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mardi, 14 février 2012

Des patrons indélicats dans l'Aveyron ?

   Une expression bien plus violente circule dans le département suite à l'annonce de la fermeture programmée des sites de Valaubrac (à Bozouls) et Amarilis (à Entraygues-sur-Truyère).

   Pour la commune d'Entraygues, c'est un second coup dur en moins d'un an, après la fermeture du collège privé. Quant au site industriel, il connaissait une histoire mouvementée depuis au moins trois ans. La société fondée jadis par Gilles Combettes avait été rachetée par le groupe cantalien GMV, qui s'est cassé la figure en 2010.

   Là-dessus est arrivée la société Cauval, qui a aussi mis la main sur le site de Bozouls. D'après L'Officiel des cuisines de mai 2010, en reprenant certaines des activités du groupe GMV, c'est la marque Teisseire (et sa notoriété)  qui intéressait Cauval.

   Dans un premier temps, on a pu penser que l'activité aveyronnaise était sauvée, d'autant plus que, sur le catalogue 2010-2011 des cuisines Teisseire, l'enracinement rouergat est mis en valeur :

Catalogue Teisseire 1.jpg

   L'engagement de contribuer à la prospérité du département figure même noir (et rouge) sur blanc :

Catalogue Teisseire 2.jpg

   Le site de Bozouls semblait plus solide que celui d'Entraygues. S'y était développée l'entreprise Espalux (en provenance d'Espalion... une première "délocalisation" !), devenue Valaubrac, du groupe Cauval. 

   Et maintenant, que va devenir la marque "Teisseire" ? Ne va-t-on pas voir débouler chez nous, sous ce nom,  des cuisines fabriquées en Afrique du Nord et Europe de l'Est ? Je dis cela parce que, dans son activité ameublement, Cauval a procédé ainsi, fermant le site de Luxeuil (en Meurthe-et-Moselle) et supprimant des emplois à Séverac-le-Château pour en créer en Pologne, en Tunisie... et même quelques-uns en France, à Lognes et Bar-sur-Aube (un autre exemple de "délocalisation interne"... une spécialité du groupe ?). Précisons que c'est à Lognes, en Seine-et-Marne, que se trouve le siège du groupe, ce qui explique que ce soit le tribunal de commerce de Meaux qui se soit prononcé au sujet des usines aveyronnaises.

   Revenons à l'Aveyron, dont une troisième commune est concernée par le devenir du groupe Cauval : Séverac-le-Château (à travers l'entreprise Valmont, spécialisée dans les meubles). En 2009, une restructuration (après celle de 2005...) avait transféré les emplois de Millau vers Séverac. Endettée, l'entreprise bénéficie d'un sursis d'un an... avant la fermeture ? Les mêmes inquiétudes sont nourries par les employés de l'usine de Bar-sur-Aube, sur laquelle Gilles Silberman avait annoncé, il n'y a pas si longtemps, vouloir s'appuyer pour concurrencer Ikea sur les canapés.

   Alors, qui est responsable ? La crise a certes joué un rôle, mais elle n'a fait qu'amplifier certaines difficultés. La multiplication des difficultés du groupe, dès 2008, laisse entendre que des problèmes structurels se posent. On peut regretter la frilosité des banques, qui, bien qu'empruntant à 1 % auprès de la BCE, ne contribuent pas à sortir les PME de l'ornière. Le commentaire ajouté à l'article auquel mène le lien précédent suggère des erreurs de stratégie.

   On n'a aussi pas suffisamment parlé d'un changement important dans le secteur de l'ameublement en France : la vente de Conforama (par P.P.R.) au groupe sud-africain Steinhoff. Celui-ci contrôle des usines (étrangères) concurrençant les productions de Cauval, dont un tiers du chiffre d'affaires était réalisé jusque-là avec Conforama. C'est un gros marché qui menaçait d'échapper au groupe. L'installation d'un magasin But sur le Causse Comtal aurait pu apporter des débouchés supplémentaires aux entreprises aveyronnaises. Malheureusement, il semble que ce groupe, contrôlé par des fonds d'investissement, ne pousse pas à l'approvisionnement local.

   Et puis... certaines mauvaises langues suggèrent que les succès de Gilles Silberman n'étaient pas sans relation avec les (excellents) rapports qu'il entretenait avec François Pinault, ancien président du groupe PPR. Il fut son avocat, celui du groupe Pinault-Printemps-La Redoute et ne fut sans doute pas étranger à la prise de contrôle de la FNAC. Or, en 1991, François Pinault s'empare de Conforama... dont la société Cauval va devenir un important fournisseur. On connaît la suite.

   Lors de cette crise, les élus n'ont pas brillé par leur réactivité. Au plan local, des voix ont commencé à s'élever pour dire que l'exécutif départemental n'avait pas fait preuve d'une grande habileté sur ce dossier. Pourtant, les communes concernées font partie de cantons dont les élus sont vice-présidents du Conseil général : Jean-Michel Lalle pour Bozouls (dont il préside la communauté de communes) et Jean-François Albespy pour Entraygues-sur-Truyère. Ils sont du même bord politique que le député de la circonscription, Yves Censi... de surcroît membre de la majorité présidentielle, ce qui doit lui donner un accès privilégié à certains membres du gouvernement. Visiblement, cette accumulation d'élus UMP (et alliés) n'a pas été d'une grande utilité pour le territoire.

   Interrogé sur Totem, le directeur des sociétés liquidées, Daniel Coulon, n'a pas paru avoir une très bonne opinion des élus locaux et semble en vouloir au président du tribunal de commerce Claude Guirande.

   Mais la nouvelle la plus étonnante est venu de la région Centre. Figurez-vous que le ministre de la Ville Maurice Leroy vient d'inaugurer à Mer, dans le Loir-et-Cher, une nouvelle usine de fabrication de matelas Treca, entreprise du groupe... Cauval ! Comme le rappelle Le Nouvel Hebdo dans le numéro 214 (du vendredi 10 février), cette création a bénéficié d'aides publiques (et de la bienveillance des banques)... contrairement à ce qui s'est passé en 2011-2012 en Aveyron. L'argument des élus locaux est que, dans le cas qui nous concerne, il s'agissait d'une entreprise en difficulté, et que donc certaines aides ne lui étaient pas accessibles. Les mauvaises langues ajoutent que l'usine de Mer n'est pas une vraie création... mais une "délocalisation proche", puisque cette "création" est un transfert (avec améliorations) du site voisin de Beaugency, situé de l'autre coté de la frontière avec le Loiret :

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   Voilà pourquoi les auteurs d'un site local (qui s'appuient sur un article de L'Humanité) tracent un portrait peu flatteur au possible des propriétaires de Cauval, quasiment qualifiés de chasseurs de primes.

   Ajoutons, pour terminer, que les bâtiments des usines aveyronnaises appartiennent à une holding distincte du groupe Cauval, Arteval (sise à Lognes), créée en 2009 par Gilles Silberman, qui la dirige toujours. Elle percevait d'importants loyers de la part des usines aujourd'hui en liquidation. D'après Le Nouvel Hebdo, elle se porte très bien.

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