lundi, 22 juillet 2024
Santosh
C'est le prénom d'une jeune femme, veuve, dans le nord de l'Inde, sans doute dans une petite ville pas très éloignée de New Delhi. L'intrigue va faire évoluer les personnages dans cette région semi-rurale de l'Uttar Pradesh (me semble-t-il), jusqu'à Bombay.
Le début nous présente la future héroïne comme une victime. Elle est rejetée par sa belle-famille, qui n'a jamais apprécié son caractère indépendant, et, avec le décès de son époux, policier, elle risque de perdre tous les avantages afférents à la fonction, à commencer par l'appartement où le couple était installé.
C'est là que la réalisatrice-scénariste, Sandhya Suri, introduit un élément qui paraîtra, à certains spectateurs occidentaux, complètement absurde, mais qui est inspiré de la réalité : la veuve peut "hériter" du poste de son mari (ou d'une fonction approchante), à condition de suivre une formation à l'école de police.
On retrouve donc Santosh sans son sari, en uniforme de gardienne de la paix (« constable »). Inspirée par la rigueur morale de son défunt époux, elle pense pouvoir agir au nom du bien, tout en profitant des avantages de la fonction (un logement garanti, une paie régulière... et davantage de respect).
Elle va rapidement déchanter. Elle découvre, de l'intérieur, une police locale, dotée d'éléments féminins, un peu considérés comme des pièces rapportées. Elle remarque très vite des actes de corruption, des arrangements, sans parler des propos misogynes, racistes, homophobes...
L'histoire est un prétexte pour évoquer les inégalités qui frappent l'Inde : entre les hommes et les femmes (l'entrée dans la police étant, pour ses éléments féminins, un moyen d'échapper, au moins en partie, au poids du patriarcat), entre les différentes castes d'hindous (les plus mal lotis étant les dalits, ou intouchables), entre hindous et musulmans...
Une affaire criminelle va servir de détonateur. Une adolescente de quinze ans disparaît. On finit par retrouve son cadavre mais, comme c'est une intouchable, la police ne semble, au départ, pas pressée d'élucider l'affaire... sauf que les médias s'en mêlent et qu'on découvre que, parmi les relations de la victime, se trouve un jeune homme musulman.
Commence alors un véritable polar, dans lequel l'héroïne n'a pas toujours le beau rôle. Elle doit très vite décider de la manière dont elle va se comporter vis-à-vis des petits accommodements du quotidien policier. Elle est rapidement prise son son aile par une lieutenante expérimentée, rescapée des premières unités féminines et qui a su s'imposer dans un monde de mecs. Il faut signaler la performance des deux actrices, Sunita Rajwar dans le rôle de l'officier, et Shahana Goswami (Santosh), qui transmet beaucoup de choses à travers sa posture et son regard.
J'ai aussi noté une certaine habileté dans la mise en scène. A plusieurs reprises, la réalisatrice fait passer des informations avec une certaine subtilité. Je pense, par exemple, à une scène d'interrogatoire, au cours de laquelle l'un des personnages croit que cela est allé trop loin, avant d'être détrompée. Je pense aussi à la complicité qui s'installe entre les deux femmes, qui n'est pas sans sous-entendus.
Un pic de tension est atteint à deux reprises, la première fois lorsque Santosh, sortie de sa juridiction pour tenter de retrouver le principal suspect, habillée en civil, se risque seule dans une ville à majorité musulmane. La seconde fois montre la policière de nouveau seule, en zone rurale, alors que, sans le savoir, elle touche au but...
Santosh, simple agente de terrain s'obstine à découvrir le fond de l'affaire, alors que les autorités se contenteraient d'une résolution simpliste de l'enquête. La conclusion de l'intrigue policière, comme celle de l'histoire personnelle de l'héroïne, sont amenées avec finesse.
Avec Sons, voilà peut-être l'autre polar de l'été.
12:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéa, cinema, film, films, inde