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dimanche, 11 août 2019

Face à la nuit

   Cette coproduction franco-taïwanaise est construite sous forme de puzzle inversement chronologique : l'histoire est divisée en trois grandes parties, chacune séparée de la suivante/précédente par un laps de temps plus ou moins long. C'est en remontant le temps que l'on comprend certains des éléments des séquences ultérieures. Du coup, celles-ci prennent parfois un double sens, celui que l'on perçoit a priori et celui qui émerge avec la vision de ce qui s'est passé des années auparavant.

   La première partie se déroule en 2049, dans une grande ville (sans doute Taipei) où la technologie a envahi tous les aspects de la vie quotidienne... et même le corps humain, puisque tous les habitants de la cité sont dotés d'une puce dans le poignet et que toutes les transactions passent par leur "smartphone". Ce polar d'anticipation est très réussi, à ceci près qu'il témoigne d'une vision phallocrate du monde : le réalisateur a utilisé ses (ravissantes) actrices comme du bétail, peut-être pour mieux montrer la marchandisation du corps humain... mais je n'ai pas trop senti le recul critique. De surcroît, le personnage principal, un vigile d'une soixantaine d'années, est antipathique, violent. On le voit tuer un vieil homme, se payer une jeune prostituée et manifester ensuite une grande hostilité envers son épouse, qui veut divorcer.

   C'est en remontant une trentaine d'années auparavant qu'on comprend la cause du meurtre, le recours à la prostituée comme la haine qu'éprouve le héros. On le découvre alors jeune policier, travailleur et pointilleux, pas du genre à marcher en dehors des clous. Mais, dans son commissariat, tout le monde ne voit pas les choses de la même manière. Cette seconde nuit va transformer sa vie : lui qui d'habitude ne fait pas de pause rentre inopinément chez lui et par la suite, il se lie avec une jeune kleptomane (d'origine française), qui est sans doute le modèle des prostituées clonées que l'on a vues dans la partie se déroulant en 2049. Là encore, j'ai été un peu irrité par la vision de la société. (L'un des personnages féminins trouve étrange que la prostitution soit illégale, par exemple.) Mais le vent de liberté qui se met à souffler sur cette nuit m'a convaincu.

   Une quinzaine d'années plus tôt, le futur policier n'était pourtant qu'un petit délinquant, un voleur de deux-roues qui se fait coincer une nuit, en même temps qu'une prostituée (encore une !) membre d'un gang. La cavale simultanée des deux est bien mise en scène. A partir du moment où ils se retrouvent menottés côte-à-côte, les deux fuyards découvrent qu'ils ne sont pas des inconnus l'un.e pour l'autre. Le personnage de la prostituée est particulièrement émouvant.

   Le film ne se conclut pas sur cette séquence, puisqu'il remonte une dernière fois (brièvement) en arrière, à l'époque où le héros était un petit garçon, peut-être le seul moment de sa vie où il a connu un bonheur insouciant. Le reste du film montre comment un type ordinaire et malchanceux a gâché sa vie.

   Si le scénario comporte quelques faiblesses, la réalisation est particulièrement soignée. Je pense que Wi-ding Ho s'inspire sans oser le dire de Wong Kar-waï. Il y a une réelle parenté dans leurs manières de filmer la ville, la nuit. Et je pense que l'année à laquelle se déroule la première partie est une référence à peine masquée au 2046 du maître hongkongais.

21:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films