dimanche, 20 novembre 2005
Subtilité médiatique
Dimanche. Je viens d'écouter le 13h de France-inter. (Voilà ce que c'est que de ne pas changer de station après Le jeu des 1000 euros !) Ca commence par le congrès du P.S.. Après tout, c'est le principal parti d'opposition. Le problème est qu'il n'est question que des rivalités de personnes, sauf, à la rigueur, quand le projet de VIe république est évoqué, aussitôt pour parler de la déception de son promoteur. On s'en fout ! Quel est le débat d'idées ? Si ce n'est qu'un affrontement d'ambitions, passez à la suite, merde !
Ben, la suite, justement. Un sondage. Je suis toujours sidéré de constater la suffisance des directeurs d'instituts alors que, dans plusieurs pays, de multiples consultations populaires (élections, référendums...) ont été l'occasion de vérifier la faible fiabilité de ce mode d'étude d'opinion (sans parler des traficotages opérés pour "redresser" certains résultats d'enquêtes). Que penser de la qualité de la préparation d'un journal radio dont le deuxième sujet principal est le résultat d'un sondage ? N'y a-t-il aucune autre information, en France et dans le reste du monde, qui vaille la peine de passer avant cette galéjade ? Faites votre boulot, les gars !
De surcroît, le journaleux (je n'appelle pas ça un journaliste) reprend sans aucune distance critique le titre employé par l'organe de presse qui publie les résultats de l'enquête d'opinion : on se demande en gros si la France (comprendre les Français : on n'aurait interrogé que des personnes -au fait, combien ?- de nationalité française... toutes électrices ?) vire à droite. Pourquoi ? Tout simplement parce que, d'après ce sondage, les Français soutiennent massivement la politique de répression des émeutes urbaines. Depuis quand le maintien de l'ordre est-il l'apanage de la droite ? Je ne conteste pas l'idée que le Gouvernement n'a pas une méthode très claire (et semble naviguer à vue... celle des sondages ?... Noooon !!!!), mais là, cela devient inquiétant. Cela voudrait dire qu'une personne authentiquement "de gauche" (et on fait quoi des centristes et non affiliés ?) se doit d'être contre la répression de la délinquance (ah, qu'il est doux de vivre dans les beaux quartiers et de travailler dans une radio sociale-démocrate !).
Après cette édifiante introduction, on a droit au commentaire du directeur d'un institut de sondages. Là, j'ai coupé la radio (et je suis allé faire la vaisselle). C'est à cause de ce genre de médiocrité que je n'écoute quasiment plus les informations sur France-inter. Autant aller sur France-info, R.M.C. ou France-culture, qui est encore la radio la moins envahie par le "people", cette plaie de l'information contemporaine. (Quitte à choisir, je préfère encore la presse écrite. Même si je n'adhère pas complètement à la manière dont l'information est traitée, par exemple, par Le Monde, j'y trouve plusieurs éclairages et de la matière, pas un survol.)
J'ai eu un peu la même réaction lorsque j'ai entendu, cette semaine, que la situation dans les quartiers "sensibles" redevenait "normale" voire "calme"... puisque seulement 100 ou 120 véhicules avaient été brûlés la nuit précédente ! Non ce n'est pas normal ! Encore moins calme ! Certes, tout au long de l'année, une part des véhicules incendiés est due à des tentatives d'escroquerie à l'assurance ou à la volonté d'effacer des preuves après un braquage, notamment. Mais cela n'explique pas tout. Pour la majorité des habitants des villes touchées par les émeutes, le quotidien reste angoissant, ce dont se foutent royalement les jolies voix qui débitent leur texte politiquement correct à l'antenne...
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vendredi, 18 novembre 2005
Gros dégueulasse
Ce matin, à jeun, j'ai eu envie de manger des noix. Cela tombait bien : j'en avais acheté deux jours auparavant. Je partais pour en grignoter 3-4... finalement j'en ai enfourné une quinzaine.
