samedi, 24 mars 2012
Questions sur l'affaire Mohamed Merah
Au départ, quand j'ai entendu des personnes remettre en cause le sérieux du travail des services de renseignement français, j'ai tiqué. A priori, si l'on se réfère à la chronologie des événements, on ne peut au contraire que se féliciter de la célérité de l'action de la police.
En effet, le premier parachutiste a été abattu le 11 mars à Toulouse, les deux autres le 15 à Montauban. Dans le premier cas, on pouvait soupçonner un crime crapuleux. Quatre jours plus tard, la coïncidence des meurtres devait faire réagir les services de renseignement. Mais, dans un premier temps, l'hypothèse d'un meurtrier d'extrême-droite a pu paraître plausible : les victimes sont de "type arabe" et le régiment concerné, le 17e du génie parachutiste, s'est fait remarquer naguère par sa capacité à intégrer les opinions les plus extrêmes... Le Canard enchaîné s'est laissé prendre, publiant dans le numéro du 21 mars un article allant dans le sens de cette hypothèse, que l'on sait aujourd'hui erronée :
(Au passage, on aimerait savoir qui dit vrai, de la presse officielle qui affirme que les trois néo-nazis ont été radiés ou de l'hebdomadaire satirique, qui sous-entend qu'ils n'ont pas été reniés par la grande famille de l'armée.)
La DCRI a finalement mis cinq jours à retrouver Mohamed Merah, évitant sans doute qu'il ne commette de nouveaux crimes... mais, ceux du mois de mars étaient-ils pour autant inéluctables ? La question peut paraître grossière, mais l'examen de l'affaire soulève quelques questions.
Il y a d'abord l'histoire de la filière de recrutement pour l'Irak, démantelée en 2007, jugée en 2009. Le frère aîné de Merah, Adbelkader, a été soupçonné (peut-être à tort) d'en faire partie, mais surtout l'un des protagonistes était proche d'eux : il s'agissait du fils du nouveau compagnon de la mère des deux hommes.
Le frère aîné, a priori pas impliqué dans cette affaire, n'en a pas moins un profil suspect : c'est un intégriste, qui se dit fier des actes commis par Mohamed Merah. Dans le coffre de sa voiture, on a retrouvé des explosifs, la semaine dernière... et l'on vient d'apprendre qu'il est mêlé au vol du scooter qui a permis à l'assassin de perpétrer ses forfaits.
A cela s'ajoute une plainte déposée contre le futur tueur en série, le 25 juin 2010, par une Toulousaine dont le fils avait été brièvement séquestré par Mohamed Merah, qui lui aurait passé des vidéos djihadistes d'une grande violence. Il aurait aussi agressé la plaignante et sa fille. (Quand on vous dit que les intégristes sont de grands féministes...)
La même année, puis en 2011, Merah aurait effectué deux séjours en Afghanistan et au Pakistan. (Attention toutefois : l'information est contestée... peut-être parce que les autorités afghanes comme pakistanaises en ont marre de voir leur pays systématiquement associé au terrorisme international.) Il est désormais clairement identifié comme un sympathisant d'Al Qaida, interdit de vol aux Etats-Unis.
On continue ? En janvier 2011, entre les deux séjours au Moyen-Orient, Mohamed Merah est contrôlé par la police, à son appartement toulousain, pour une querelle de voisinage. Pas de quoi mettre la puce à l'oreille de la DCRI. L'anecdote est intéressante, parce qu'elle révèle la présence d'une autre personne, un homme plus âgé de 15 ans, un Français né en Algérie.
Il est vrai que l'antiterrorisme n'a pas les moyens de suivre tous les faits et gestes des centaines de jeunes hommes au profil inquiétant qui vivent en France métropolitaine. Mais, avec le recul, on se dit que celui-là aurait dû davantage attirer son attention.
Je termine sur une note tragi-comique : les conséquences d'une regrettable homonymie... parce qu'il existe d'autres Mohamed Merah en France ! L'un d'entre eux vit dans le Nord. C'est un boxeur, qui a déjà été confondu avec le tueur par des journalistes étrangers sans doute peu professionnels... (Douai et Toulouse ne sont tout de même pas des villes voisines !) Un autre homonyme est lyonnais. Malheureusement pour lui, il est aussi d'origine algérienne et a le même âge que l'assassin. Il y aurait même une certaine ressemblance physique entre les deux hommes ! Il y en a qui n'ont vraiment pas chance !
12:33 Publié dans Politique, Proche-Orient, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société
Les commentaires sont fermés.