dimanche, 16 mars 2025
L'Enigme Vélazquez
Producteur (entre autres) de L'Ombre de Goya (que j'ai vu en 2022 au festival de cinéma de La Rochelle), Stéphane Sorlat a décidé de passer à la réalisation, pour se consacrer à un autre peintre ibérique, emblématique du Siècle d'or espagnol.
Le documentaire mêle biographie, aspects esthétiques et filiation culturelle. Les vues de tableaux sont assez nombreuses, mais avec, au final, peu d'analyses de détail (avec très gros plans). Quand cela se produit, c'est passionnant. Mais, la plupart du temps, les tableaux sont associés à des commentaires de spécialistes (européens ou nord-américains), en général contemporains, mais parfois plus anciens. (Concernant Les Ménines, on attend évidemment les propos de Michel Foucault, mais l'extrait qui nous est proposé est décevant.) J'ai trouvé cela globalement trop verbeux.
Le film n'apporte pas beaucoup d'informations précises sur les modèles de Vélazquez. On pense que certaines œuvres de Léonard de Vinci l'ont inspiré, tout comme celles du Titien et du Tintoret, qu'il a découvertes soit à la Cour d'Espagne, soit lors d'un voyage en Italie... soit par l'intermédiaire de copies de Rubens.
Le documentaire s'attarde davantage sur l'influence que Vélazquez a eue sur des peintres ultérieurs : Goya et Picasso principalement, mais aussi Édouard Manet (et, globalement, les impressionnistes), dans une séquence fort bien faite. Mais je dois reconnaître que j'ai surtout été marqué par l'irruption de Salvador Dali. On le voit peu, on l'entend peu, mais il emporte tout. En comparaison, les autres interventions paraissent fades.
Au niveau de la technique, le film évoque notamment les jeux d'ombre et l'utilisation du noir. Il trace une filiation entre une série de peintres, jusqu'au XXe siècle... mais, curieusement, ne prolonge pas jusqu'à Pierre Soulages.
J'ajoute qu'on a cherché à tout prix à relier certaines œuvres de Vélazquez à des thématiques plus contemporaines. C'est loin d'être toujours convaincant.
L'ensemble mérite toutefois le détour, si l'on aime la peinture et si l'on veut profiter d'un visionnage sur très grand écran.
vendredi, 14 mars 2025
Bientôt Les Grosses Têtes à Rodez ?
Cet après-midi, en voiture, je passais d'une station de radio à l'autre lorsque mon attention fut attirée par la mention de Colette Soulages, la veuve de Pierre, qui a eu 104 ans aujourd'hui. Elle a fait l'objet d'une question posée pendant l'émission Les Grosses Têtes par l'animateur Laurent Ruquier.
Très vite, la conversation a dérivé sur l’œuvre du peintre et sur la ville qui abrite le musée qui lui est consacré : Rodez !
Dans un premier temps, Laurent Ruquier (qui, il y a une douzaine d'années, s'était enquis de la couleur de la cathédrale ruthénoise) a déploré les difficultés pour se rendre dans le chef-lieu aveyronnais (pour un Parisien, sans doute).
Mais, très vite, il a lancé l'idée d'enregistrer un numéro de son émission à Rodez même, au Musée Soulages... ce qui a suscité des réactions contrastées chez ses chroniqueurs. Quoi qu'il en soit, l'appel a été publiquement lancé au maire de Rodez. Cela pourrait constituer un joli coup médiatique.
Allez, M. Teyssèdre, chiche !
23:41 Publié dans Aveyron, mon amour, On se Soulages ! | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : médias, presse, journalisme, peinture, arts, culture, actu, actualite, actualites, actualités, actualité
Hola Frida
On doit cette animation picturale française à Karine Vézina et André Kadi. Il y a quelques années, ce duo nous avait offert Dounia et la princesse du désert, qui mêlait l'horreur de la guerre civile syrienne à l'ambiance des contes orientaux.
Le mélange est aussi la marque de fabrique de ce film-ci, où les personnages ont de grosses têtes (comme dans les mangas... ou chez Mafalda), baignent dans une culture métissée, à la fois occidentale, hispanique et amérindienne (aztèque... ou plutôt mexica et zapotèque). S'ajoutent les références à la vie et l’œuvre de Frida Kahlo, dont on nous présente une partie de la jeunesse, à une époque où elle pouvait encore se déplacer à peu près normalement.
Je n'ai pas été emballé par l'animation, que j'ai trouvée un peu sommaire... mais très colorée. C'est une explosion kaléidoscopique, qui vise à mettre en relation la vie et l’œuvre de Frida.
Sur le fond, c'est très intéressant. C'est évidemment un film féministe, sur une gamine aux origines modestes qui voudrait devenir médecin. C'est aussi un film sur les inégalités sociales et sur le surgissement de l'art.
A destination des enfants, on a conçu des scènes qui évoquent les relations parfois difficiles entre jeunes : incompréhension, moqueries, harcèlement, sentiment de solitude et envie d'appartenir à un groupe. C'est assez subtilement fait, donnant sa chance au personnage du petit con, qui est lui-même en souffrance.
En toile de fond se trouvent les héritages de la civilisation amérindienne, à travers notamment tout ce qui touche à la mort et à l'au-delà.
C'est un beau petit film, plutôt destiné au jeune public.
mercredi, 05 février 2025
L'Art du crime (saison 8)
Le flic taiseux et l'historienne d'art un peu fantasque sont de retour sur la télévision publique. J'ai découvert les personnages interprétés par Nicolas Gob et Eléonore Bernheim il y a quelques années et je dois dire que j'attends toujours avec une certaine impatience la suite de leurs aventures.
Lundi 3 février, France 2 a diffusé Mission Raphaël, dont l'intrigue tourne autour de l’œuvre du peintre italien... et d'une romancière à succès, interprétée par Catherine Marchal. Celle-ci apporte un peu de piment à l'épisode, marqué aussi par quelques pointes d'humour bien senties. En effet, les œuvres de la romancière sont des romans de gare, associant enquête policière et sentimentalisme à l'eau de rose. A l'écran, l'un des protagonistes s'imagine projeté dans l'un de ces romans, transformé en une sorte de soap opera (façon Les Feux de l'amour) :
En dépit de cette trouvaille, la partie relations personnelles m'est apparue faiblarde. En revanche, les aspects artistiques sont très intéressants (ce qui est un peu la marque de fabrique de la série). J'ai aussi aimé les scènes au cours desquelles l'historienne dialogue avec une sorte de fantôme du peintre. Cela pourrait être ridicule, mais c'est au final assez fin. Quant au versant policier de l'intrigue, il prend l'allure d'un thriller, plutôt plaisant.
Lundi prochain, 10 février, ce sera le tour de La Deuxième Odalisque, épisode au cœur duquel se trouvent plusieurs tableaux de Jean-Auguste-Dominique Ingres. (Je profite de l'occasion pour signaler que le musée qui lui est consacré, dans sa ville natale, Montauban, mérite le détour.)
A l'utilisation de l'histoire de l'art dans une enquête policière s'ajoute un aspect ultra-moderne : la conception d'un jeu en réalité virtuelle, autour de la vie et de l’œuvre du peintre. J'ai trouvé cette association très stimulante, sur la forme comme sur le fond.
Je dois cependant mettre un gros bémol à mon enthousiasme, à cause de la mise en scène des relations entre les deux protagonistes. Il n'arrêtent pas de se renifler le derrière, jouant, d'une saison à l'autre, à suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis. C'est devenu particulièrement lassant. Peut-être faudrait-il qu'un nouveau scénariste rejoigne l'équipe, pour améliorer cet aspect des intrigues, lors de la prochaine saison.
P.S.
Tous les anciens épisodes sont accessibles sur le site de France Télévisions.
21:16 Publié dans Histoire, Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts, culture, peinture, télévision, télé, actu, actualité, actualités, actualite, actualites, médias
mardi, 22 octobre 2024
Exposition sur Pigüé
Jusqu'au mercredi 30 octobre, la mairie de Rodez héberge (au premier étage) une petite (mais fort intéressante) exposition consacrée à la ville fondée jadis, à la fin du XIXe siècle, par des Aveyronnais émigrés en Argentine. Le 5 décembre prochain, cela fera 140 ans.
En douze panneaux (clin d’œil à l'Aveyron ?), on nous présente l'histoire de cette fondation... en fait en treize panneaux, puisqu'une introduction a été ménagée, avec le plan de l'exposition et quelques informations préliminaires.
On y trouve notamment l'écusson de la ville, qui fait allusion à ses richesses agricoles, celles qu'ont développées les immigrants aveyronnais, le bourg central étant lui plus artisanal et commercial.
Les premiers panneaux insistent sur le rôle de deux personnages : Clément Cabanettes, l'initiateur du projet, et François Issaly, arrivé un peu plus tard et qui devint son bras droit. Il a survécu plus de vingt ans à Cabanettes (mort avant d'avoir atteint 60 ans) et, surtout, il a laissé un impressionnant journal intime (composé de plusieurs milliers de pages), dont un florilège a été édité il y a une dizaine d'années. (Un exemplaire est consultable à la médiathèque de Rodez.)
La suite de l'exposition ne cache pas les difficultés de la traversée puis de l'installation. Il fallut rejoindre les lieux, au départ assez isolés. (Plus tard, les Aveyronnais ont obtenu qu'une ligne de chemin de fer soit prolongée jusqu'à Pigüé.) Les deux premières années furent particulièrement ardues.
L'un des panneaux détaille la composition du premier groupe de migrants, partis de Bordeaux sur le Belgrano. Aujourd'hui encore, une relative incertitude règne sur le nombre exact de personnes ayant participé au trajet. Entre le nombre prévu et le nombre réel de partants, il y aurait eu une déperdition, les autorités françaises rechignant à laisser notamment partir des hommes jeunes qui n'étaient pas encore à jour de leurs obligations militaires. (Nous sommes en 1884.) La traversée a duré plusieurs semaines et il semble qu'il y ait eu quelques naissances... ou bien que certains enfants en bas âge n'aient pas été déclarés au départ. Bref, on nous parle d'une quarantaine de familles (40 ? 47 ?) et de 143 à 180 personnes, presque toutes aveyronnaises d'origine. Les rares exceptions sont des personnes originaires du Cantal (Jussac), de Lozère (Nasbinals) et des Pyrénées (Basses comme Hautes). Quant aux Aveyronnais, ils venaient des communes en rouge ci-dessous :
(cliquer sur la carte pour l'agrandir)
Comme j'ai colorié toutes les communes de la même manière quel que soit le nombre de personnes parties dans le premier convoi, la superficie élevée de certaines d'entre elles les fait injustement ressortir : très peu venaient de la région de Millau (au sud-est). Les gros contingents sont partis de la zone Bozouls-Espalion (au nord-est de Rodez), d'une partie de la vallée du Lot et d'un arc de cercle rural situé au sud de Rodez.
(Les lecteurs aveyronnais qui observeront attentivement cette carte remarqueront que je n'ai que partiellement colorié les communes de Baraqueville et Conques-en-Rouergue -qui n'existaient pas à l'époque, les passagers du Belgrano venant précisément de Vors et de Saint-Cyprien-sur-Dourdou.)
La fin de l'exposition évoque l'entraide (matérialisée par la création d'une société de secours mutuel) ainsi que les liens maintenus tant bien que mal avec la France métropolitaine et l'Aveyron.
(Je signale que les panneaux informatifs alternent avec des tableaux évoquant les migrations actuelles... bof.)
L'accès à l'exposition est gratuit, aux horaires d'ouverture de la mairie de Rodez.
23:28 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : historie, occitanie, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, culture
samedi, 22 juin 2024
Tehachapi
Jusqu'à il y a peu, "JR", pour moi, c'était le gros méchant de la série Dallas (excellemment interprété par le regretté Larry Hagman). Je me suis laissé tenter par ce film en raison de son sujet : l'intervention d'un "artiste de rue" dans une prison de haute sécurité, aux États-Unis... et ses suites.
Tehachapi est l'autre nom de la California Correctional Institution, située dans la ville du même nom (en Californie donc). Ce centre de détention est réputé être l'un des plus durs du pays. Y sont incarcérés des criminels jugés particulièrement dangereux, dans un complexe organisé en quatre niveaux, du 1 (le moins rude, pour les détenus plutôt calmes) au 4 (pour les détenus les plus turbulents). Jusqu'à il y a peu, ce niveau comportait des cellules-cages, installées dans une cour. Certains des personnages interrogés dans le documentaire y ont été enfermés.
