé. Le journal satirique fait cependant porter la critique surtout sur le coût de la construction (ainsi que sur l'entretien, jugé prématuré, d'un conservateur), constatant qu'en période de crise, les crédits nationaux diminuent. La crainte est que la participation du ministère ne fonde... les foyers du Grand Rodez étant mis à contribution pour sauver le projet.

   Mais c'est la partie coût de fonctionnement qui m'inquiète le plus. Le site aveyron.com évoque 900 000 euros par an. (Tout compris ? On aimerait avoir le détail.) Quand on lit ici ou là que les promoteurs du musée comparent son impact à celui consacré à Toulouse-Lautrec, à Albi, on se dit que les perspectives de fréquentation sont peut-être excessivement optimistes.

   Enfin, les mauvaises langues disent que Soulages a déjà le musée Fabre, à Montpellier, où deux salles lui sont consacrées. Ces mauvaises langues (toujours elles, les vilaines !) susurrent que les toiles les plus susceptibles d'attirer le public snob et friqué ont été données (par les époux Soulages) au musée héraultais. Ceci dit, on peut penser que des oeuvres seront prêtées et c'est à Rodez que les cartons des vitraux de Conques seront exposés.

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