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dimanche, 18 mai 2014

Soulages a-t-il bonne presse ?

   Alors que l'inauguration du musée consacré à l'artiste se rapproche, les articles se multiplient, dans la presse locale, mais aussi nationale. Plus intéressantes que les papiers de commande, écrits à la va-vite, les anecdotes liées à la manière dont l'oeuvre de Soulages est perçue nous permettent de mesurer l'aura du peintre.

   Ainsi, au détour d'un article du Monde, on apprend que Claude Perdriel, le (re)fondateur du Nouvel Observateur (qui vient de vendre l'hebdomadaire), collectionne avec son épouse les oeuvres de Soulages et de Matisse.

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   Le mois d'avril a vu l'actualité soulagienne devenir plus trépidante. De manière surprenante, c'est d'abord le cinquantième anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques entre la France et la Chine communiste qui a mis le nom de l'artiste à l'honneur. En effet, l'une des manifestations organisées a consisté en l'envoi de dix chefs-d'oeuvre (ou supposés tels) des musées nationaux français en Chine (où ils resteront jusqu'en juin). Renoir y côtoie Fragonard, Rigaud, Clouet, Georges de La Tour, mais aussi Léger, Picasso... et Soulages, à travers une oeuvre de 1950, sobrement intitulée "Peinture" :

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   Le concert de louanges s'est accentué à l'occasion de l'ouverture d'une double exposition des oeuvres de Soulages à New York, l'une dans la galerie Perrotin (de l'outrenoir sur des murs blancs), l'autre chez Dominique Lévy. Sur ce dernier site, la vidéo mise en ligne nous impose un commentaire dithyrambique, où il est d'ailleurs une fois question de l'Aveyron.





   On peut couper le son et concentrer son attention sur les images : la caméra est mouvante, faisant apprécier les jeux de lumière sur les oeuvres, parfois filmées en très gros plan. Notons qu'un journal destiné principalement aux Français expatriés aux Etats-Unis a consacré un article élogieux à l'exposition.

   En Aveyron, la presse quotidienne regorge de "papiers" sur Pierre Soulages ou son musée. On remarque que, si les critiques sont (pour l'instant) mises sous le boisseau, ce n'est tout de même pas l'enthousiasme qui semble avoir guidé les plumes. Les aficionados de Soulages ne pourront pas faire ce reproche au mensuel gratuit A l'oeil, exclusivement louangeur, l'un des articles du dernier numéro étant même titré "Pierre Soulages, Populaire !"

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   ... Tout dépend auprès de qui. Pour justifier le titre, l'auteur-e de l'article rappelle les expositions prestigieuses et le montant des ventes de tableaux. C'est se limiter à une très petite frange de la population, encore plus étroite dans le second cas. Le marché de l'art est en grande partie spéculatif. Il n'est en aucun cas révélateur de la qualité d'une oeuvre, ni de son écho auprès de la masse de la population. Quant aux visiteurs des musées d'art contemporain, il faut rappeler que, s'ils sont plus nombreux que les acheteurs de tableaux, ils ne constituent qu'une infime part de la population. Difficile donc de parler de "popularité" à propos de Pierre Soulages.

   Plus loin, dans la retranscription de l'entretien accordé par Benoît Decron (le conservateur du musée), on sent que le sujet provoque la gêne :

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   On notera que la question est ambiguë. Il pourrait s'agir d'une litote (du genre "Je ne te hais point", pour dire "Je t'aime"). Ici, il faudrait comprendre que le musée a suscité un fort sentiment de rejet de la part de la population. L'usage du passé signifie que, si un tel rejet a existé il y a quelques années, tel n'est plus le cas aujourd'hui. La réponse de B. Decron va dans ce sens, même s'il est plus mesuré dans son propos.

   En réalité l'ouverture du musée approchant et l'existence de celui-ci étant incontournable, les Ruthénois (et les Aveyronnais), en bons pragmatiques, ont mis leurs critiques en sourdine... mais ils n'en pensent pas moins. Benoît Decron semble l'avoir compris. Il souhaiterait que les habitants s'investissent plus dans ce coûteux projet, qui leur a été imposé sans consultation.

   Signalons que chez les marchands de journaux, depuis quelques jours, la presse magazine s'est enrichie d'un petit nouveau, Caracterres, dont le premier numéro fait sa Une... sur le musée Soulages :

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   Consécration ultime, c'est aussi le cas dans le dernier numéro de la revue L'Oeil, un mensuel consacré aux arts, qui avait déjà fait sa Une sur Soulages à l'occasion de l'exposition du Centre Pompidou, en 2009. Mais le diable vient parfois se nicher dans les détails. Est-ce le résultat d'une mise en page maladroite, ou de l'action d'un maquettiste facétieux ? Toujours est-il que la première page du numéro de mai 2014 prête à confusion :

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   Un coup d'oeil (!) trop rapide pourrait faire croire que le gros titre s'applique à la personne figurant sur la Une. Compte tenu du fait que Soulages est peut-être le seul artiste à se voir construire un musée de son vivant, cette mise en page n'est peut-être pas totalement fortuite.

   Mais le coup de patte le plus sarcastique vient sans conteste d'une nouvelle publication satirique, uniquement numérique, La Dèche du Midi. Le dernier article mis en ligne est en plein dans le sujet, puisqu'il s'intitule "Le nouveau musée Soulages de Rodez se visite dans le noir complet". Même si l'auteur (qui signe sous le pseudonyme de Jean-Pierre Watt) n'est pas le premier à imaginer une "blind visit" du musée, je reconnais que la prose ne manque pas de saveur.

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