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dimanche, 28 décembre 2008

Le Chant des mariées

   L'action se passe à Tunis, au coeur de la Seconde Guerre mondiale. Les deux héroïnes sont deux amies, une "européenne" juive, l'autre arabe et musulmane. Toutes deux rêvent du prince charmant. Les événements vont confronter leurs aspirations à la réalité. Les dialogues ont été écrits principalement en arabe dialectal et en français (on entend aussi de l'allemand et de l'hébreu).

   L'histoire tourne autour des discriminations. Il y a l'antisémitisme des vichyssois, des Allemands et le racisme colonial. Il y a aussi le fossé des richesses entre communautés, ainsi qu'à l'intérieur de chaque communauté. Mais ce sont les femmes qui sont, dans tous les cas, des victimes : elles ne choisissent par leur mari et doivent suivre, au quotidien, les prescriptions édictées pour elles par les hommes. Néanmoins, le propos n'est pas si tranché que cela : la musulmane comme la juive vont découvrir qu'au-delà de leur soumission juridique, elles ont la possibilité d'agir.

   La caméra s'attache beaucoup aux corps, dans des plans qui risquent fort d'indisposer les culs-bénits d'Afrique du Nord. Cela commence par une belle scène de hammam, où l'on peut voir presque tout de l'anatomie (gracieuse) de ces actrices. De nombreux gros plans s'attardent sur le grain de peau, dans cette scène comme dans les autres. La séquence la plus marquante est sans conteste celle qui voit l'épilation totale (non simulée), avec les moyens de l'époque, de l'une des futures mariées... zoom sur la foufoune à la clé. Ce n'est en rien dégradant ni voyeur. Cela se justifie pleinement, même si je sens chez la réalisatrice la volonté d'aller jusqu'au bout, quitte à choquer.

   A l'opposé de ces parties dénudées, on trouve des scènes d'extérieur (autre qualité : les espaces sont bien maîtrisés), dans lesquelles les musulmanes sont drapées de blanc. C'est là qu'on voit l'habileté de la réalisation : ces voiles intégraux peuvent être tour à tour perçus comme des prisons, des protections... voire des objets quasi sensuels.

   La scénariste a aussi créé deux beaux personnages d'adultes : le père de Nour, musulman pieux mais pas intégriste et la mère de Myriam (incarnée par la réalisatrice Karin Albou), femme-courage qui fait ce qu'elle peut en ces moments difficiles. Tous deux sont très bien interprétés.

   Bon, il y a bien quelques maladresses (souvent relevées par la critique professionnelle), mais, vraiment, ce long-métrage vaut le détour. Il donne une vision nuancée d'un aspect méconnu de cette période de l'histoire. (Comment a-t-on vécu la guerre et l'occupation dans cette portion de l'empire colonial français où préexistaient de nombreuses tensions ?) Il est de surcroît filmé avec rigueur et inventivité : les plans sont pleins de sens, comme celui qui voit l'une des filles sortir de sous le lit où sa mère l'avait cachée ; elle émerge entre les jambes de celle-ci, comme dans une deuxième naissance. La scène au cours de laquelle le père pieux se rend compte que sa fille, supposée anabalphabète, profite chaque jour de sa sieste pour lire le Coran, est elle aussi magnifique, avec ce jeu sur la focale, en interaction avec les dialogues. Il y a des tas d'autres moments de ce genre.

00:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma

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