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dimanche, 20 octobre 2019

Martin Eden

   Ce film italien est une adaptation du roman éponyme de Jack London, transposé dans l'Italie post-Seconde Guerre mondiale, plus précisément celle des années 1970-1980. (On n'y voit ni ordinateur ni téléphone portable, mais la télévision -d'abord en noir et blanc- a fait son entrée dans les foyers modestes.)

   Le héros Martin est un orphelin devenu marin, qui se découvre une passion pour la lecture (puis l'écriture) en même temps que pour la ravissante héritière de la richissime famille Orsini (Jessica Cressy, très bien). Au départ, on ne sait pas si les sentiments du héros sont authentiques. Certes, il ne pouvait pas savoir que le jeune homme qu'il allait sauver d'une agression était le frère de la délicieuse Elena, mais il est suffisamment intelligent pour avoir compris que cette femme-là n'est pas une Marie-couche-toi-là et que, pour la conquérir, le play-boy des bas-quartiers allait devoir fournir des efforts inédits.

   Si l'écriture des scènes intimes et la direction d'acteurs sont d'une évidente maladresse, le propos qui sous-tend l'intrigue est plus intéressant. Il y a d'abord la question amoureuse : peut-elle transcender les classes sociales ? D'autre part, est-il possible de concilier une carrière d'écrivain avec un amour partagé et équilibré ? Enfin, un écrivain authentiquement progressiste ne doit-il pas se méfier des idéologies qui prétendent apporter le progrès aux masses populaires ? N'est-ce pas plutôt l'individu qu'il convient d'émanciper (et non une supposée "classe") ? On sent que le réalisateur hésite entre la posture adoptée par le personnage principal (qui est peut-être son double) et la stricte défense des classes populaires, auxquelles des vignettes en noir et blanc (insérées dans l'intrigue) rendent hommage.

   J'ai donc été plus intéressé par la lecture socio-politique de l'histoire que par le cadre sentimental, de surcroît assez mal planté. Le début est d'ailleurs plutôt mauvais, avec une scène qui montre le héros en train de pontifier, précédant une séquence qui se conclut par une coucherie mise en scène avec une consternante maladresse.

   Cela devient intéressant quand le héros rencontre Elena et se met à dévorer des livres. J'ai aussi beaucoup apprécié son "exil" en périphérie urbaine, chez une veuve matrone fort bien interprétée. Les relations qui se nouent entre le jeune homme et les enfants de celle-ci sont assez touchantes. On sent aussi que le réalisateur est plus à l'aise dans les scènes de propagande, avec les militants communistes.

   Bref, même si l'acteur principal Luca Marinelli (déjà vu dans le médiocre Una Questiona Privata) ne manque pas de charisme, même si le casting féminin est bon, même si le fond de l'histoire est intéressant, le résultat global n'est pas très emballant.

   P.S.

   A la dernière Mostra de Venise, Marinelli a coiffé au poteau Joaquin Phoenix pour le prix d'interprétation masculine. Certains commentateurs crient quasiment au génie... en oubliant que la distribution des prix a obéi à des règles sous-jacentes. La première est, me semble-t-il, de n'accorder qu'une seule récompense par film. Or, si le prix d'interprétation était revenu à Joaquin Phoenix (dont la performance est bien supérieure à celle de Luca Marinelli), cela aurait exclu le Joker du Lion d'or... qui risquait d'être attribué au film de Polanski, ce dont les ayatollahs de la bien-pensance contemporaine ne voulaient pas entendre parler. Il fallait donc que Joker décroche le Lion d'or, un prix moins prestigieux étant attribué à J'accuse. Cela présentait en outre l'immense avantage d'écarter un autre concurrent de Marinelli pour le prix d'interprétation : Jean Dujardin.

19:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films