samedi, 04 avril 2015
Suite française
C'est l'histoire d'une jeune Française mal mariée, qui vit sous la coupe d'une belle-mère acariâtre et que l'arrivée d'un officier allemand mélomane, en 1940, va troubler. Présentée ainsi, l'histoire pourrait sembler un peu "bateau". Encore un film sur la Seconde guerre mondiale ! Et encore un qui tente de montrer une image plus aimable de certains des occupants allemands, à une époque où il est de bon ton de ne pas froisser nos voisins d'outre-Rhin en leur jetant au visage le passé nazi de leur pays. Sauf que... cette histoire a été écrite il y a plus de soixante-dix ans, par Irène Némirovsky, une Française juive, morte à Auschwitz en 1942 avant d'avoir pu achever le roman qui est adapté ici.
Le premier mérite de cette histoire est de présenter un épisode méconnu de la guerre, l'Exode de mai-juin 1940, au moment de l'invasion allemande. Je vous assure que les scènes du début, qui montrent la pagaille sur les routes et un bombardement de la Luftwaffe, sont impressionnantes. Par contre, le contexte de la mise en place du gouvernement de Vichy est bâclé. Ceux qui n'y connaissent rien ne retiendront que la collaboration avec l'occupant.
Le coeur de l'intrigue est consacré aux relations entre Français(es) et Allemands. On a droit à une assez grande diversité de comportements, du pétainisme germanophile aux premiers actes de résistance. Le film a le mérite de montrer que les situations étaient parfois complexes, surtout quand les sentiments se heurtaient à la politique.
C'est dans ce cadre que se situent les rapports entre la timide Lucile Angellier et le séduisant Bruno von Falk. La première est incarnée par Michelle Williams, vraiment très bien, très éloignée du rôle qu'elle a joué dans My Week with Marilyn. Le second a les traits de Matthias Schoenaerts, révélé naguère par Bullhead. Les personnages secondaires sont tout aussi bien campés. Dans le lot, je distingue Madeleine Labarie, Lambert Wilson et Kristin Scott-Thomas, excellente en belle-mère hautaine. Je regrette toutefois qu'on fasse subir à son personnage une évolution aussi radicale en si peu de temps.
C'est peut-être le défaut principal de l'histoire. La période 1940-1941 est décrite avec les yeux de qui sait ce qui s'est passé ensuite. On a peut-être voulu trop en dire sur ces premiers mois d'occupation. Il reste une belle histoire d'amour impossible, au sein d'un tableau où les différences de classes sont très prononcées.
P.S.
Cette histoire si française (jusque dans la découverte du livre, édité des années plus tard... et récompensé par un prix posthume) est une oeuvre anglo-saxonne. Le tournage s'est déroulé en langue anglaise (avec quelques passages en allemand), davantage en Belgique qu'en France... avec TF1 aux manettes. Cela peut expliquer le tir de barrage que le film a subi à sa sortie, de la part de critiques à oeillères. Ce n'est absolument pas le navet décrit par certains. (Au passage, je pense qu'exceptionnellement, il vaut mieux le voir en version doublée en français : les acteurs francophones ont leur propre voix et les accents des Allemands sont sans doute plus réalistes que dans la version originale.)
22:59 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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