Au départ, le projet de JR était de contribuer à la réhabilitation de certains condamnés réputés incurables, volontaires, en les faisant participer à la création d'une fresque photographique temporaire, complétée par un site internet. Cette première demi-heure est passionnante, de la rencontre entre l'artiste et les détenus au collage des énormes bandes de papier (dans l'une des cours de la prison), en passant par la prise de photographies et les premiers entretiens.
Petit à petit, on découvre cette étrange "faune", composée principalement de membres de gangs (soit dès avant la prison, soit depuis leur incarcération, pour se bâtir une protection) latinos, afro-américains ou néo-nazis.
Sans trop de surprise, on apprend que ces criminels endurcis ont tous une vie (plus ou moins) fracassée. Leur cas particulier est d'avoir été condamnés très jeunes, à des peines de prison très longues (voire à la perpétuité réelle, l’État de Californie ne pratiquant plus la peine de mort depuis 2019, année de début du tournage). On les découvre tous alors qu'ils ont déjà purgé dix à quinze ans de taule. Ce ne sont donc plus les adolescents ou jeunes adultes prédateurs qu'ils furent naguère, d'autant qu'ils ont voulu participer au projet, sans doute avec l'idée d'alléger leur peine. Et donc, si, d'une certaine manière, JR utilise ce matériau humain pour se faire valoir, ses cobayes eux-mêmes utilisent son projet pour tenter d'améliorer leur sort.
Il n'en est pas moins vrai que la démarche est louable et les séquences montrées à l'écran souvent fortes. Elles ont été tournées avec un smartphone, un drone ou une caméra embarquée. Elles sont généralement d'une bonne qualité technique.
Mais JR n'en est pas resté là. Par la suite, il est entré en contact avec certains des proches, qui ont parfois découvert le devenir du détenu grâce à son travail mis en ligne. Le film gagne en profondeur avec ces nouveaux témoignages.
JR est retourné sur place un an et demi plus tard, pour lancer une seconde fresque photographique : une copie du paysage de montagne extérieur à la prison... mais sur l'un des murs internes, avec un bel effet de trompe-l’œil. On découvre que plusieurs détenus sont passés au niveau 3, certains pouvant même envisager une libération prochaine. En raison de la pandémie de Covid (et sans doute de la réticence de l'administration pénitentiaire au regard du profil de quelques-uns de ces condamnés), l'étape suivante est un peu reportée. Elle fait l'objet de la dernière demi-heure du film. Elle est assez émouvante, même s'il faut rester conscient que les cas qui nous sont présentés sont plutôt l'exception que la règle.
Malgré un certain angélisme (et la volonté d'en dire le moins possible sur les crimes commis par ces détenus), j'ai apprécié la démarche, qui associe création artistique et action civique. C'est un film pétri d'humanisme et qui, en ces temps d'aigreurs et de haine, fait beaucoup de bien.
mercredi, 07 février 2024
Daaaaaali !
Anaïs Demoustier
Edouard Baer
Jonathan Cohen
Pio Marmaï
Didier Flamand
Jean-Marie Winling
Romain Duris
Gilles Lellouche
Boris Gillot
... nous ravissent dans le dernier film de Quentin Dupieux. Outre la performance des acteurs (au premier rang desquels je place Jonathan Cohen et Edouard Baer), il faut signaler l'inventivité de la mise en scène et l'habileté du scénario, mieux ficelé que d'habitude. On a ainsi droit à des récits emboîtés, des scènes tournées à l'envers, de la mise en abyme, du non-sens, de l'incongruité... et pas mal d'humour.
Outre celui de Salvador Dali, l'esprit de Luis Buñuel souffle sur ce film enlevé, qui se moque de tout sauf de son public et égratigne au passage aussi bien le marché de l'art que le vedettariat.
Voilà l’œuvre qui aurait dû représenter la France aux Oscar !
20:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, culture, peinture
mardi, 24 octobre 2023
Anselm : le bruit du temps
C'est à Wim Wenders que l'on doit ce documentaire consacré à l'artiste allemand Anselm Kiefer. Une partie des images a été tournée dans le gigantesque atelier de Barjac, dans le Gard, une ancienne filature où Kiefer a posé ses valises, au début des années 1990.
Le film commence par des vues étonnantes de robes de mariée, qui semblent fixées à des mannequins sans tête. Assez vite, on se demande si cette installation (en partie en plein air) est composée de véritables robes ou bien de sculptures en plâtre imitant le tissu.
On en sait un peu plus en pénétrant dans quelques-uns des imposants bâtiments, réaménagés à sa convenance par Kiefer, qui a toutefois laissé tels quels certains éléments, auxquels il a adapté ses créations. Wenders déploie travellings et panoramiques pour nous faire découvrir l'endroit et les déambulations du peintre. On le suit à l’œuvre, avec divers outils, de la palette au chalumeau.
J'étais un peu dubitatif au début mais, franchement, quand on voit le résultat, on est sidéré par l'impression qu'il donne. Quand on a le nez sur le détail d'une toile en gestation, on ne voit que des tracés informes. Quand la caméra prend du recul, on a la vue d'ensemble... et c'est souvent impressionnant. (Le style est appelé néo-expressionnisme.) Notons que l'artiste s'appuie souvent sur des photographies, qu'il peut insérer dans ses œuvres, ou s'en servir comme matériau de départ, qu'il modifie à sa guise.
Après cette démonstration, le film nous plonge dans le passé de Kiefer. Dès le début, l'insertion d'images d'archives (tournées en 1945, année de naissance du peintre) nous indique que sa jeunesse a été marquée par la pauvreté, dans une Allemagne vaincue et placée au ban des nations.
La mémoire du nazisme fait partie intégrante de l’œuvre de celui dont le père a servi dans la Wehrmacht. C'est d'abord au philosophe Martin Heidegger (dont la compromission avec le régime hitlérien a été longtemps masquée, voire niée) qu'il règle son compte, à travers un cahier d'artiste décrivant la décomposition progressive du cerveau présumé du penseur allemand. Mais c'est une série de photographies le montrant faire le salut nazi, en des lieux naguère conquis par l'armée allemande, qui a attiré l'attention des médias et suscité la polémique. On l'a un temps soupçonné d'être un artiste inspiré par le fascisme (parce qu'il réemployait certains mythes allemands, qui avaient fait l'objet d'une récupération sous le nazisme)... mais c'était à une époque où, quand on n'était pas (au minimum) sympathisant communiste, on était accusé de tous les maux.
Pour ces séquences anciennes, Wenders a mélangé des images d'actualité (y compris télévisuelles) à des scènes tournées avec deux acteurs. Le plus jeune d'entre eux (peut-être le propre petit-fils du cinéaste) incarne Kiefer enfant, quand il s'éveille à l'art. Un adulte (peut-être le fils du peintre) incarne l'artiste débutant, en Allemagne.
Dès qu'il l'a pu, Kiefer s'est installé dans de grands bâtiments pour nourrir son inspiration. Cela commença par une grande maison perdue dans les bois, puis des immeubles industriels, comme une ancienne briqueterie ou la filature de La Ribaute, devenue aujourd'hui le siège d'une fondation, l'artiste ayant fini par déménager à proximité de Paris. On voit quelques images de son nouvel atelier, situé dans un ancien entrepôt de La Samaritaine.
Le film se veut à l'image de l’œuvre, monumental et inspirant. Wim Wenders promène doucement sa caméra, permettant aux spectateurs de profiter des œuvres et d'observer le travail de Kiefer. Il convient d'être aussi attentif aux sons : bruits du quotidien, musique et chuchotements n'ont pas été insérés au hasard. Je trouve que Wenders (comme pour Le Sel de la terre) a réussi son coup.
samedi, 26 novembre 2022
Charlotte
Ce film d'animation retrace la vie de Charlotte Salomon, une Allemande juive qui s'est jadis réfugiée en France pour fuir le nazisme. Elle est connue pour avoir en quelque sorte inventé le roman graphique (Vie ? ou théâtre ?), à l'aide de ses peintures.
Le déroulement est chronologique, commençant par la vie en Allemagne, se poursuivant par la période française (autour de Nice). On découvre l'héroïne adolescente, dans une famille bourgeoise. Elle s'intéresse aux arts, mais on tente plutôt de la persuader de travailler dans la couture.
Charlotte a du caractère et, semble-t-il, du talent. Elle réussit à entrer aux Beaux-Arts, en dépit de sa judéité. C'est l'époque où elle rencontre son premier amour. Elle commence à prendre un peu de distance vis-à-vis de ses parents. C'est un autre intérêt du film : montrer l'entrée dans l'âge adulte d'une jeune femme indépendante. Cela donne un ton très moderne à cette histoire.
Le contexte familial est plus complexe que ce qu'il paraît de prime abord. On le découvre petit à petit. La femme que Charlotte appelle Paula (et pas maman) n'est pas sa mère biologique. Il y a aussi cette grande sœur disparue, dont on n'ose pas parler. Il y a enfin les grands-parents maternels, la grand-mère malade et le grand-père autoritaire, très traditionaliste, que Charlotte supporte de moins en moins.
Elle est pourtant contrainte de le côtoyer de plus en plus, puisqu'à l'initiative de son père et de sa belle-mère, elle rejoint ses grands-parents sur la côté d'Azur, en sécurité pensent-ils. C'est l'époque où, hébergée chez une riche Américaine, Charlotte s'épanouit artistiquement. Elle est touchée par une frénésie de peindre, en même temps qu'elle retrouve l'amour.
Graphiquement, le film n'est pas d'une grande virtuosité. L'animation est assez classique. On a toutefois fait des efforts pour tenter de nous faire percevoir ce qu'était le "coup de pinceau" de l'artiste. Ce n'est sans doute pas aussi joli que les gouaches et aquarelles de Charlotte, mais c'est tout de même très parlant. (L'intégralité de son œuvre est visible sur un site néerlandais.)
Cette histoire, bien que tragique (elle s'interrompt en 1943...) est visible par tous. Dans les scènes les plus dures (la mort du grand-père, l'arrestation par la Gestapo...), les auteurs Tahir Rana et Eric Warin (à qui l'on doit Ballerina) pratiquent le hors-champ, évitant les images les plus choquantes. Le film se conclut par l'extrait d'un documentaire, où l'on voit les parents de Charlotte, qui ont survécu à la guerre.
lundi, 11 avril 2022
Rodez, plein les fouilles !
Jeudi 7 avril, à partir de 20h30, une passionnante conférence historique a été donnée dans l'amphithéâtre de l’École de musique de Rodez. L'intervenant était Philippe Gruat, directeur du service départemental d'archéologie de l’Aveyron. Pendant près d'1h30, sans notes, s'appuyant sur un diaporama richement illustré, il a su captiver un auditoire essentiellement composé de tempes grises et de crânes dégarnis.
Son intervention a débuté par une révélation. Évoquant son travail de terrain, Philippe Gruat a aussi insisté sur l'importance des archives, certaines de celles portant sur l'Aveyron (notamment les bâtiments religieux médiévaux) lui paraissant sous-exploitées. Elles sont pourtant complémentaires des fouilles et le croisement des deux peut permettre de réaliser des découvertes, comme celle-ci : l'emplacement de l'ancienne église Saint-Cyrice (sans doute la plus vieille du Faubourg), dont les restes se trouveraient sous... le Tex Mex, le bar emblématique du carrefour portant le nom dudit saint.
Espérons que les écoulements divers, provoqués par la succession de beuveries étudiantes en ces lieux, n'ont rien provoqué d'irrémédiable au-dessous...
Après cette sympathique mise en bouche, nous avons remonté la rue Béteille, en direction de la cathédrale. Le conférencier s'est arrêté en chemin (au numéro 30), là où se trouvait naguère un collège privé (catholique), dont le site a été transformé en appartements modernes.
La parcelle (en pente) est coincée entre deux des artères principales de la commune, la rue Béteille en contrebas et le boulevard d'Estourmel, en hauteur, côté ancien évêché, le long du rempart du XIVe siècle.
Les sondages effectués au cours des travaux, en 2016, ont permis de découvrir l'ancien fossé... gaulois, la cité romaine (puis médiévale) ayant succédé, rappelons-le, à un oppidum celte. Remblayé, l'ancien fossé avait été recreusé au moment de la construction des remparts du XIVe siècle.
