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dimanche, 06 juin 2010

Teza

   C'est un film éthiopien de Haile Gerima, présenté dans les festivals (à Venise notamment, où il a reçu en 2008 le prix spécial du jury, à Ouagadougou, où il a décroché l'Etalon d'or en 2009), sorti en France seulement en 2010. C'est à la fois une fresque historique (sur l'Ethiopie des années 1970 aux années 1990, avec des références à la colonisation italienne), un conte et un portrait intimiste.

   Le montage est assez habile, entrelaçant les époques : la période estudiantine du héros dans les années 1970, en Allemagne, son retour en Ethiopie puis le nouveau départ, pour la R.D.A. et la vie "actuelle" dans l'Ethiopie des années 1990. Le découpage a un but : créer le mystère, les incertitudes trouvant leur réponse au fur et à mesure que l'on découvre le passé du personnage, qui a perdu la mémoire.

   "Teza", c'est la rosée (la première séquence du film nous en donne la signification, de manière poétique). Elle désigne peut-être cette jeunesse partie étudier à l'étranger et qui a cru pouvoir changer les choses en revenant au pays, une fois le régime du Négus aboli. Les scènes "anciennes" du début sont très "africaines" et quasi ethnographiques. Elles alternent avec celles présentant le retour du fils prodigue, qui a l'air très atteint (il a perdu une jambe). Le personnage de la mère est particulièrement réussi, très beau.

   Le style de la réalisation change avec le tableau des années 1970 en Allemagne : ces exilés se sont bien accommodés de la vie à l'occidentale. Ils ont noué des relations avec des Allemandes "progressistes". On a fait attention aux détails : les coupes de cheveux et les vêtements sont conformes à ce qu'on voyait à l'époque.

   L'époque du premier retour nous donne un aperçu de ce que pouvait être un régime communiste africain, avec sa bureaucratie tâtillonne, son idéologie inflexible et ses militants violents. C'est fou mais cette partie du film m'a irrésistiblement fait penser à d'autres longs métrages consacrés à d'autres pays africains : derrière le vernis communiste, il est question d'un pouvoir autoritaire et de la propension des groupes d'activistes à commettre des massacres.

   Ce n'est qu'à la fin que l'on apprend ce qui est arrivé à Anberber (le héros), même si un spectateur attentif a su décrypter les indices laissés en cours de route par le réalisateur. Le deuxième retour au pays se fait dans un contexte de violence : la chute du régime communiste de Mengistu est suivie d'une guerre civile encore plus intense, les soldats raflant les enfants pour gonfler leurs troupes (et éviter que leurs adversaires ne les récupèrent).

   Du coup, un des lieux prend une importance symbolique considérable : une grotte, peut-être occupée depuis la préhistoire, qui a servi de refuge à différentes époques. Ce fut d'abord une cachette pour les patriotes éthiopiens en lutte contre l'invasion italienne, puis pour les opposants au régime d'Hailé Sélassié, puis pour les enfants fuyant l'embrigadement, enfin pour une femme enceinte rejetée par la société patriarcale (fort bien décrite, sans a priori). On voit là toute la complexité du propos du réalisateur : le pays a souffert d'interventions étrangères (les fascistes italiens, les communistes d'obédiences soviétique, chinoise... et albanaise !), mais aussi de maux internes, en raison de sa difficulté à se moderniser. Même si le film est un peu long (2h20), il est une belle leçon de vie... et une nouvelle preuve que le cinéma africain peut avoir une vocation universelle.

   P.S.

   A signaler le dossier de presse, excellent, disponible sur le site d' Isabelle Buron (où l'on peut trouver les extraits du film auxquels mènent certains des liens précédents), une attachée de presse très branchée art et essai.

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