Par la suite, je me suis retrouvé à pianoter devant mon ordinateur. J'ai ressenti le désir de libérer quelques gaz superflus. Horreur et consternation ! Je me suis bien vite rendu compte qu'il ne s'agissait pas de gaz ! Je me suis précipité aux toilettes, ai enlevé ce qu'il fallait enlever. Trop tard ! Certes, la cuvette des wécés a recueilli l'essentiel de la substance post-digestive semi-liquide, mais mon caleçon avait dégusté ! J'ai nettoyé le plus gros et, comme j'avais une machine à mettre en route, je l'ai d'abord aspergé de nettoyant. J'ai eu la bonne idée de regarder aussi ma culotte de survêtement (oui, le matin, chez moi, je me la joue "cool et pas sexy"), à laquelle je dus administrer le même traitement (bien que les conséquences fussent moins graves).
La machine en route, je regagnai mon bureau. Enfer et damnation ! Mon siège avait été attaqué ! Je puis vous assurer que le marron foncé se détache parfaitement bien sur un fond rouge ! Je fis assaut de produits nettoyants et d'huile de coude... A l'heure qu'il est, le siège semble avoir retrouvé un aspect normal. Faut que j'aille vérifier le linge, à présent.
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samedi, 12 novembre 2005
Police et banlieues (3)
Petit à petit, la situation s’éclaircit, mais il reste des points encore obscurs, dont certains qui auraient besoin d’une enquête journalistique.
L’âge des électrocutés est connu : 15, 17 et 17 ans. Par contre, les versions sont contradictoires quant au déroulement de la soirée qui a joué le rôle d’étincelle. Les propos du rescapé me paraissent ambigus, du moins dans ce que j’en ai lu. Il semble que les trois revenaient d’une partie de football. Mais la première incertitude réside dans le fait de savoir si un ou plusieurs d’entre eux sont entrés sur le chantier et sur ce qui s’y est éventuellement passé. Quant à la police, aurait-elle dû aller voir sur le site du transformateur ? Les deux personnes arrêtées à proximité ont pu être prises pour les fuyards. A ce sujet, je reste convaincu que cette fuite est étrange. Bon, admettons que les policiers du coin ne soient pas toujours corrects avec les jeunes… mais c’est un peu court. Ils ont sans doute eu peur de passer la nuit en garde à vue : ils ont peut-être eu conscience d’avoir fait une connerie sur le chantier (ou du moins d’être dans leur tort).
Concernant la grenade, dont les effets ont frappé la mosquée, il apparaît, sur une photographie publiée dans Le Monde (du 10 novembre), qu’elle a éclaté à l’extérieur (on voit les points d’impact). Elle a été vraisemblablement tirée par des C.R.S. : connaissaient-ils ou pas l’existence de cette mosquée ? Ils disent que non. A vérifier.
Il ne me semble pas avoir lu ni entendu une remarque à propos du fait que les émeutiers sont quasi exclusivement des garçons. Pourquoi ce non-dit ? Cette information permettrait pourtant de mieux comprendre les ressorts psychologiques qui sont à l’œuvre dans ces quartiers : les garçons ne sont pas traités comme les filles. Les parents semblent plus stricts avec celles-ci, peut-être par peur de leur voir arriver quelque chose si elles sortent le soir (ce qui est la preuve qu’ils n’ont pas confiance dans le comportement des mecs du coin). On peut en outre y voir une forme de sexisme. Réfléchissons aussi à leur rapport à l’école. Les filles réussissent mieux. Les garçons sont davantage en situation d’échec, eux qui sont un peu les petits rois à la maison. C’est vexant, humiliant de se prendre des mauvaises notes (voire des remarques des enseignants) devant les autres ; le redoublement, l’orientation subie sont autant de frustrations pour ces garçons. Je ne vois donc rien d’étonnant à l’acharnement mis à incendier des bâtiments scolaires. Ce sont aussi des symboles de l’autorité, très mal vécue par ces garçons petits-rois, qui n’acceptent pas plus le contrôle dans les transports en commun.