D'après le conférencier, ce fossé gaulois s'étendait jusqu'à l'actuel Palais de justice, en passant par l'hôtel Biney (situé presque en face du Monoprix).
Mais ce n'était pas la principale découverte réalisée au cours de ces fouilles. Un jour, les archéologues ont sorti de terre... une tête coupée ! Il s'agit vraisemblablement d'un trophée, le crâne d'un ennemi vaincu, qui a été décapité et dont le chef était sans doute exposé à l'entrée de la cité, peut-être sur le rempart en bois qui doublait le fossé.
Moins macabres sont les trouvailles faites au niveau du Foirail, l'espace situé en contrebas de la cathédrale, qui a subi d'importantes modifications ces dix dernières années (construction d'un parking souterrain, du musée Soulages et du cinéma multiplexe). Je me souviens qu'à l'époque on espérait beaucoup... et qu'on a été déçu. Le sous-sol de la zone ne recèle pas de trésor inestimable. On y a principalement trouvé des poteries, des dépôts d'offrandes.
Ensuite, direction plein Sud, pour le site de l'ancienne école François-Fabié (pas très loin de la Banque de France). Les sondages effectués ont permis la découverte de deux fosses gauloises. A un moment, les chercheurs ont pensé être tombés sur une pièce exceptionnelle : un squelette quasi intégral... mais dont les os étaient entremêlés de fils métalliques. Après examen, il s'avéra ne pas être aussi ancien qu'on le croyait... et pour cause : il s'agit d'un "Oscar", autrement dit, un squelette de salle de classe !
De l'ancienne école, nous sommes passés au collège (public) Fabre, à l'intérieur duquel on a procédé à des aménagements (notamment arboricoles) en 2017. Cet établissement est situé à quelques centaines de mètres de l'ancien évêché.
L'exploration du sous-sol fut succincte, mais suffisante pour détecter la présence d'un ancien égout, que l'on présume lié au système mis en place par les Romains au cœur de la cité. Il en reste une trace en surface : la rue du Touat (qui signifie "égout", en occitan), qui surmonte une ancienne conduite d'évacuation des eaux... supposée reliée, d'une manière ou d'une autre, à la structure découverte sous le collège Fabre.
D'autres perspectives s'ouvrent un peu plus à l'ouest, rue Pasteur, à proximité du quartier dit de l'Amphithéâtre. En surface, le secteur est l'un des rares de la commune à conserver des traces de la période "art déco". En profondeur, c'est l'empreinte gallo-romaine qui est recherchée.
Il y a deux ans, la presse locale s'est fait l'écho des trouvailles : des pans de l'ancien mur d'enceinte de l'amphithéâtre antique. Pour les dater, il faut prélever des restes de charbon dans le mortier de chaux qui a servi à le construire. Auparavant, on pensait que cet édifice pourrait être très ancien (et dater du Ve siècle avant JC). Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il serait contemporain de l'aqueduc de Vors (daté du Ier siècle), dont il va être question plus bas. (Pour la petite histoire, je signale que la datation très ancienne s'appuyait sur l'âge des fragments d'arbres... qui pouvaient avoir plusieurs centaines d'années au moment où ils ont été utilisés dans le mortier.)
Philippe Gruat a émis le souhait qu'en accord avec les services de la commune et de l'agglomération de Rodez, il puisse être procédé (si les propriétaires des habitations l'acceptent, bien entendu), à un examen des caves du quartier, qui pourraient receler des trésors. La réponse n'a pas tardé, puisque dans l'assistance se trouvait Christophe Lauras, ancien principal du collège Fabre et actuel adjoint aux Travaux du maire de Rodez. Il semble qu'un accord soit envisageable dans un avenir proche.
Nous sommes alors passés à l'un des plus gros chantiers du département, l'aménagement de la zone de Malan, au sud de Rodez, plus précisément le secteur de la Boissonnade. Ce sont des restes de l'ancien aqueduc gallo-romain qui ont été mis au jour. Il y a une dizaine d'années, celui-ci avait déjà fait l'objet d'une excellente conférence au musée Fenaille.
D'une longueur de près de 25 kilomètres (24 souterrains et 800 mètres aériens), l'aqueduc a une pente très faible, de moins de trois millimètres par mètre ! L'altitude de départ (à Vors) est de 711 mètres, celle à l'arrivée (Rodez) est de 632 mètres. Disposant d'équipements rudimentaires (par rapport aux ingénieurs du XXIe siècle), les géomètres romains ont réalisé des prodiges en s'appuyant sur le relief existant, suivant les courbes de niveau.
De l'ancienne partie aérienne il ne reste que les bases des piles. 55 sur 133 ont été explorées. Il reste à découvrir les vestiges du pont-siphon qui enjambait l'Aveyron. Du côté nord, les pentes autrefois herbacées ou boisées sont aujourd'hui en grande partie construites. Mais Philippe Gruat a bon espoir qu'un jour, une découverte majeure sera faite. Toutefois, il y a de fortes chances que les matériaux aient été récupérés par la population locale, à l'image de ce qui est arrivé à la portion nord de la partie souterraine de l'aqueduc. Il semblerait qu'un maçon local se soit copieusement servi au XIXe siècle (sous le Second Empire), époque à laquelle on a redécouvert la structure antique, pour la réutiliser mais aussi en modifier le tracé. Ce ne fut d'ailleurs pas très efficace, puisque, dès la fin du XIXe siècle, cet approvisionnement fut abandonné, au profit des sources du Lévézou. Les chercheurs peuvent se consoler avec une trouvaille insolite : des trous d'arpenteur, révélateurs du travail des Romains d'autrefois.
Quoi qu'il en soit, la restauration de l'aqueduc a quand même apporté l'eau potable jusqu'à la place de la Cité à Rodez. Une fontaine se trouvait à l'emplacement de l'actuelle statue de Monseigneur Affre (archevêque de Paris tué sur les barricades en 1848), qui elle fut inaugurée en 1875.
De l'ex-archevêque de Paris, la transition était facile avec l'ancien évêché de Rodez (tout proche de la cathédrale, au nord). Il n'a pas été exploré à fond. On sait toutefois que ce n'est pas le palais épiscopal d'origine, qui se trouvait sur l'actuelle place d'Armes. La reconstruction de la cathédrale (agrandie), qui a débuté à la fin du XIVe siècle, a conduit à déplacer le bâtiment, au niveau du nouveau rempart. Les sondages effectués ont permis de confirmer une intuition des archéologues : chaque nouvelle enceinte s'appuie sur la précédente. Se superposent ainsi le rempart romain (des IIIe-IVe siècles), la première enceinte médiévale (amorcée au XIe siècle) et la seconde, achevée au XVe, semble-t-il. Notons qu'une partie des découvertes a été effectuée grâce à l'exploration des profondeurs des toilettes d'un ancien cabinet de l'évêché... qui était peut-être fermé de l'intérieur !
Un mystère demeure : le contenu du sous-sol du (superbe) jardin de l'évêché, hélas toujours pas accessible aux habitants (et contribuables...) ruthénois. Philippe Gruat a émis l'hypothèse un peu folle que pourraient s'y trouver les vestiges de l'ancien théâtre romain, seule construction générique dont aucune trace ne subsiste sur le Piton, alors que Segodunum était l'une des plus grandes cités gallo-romaines de son époque (d'une superficie de 44 hectares).
En guise de dessert, nous avons eu droit au résultat des fouilles les plus récentes, celles de la place de la Cité (située derrière la cathédrale), qui ont eu lieu en 2018-2019. Outre l'ancienne fontaine, on a mis au jour les restes de deux anciens bâtiments : la Maison des Officialités et la Maison du Poids. La première était le tribunal dépendant de l'évêque. Construite avant 1355, elle a été démolie dans la première moitié du XVIIIe siècle... tout comme la seconde, qui avait été bâtie au début du XIVe siècle (une période décidément faste pour la cité épiscopale). Notons qu'elle possédait un puits, comblé au XVIIe siècle.
Curieusement, si la dénomination "place de la Cité" est ancienne (elle date du XIVe siècle), elle a successivement été remplacée par "place neuve du Marché neuf", "place du Bois", "place du Marché" (au XVIIe siècle), avant de récupérer son nom d'origine.
Enfin, je me dois de signaler qu'on a retrouvé les restes d'un carcan (celui d'un pilori), dont la dernière utilisation connue remonte à 1785, contre une femme (sans doute "de mauvaise vie").
Je vais m'arrêter là. Je n'ai pas pu parler de tout ce qui a été dit durant cette conférence (gratuite), mais je pense en avoir donné un aperçu assez fidèle.
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vendredi, 31 décembre 2021
Copyright Van Gogh
Ce surprenant documentaire chinois a été tourné dans le sud du "pays du milieu", mais aussi en France et aux Pays-Bas. Curieusement, à l'écran, jamais personne ne porte de masque... et pour cause : les images datent de 2015-2016. C'est à la fois si loin et si proche...
La majeure partie de « l'action » se déroule dans le village de Dafen, un gros bourg situé à la périphérie de Shenzhen, la mégapole industrielle qui fait face à Hongkong. Certains des « ouvriers-peintres » qui nous sont présentés (en particulier Zhao Xiaoyong) sont originaires d'une région rurale du Hunan, une province située un peu plus au nord.
La première partie du documentaire nous montre ces familles de peintres au travail. On pense que plusieurs milliers de personnes ont pour activité principale la production de copies (à différentes échelles) des chefs-d’œuvre occidentaux, notamment ceux de Vincent Van Gogh, qui jouit d'une faveur particulière. Le film s'attarde sur seulement quelques ateliers. C'est du travail à la chaîne, intense, par des artisans dont certains semblent particulièrement doués. Ceux qui se sont spécialisés dans l’œuvre de Van Gogh sont quasiment devenus des experts du peintre. Pourtant, ils ne le connaissent (ainsi que ses tableaux) que par des livres et des vidéos. Apparemment, au sein des ateliers, chacun accomplit une tâche particulière. Les copies sont le plus souvent des œuvres collectives, même si les plus doués (comme Zhao Xiaoyong) sont capables d'en réaliser une à eux seuls.
La deuxième partie suit un petit groupe de peintres chinois en Europe. Passionnés par leur travail et désireux de voir en vrai les tableaux qu'ils copient depuis des années, ils ont économisé pour financer un voyage qui est tout autant un enrichissement personnel qu'un investissement professionnel. Le principal client de Zhao, un Néerlandais résidant à Amsterdam, est prêt à les loger.
Quand la petite troupe débarque en Europe, elle va de surprise en surprise. Contrairement à leurs homologues chinoises, les « grandes » villes du vieux continent (notamment Amsterdam et Paris) ne sont pas constellées de gratte-ciel. Dans des villes plus modestes (comme Arles), une politique patrimoniale intelligente a préservé les bâtiments. On sent qu'une tentation taraude Zhao : rester sur place, là où van Gogh a vécu, et y vivre de son art : quand il se met à peindre des copies, à Arles, elles rencontrent un succès immédiat.
Cet enthousiasme contrebalance certaines déceptions : loin d'être exposées dans des galeries d'art, les copies de Zhao sont vendues dans une boutique de souvenirs installée à proximité du musée Van Gogh. De plus, il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que son généreux client réalise une belle "culbute" avec ses œuvres : les plus grandes, achetées 40-50 euros au copieur chinois, sont revendues 500... À un moment, on sent qu'une négociation s'ébauche devant la caméra. On n'en voit pas la conclusion, mais, au vu de la suite, on comprend que le client néerlandais n'a sans doute pas accepté de payer plus...
Du coup, quand le groupe est de retour en Chine, Zhao se demande s'il ne devrait pas se lancer dans la création de ses propres peintures, tout en conservant le marché rémunérateur des copies. Ainsi, sans que ce soit peut-être l'intention des auteurs, le film démontre que l'activité picturale chinoise suit le même chemin que l'industrie : au départ sous-traitante des Occidentaux, dont elle copie les créations à moindre coût, elle devient par la suite capable de produire ses propres œuvres qui, peut-être, vont pouvoir concurrencer celles des anciens donneurs d'ordre.
Le documentaire mérite aussi le détour pour la plongée qu'il offre dans la Chine contemporaine. Outre le gros village de Dafen (une petite ville, en réalité), on voit la mégapole moderne de Shenzhen, qui abrite un incroyable parc d'attractions (appelé « Window of the World ») contenant les répliques de nombreux monuments du monde. On découvre aussi une autre Chine, plus rurale, plus âgée, plus traditionnelle... et plus pauvre... mais avec une belle scène de cimetière à la clé.
