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samedi, 05 novembre 2011

L'Exercice de l'Etat

   Ce titre étrange, sur lequel butent nombre de spectateurs, est (à mon avis) le résultat du téléscopage de deux expressions : "l'exercice du pouvoir" et "le service de l'Etat".

   A priori, on assimile l'exercice du pouvoir aux postes ministériels et le service de l'Etat aux hauts fonctionnaires. Mais, un bon ministre ne doit-il pas avoir le sens de l'Etat ? Un haut fonctionnaire n'exerce-t-il pas une partie du pouvoir ? D'où le mélange.

   Le film tourne autour de deux personnages principaux, le ministre, auquel Olivier Gourmet donne son corps et son tempérament, et le directeur de cabinet, incarné par un Michel Blanc d'une éblouissante sobriété.

   Le ministre est membre d'un gouvernement "PR". Il ne s'agit bien évidemment pas de feu le Parti républicain, devenu Démocratie libérale, qui s'est fondu dans l'UMP. Le PR est donc un avatar du parti présidentiel. Mais le héros n'en est apparemment pas membre... ou à moitié. On lui prête une sensibilité plus centriste. On pourrait le rapprocher du Parti radical valoisien ou, à la rigueur, du Nouveau centre.

   Le directeur de cabinet est sans aucun doute un ancien membre de l'ENA. (Jean-François Carenco a-t-il servi de modèle ?) Il en a la componction et les réseaux. C'est aussi incontestablement un gaulliste. L'une des plus belles scènes du film nous montre Michel Blanc en train de s'habiller au son du (superbe) discours prononcé par André Malraux lors de la panthéonisation de Jean Moulin.

   Gilles-Michel Blanc agit dans l'ombre. Il connaît presque tout le monde, dans le gouvernement et en dehors. Mais il n'utilise pas ces réseaux pour servir ses intérêts (contrairement à l'un de ses camarades de promotion, une fripouille que Didier Bezace est chargé de rendre sympathique). Il nous est présenté comme un quasi-moine-soldat républicain. L'opinion commune aurait pu conduire les scénaristes à faire de ce personnage quelqu'un de plus malfaisant. C'est au contraire, à mon avis, des puissants qui nous sont montrés, le plus honnête et le plus noble. Toute la haute fonction publique n'est hélas pas faite du même métal...

   Face à lui s'agite Bertrand Saint-Jean, un type sympathique, aux idées généreuses, bosseur, pas frimeur... mais quand même ambitieux et un peu hypocrite... "qualités" indispensables à qui veut aujourd'hui faire carrière en politique, semble nous dire le réalisateur... On n'est pas obligé d'adhérer au propos.

   Autour d'eux gravitent les huiles, les sous-fifres et les gens "normaux".

   On entraperçoit les "huiles" à plusieurs reprises. On retiendra tout particulièrement Stéphane Wojtowicz, très bon en président de la République. On nous a épargné le portrait d'un agité bling bling. On nous propose la vision d'un politique manipulateur... tout de même obsédé par la consultation de son téléphone portable.

   Voilà un objet dont le réalisateur a su faire un argument cinématographique. Presque tous les personnages sont équipés d'un "smartphone", qu'ils consultent le plus souvent possible (au point qu'au cours d'une réunion confidentielle, le Premier ministre prenne la peine d'interdire aux participants de le maintenir allumé). A intervalles réguliers s'affichent sur l'écran les textos reçus ou envoyés et les dépêches AFP. Ils contribuent à relancer l'action ou lui donnent une profondeur inattendue.

    Une remarque sur le style : c'est du cinéma de bonne facture, soigné, qui privilégie le réalisme... à quelques exceptions près : quelques moment oniriques (qui ont beaucoup excité la critique...) ont été intercalés. Ils ne sont pas inintéressants, mais n'apportent pas grand chose au film, selon moi.

    Pas très loin des dirigeants, on rencontre les sous-fifres, les intrigants. Le film ne met en lumière que certains d'entre eux, pas de manière très flatteuse. On doit distinguer l'entourage du président de la République et du Premier ministre, plus distant, de celui du ministre (plutôt hétéroclite), avec lequel on nous familiarise. (On peut s'amuser à essayer de trouver des correspondances avec l'ancien cabinet de Jean-Louis Borloo.)

   Enfin, à l'arrière-plan, se profilent les "gens du peuple" (90 % de la population tout de même !). Ils sont incarnés par des manifestants hargneux et un couple, dont l'homme devient chauffeur du ministre. La séquence la plus marquante est celle de la soirée durant laquelle le ministre, esseulé, partage le repas de ce couple et engage, à moitié ivre, un débat avec son hôtesse, qui lui "rentre dans le lard".

   Si cette séquence est formellement réussie, sur le fond, elle ne m'a pas beaucoup plu. Elle est construite sur un postulat favorable au ministre : le pauvre gars est tout seul, il n'a pas d'ami, mais voyons c'est un type bien qui veut servir son pays. On ne donne pas assez la parole aux vraies gens dans ce film. Il aurait pourtant été possible de tracer un parallèle entre la vie sans paillettes des Français moyens et celle de ceux qui évoluent dans le tumulte politico-médiatique.

   On perçoit clairement le parti-pris de la réalisation lorsque le ministre se trouve confronté à des manifestants (de la CGT principalement : on prend soin à ce que les drapeaux rouges soient visibles à l'écran), qui menacent de le bloquer. On ne saura pas vraiment pourquoi ces hommes et ces femmes se comportent ainsi, mais on est vraiment content que le ministre s'en sorte !

   C'est au second degré qu'une critique est émise. On peut ainsi analyser l'accident de voiture de manière métaphorique : de la même manière que le choix, par le ministre, d'un itinéraire non sécurisé conduit à la mort d'un personnage, la politique menée par le gouvernement détruit les vies de citoyens qui en subissent les conséquences. Mais faut vraiment aller chercher loin !

   Si l'on fait abstraction de ces limites, cela reste un très bon film, servi par une pléiade d'acteurs excellents.

16:13 Publié dans Cinéma, Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film

Commentaires

Rebonsoir, un film à voir pour l'ambiance, les acteurs et tout le reste. Film qui sort des sentiers battus. Bonne soirée.

Écrit par : dasola | lundi, 07 novembre 2011

Très bon article, rien à redire dessus, bravo! Peut-être puis-je faire remarquer que vous ne relevez pas la place de la parole, de la communication, du mot ou de l'image qui frappe, souci permanent du "staff" ministériel et spécialement de sa "chargée de com'"... Un bon décryptage, ce film qui nous place "de l'autre côté", où nous voyons s'élaborer les discours que retransmettent TV ou radio!
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez Dasola

Écrit par : ta d loi du cine | mercredi, 07 décembre 2011

Les commentaires sont fermés.