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dimanche, 12 octobre 2025

Une Bataille après l'autre

   L'intense conflictualité interne qui mine actuellement les Etats-Unis trouve ici sa troisième traduction cinématographique en moins de deux ans, après Civil War et surtout Eddington.

   La première partie se déroule dans un passé indéterminé, l'Amérique des années Reagan dans le roman de Pynchon, ici sans doute celle des années George W Bush. Cette grosse demi-heure est globalement décevante, compte tenu de ce que j'avais lu et entendu à propos de ce film. Anderson verse dans une sorte de néo-romantisme révolutionnaire très manichéen. Il hypersexualise les femmes noires rebelles, qui s'acoquinent à des hommes blancs mal rasés récitant péniblement leur catéchisme marxiste. Si, sur le plan de la dynamique, certaines scènes sont assez spectaculaires, j'ai trouvé les dialogues sommaires, se limitant trop souvent à des sentences peu naturelles. De surcroît, certaines scènes manquent de réalisme, comme celle de la rencontre entre la rebelle boutefeu et l'officier réac ou encore celle de l'entraînement à la mitraillette, qui nous montre une femme en fin de grossesse (dotée d'un ventre outrageusement factice) manipulant sans peine une arme lourde. Enfin, la musique est omniprésente, souvent inutilement, comme pour masquer le vide de cette séquence (ou empêcher les spectateurs de réfléchir).

   Fort heureusement, cela s'arrange lorsque l'intrigue bascule à l'époque contemporaine, seize ans plus tard. J'ai aimé l'interprétation de Leonardo DiCaprio, mi-cassos mi-papa poule, à la fois pathétique et touchant. Il en fait parfois un peu trop, notamment dans la grossièreté langagière (ou quand il tente désespérément de recharger un portable), mais ses pérégrinations en robe de chambre ont plus que retenu mon attention.

   Deux autres "mecs" se distinguent, à ses côtés. Benicio Del Toro livre une interprétation presque facétieuse d'un ancien révolutionnaire devenu un militant discret, cachant son engagement derrière des activités commerciales tout ce qu'il y a de plus respectables. Concernant l'acteur, Anderson se permet un petit clin d’œil, lorsque le personnage incarné par DiCaprio lui lance un « Viva la revolución ! » Il s'agit (à mon avis) d'une allusion au Che jadis incarné par Benicio.

   Le troisième mâle de l'intrigue est l'enfoiré de service Steven J. Lockjaw, auquel Sean Penn prête son visage tanné par les ans... et son corps marqué par les séances de musculation. Globalement, j'ai trouvé l'acteur très bon, mais son personnage est vraiment caricatural. Le concernant se pose un autre problème : son non-vieillissement apparent. On a eu beau lui changer sa coiffure, il apparaît aussi vieux dans les deux époques de l'histoire. C'est tout de même gênant.

   Du côté des dames, le réalisateur promeut des personnages forts. Teyana Taylor incarne efficacement la tête brûlée (hélas elle aussi dessinée à la hache). Chase Infiniti est une révélation en rebelle plus réfléchie (qui, au départ, paraît plus adulte que son papounnet alcoolique et drogué). Ma préférée est toutefois Regina Hall (ex-star des Scary Movie), qui joue une militante moins flamboyante, plus rigoureuse, avec une certaine subtilité.

   Les deux dernières heures du film m'ont donc davantage intéressé, avec quelques séquences marquantes, comme la poursuite automobile en pleine cambrousse, sur une route vallonnée où les conducteurs perdent temporairement, à intervalle régulier, la vue sur les véhicules qui les précèdent et les suivent. Là, on retrouve le metteur en scène de Boogie Nights, Magnolia et There will be blood. Mais ce n'est pas toujours le cas.

   P.S.

   Sur le plan politique, je pense que le film, qui est "de gauche" (voire d'extrême-gauche) joue contre son camp. Il justifie la violence des radicaux (anti-Trump), voyant en celle-ci le meilleur moyen de lutter contre l'extrême-droite. Il aurait mieux fait de se poser la question des causes de la défaite des démocrates et des moyens pour la gauche de reprendre le pouvoir par les voies légales. Trump et la galaxie Maga l'ont emporté sans tricher... et c'est bien là le cœur du problème, qui n'est pas abordé par ce film... ce qui n'est pas anormal, puisqu'il présente une vue de l'intérieur de l'autre camp. Mais caricaturer son adversaire n'est pas la meilleure façon de le vaincre.

00:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films