Ne ratez pas ce film formidable !
vendredi, 22 octobre 2021
Astérix et le Griffon
Hier 21 octobre est sorti le 39e album des aventures du célèbre Gaulois. C'est le cinquième de l'ère Ferri-Conrad, débutée en 2013 avec Astérix chez les Pictes. Je pense que tout le monde aura remarqué que cette sortie coïncide avec l'approche d'un week-end et, surtout, le début des vacances de Toussaint. Chez Hachette (qui a complètement avalé les éditions Albert René), la mercatique est une seconde nature !... mais pas le patriotisme économique, puisqu'on peut constater une nouvelle fois que l'ouvrage a été imprimé hors de France. Ces dernières années, l'éditeur alterne entre l'Italie (une localisation européenne qui pouvait à la rigueur paraître pertinente pour l'album Astérix et la Transitalique) et la Roumanie, d'où provient l'ouvrage parvenu entre mes mains.
Le titre et le début de l'histoire plongent leurs racines dans l'Antiquité et la mythologie. On va donc rencontrer (à nouveau) des Sarmates (croisés dans Astérix et la Transitalique) et -surtout- des Amazones, de redoutables guerrières (dotées de leurs deux seins) dont la représentation s'apparente à un pur fantasme masculin. Ceci dit, cela nous vaut plusieurs scènes cocasses.
Les lecteurs attentifs noteront que, plus que les (supposées) Amazones antiques, ce sont les Russes qui semblent avoir inspiré ces personnages féminins, au niveau des noms, des jouets des enfants et du physique de certains personnages. (On pense aux Pussy Riot et à certaines Femen.)
Voilà nos héros partis pour l'Europe de l'Est, au nord de la mer Noire et du Caucase, pour une région où ils vont affronter des Romains, en quête non pas de territoire, mais d'animal fabuleux... et d'or. J'ai bien aimé la mise en scène de cette rivalité, sous l'œil goguenard des intrépides guerrières. (De même la résolution de l'énigme concernant le griffon est assez bien trouvée... voire vraisemblable !)
L'humour est évidemment de la partie. Comme de coutume, on sera très attentif aux noms de personnes, aux jeux de mots, ainsi qu'aux détails de certaines vignettes. Covid oblige, on ne s'étonnera pas de croiser un personnage moustachu nommé Klorokine (pas très habile avec les potions...), ainsi que Fakenius, soldat romain complotiste ! Didier Conrad se montre un digne successeur d'Uderzo, dont il garde la patte et le sens du clin d'œil.
Bref, en dépit de mes appréhensions (et de mon opinion quant à la politique commerciale d'Hachette), j'ai bien aimé cet album qui, comme la plupart de ceux conçus par le duo de successeurs, va sans doute gagner à être relu.
21:41 Publié dans Histoire, Livre, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : histoire, livres, culture, actualités, actualité, actualites, actualite, actu, bd, bande dessinée, bande-dessinée
vendredi, 14 mai 2021
L'Art du crime
Cette série policière atypique est diffusée depuis bientôt quatre ans sur France 2. Elle s'insère dans le mouvement des comédies policières, qui allient humour et polar (avec un brin de romantisme), dans la lignée de Rizzoli & Isles et Castle. La particularité de la série française est d'inclure l'analyse d’œuvres d'art dans le déroulement des intrigues. Aux cinéphiles, cela rappellera Ce que mes yeux ont vu (avec Sylvie Testud). Aux (vieux) téléspectateurs d'Arte, cela évoquera l'austère mais fascinante série Palettes.
Les enquêtes associent un improbable duo, composé de Florence Chassagne, une historienne de l'art (un peu fantasque) en poste au Louvre, et Antoine Verlay, un officier de police judiciaire bourru et opiniâtre. Dans les rôles, Eléonore Bernheim et Nicolas Gob sont très bons, même si les aspects liés à leur vie privée sont les éléments les moins intéressants des intrigues.
Le dernier épisode inédit, diffusé ce vendredi soir, s'intitule Danse de sang. Il a pour cadre le Moulin-Rouge et (sans surprise) les œuvres d'Henri de Toulouse-Lautrec. L'une d'entre elles semble particulièrement liée au meurtre :
Il s'agit du tableau "Au Moulin-Rouge", dont on ne verra pas l'original durant l'épisode, puisqu'il se trouve à l'Art Institute of Chicago :
Au cours de l'enquête, d'autres œuvres de l'artiste sont montrées à l'écran. On peut citer le "Panneaux pour la baraque de la Goulue", que l'héroïne va examiner au musée d'Orsay. Mais c'est une autre peinture, intitulée "Bal au Moulin-Rouge", qui est susceptible de livrer la clé de l'énigme. (Hélas, ce tableau-ci se trouve lui aussi outre-Atlantique, dans un musée de Philadelphie.)
À noter la présence au générique de Bruno Solo (en Toulouse-Lautrec) et de Sara Mortensen (remarquable dans Astrid et Raphaëlle), qui incarne ici une danseuse du Moulin-Rouge. Celle-ci, qui a perdu la mémoire, est un personnage trouble, à la fois victime et (peut-être) coupable...
L'énigme est suffisamment complexe pour retenir l'attention des amateurs de polar. Au niveau de l'humour, je suis moins enthousiaste : la fixation que fait l'historienne de l'art sur son musculeux partenaire commence à devenir lourdingue (et très prévisible dans les maladresses qu'elle entraîne) ; toutefois, dans cet épisode, les scénaristes ont introduit un quiproquo savoureux, autour d'un doigt...
P.S. I
La cinquième saison est en route.
P.S. II
À celles et ceux qui voudraient découvrir la plus belle collection d’œuvres de Toulouse-Lautrec (bien qu'incomplète), je ne peux que recommander le musée d'Albi, auquel j'avais consacré un billet détaillé en 2011. Sachez qu'il est sur le point de rouvrir ses portes, avec une exposition temporaire consacrée au Montmartre de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Alléchant, non ?
23:13 Publié dans Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : télévision, médias, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, culture, peinture, art, occitanie
vendredi, 26 mars 2021
L'église d'Inières
Cet édifice religieux vient de faire l'objet d'une conférence du service patrimoine de Rodez Agglomération. Elle est accessible sur sa chaîne Youtube. Elle n'a pas eu de public "physique", mais virtuel, puisqu'elle a été retransmise par visioconférence (Zoom, semble-t-il).
L'église (fortifiée) se trouve sur le territoire de la commune de Sainte-Radegonde (dotée d'une autre église du même type), située à la périphérie sud-est de Rodez;
Quant à son nom (à l'étymologie incertaine), il serait (d'après l'ouvrage de Jean-Marie Cassagne et Mariola Korsak, Les Noms de lieux de l'Aveyron) issu d'asinaria, un dérivé du latin asinus (âne). Rappelons que les équidés à grandes oreilles furent pendant des siècles les meilleurs outils amis des habitants des campagnes.
Mais revenons à nos ânons moutons. Au milieu du XIVe siècle, la guerre de Cent-Ans fait rage. Le comte de Rodez n'est autre que Jean Ier d'Armagnac, chef du parti opposé aux Bourguignons, collabos alliés des Anglais. Entre les ravages des troupes anglaises et les pillages des bandes de routiers, la peur est à son comble dans le Rouergue... à tel point que l'évêque et le comte de Rodez font taire leurs dissensions pour lancer la construction de remparts protégeant la cité et le bourg.
Bon, ça c'était pour les habitants de Rodez et de sa proximité immédiate. Mais, quand on habitait à cinq-dix kilomètres de là, il fallait vraiment voir venir les bandes de pillards de très loin (ou en être informé très tôt) pour pouvoir se mettre à couvert à Rodez. C'est ce qui explique la construction de chambres-refuges (dans des églises désormais fortifiées). On en trouve plusieurs autour de Rodez : deux à Sainte-Radegonde (dont celle d'Inières), une à Luc (comme de Luc-La Primaube), une à Sébazac (dans l'église Saint-Barnabé, qui mérite le détour), l'autre à Concourès (la partie détachée de l'actuelle commune de Sébazac-Concourès).
Il semblerait que l'église d'Inières ait d'abord (bien avant la guerre de Cent-Ans) été nommée Saint-Jacques, puis Saint-Christophe, avant que les deux patrons ne soient associés, à la fin du XVIIIe siècle. Au XIVe siècle, le seigneur d'Inières n'est autre que... l'évêque de Rodez. C'est lui qui autorise les habitants à fortifier leur église (ou plutôt à la reconstruire de manière fortifiée). Ceux-ci ne semblent pas avoir été très nombreux, à l'époque. En 1349, une source estime à 35 le nombre de feux à Inières, ce qui correspond à 170-180 personnes. À Sainte-Radegonde même, on compte 54 feux (260 à 280 personnes). Cette différence explique peut-être que l'église du bourg ait été fortifiée avant celle d'Inières : dès le XIVe siècle, contre le XVe pour la seconde. La reconstruction s'est effectuée en plusieurs étapes.
Il me semble que l'édifice est orienté ouest-nord-ouest / est-sud-est. Sa reconstruction s'est déroulée d'est en ouest.
La partie la plus à l'est est bien mise en valeur par la photographie ci-dessus. On y distingue la tour ancienne, dont le crénelage fut comblé lors de l'élévation du reste de l'édifice. La conférencière a pointé les traces (à peine perceptibles) d'anciens créneaux, intégrés désormais à la paroi sud.
Les travaux se sont achevés à l'ouest, mieux mis en valeur par l'image ci-dessus. On y voit les échauguettes, dont j'ai entouré les deux seules ouvertures apparentes. C'est à ce moment-là que la conférence est devenue encore plus intéressante : il semblerait que ces ajouts, en apparence défensifs, ait en réalité été introduits pour le prestige (de l'évêque de Rodez, sans doute) et/ou dans un but esthétique.
Ainsi conçue, l'église fortifiée (dont les mâchicoulis n'étaient pas dotés de véritables ouvertures de tir) ne pouvait servir qu'à une défense passive... et elle ne fut achevée qu'après la fin des combats locaux liés à la guerre de Cent-Ans.
Au cours de la conférence, il fut aussi question de l'action des religieux. Comme l'église se trouvait sous l'autorité directe de l'évêque de Rodez, son personnel était lié aux chanoines de la cathédrale. Le prieur d'Inières était un chantre de celle-ci. Sur place, il disposait de la chambre la plus vaste et la plus confortable (dotée d'une cheminée). À l'intérieur de l'édifice, des peintures et des symboles évoquent l'un d'entre eux, Jacques Pardinel, en poste de 1538 à 1545. Les armes de ce chanoine se retrouvent dans un autre bâtiment du village, proche de l'église, et qui fut baptisé "Maison du Prieur".
En ces temps où la culture n'est pas considérée comme "essentielle", il faut saluer les initiatives comme celle de cette visioconférence. La suivante aura lieu le 15 avril prochain.
ROUVREZ LES MUSÉES ET LES CINÉMAS !
22:28 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Web | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : occitanie, histoire, religion, christianisme, médias, culture
dimanche, 25 octobre 2020
Une Nuit au Louvre
Le titre de ce documentaire est un clin d'oeil aux films de la série La Nuit au musée, dont l'action se déroule successivement au Musée d'histoire naturelle de New York et au British Museum de Londres. Ici, l'écrin est LE musée français, plus précisément la partie où a été disposée l'exposition commémorant les 500 ans du décès de Léonard de Vinci.
Le film commence (et se conclut) par des vues aériennes du musée, de nuit, avec ses lumières. C'est superbe. Puis l'on pénètre dans l'antre de la bête, où l'on est accueilli non pas par une oeuvre de Léonard, mais par une sculpture, L'Incrédulité de Saint-Thomas (d'Andrea del Verrocchio), dont l'expressivité et la maîtrise des drapés sont exceptionnelles. Autour de la sculpture sont disposés des dessins de Léonard : celui qui est devenu un expert dans le domaine a bénéficié de l'enseignement d'un maître.
Cette mise en bouche incite les spectateurs à être particulièrement attentifs par la suite aux "ombres et lumières" visibles sur les tableaux de Léonard.