Evitons toutefois de généraliser. Ces émeutiers ne représentent qu’une infime minorité. A Clichy-sous-Bois, par exemple, on en a dénombré au maximum 200… pour 28 000 habitants (moins de 1 % de la population). Une partie de ces 200 venait d’autres communes voire d’autres départements. Mais, bon, soyons méchants. Partons du principe que ces 200 sont de Clichy et qu’il faut comparer à la population susceptible de participer à ces manifestations violentes, je veux parler des " jeunes ". D’après ce que j’ai lu et entendu, les personnes arrêtées sont soit des mineurs, soit des majeurs âgés de 18 à 25 ans. A Clichy (je me base sur les statistiques publiées sur le site internet de cette ville, intéressant au demeurant), la moitié de la population est âgée de moins de 25 ans. Cela nous donne 200 émeutiers sur 14 000, même pas 1,5 %. Et là, j’entends dire que les bébés et autres couches-culottes ne sont pas concernés. Alors, enlevons les minots : 4 000 ? (Pas trop, parce qu’il y a eu un paquet de 10-15 ans parmi les traînards.) Restent 10 000. 200 sur 10 000. 9 800 jeunes de moins de 25 ans n’ont pas participé aux incendies et autres caillassages, soit 98 % ! Ce sont ces personnes (jeunes et adultes non caillasseurs) qui se sont senties insultées par les propos de Nicolas Sarkozy. Monsieur le ministre de l’Intérieur devrait savoir qu’en tenant ce genre de discours (où il est question de passer ces quartiers " au kärcher ", de les débarrasser de la " racaille "), il solidarise les habitants des banlieues contre sa personne, phénomène assez valorisant pour son ego (et son traitement médiatique) certes, mais contre-productif si l’objectif est de ramener l’ordre. Il faut au contraire couper la (majorité de la) population des délinquants qui vivent au milieu d’elle.
Je n’ai pas non plus beaucoup entendu parler des propriétaires des voitures incendiées, au début en tout cas. Ensuite, les journalistes ont fini par s’apercevoir ben que ces voitures appartenaient en très grande majorité à des habitants du coin, de toutes origines et de conditions sociales modestes. Ce sont eux les premières victimes, victimes à la fois de l’abandon dans lequel sont laissés ces quartiers, des incendiaires et des petits caïds (trafiquants en tous genres) qui tentent d’imposer leur " loi ". Là, un reportage du Monde m’a un peu agacé. Dans l’édition du 8 novembre, on a droit à un portrait de ces " jeunes " qui frise la complaisance. (Heureusement que des filles sont interrogées ensuite.) Le pire dans l’article est le moment où un aide cuisinier est questionné devant ceux-là mêmes qui ont incendié sa voiture ! Même si la haine des flics joue un rôle fédérateur (voir la photo du véhicule de police), je pense que si cette personne avait été interrogée à part, de manière anonyme, peut-être que l’article aurait gagné en profondeur d’analyse… Et que dire de la photographie qui l’illustre ! Si ce n’est pas du cirque !
Je ne veux pas trop jeter la pierre au Monde, qui couvre bien ces événements, je trouve. Exemple : dans l’édition des 6-7 novembre, il est fait mention du nombre de voitures brûlées durant les dix premiers mois de l’année : 28 000… oui, 28 000 ! Aujourd’hui, on a dû dépasser les 32 000… Revenons sur ces 28 000. Cela veut dire 2 800 par mois en moyenne. Plus de 90 par jour ! C’est énorme. Cela veut dire que, même si les récents événements sortent de l’ordinaire, ce n’est que le point d’orgue d’un phénomène qui, Sarkozy ou pas, ravage ces quartiers. Je n’étais pas au courant de l’ampleur de ces destructions alors qu’elles touchent vraiment beaucoup de personnes ! Cela me fait penser que les politiques n’ont pas mesuré l’ampleur de la tâche (ou bien ils s’arrangent pour que ce soit supportable pour la majorité qui vote, qui vit ailleurs, ainsi que l’affirme un des articles de presse étrangère de l’excellent dossier publié par Courrier international).
Retour sur la police, pour terminer. Je trouve très bien (et on ne peut plus normal) que ceux qui se comportent mal soient sanctionnés, et vite. J’espère que ce n’est pas juste un (contre) feu de paille, et que cela continuera une fois que tout se sera calmé (si cela se calme vraiment un jour). Cependant, je ne partage pas le point de vue de ceux qui exigent la démission de Sarkozy. Certes, il a commis des erreurs, mais il n’est pas responsable du bordel (juste un peu, quand même). Il n’est pas là pour se rendre populaire auprès des délinquants. De plus, il est bon, je trouve, que l’on ait un peu peur de la police, du moins si l’on a quelque chose à se reprocher. La police doit avoir un comportement suffisamment correct pour que le citoyen lambda (blanc, noir, gris, jaune, vert…) lui fasse confiance, mais elle ne doit pas être faible. Je me demande si les forces de l’ordre n’ont pas reçu des consignes pour éviter tout risque de bavure. (Oui, je crois, je viens de jeter un coup d'oeil aux hebdos.) Cela expliquerait la lenteur avec laquelle la situation se rétablit. A moins que… l’a-t-on laissé sciemment pourrir ?
