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samedi, 07 septembre 2013

Un accident de la route qui déchaîne les passions

   Cela fait un peu plus de deux ans qu'une petite commune de l'ouest de l'Aveyron (située à côté de Villefranche-de-Rouergue) se déchire autour d'un fait divers tragique : la mort d'un adolescent de 15 ans, revenant en scooter d'un entraînement de football, renversé à une intersection par une voiture conduite par le maire de son village.

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(Saint-Rémy est en rouge, Rodez en noir.)

   Le tribunal correctionnel de Rodez vient de rendre son jugement dans cette affaire. D'après La Dépêche du Midi, le maire a été reconnu coupable de trois infractions : homicide involontaire, circulation en sens interdit (violation délibérée d'une obligation de sécurité) et refus de priorité. La sanction (assez proche des réquisitions du Parquet) apparaît à certains comme trop légère : un an de prison avec sursis, annulation du permis de conduire (avec interdiction de le repasser pendant un an) et deux amendes de 200 euros. S'y ajoutent des dommages-intérêts qui, si j'ai bien calculé, doivent se monter au total à 8 000 euros. Le maire a décidé de faire appel.

   Les circonstances du drame sont liées à la route départementale 922, qui traverse la commune de Saint-Rémy, mais ne fait que longer le bourg principal, auquel elle est reliée par des voies plus ou moins importantes, certaines à sens unique. Il semblerait que le maire (venant du village), pour prendre la direction de Villeneuve, ait voulu tourner à gauche, ce qu'interdit un panneau. Il aurait de surcroît négligé de laisser la priorité au "cédez le passage", provoquant l'accident avec le scooter qui arrivait  :

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   A-t-il été sévèrement condamné ? Voyons le code de la route. Le refus de priorité comme la circulation en sens interdit sont des contraventions de quatrième classe, punies par des amendes pouvant atteindre 750 euros. Le prévenu risquait donc au maximum 1 500 euros d'amende. Il a été condamné à en payer 400 (deux fois 200), sans doute parce que c'était la première fois qu'il comparaissait pour des faits semblables. Le prévenu risquait aussi le retrait de points du permis de conduire (deux fois quatre). Ici, la sanction est plus sévère, parce qu'il y a eu homicide involontaire.

   Dans ce cas, c'est l'article L232 du code pénal qu'il faut consulter. D'office, la personne contrevenante peut perdre la moitié des points du permis. Si l'on ajoute ceux retirés pour les autres infractions, on dépasse les douze points. De surcroît, dans le cas d'un homicide involontaire, l'une des peines complémentaires est "l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter une nouvelle délivrance pendant cinq ans au plus". On peut estimer que, dans le cas du maire de Saint-Rémy, la loi a été appliquée normalement, sans favoritisme pour l'homme politique.

   Par contre, dans les cas où l'homicide involontaire a été commis par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité, le code pénal prévoit des sanctions plus lourdes au titre de la peine principale : 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (7 ans et 100 000 euros en cas de circonstances aggravantes). Comme le prévenu a été condamné à de la prison avec sursis, on peut estimer que les magistrats ont jugé qu'il avait commis au moins une faute importante ayant provoqué l'accident, mais qu'il n'y avait pas de circonstances aggravantes (pas d'alcool au volant, d'excès de vitesse ni de délit de fuite). Une question demeure : si le prévenu avait été un individu lambda, aurait-il été sanctionné plus sévèrement ?

   En tout cas, le tribunal n'a pas accepté l'idée d'une erreur de la part du conducteur du scooter. Il ne roulait pas trop vite, n'était pas sous l'empire d'une drogue ou de l'alcool et il n'a pas été prouvé que ses feux ne fonctionnaient pas (le drame s'est déroulé vers 20 heures, au mois de janvier). Restait la possibilité que l'adolescent ait glissé sans qu'il y ait un lien avec la présence de la voiture, avant de percuter celle-ci. Le tribunal, qui a fait examiner les deux véhicules, n'est pas arrivé à cette conclusion.

   Au-delà de ces considérations, la sanction aurait pu être encore plus sévère pour l'élu local. En effet, l'un des alinéas du code pénal prévoit, dans le cas d'un homicide involontaire commis à l'aide d'un véhicule terrestre, l'interdiction d'exercer une fonction publique. Les magistrats ont peut-être pensé que les prochaines élections municipales (celles de 2014) trancheraient sans qu'ils aient besoin d'intervenir.

   L'affaire a fait du bruit, parce que les personnes en cause sont issues du même village, parce que la victime est un adolescent... et parce que le condamné est un homme en vue de la gauche ouest-aveyronnaise. Dans l'excellent ouvrage de Roger Lajoie-Mazenc, Fantassins de la démocratie, il a droit à une notice longue d'une colonne :

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   Son grand-père a lui aussi été maire de Saint-Rémy. Le petit-fils est entré très tôt en politique, devenant l'assistant de Robert Fabre (ancien ministre et maire radical de gauche de Villefranche-de-Rouergue) puis du député Jean Rigal. Il a aussi travaillé pour le PS, aux côtés de Michel Rocard et Jean Glavany.

   Cette carrière prestigieuse ne lui a cependant pas permis de jouer les premiers rôles au plan local. En 2004, s'il figure en septième position sur la liste de gauche menée dans l'Aveyron par Alain Fauconnier (la tête de liste régionale étant évidemment Martin Malvy), il ne doit qu'à la démission de celui-ci (pour cause de cumul des mandats) d'avoir pu siéger au Conseil régional de Midi-Pyrénées, entre 2008 et 2010 (petite erreur de Lajoie-Mazenc, qui prolonge jusqu'en 2012). Notons qu'aux régionales de 2010, il ne figure plus sur la liste PS-PRG. Il a connu le même déclin au niveau des élections législatives. En 2002, il tente de succéder à Jean Rigal (dont il fut l'assistant), dans la deuxième circonscription (celle de Villefranche-de-Rouergue). Il se qualifie pour le second tour, devant le radical Eric Cantournet mais derrière l'UMP Serge Roques, qui devient ensuite député. En 2007, il est largement devancé au premier tour par la socialiste Marie-Lou Marcel, finalement élue de justesse contre le sortant S. Roques. (Rappelons qu'elle fut facilement réélue en 2012.)

   Même dans sa commune de Saint-Rémy, il a peiné à décrocher le mandat principal. De 1995 à 2008, c'est le radical de gauche Guy Labro qui a occupé le poste de maire, son futur successeur étant d'abord premier adjoint puis simple conseiller municipal. En 2008, s'il est devenu maire, c'est grâce au choix de la majorité des conseillers municipaux, les électeurs ne l'ayant placé qu'en onzième place... la dernière éligible.

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