En dépit de tous les talents qu'on lui prête, Léonard de Vinci semble avoir toujours considéré la peinture comme l'art par excellence, au point de constituer aussi une science. Le peintre a recouru à différents matériaux pour ses oeuvres. À ses débuts, il utilisait la détrempe (avec de l'oeuf comme liant). Par la suite, il a découvert la peinture à l'huile, provenant d'Europe du Nord. Ce fut une révolution. Mettant plus de temps à sécher, permettant davantage la superposition voire la fusion de couches, ce matériau va contribuer à forger le style de Léonard.
Cependant, il dépend des commandes qu'il reçoit (ou qu'il sollicite). Florentin à ses débuts, il va gagner la cour de Milan, puis Venise, Rome... avant de finir sa vie en France.
Des caméras à très haute résolution permettent de se plonger dans les oeuvres du maître, de La Vierge aux rochers à La Joconde, en passant par La Cène, La Vierge, l'enfant Jésus et sainte Anne ou encore La Belle Ferronnière. Des commentaires simples et précis sont donnés par deux des conservateurs du musée. Une voix off (celle de Coraly Zahonero) apporte des informations complémentaires.
La dernière partie (comme on s'y attendait un peu) est consacrée à la vedette du musée : La Joconde. Je l'ai vue deux fois, en vrai. (En clair : je suis venu deux fois au Louvre dans ma vie.) La première fois, je n'ai pas distingué grand chose. Il y avait beaucoup de monde dans le musée... et encore plus dans la salle où était exposé le tableau. (En moyenne, il y aurait trois fois plus de passage dans la salle où se trouve La Joconde que dans les autres salles du musée, déjà bien fréquentées...) À l'époque, j'avais trouvé le tableau petit. C'est pourquoi j'ai été surpris d'entendre (dans le documentaire) l'un des conservateurs affirmer que Léonard avait voulu peindre un portrait à taille réelle.
La seconde fois, je suis venu en soirée, en semaine. Il y avait beaucoup moins de monde. J'en ai profité pour musarder dans la section Antiquités. Je crois que si j'habitais Paris, je pourrais y passer des heures ! Je m'étais gardé un peu de temps pour revoir La Joconde... et j'ai eu le loisir de vérifier ce qui est parfois considéré comme une "légende urbaine" : quand on se déplace autour du tableau, on a l'impression qu'elle nous suit du regard ! (Sauf quand on est à l'extrême-gauche.) J'ai d'ailleurs eu la même impression durant le documentaire, lorsque la caméra effectue un panoramique semi-circulaire : Lisa nous me regardait à nouveau !
J'ai lu ici ou là que des gens très cultivés n'avaient guère apprécié cet effort de vulgarisation. (Je me doute que les spécialistes n'y ont pas appris grand chose.) D'autres spectateurs, qui s'attendaient sans doute à voir un film de kung-fu, ont trouvé le rythme trop lent. À tous ces pisse-froid je dis : ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ! Pour les provinciaux éloignés de la capitale, pour celles et ceux qui n'ont guère le temps, les moyens ou le bagage culturel leur permettant de profiter des musées, ce film est un petit bonheur.
21:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, peinture, culture
samedi, 20 juillet 2019
Des fresques rue Béteille
L'une des principales rues de Rodez (qui mène à la cathédrale) bénéficie de travaux visant à la rendre plus lumineuse, plus vivable, moins irrespirable. (Elle est quotidiennement traversée par d'importants flux automobiles.) Voilà pourquoi, après avoir racheté plusieurs immeubles, la mairie les a détruits, dans l'objectif d'instaurer une "trouée verte" entre la rue Béteille et le boulevard qui la surplombe, au-delà d'une série de pâtés de maisons.
En attendant l'achèvement de ce projet, une parcelle enherbée longeant la rue a été dotée de deux fresques. La plus petite se voit dans le sens de la montée (celui de la circulation automobile) :
Sur un pan de mur, l'artiste Andréa Mattoni a reproduit un détail du Joueur de flûte, de Nicolas Tournier, un peintre français du XVIIe siècle, décédé à Toulouse :
Au passage, j'ai souligné l'accidentelle proximité de deux oeuvres de "street-art", l'une des deux s'apparentant davantage à un dégueulis d'illettré.
Pour voir la seconde fresque, il faut descendre la rue Béteille. Il faut donc être un.e piéton.ne, ce qui n'est pas pour me déplaire. Là aussi, il s'agit d'une oeuvre d'Andréa Mattoni. Là encore, l'artiste n'a reproduit qu'un détail d'un tableau (toujours de Nicolas Tournier), Les Joueurs de dés :
Il est d'ailleurs étonnant de constater à quel point l'observation du détail d'un tableau, coupé de son contexte, peut en changer l'interprétation.
Pour en savoir plus sur la méthode de l'artiste, il faut s'approcher des fresques. C'est très facile pour la première, puisqu'elle jouxte un trottoir :
Le peintre a tracé un quadrillage sur le mur, reproduisant sans doute celui qui se trouvait déjà sur une version papier de la toile. C'est par contre peu visible sur la grande fresque, de surcroît moins accessible. Mais, sur une photographie publiée la semaine dernière dans Centre Presse, on peut apercevoir la trame du quadrillage, alors que l'oeuvre est en cours de réalisation:
C'est original... mais pas inédit. Le récent diptyque L'Oeuvre sans auteur met en scène un jeune peintre, Kurt Barnert, qui découvre son style à l'aide d'une méthode très ressemblante. Sa vie s'inspire d'un artiste qui a bel et bien existé. Il s'agit de Gerhard Richter, dont les oeuvres sont visibles sur la Toile. Certaines d'entre elles, comme Portrait de Schmela et Famille au bord de la mer, ont clairement inspiré les tableaux que l'on voit dans le film de Florian Henckel von Donnersmarck.
P.S.
L'apparition de ces fresques s'insère dans une série de manifestations liées au "Siècle Soulages". C'est tout de même un beau paradoxe que, pour célébrer l'un des maîtres de l'art abstrait, on subventionne la création d'oeuvres figuratives rendant hommage à un peintre classique !
22:28 Publié dans Aveyron, mon amour, On se Soulages !, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, art, culture, peinture, occitanie, actu, actualite, actualité, actualites, actualités
lundi, 22 avril 2019
La Mappa Mundi à Albi
Elle est conservée à la médiathèque d'Albi. Depuis 2015, elle est inscrite à l'Unesco sur le Registre Mémoire du Monde, tout comme la tapisserie de Bayeux, la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et l'Appel du 18 juin 1940. Sur le site, on peut d'ailleurs télécharger un dossier fort instructif.
Pour compléter ses connaissances, on peut se rendre à la Maison du Vieil Alby, une ancienne demeure privée, rachetée par la commune il y a plus de quarante ans de cela, restaurée et devenue le siège de l'Association pour la sauvegarde du Vieil Alby. Elle se trouve à moins de dix minutes (à pieds) de la cathédrale Sainte-Cécile.
Au premier étage se trouve une exposition permanente consacrée à Henri de Toulouse-Lautrec, en particulier à ses séjours au château du Bosc, bien connu des Aveyronnais. C'est un utile complément à la visite du musée qui lui est dédié. Au second étage (celui auquel se trouvait jadis le grenier ouvert) a été aménagée une petite salle de projection, où a été disposée une exposition temporaire (visible jusque fin avril, si je ne m'abuse) consacrée à la Mappa Mundi albigeoise.
J'ai ajouté l'adjectif, parce que "mappa mundi" est en réalité une appellation, qui qualifie les anciennes cartes censées représenter le monde connu. On en voit quelques-unes sur deux des dix panneaux de l'exposition (les 8e et 9e). Le tout premier de l'ensemble évoque le contexte de la création, le deuxième les matériaux (parchemin, encres) utilisés à l'époque. Le troisième est d'ordre descriptif, indiquant les régions et cours d'eau représentés. C'est sur les panneaux 5,6 et 7 que la création du manuscrit et de la carte est abordée. Si l'origine remonte au VIIIe siècle, il y a eu des ajouts au cours du Moyen Age et de l'époque moderne.
Pour deux euros, on a accès aux deux expos. Elles sont modestes, mais elles méritent le détour.
14:39 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, culture, actualité, actualités, art, occitanie, actu, actualite, actualites
mardi, 18 décembre 2018
La recette Balthazar
TF1 a récemment lancé une nouvelle série, Balthazar, une comédie policière familiale centrée sur un énième duo d'enquêteurs, composé d'une jolie et intègre fliquette (Hélène de Fougerolles, que j'aurais préféré voir un peu plus "rentre-dedans") et d'un consultant brillant, charmeur et agaçant, interprété avec panache par un Tomer Sisley étonnant. En revanche, les caractéristiques de son personnage n'ont pas grand chose d'original, tant elles paraissent "inspirées" de célèbres précédents.
Ainsi, comme Patrick Jane, le héros de Mentalist, c'est un as de la déduction et il porte des costumes élégants :
De surcroît, tous deux roulent dans une voiture qui sort de l'ordinaire (une vieille Citroën pour Jane, une sportive plus clinquante pour Balthazar) et, surtout, ils ont chacun perdu leur compagne, victime d'un horrible assassinat. On sent que Balthazar va se mettre à traquer son "John le Rouge".
La référence suivante nous entraîne vers une série très différente, Perception. Certes, comme les autres, elle met en scène un duo qui pourrait se muer en couple (l'homme étant toujours le consultant, à l'image de ce qui a fait le succès de Castle). Mais, ici, c'est une particularité psychique du héros qui fait le lien. Balthazar parle aux morts, qu'il voit comme de vraies personnes. L'une d'entre elles est en quelque sorte son amie imaginaire, à l'image de la relation que Daniel Pierce entretient avec Natalie :
La profession du héros (médecin-légiste) permet d'établir un lien avec une autre série interrompue trop tôt (et chère à mon coeur), Forever (actuellement rediffusée le dimanche après-midi sur TF1 Séries Films). On y suit les aventures du docteur Henry Morgan, brillant, distingué et amateur de bonne cuisine comme Balthazar :
Morgan a lui aussi perdu son épouse. Comme Balthazar, il a des aventures, même si l'on sent (dans les deux séries) qu'entre le médecin et la policière, le fossé est appelé à se combler...
On termine par un aperçu de Bones, pour une raison plus anecdotique : le service de médecine légale de l'héroïne Temperance Brennan emploie une brochette de talents (censés représenter la société américaine dans toute sa diversité). Sans être aussi fournie, l'équipe de Balthazar ne manque pas de caractère... et semble quelque peu calquée sur celle de sa grande sœur américaine :
Du côté français, on peut signaler la bonne prestation de Philypa Phoenix, dans un second rôle (Fatim) appelé peut-être à se développer.
Résultat ? Jusqu'à présent quatre épisodes (sur les six prévus, dans un premier temps) qui se suivent avec plaisir. Les intrigues ménagent suffisamment de mystère et les dialogues sont en général bien troussés.
Dans l'épisode 1 ("De chair et de sang"), le médecin légiste rencontre le capitaine de police Hélène Bach. Ils vont conjuguer leurs efforts pour dénouer un faux cambriolage, qui masque un drame familial.
Dans l'épisode 2 ("Arrêt de mort"), la découverte d'un cadavre défiguré va conduire les enquêteurs à ressusciter un douloureux passé enfoui.
Dans l'épisode 3 ("A corps perdu"), la découverte d'un corps dans un camion frigorifique fait remonter à la surface une vieille affaire, secrets familiaux à la clé.
Dans l'épisode 4 ("Les âmes sœurs"), Balthazar, qui pensait se détendre tranquillement au cinéma, est amené à se porter au secours d'un couple. L'intrigue, en apparence limpide (au début), va prendre un tour sinueux et même sordide.
C'est bien fichu, bien joué, parfois franchement drôle, sans être génial. Bref, un bon passe-temps.
20:27 Publié dans Télévision | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : actualité, médias, télévision, humour, culture, actualités, télé, séries télévisées
samedi, 01 décembre 2018
La Vallée des immortels
C'est le titre du dernier album des aventures de Blake & Mortimer, toujours scénarisé par Yves Sente, mais mis en bulles cette fois-ci par le duo Teun Berserik et Peter van Dongen, deux illustrateurs marqués par la "ligne claire" chère à Hergé et Edgar P. Jacobs.