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mercredi, 02 novembre 2005
Police et banlieues, suite
J'ai envie de faire un peu le point. Revenons à l'origine : à Clichy-sous-Bois, des policiers font leur travail, puisqu'ils procèdent à l'interpellation d'un groupe de personnes en infraction avec la loi : ils tentaient de pénétrer dans une baraque de chantier. Mouvement général de fuite.
Première question : les trois jeunes électrocutés par la suite faisaient-ils partie de ce groupe ? (Remarque : apparemment, âgés de 15, 17 et 21 ans, ils n'étaient pas connus des services de police, ce qui plaide en leur faveur.)Quelle que soit la réponse, il est évident que l'intervention de la police était légitime. J'ai entendu à la radio une personne prétendre que c'est la présence de la police qui est la cause des troubles ! C'est plutôt le contraire : si davantage de policiers étaient présents au quotidien (des policiers, donc, qui connaîtraient le quartier), peut-être que ces jeunes n'auraient pas eu l'opportunité d'enfreindre la loi en tentant de pénétrer dans la baraque de chantier. Ceci dit, aussi, si tant de personnes ne connaissaient pas des conditions de vie difficiles, la propension à délinquer serait sans doute beaucoup plus faible.
Deuxième question : pourquoi les trois jeunes ont-ils fui la police ? S'ils ont participé à la tentative de cambriolage, on comprend. Dans ce cas, il faut le dire, malgré le deuil. Par contre, s'ils n'étaient pas mêlés à celle-ci ?... Avaient-ils une raison d'avoir peur des policiers ? En clair : à Clichy-sous-Bois, des policiers sont-ils coutumiers du non-respect de la déontologie ? Tiennent-ils régulièrement des propos racistes en présence de ces jeunes ?
Troisième question : comment la foule de 200 personnes s'est-elle réunie ? Il semblerait que les téléphones portables aient joué un rôle. Ces personnes ne sont donc pas si pauvres que cela. D'autre part, cela veut dire que les émeutiers (ne nous voilons pas la face avec des périphrases) ne sont pas tous originaires de la commune. (J'ai même entendu parler des véhicules dans lesquels ils seraient venus à Clichy, véhicules immatriculés dans d'autres départements franciliens : s'ils ne sont pas volés, cela relativise encore leur "pauvreté".) Dans quelle proportion ? Il faudrait avoir un bilan des interpellations. Bien qu'imparfait, il donnerait à voir certaines tendances.
Quatrième question : quand les pompiers ont-ils été agressés ? Dès leur arrivée au transformateur ? Avant ? Après ? ce n'est pas clair en fonction des articles que j'ai lus. C'est important pour savoir si leur agression a été un obstacle à leur mission de secours ou si elle a été une sorte de vengeance puérile.
Cinquième question : qui a tiré la (les) grenade(s) lacrymogène(s) et dans quelle direction ? Si ce sont des C.R.S. qui sont les auteurs de ce geste, s'agit-il d'une provocation de policiers racistes, d'un acte de défense ou bien d'une erreur : connaissaient-ils l'existence de la mosquée à proximité ? (Si c'est non, cela confirme la nécessité d'avoir, sur le terrain, davantage de policiers qui connaissent le quartier, ses habitants, ses us et coutumes : faut savoir ce qu'est le ramadan !) Si le jet de grenade ne vient pas des policiers ?...
Quelques remarques pour terminer. Nicolas Sarkozy me fait un peu l'effet d'un pompier pyromane. Je partage complètement son appréciation des auteurs des troubles : ce sont des voyous. Le terme "racaille" me semble trop péjoratif, surtout dans la bouche d'un ministre. (Encore que... j'ai naguère un peu "vaqué" du côté de Vitry-sur-Seine, où le terme de "caillera" était d'usage courant, plutôt dans un sens positif, sens qu'a eu "voyou" à une époque : le rebelle -déliquant certes, libre et sauvage, qui fait phantasmer certaines filles... ) Là, il a manqué de sens politique : sa fonction est d'abord de maintenir ou de rétablir l'ordre. A l'usage de la force s'ajoute la parole, ce en quoi il a failli.
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