jeudi, 11 mars 2010
La Rafle
En dépit des critiques majoritairement négatives, je suis allé voir ce film dès sa sortie. Le sujet est délicat : la plus grande rafle de juifs jamais organisée en France, le 16 juillet 1942, rafle qui a été opérée par les policiers et gendarmes français, pour le compte de l'occupant nazi. Sur le site du film, on peut télécharger des documents intéressants : un dossier pédagogique (il n'y a pas de raison que seuls les enseignants en profitent, non mais), un dossier de presse et une présentation conçue pour la mairie de Paris.
Cela démarre par des images d'archive montrant Adolf Hitler en visite touristique à Paris. Ach, Barisse et les bédides Fronzaizes ! Je trouve que c'est un bon choix. Il pose bien le problème de la collaboration, voulue par les dirigeants français, faut-il le rappeler.
Pendant environ 1h15, c'est un bon moment de cinéma. Le début est très agréable, avec la description de la vie quotidienne de ces Parisiens juifs sous l'occupation, avec les peines et les joies familiales, les gamins qui font des conneries... et l'antisémitisme non dissimulé de certains "Français de souche". Les acteurs sont épatants et, parmi les enfants, j'ai été particulièrement touché par le bambin qui parle avec difficulté ("Nono" je crois)... vraiment trognon ! Du côté des adultes, Jean Reno et Gad Elmaleh sont sobres, efficaces. Thierry Frémont fait une composition remarquable. Isabelle Gélinas est craquante. Mélanie Laurent rayonne... ça va se terminer en César, moi je vous le dis ! (J'ai beaucoup moins goûté la prestation de Raphaëlle Agogué, qui m'a parue décalée, excessive... tout comme celle de Sylvie Testud, exceptionnellement décevante.)
Ces scènes sont croisées avec les "moments d'histoire", durant lesquels on voit les dirigeants ou les hauts fonctionnaires français et allemands. Si les seconds couteaux sont bien interprétés, j'ai des réserves à émettre sur ceux qui incarnent Pétain (le père de Jean-François Copé... si !) et Hitler. (Pour Hitler en particulier, deux scènes sont ratées : celle au cours de laquelle, pendant que son médecin lui administre une piqûre, il affirme appliquer Mein Kampf à la lettre... ce qu'il n'a pas fait en réalité ; l'autre moment le voit, dans son "nid d'aigle", parler, à propos de la déportation des juifs, de "nuit et brouillard"... une expression qui s'applique au sort des résistants.) Par contre, le personnage de Pierre Laval est remarquablement joué.
L'organisation minutieuse et le déroulement de la rafle sont très bien rendus. Quelques passages sont peut-être surjoués mais, dans l'ensemble, la réalisatrice a réussi à marier la reconstitution historique avec les drames familiaux et le film d'action. Les scènes censées se dérouler dans le fameux Vélodrome d'Hiver (le Vel' d'Hiv' quoi) sont parmi les plus intéressantes du film. On a pris soin de montrer toutes les gammes de comportement, de la résistance active au collaborationnisme en passant par l'attentisme à divers degrés. Du coup, la vision de l'époque est assez nuancée, même si l'action néfaste des forces de police est décrite en détail.
C'est lorsque les détenus se trouvent dans le camp d'internement de Beaune-la-Rolande que cela se dégrade, en particulier dès qu'il est question de la phase ultérieure, la déportation en Europe de l'Est, toujours évoquée, jamais montrée. Là, l'émotion exacerbée prend le dessus. Je sais bien que ce sont des événements dramatiques, mais on tombe dans le pathos, alors qu'on aurait pu espérer un peu plus de pudeur. C'est peut-être une question d'époque ou de tempérament.
Du coup, en sortant du cinéma, j'ai cherché à accéder à l'émission que France 2 a consacrée à la sortie du film, mardi 9 mars 2010. Jusqu'au 16, on peut la revoir en intégralité. Si vous pouvez passer les entretiens avec les acteurs (on remarquera que Marie Drucker n'a pas invité Gad Elmaleh... une manifestation de déontologie ?), ne manquez surtout pas les témoignages des rescapés, les interventions des historiens ainsi que les petits documentaires qui émaillent l'émission. Franchement, là, bravo le service public !... et l'audience a suivi.
16:57 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, histoire
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