Certaines pages sont d'ailleurs nourries de références aux oeuvres des grands anciens. Cela commence par la couverture, qui est un clin d'oeil à l'une des vignettes du Lotus bleu d'Hergé (située page 6) :
C'est encore plus évident si l'on resserre le cadre :
Signalons que l'image qui a été utilisée pour la couverture de l'album se retrouve à l'intérieur, légèrement modifiée :
Si la posture de Philip Mortimer est presque identique à celle de la couverture, l'expression du visage du conducteur du pousse-pousse est très différente. En resserrant le cadre, le dessinateur a évacué la menace représentée (sur la couverture) par l'homme au pistolet. Sur la droite, l'apparence des commerces a elle aussi été légèrement modifiée.
Aux inconditionnels d'Hergé, je signale que, sur une autre vignette, on reconnaît, à l'arrière-plan, l'un des célèbres compagnons de Tintin, assis à proximité de... bouteilles de whisky, ce qui n'étonnera personne !
Et l'intrigue dans tout ça ? Elle est passionnante. L'action se déroule après Le Secret de l'espadon, en Chine, entre la fin de la Seconde guerre mondiale et l'arrivée au pouvoir des communistes. Les Britanniques essaient de préserver leurs intérêts à Hongkong, pendant que, dans la région, un seigneur de la guerre se la joue perso.
La découverte de statuettes très anciennes, contenant chacune un objet de grande valeur (vous avez dit L'Oreille cassée ?) met en branle quantité d'ambitions, parmi lesquelles celle du vieil ennemi de nos héros, l'infâme Olrik. Dans le même temps, Philip Mortimer travaille à l'achèvement d'une nouvelle arme révolutionnaire.
Bref, on ne s'ennuie pas et, si l'on apprécie le style des dessins, c'est même un régal.
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vendredi, 26 octobre 2018
Gastronomie aveyronnaise (et française)
Comme j'ai naguère "liké" la page Facebook de la Bibliothèque Nationale de France, je reçois régulièrement des notifications, parfois en liaison avec l'actualité. La plupart du temps, ce sont des documents anciens qui bénéficient d'une mise en lumière. C'était le cas cette semaine, avec une carte gastronomique de la France métropolitaine, datant de 1929. En voici un extrait, centré sur l'Aveyron :
Tout d'abord, en regardant la carte d'ensemble, on note la division du territoire en provinces, les régions n'existant pas à l'époque et la gastronomie n'épousant pas rigoureusement les frontières départementales. Toutefois, on s'étonnera que l'auteur ait classé l'Aveyron en Guyenne... dont la ville de Bordeaux (sa capitale historique !) est exclue, étant associée à la Gascogne, que l'auteur a voulue distincte de la précédente.
Concernant l'Aveyron, sans surprise, on retrouve l'aligot (pas forcément bien placé d'ailleurs), la fouace ("fougasse"), le roquefort (avec là aussi un problème de localisation, pour le village). Capdenac est déjà célèbre pour ses "conserveries alimentaires" (développées par Raynal et Roquelaure depuis la fin du XIXe siècle).
En revanche, certains lecteurs seront sans doute étonnés de ne trouver les "tripoux" (ou "trippoux" [sic]) et la truffade (le "truffado") qu'en Auvergne.
23:06 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Société, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, actualité, culture, cuisine, france, occitanie, gastronomie
samedi, 15 septembre 2018
La préfecture de l'Aveyron sous le Consulat et l'Empire
C'est le titre de la conférence donnée vendredi soir (au Centre culturel départemental, à Rodez) par Renaud Carrier, un universitaire spécialiste d'histoire du droit et des institutions. Bien qu'enseignant dans les Pyrénées-Atlantiques, il a des racines aveyronnaises, qui expliquent sans doute le choix du sujet de sa thèse, comme il l'a expliqué en introduction.
Très vite, le conférencier a annoncé qu'il parlerait très peu des bâtiments. Deux raisons expliquent ce choix : la première est (semble-t-il) le manque de documentation sur l'Hôtel de préfecture. La seconde est que, sous Napoléon Bonaparte, les premiers préfets se sont installés... dans les locaux de l'évêché de Rodez (à côté de la cathédrale). Sous la Révolution (à partir de 1791), Rodez a eu deux évêques, un jureur (dit constitutionnel), l'autre réfractaire (suivi par la majorité des prêtres, à ce qu'il me semble). En 1801, la situation devait se décanter après la signature du Concordat entre le Premier consul et le pape Pie VII. L'ancien évêque réfractaire (le plus ancien des deux en poste) devait récupérer son siège... mais il a rejeté le Concordat. Le diocèse de Rodez a donc été rattaché à celui de Cahors, ce qui a libéré les locaux de l'évêché, déjà en très mauvais état à l'époque. (La plupart des Aveyronnais savent que l'évêque de Rodez a récemment déménagé avenue Victor-Hugo, dans l'ancien Carmel, tandis que le projet de transformation de l'ancien évêché en hôtel de luxe a été abandonné.)
Trois préfets ont officié en Aveyron sous Napoléon Bonaparte : François Godefroy de Sainthorent (parfois orthographié Saincthorent ou Saint-Horent) de 1800 à 1808, Michel-Augustin de Goyon (et non pas de Gozon, comme il est écrit sur le site de la préfecture) de 1808 à 1810 et Louis-Philippe Girod de Vienney, baron de Trémont, de 1810 à 1814.
D'après Renaud Carrier, la nomination du premier préfet a fait l'objet d'un véritable casting avant l'heure. Le ministre de l'Intérieur Lucien Bonaparte (frère de) aurait construit une grille d'analyse de la candidature Sainthorent qui, au départ, n'apparaissait qu'au bas d'une liste de 20 personnes. Cette fameuse grille permettait de comparer l'opinion d'une série de notables sur les candidats. Dans le cas qui nous occupe, plusieurs parlementaires aveyronnais (dont le député Jean-François Vezin, qui siégea au Tribunat et au Corps législatif) auraient soutenu la nomination de Sainthorent, tout comme des "huiles" parisiennes (Lebrun, Cambacérès, Clarke, Talleyrand, peut-être Chaptal). Il n'est pas exclu qu'un réseau franc-maçon ait milité en sa faveur. On peut aussi avancer l'argument du passé commun, Lucien Bonaparte et Sainthorent ayant été proches des Jacobins. Quant à Cambacérès (originaire de Montpellier) et Chaptal (né en Lozère, il est passé par Rodez... et a succédé à Bonaparte au ministère de l'Intérieur), ils avaient des raisons de s'intéresser à l'administration de l'Aveyron.
Mais revenons à Sainthorent. Il a 34 ans, est issu d'une famille bourgeoise de la Creuse. De formation juridique, il a été journaliste et avocat. Sous le Directoire, il a été député au Conseil des Cinq-Cents (équivalent de notre Assemblée nationale). Il s'est taillé une réputation de spécialiste des questions fiscales, des biens nationaux, des routes... et il est réputé anticlérical.
Une fois nommé, habilement, Sainthorent va recruter un prêtre local pour le conseiller. Il s'est aussi opposé au rattachement du diocèse de Rodez à celui de Cahors et semble avoir toujours manifesté du respect pour les conseils de fabrique. Travailleur acharné, il est économe des deniers publics, ne faisant effectuer que les travaux strictement nécessaires dans les locaux qu'il occupe, se souciant peu de son logement personnel.
S'il est resté huit ans en place, c'est qu'il a dû donner satisfaction. Il a d'abord mis fin aux divers actes de brigandage qui pullulaient dans le département, mobilisant toutes ses troupes, appuyées par celles venues de Montpellier. Ceux qui ont échappé aux balles sur le terrain ont en général fini exécutés ou emprisonnés. Dans le même temps, le préfet met en place son administration, veillant à ce que les sous-préfets disposent de moyens dans leur circonscription, qui à "dégarnir" un peu le chef-lieu. Dans le souci de rendre la gestion du département plus efficace, Sainthorent a aussi poussé au regroupement des communes autour d'une mairie principale (par exemple ici)... une démarche qui n'est pas sans faire écho aux préoccupations contemporaines. Son principal échec porte sur la lutte contre le refus de la conscription, ce qui lui a peut-être valu sa révocation.
Lui a succédé Michel-Augustin de Goyon, un ancien officier des Gardes françaises, qui fut classé "suspect" sous la Révolution et a émigré. Sous-préfet de Vendée (pas très loin de sa ville de naissance, Nantes), il aurait été furieux d'avoir été nommé dans l'Aveyron. Renaud Carrier a cité des extraits de sa correspondance avec Paris, où il se plaint du climat aveyronnais, de l'aspect montagneux du département... bref, c'est la déprime totale pour cet aristocrate conservateur, qui a finalement obtenu d'être nommé... préfet de la Méditerranée (en 1810) !
Le troisième titulaire du poste a davantage marqué les esprits. Le baron de Trémont a laissé de bons souvenirs aux notables du cru, en raison des travaux d'embellissement des locaux de la préfecture qu'il a engagés... et des fêtes (notamment des bals) qu'il a données. Le conférencier ne s'est pas privé de citer quelques anecdotes croustillantes, l'une d'entre elles concernant les cornes qu'un notable marié portait allègrement (et sans en avoir connaissance). Monsieur le préfet était un homme à femmes (celles des autres).
Si le baron a pu engager autant de travaux (notamment entre 1811 et 1813), c'est grâce au financement du Conseil général. A plusieurs reprises, Renaud Carrier a souligné que les deux têtes politiques du département ont la plupart du temps travaillé en bonne entente. Mais, en 1814, sentant le vent tourner, Trémont a tenté de "mettre à l'abri" chez des particuliers certains biens de la préfecture, qu'il estimait lui appartenir. La manoeuvre s'étant ébruitée, des fournisseurs de la préfecture (inquiets à l'idée de ne pas être payés) se sont tournés vers le tribunal de Rodez, qui leur a donné raison. Même si le jugement a, dans un premier temps, été cassé sous la Restauration, les fournisseurs ont fini par recevoir leur dû... Au bilan du baron, on peut néanmoins porter le rétablissement d'une conscription efficace, au besoin en utilisant la force.
Il s'est donc passé beaucoup de choses à l'époque napoléonienne. Les préfets ont contribué à relancer l'économie aveyronnaise (ses successeurs ayant suivi les traces de Sainthorent). Ce n'était pas gagné au départ. Le premier préfet a dû attendre un mois après sa nomination pour commencer à disposer des moyens (limités) de l'Etat. Il a déployé de grands efforts pour louer à bas prix des locaux destinés à ses collaborateurs. Il s'est montré efficace dans plusieurs domaines. Il a dépassé la demande de fournitures de chevaux (229 envoyés, contre 206 exigés). Il semble d'ailleurs avoir été très soucieux d'élevage équin (la cavalerie napoléonienne ayant de gros besoins). C'est encore Sainthorent qui a obtenu que Rodez soit le centre de gestion des étalons (au détriment de Saint-Affrique, solution un temps évoquée en raison de la proximité du Tarn, du Gard et de la Lozère, destinataires d'une partie des bêtes). C'est sous sa conduite que l'ancienne Chartreuse a été achetée (50 000 francs de l'époque), pour y installer le haras national. Le savoir-faire de l'établissement ruthénois a été rapidement reconnu : des étalons espagnols y ont recouvré la santé, tout comme des juments arabes qui avaient été envoyées par le haras de Pompadour !
Le domaine textile a lui aussi connu une forte impulsion. Sainthorent a créé (en 1803) l'Ecole de la navette volante (grâce à deux Aveyronnais reçus à l'école de Passy). Le but était de former aux techniques modernes 30 personnes par an. Chaque arrondissement proposait 10 candidats (soit un total de 50), parmi lesquels étaient choisis les 30. L'intention était sans doute de faire "ruisseler" les bonnes pratiques sur l'ensemble du secteur textile, particulièrement répandu dans le département.
Le premier préfet de l'Aveyron se piquait aussi d'agriculture et de botanique. Il a transformé les jardins de l'évêché en pépinière, y implantant de jeunes pommiers, poiriers, cerisiers, frênes, châtaigniers et noyers. Si les premières pousses ont succombé à une brusque sécheresse (celle de 1803, je pense), l'exploitation a pu être relancée par la suite, Sainthorent ayant sollicité l'aide de communes proches de Rodez (comme La Loubière). Il a ensuite tout fait pour répandre ses pratiques dans le département, encourageant la culture de la rhubarbe, dont il voyait l'utilité pour les hôpitaux et les pharmacies. Des graines de plantes médicinales (faciles à cultiver, sur des sols ingrats) ont ainsi été envoyées dans le sud du département. Il me semble même avoir entendu le conférencier parler de la subtilisation de "sauvageons" (plants) destinés à Cahors par... le sous-préfet de Villefranche-de-Rouergue (Pierre-François Flaugergues) ! On estime que, sous Sainthorent, plus de 40 000 arbres ont été produits dans les pépinières du département.
Les préfets de l'Aveyron ont aussi agi contre les crues (les rives de l'Auterne ont ainsi été engazonnées) et pour protéger les forêts, un sujet auquel Renaud Carrier avait consacré un article en 1995. Les coupes sauvages ont été sévèrement sanctionnées et le Conseil général a accordé des primes aux propriétaires qui replantaient sur des terrains pentus (pour, évidemment, lutter contre l'érosion des terres).
Le conférencier ne pouvait pas passer à côté de l'élevage, souvent présenté comme la principale source de richesse du département. En 1788, une enquête du diocèse de Rodez (peut-être incomplète) ne dénombrait que 15 000 boeufs et vaches dans un territoire correspondant grosso modo à celui du futur département. Douze ans plus tard, on compte environ 30 000 boeufs, autant de vaches et 15 000 veaux, auxquels s'ajoutent plus de 20 000 chevaux, plus de 45 000 cochons... et près de 600 000 "bêtes à laine". N'oublions pas que, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, le cheptel ovin était ultra-dominant dans bien des départements du sud de la France métropolitaine.
Cela a favorisé le développement des activités liées à l'agriculture. Le nombre de boucheries rurales a fortement augmenté et on note que les ménages rouergats consomment de plus en plus de volailles, des progrès que Sainthorent attribue aux transformations opérées sous la Révolution. A l'opposé, il est évident que, pour une partie de la population, la consommation régulière de châtaignes reste incontournable, faute de mieux.
Concernant le fromage, c'est le Roquefort qui semble jouer les premiers rôles. A l'époque, il se vend déjà dans presque toute la France métropolitaine... et même un peu à l'étranger. Cependant, les profits tirés de ce commerce se concentrent dans un petit nombre de mains... Si Sainthorent déplorait cet état des choses, il ne s'en est pas moins appuyé (de manière générale) sur les quelque 500 grands propriétaires du département pour diffuser les progrès agricoles.
Les productions aveyronnaises ont même fait l'objet d'une exposition parisienne, en 1803 je crois. Un fascicule vantant le savoir-faire rouergat a été édité, mais finalement non diffusé. Les autorités centrales ont apprécié l'esprit d'initiative aveyronnais, mais n'ont visiblement pas voulu s'engager dans une campagne de promotion qui aurait suscité des jalousies... ou lancé une vague qu'il aurait été difficile de contrôler.
Au sein du département, une autre activité connaît un réel succès : le thermalisme, autour de Cransac et de Sylvanès. Dans le sud du département, les clients sont plutôt issus des départements voisins. Dans le nord-ouest, l'afflux de personnes n'a pas eu que des conséquences positives : des problèmes d'ordre public se sont posés, en particulier en 1806, en raison de la présence de... prostituées. Renaud Carrier a cité un texte qui évoque les maladies qui se propagent, soulignant que certains curistes repartent plus mal en point qu'ils ne sont arrivés !
Il est cependant un domaine dans lequel l'action des préfets ne semble pas avoir été efficace, du moins à court ou moyen terme : les transports. L'Aveyron est réputé enclavé, formant comme une "isle" au sein de la France métropolitaine. Ainsi, le troisième préfet (le baron de Trémont) disait avoir mis plus de temps pour revenir de Hongrie (en réalité de Croatie) à Paris que pour, de la capitale, arriver à Rodez !
Après celle de mars 2017, c'était donc une nouvelle conférence passionnante, que l'on doit à la Société des lettres, arts et sciences de l'Aveyron.
15:36 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Politique, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, actualité, culture, france, société
vendredi, 31 août 2018
L'Ile de Pâques sur France Inter
En moins d'un mois, deux émissions se sont longuement penchées sur les expositions consacrées à cette étrange et célèbre île chilienne de l'océan Pacifique. Début août, c'est Le Temps d'un bivouac qui a abordé le sujet. Ce jeudi, ce fut au tour de Jean Lebrun, dans La Marche de l'histoire. Notons que la première émission a surtout interrogé l'archéologue qui a veillé à la création de la passionnante exposition du Muséum d'histoire naturelle de Toulouse, alors que la seconde émission s'est appuyée sur un entretien avec le commissaire de la non moins passionnante exposition de Fenaille, à Rodez.
Cet été, j'ai vu les trois. La moins retentissante est celle du musée Champollion, à Figeac. Elle est consacrée principalement aux tablettes couvertes d'inscriptions que des érudits s'échinent à tenter de décrypter depuis plus de 150 ans. Notons que l'exposition est installée dans l'annexe du musée lotois, située dans une rue adjacente au bâtiment principal. Certains objets évoquent des thèmes traités dans les autres expositions (notamment celle de Fenaille). L'originalité de Champollion est de proposer des tablettes écrites en rongorongo et des tentatives d'explication. On peut aussi consulter (et jouer) sur des bornes tactiles, notamment pour découvrir certains endroits de l'île.
A Rodez (comme à Toulouse), le contexte géographique est bien présenté. Le musée archéologique aveyronnais propose de découvrir l'alimentation des habitants, ainsi que la faune et la flore peuplant l'île, à diverses époques. L'organisation de la société est très bien décrite. Sans surprise, il est aussi question des sculptures géantes et des pétroglyphes, avant que l'on nous présente la spécificité de l'exposition ruthénoise : les objets rapportés de l'île, en particulier les bâtons sculptés, d'une étonnante finesse.
A Toulouse, on a vu grand. La pièce d'introduction évoque les légendes qui ont circulé à propos de l'île, de ses habitants, de leurs sculptures. La culture populaire (en particulier la bande dessinée) n'est pas laissée de côté. La géographie de l'île et son évolution sont l'objet d'un traitement soigné. On nous présente aussi bien les voyages au long cours des Polynésiens que les différents "visiteurs" européens, ainsi que les changements de nom, Rapa Nui ayant succédé notamment à Ile San Carlos et Terre de Davis. Une grande salle oblongue est consacrée aux moai, à leur structure, à leur création et à leur(s) signification(s). On a essayé de proposer des activités susceptibles de retenir l'attention des petits. La fin de l'exposition traite des transformations que l'île a subies et des explications que la recherche apporte.
Des trois expos, je dirais que celle de Toulouse est la plus complète, celle de Rodez est moins copieuse mais plus synthétique, avec beaucoup d'objets, celle de Figeac étant plus intéressante sur quelques points précis.
00:18 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Web | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : actualite, actualité, médias, journalisme, culture, toulouse
samedi, 28 juillet 2018
Quand sonnera l'heure...
C'est le titre français d'un "vieux" roman du Britannique John Boynton Piestley, auteur qui connut son heure de gloire entre 1930 et 1960. Cette oeuvre est parue en 1937 sous le titre The Doomsday Men ("Les Hommes du dernier jour") :
L'intrigue suit les pérégrinations de trois personnages principaux, tous des hommes. Le premier est le Britannique Malcolm Darbyshire, un architecte féru de tennis, qui participe à un tournoi sur la Côte d'azur française. Il y rencontre sa partenaire de double, la mystérieuse Andréa Baker, fille d'un milliardaire américain, dont il tombe amoureux. C'est l'aspect romance énigmatique de l'histoire.
Dans le même temps, un jeune scientifique américain, George Hooker, s'est rendu au Royaume-Uni dans l'espoir de retrouver un brillant chercheur qui a disparu des écrans-radar deux ans auparavant. Il est persuadé que celui-ci est sur le point de réaliser une découverte fondamentale, à laquelle le jeune homme souhaiterait collaborer. Nous voilà plongés dans une enquête à l'anglaise, dans le brouillard.
Enfin, Jimmy Edlin, un aventurier qui s'est enrichi en Chine, débarque d'Hawaï en Californie pour résoudre le mystère de l'assassinat de son frère, un journaliste d'investigation qui s'est récemment intéressé à des gangs originaires de la côte Est. On retrouve l'ambiance des polars américains de cette époque.
Les trois hommes vont finir par se rencontrer et affronter une secte redoutable. Paru en 1937, ce roman est une curiosité parce qu'il est sans doute l'un des premiers à dénoncer les méfaits des mouvements sectaires... et à prévoir le danger que représente la recherche dans le domaine nucléaire. En dépit de certaines considérations datées (en particulier sur les femmes, même si deux d'entre elles jouent un rôle actif dans l'histoire), cette oeuvre est palpitante à lire et assez prémonitoire sur certains points.
13:31 Publié dans Livre, Loisirs, Science | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livres, livre, société, littérature, culture, roman, romans
vendredi, 13 juillet 2018
La Maison de soie
Comme je m'intéresse à tout ce qui touche à Sherlock Holmes, j'ai dressé l'oreille quand on m'a dit qu'un romancier britannique avait obtenu l'accord des héritiers de Conan Doyle pour écrire de nouvelles aventures du célèbre détective. Ce romancier est Anthony Horowitz, qui s'est illustré dans la littérature de jeunesse et l'écriture de scénarios pour la télévision. Il a notamment œuvré sur plusieurs épisodes de la série "Hercule Poirot" (actuellement rediffusée sur TMC). Le fin connaisseur de l’œuvre d'Agatha Christie avait des atouts pour relancer la narration des enquêtes de Sherlock. Voyons ce qu'il en a fait.
L'histoire nous est racontée du point de vue du docteur Watson. C'est un cas particulièrement délicat, qui aurait été dissimulé au public pendant des dizaines d'années, tant le sujet est sensible, à différents niveaux.
L'intrigue entremêle deux affaires, liées par une personne qu'un lecteur attentif soupçonnera assez vite. La plus terrible des deux affaires a trait aux enfants des rues que Sherlock utilise parfois pour collecter des informations. Ceux qui ont beaucoup lu/vu de polars comprendront assez vite de quoi il retourne et quels sont les personnages impliqués.
L'autre affaire, qui surgit en premier d'ailleurs, est liée au séjour effectué par l'un des protagonistes (le marchand d'art) aux États-Unis. L'intrigue est très bien nouée. Il va falloir du temps pour démêler tous les nœuds, d'autant plus que la seconde affaire va percuter la première. La principale conséquence est que la vie de Sherlock est menacée, par un complot qu'il est assez facile (pour les lecteurs) de mettre au jour.
C'est passionnant. J'ai retrouvé l'esprit de Conan Doyle. Les relations entre les deux personnages principaux sont bien campées et le décor du Royaume-Uni de la fin du XIXe siècle est bien planté. J'ai commencé à lire le roman avant une séance de cinéma. J'ai repris ma lecture après le repas du soir et je n'ai pas lâché le livre avant la nuit. Même s'il y a des facilités et si l'une des affaires est un peu trop transparente à mon goût, j'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture.
22:42 Publié dans Livre, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livres, roman, culture, littérature, livre
lundi, 18 juin 2018
La chapelle des brebis
C'est d'un édifice peu connu des Ruthénois qu'il va être question : la chapelle Notre-Dame de Pitié, qui dépendait autrefois de la Chartreuse, dont les bâtiments ont été récupérés par l'Etat lors de la Révolution pour devenir ensuite, sous l'Empire, le siège du haras de Rodez, hélas fermé depuis l'an dernier.
Les touristes ont plus de chance de connaître l'édifice que les Ruthénois, puisqu'il fait partie du circuit patrimonial proposé aux visiteurs du chef-lieu aveyronnais (avec le numéro 29). Pour les locaux, le lieu est ouvert au moins le 13 de chaque mois. Pendant des années, c'est un employé municipal féru d'archéologie, Roger Trémouilles, qui a veillé sur l'édifice.
Ce samedi 16 juin 2018, exceptionnellement, la chapelle a été ouverte au public, dans le cadre d'une manifestation agricole : la (mini-)transhumance des brebis du lycée agricole La Roque, situé sur la commune voisine d'Onet-le-Château.
La première partie du trajet a mené les ovins du gué de Salelles (numéro 1 ci-dessous) à la place du Bourg (numéro 2), en passant par Layoule, le carrefour Saint-Cyrice, la rue Béteille et la place d'Armes.
Le parcours du petit troupeau (une cinquantaine de bêtes) ne fut pas de tout repos. Le long des berges de l'Aveyron, la tendance des brebis à se précipiter brusquement dans une direction inattendue était facilement gérable. C'est devenu un peu plus délicat dans la montée de la rue Béteille, où les passants et les riverains ont eu droit à un étonnant spectacle. (Un des animaux se serait blessé lors d'une bousculade à l'entrée d'une boulangerie-sandwicherie. Un peu de sang a coulé, mais ce serait sans gravité.)
Arrivées place du Bourg, les brebis ont été parquées dans un enclos amovible, où elles ont rapidement été entourées d'une foule considérable... et mitraillées par les téléphones portables. Durant presque deux heures, elles ont pu se reposer et se désaltérer, pendant qu'une animation était proposée à proximité, avec des oies et des chiens de berger.
C'est en fin d'après-midi que les brebis se sont remises en marche, direction l'avenue Victor-Hugo puis le chemin de la Boriette, où les attendaient de vertes prairies, jouxtant la chapelle Notre-Dame de Pitié (numéro 3 ci-dessous).
A l'intérieur de celle-ci, on peut voir un fort joli plafond étoilé (de style marial, je crois) :
Plusieurs statues sont également visibles, certaines plus anciennes que d'autres. Ainsi, l'une d'entre elles représente Jeanne d'Arc. C'est un modèle de série qui doit dater du début des années 1920, peu de temps après la canonisation de la Pucelle (et la création d'une seconde fête nationale, celle du patriotisme).
Une autre sculpture est beaucoup plus ancienne, puisqu'elle date du XVIe siècle. Il s'agit d'une Vierge à l'enfant, classée monument historique. Mais je ne me souviens pas si elle se trouvait dans la chapelle lorsque je l'ai visitée.
17:39 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Jeanne d'Arc | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, médias, presse, journalisme, occitanie, société, culture
mercredi, 31 janvier 2018
Les nominations pour les César 2018
Ça y est ! L'Académie des arts et techniques du cinéma (français) a rendu publique la liste des nommés. Je dois dire que, cette année, je suis plutôt satisfait des choix qui ont été faits par les votants... mais je redoute le palmarès final, qui risque d'être très éloigné du mien.
Dans un monde idéal, voici celles et ceux que j'aimerais voir récompensés.
César de la meilleure actrice : Emmanuelle Devos, dans Numéro Une (à défaut, Charlotte Gainsbourg, excellente dans La Promesse de l'Aube).
César du meilleur acteur : Reda Kateb, dont la performance dans Django a été quelque peu sous-estimée en raison du semi-échec rencontré par le film.
César du meilleur acteur dans un second rôle : Niels Arestrup ou Laurent Lafitte, dans Au revoir, là-haut.
César du meilleur espoir féminin : sans aucune contestation possible Iris Bry, dans Les Gardiennes.
César du meilleur scénario original : Julia Ducournau, pour Grave (juste devant Claude Le Pape et Hubert Charuel, pour Petit Paysan)
César de la meilleure adaptation : évidemment Albert Dupontel et Pierre Lemaitre pour Au revoir là-haut.
César de la meilleure musique originale : Christophe Julien, pour Au revoir là-haut (devant Jim Williams, pour Grave).
César du meilleur son : Jean Minondo, Gurwal Coïc-Gallas, Cyril Holtz et Damien Lazzerini pour Au revoir là-haut.
César de la meilleure photo : Vincent Mathias, pour Au revoir là-haut (ou Caroline Champetier, pour Les Gardiennes).
César du meilleur montage : Christophe Pinel, pour Au revoir là-haut (ou Julie Léna, Lilian Corbeille et Grégoire Pontecaille pour Petit Paysan).
César des meilleurs costumes : sans hésiter Mimi Lempicka, pour Au revoir là-haut.
César des meilleurs décors : Pierre Quefféléan, pour Au revoir là-haut.
César de la meilleure réalisation : sans conteste Albert Dupontel, pour Au revoir là-haut.
César du meilleur long-métrage d'animation : Zombillénium (une excellente surprise).
César du meilleur premier film : mon coeur balance entre Grave et Petit Paysan. (Le contexte socio-économique me pousserait à choisir le second, mais je pense que le premier est encore plus abouti sur le plan cinématographique.)
César du meilleur film étranger : The Square, mais je ne serai pas scandalisé si Dunkerque ou Le Caire confidentiel décroche la statuette.
César du meilleur film : évidemment, assurément, indubitablement, inévitablement, irrésistiblement Au revoir là-haut, d'Albert Dupontel.
lundi, 27 novembre 2017
France Inter dans l'Aveyron
Cette semaine est diffusée la série d'émissions du Jeu des 1000 euros enregistrée il y a quelques semaines dans le nord du département. Cela a commencé aujourd'hui à Mur-de-Barrez avec des candidats brillants, l'un entre eux portant le nom Lafortune... de bon augure !
Auparavant, l'émission Carnets de campagne s'est intéressée au sud du département (Saint-Jean-d'Alcapiès et Saint-Affrique). On peut juste regretter que Philippe Bertrand ait présenté Villefranche-de-Rouergue comme la deuxième plus importante ville du département (après Rodez)... Les Millavois ont dû bondir de leur siège !
18:45 Publié dans Loisirs, Vie quotidienne, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : médias, actualité, occitanie, france, culture
vendredi, 17 novembre 2017
Phagocytose cinématographique
Hier après-midi, quand la nouvelle est tombée, en Aveyron, elle a fait l'effet d'un coup de tonnerre : le groupe CGR va absorber son concurrent Cap Cinéma et ainsi devenir provisoirement (en nombre d'établissements, pas en nombre d'écrans) le premier exploitant de salles de France.
Immédiatement une foule de questions se pose. Les multiplexes (tel celui de Rodez, inauguré en 2013) vont-ils changer de nom ? La programmation va-t-elle subir le contrecoup de cette sorte de fusion-acquisition ? On peut nourrir quelques inquiétudes quand on se souvient de la médiocrité de l'offre cinématographique des salles d'Albi, quand CGR gérait le Lapérouse et le Tivoli. (Pour nos amis tarnais, c'est donc une sorte de retour aux sources, puisque les cinémas albigeois, récemment passés des mains de Cinémovida à celles de Cap Cinéma, étaient auparavant sous l'étendard CGR. Ce groupe n'aura toutefois pas eu à financer la modernisation des salles albigeoises, ni la construction et l'aménagement du complexe des Cordeliers...)
Notons que Philippe Dejust, le PDG de Cap Cinéma, n'a pas vendu l'intégralité des établissements de son groupe. De nombreux médias ont cité le nombre de 22 sur 24, ce qui a suscité quelques inquiétudes, notamment à Beaune, en Côte-d'Or. CGR aurait-il refusé d'acquérir quelques "canards boiteux", qui se retrouveraient désormais isolés, sans l'appui d'un grand groupe ? En réalité, Philippe Dejust a voulu conserver ses "petits bébés", les cinémas de Blois.
Enfin, l'analyse des emplacements des cinémas des deux groupes (en noir ceux de CGR, en rouge ceux de Cap Cinéma) débouche sur une conclusion aussi surprenante qu'évidente : ils sont très complémentaires :
En aucun lieu Cap Cinéma et CGR ne sont véritablement concurrents. C'est dans l'agglomération parisienne que leurs établissements respectifs sont les plus proches. Mais, dans ce cas, la clientèle est tellement abondante qu'il serait malhonnête d'affirmer qu'ils se gênent mutuellement. Finalement, ce rapprochement pourrait s'avérer fructueux. Tout dépend de la manière dont la fusion va être gérée.
vendredi, 20 octobre 2017
Astérix et la Transitalique
Voici donc le 37e album de l'une des plus célèbres séries de BD francophones. Aux manettes, Jean-Yves Ferri et Didier Conrad tentent de prolonger la magie des aventures gauloises, qui, cette fois-ci, mènent les héros dans la péninsule italienne :
Dès le début, on est (re)mis dans l'ambiance, avec une série de vignettes qui a dû bénéficier de beaucoup d'attention :
Tout y est (ou presque : on ne voit pas les héros). Il y a le ton faussement grandiloquent, qu'un événement cocasse va rompre. Il y a (à travers le texte et la borne) la première référence à un proverbe que l'on va retrouver dans l'album. Il y a bien évidemment le calembour sur le nom du dépanneur et l'introduction du thème principal de l'histoire : l'univers de l'automobile, qui va se prêter à beaucoup d'anachronismes...
Les amateurs de figures autoritaires vont rapidement retrouver Jules César, ici en comploteur, dans la bouche duquel les auteurs placent un jeu de mots savoureux...
Comme ceux de l'époque Goscinny, cet album se veut un miroir tendu à notre époque, accro aux rallyes automobiles et globalement aux compétitions sportives, quitte à fermer les yeux sur la triche et le dopage. C'est aussi une variante sur les cultures régionales, les Romains ayant imposé la leur aux autres peuples de la péninsule. Difficile de ne pas y voir une pique lancée au parisianisme qui regarde avec condescendance la Province (mot d'origine latine, tiens).
En gros, la course de chars revêt peu d'intérêt. C'est le portrait des divers concurrents (certains connus des lecteurs fidèles) qui retient l'attention, avec un véritable kaléidoscope de peuples. Je retiens les auriges africaines, qui s'amourachent... d'Idéfix, à la stupeur d'Obélix !
Au cours de la compétition, nos héros vont découvrir une cité lacustre en construction, du côté de Venise, puis une ville en plein essor culturel, à Florence, et une région placée sous la menace d'une montagne qui fume, à proximité de Naples.
Voilà, le cahier des charges est rempli. C'est correctement dessiné et sympatoche sur le fond. Il manque juste le grain de folie qui faisait tout le sel des albums écrits par René Goscinny.
15:46 Publié dans Livre, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, livre, culture, bd, bande dessinée, bande-dessinée
lundi, 16 octobre 2017
La Passion Van Gogh
C'est à une coproduction anglo-polonaise que l'on doit cet hommage à l'un des peintres les plus imaginatifs de tous les temps. Au lieu de se contenter d'un biopic poussiéreux, les auteurs nous proposent une enquête picturale, qui voit l'une des connaissances de Van Gogh chercher à transmettre une lettre, avant d'enquêter sur la mort du peintre, sur laquelle plane un mystère.
Techniquement, on a utilisé la rotoscopie, déjà à l’œuvre dans A Scanner darkly, Valse avec Bachir ou encore Aloïs Nebel. A l'écran, les décalques des acteurs se meuvent dans les oeuvres du peintre, soudain mises en mouvement. On a notamment beaucoup puisé dans la période arlésienne, ainsi que dans son séjour à Auvers-sur-Oise.
Au début, il faut s'accrocher un peu, pour s'habituer au procédé et à la conception de l'intrigue. Notre guide est un personnage réel, Armand Roulin, qui a été peint par Van Gogh :
Dans ses pas, on découvre plusieurs des lieux visités par le peintre, à commencer par le fascinant café nocturne, où l'on va rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur :
Parmi ceux qui m'ont marqué, dont on voit les traits fixes soudain s'animer, je peux citer le soldat zouave ou encore Paul-Eugène Milliet :
A partir de là, le héros-enquêteur va aller à la rencontre des logeurs de Van Gogh, notamment la patronne d'un bar et la fille du docteur Gachet, ce dernier finissant par apparaître à l'écran, sous les traits de Jerome Flynn :
Cette juxtaposition de l’œuvre d'origine et de sa transposition cinématographique est très représentative du talent mis en œuvre dans cette fiction picturale, particulièrement réussie au niveau des portraits. On pense évidemment à ceux que Van Gogh a faits de lui-même, spécialement à ceux qui le montrent avec l'oreille coupée (droite sur les tableaux peints en miroir, gauche dans la réalité). Mais le plus beau (pour moi) est sans conteste celui qui le montre portant un chapeau et que l'on voit s'animer sous l'effet de coups de pinceau numériques :
On comprend pourquoi l'on considère Van Gogh comme un précurseur du fauvisme. Cela nous conduit tout naturellement aux paysages peints par l'artiste. Les champs de Provence sont superbement emballés de couleurs chaudes, tandis que les scènes nocturnes prennent un relief particulier quand les lumières s'animent :
Je recommande aussi la scène qui montre l'une des chambres où a logé Van Gogh, avec une flamme d'huile (numérique) qui vacille et fait danser les ombres de la pièce.
C'est une œuvre extraordinaire, à voir a-bso-lu-ment !
PS
En complément, je conseille la lecture du numéro 1 de la nouvelle collection "Le Musée idéal", publiée par Le Monde en partenariat avec Géo :
19:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, peinture, culture