dimanche, 25 février 2024
Le Molière imaginaire
Le titre fait évidemment allusion à l'une des comédies de Jean-Baptiste Poquelin (Le Malade imaginaire). Il dit l'essentiel sur le projet d'Olivier Py : évoquer certes la figure de Molière, mais un Molière pas tout à fait fidèle à la réalité, un Molière qui aurait un petit quelque chose d'Olivier Py.
Mais commençons par la prouesse technique : tourner cela en plan-séquence. (On nous dit un seul, mais je pense qu'à trois reprises au moins, on nous a peut-être servi un fondu enchaîné : lorsque la caméra plonge dans les plis d'une robe noire, quand un drap/voile de la même teinte recouvre brièvement l'objectif et, à la fin, lorsqu'on sort du théâtre.) J'apprécie le tour de force, aussi bien de la part du metteur en scène que de la part des techniciens et des acteurs. C'est de la belle ouvrage, éclairée à la bougie, ce qui, outre l'aspect véridique, crée une ambiance particulière.
Hélas, Py n'en fait pas grand chose. On comprend qu'il a voulu créer un film à la manière d'une pièce de théâtre classique, avec (presque) unité d'action de temps et de lieu. On perçoit très nettement le découpage en scènes (de durée inégale, avec un nombre de personnages variables... comme au théâtre), moins la division en actes.
J'ai trouvé le début intéressant. On suit les mouvements de caméra, on s'intéresse à des éléments du décor et l'on apprécie (plus ou moins) les numéros d'acteurs. Laurent Lafitte est une fois de plus très bon (surtout au début et à la fin), notamment quand il déclame à plusieurs reprises, avec différentes intonations, la même tirade. En revanche, la mise en scène de l'attirance qu'aurait éprouvée le dramaturge pour l'acteur Michel Baron est maladroite, le pire étant atteint lors d'une scène de bain, vraiment ridicule.
En fait, Molière sert de paravent à Olivier Py. Il ne s'est pas attribué le rôle-titre, qu'il a préféré confier à un excellent acteur (qui, de surcroît, ressemblerait physiquement à Poquelin). Mais il est présent dans le film, sous les traits du marquis de Roffignac, qui cherche lui aussi à s'attirer les faveurs du comédien Michel Baron. Or, celui-ci est interprété par... Bertrand de Roffignac, qui a coscénarisé le film avec Py... (Je crois que, pour les gens du milieu, l'allusion est transparente.) Quoi qu'il en soit, je constate que le réalisateur aime à placer devant sa caméra des jeunes hommes nus, au torse impeccable. (Une mienne connaissance, bien plus cultivée que moi, m'affirme que c'est une pratique courante dans le théâtre subventionné.)
Bref, au bout d'un moment, on décroche. L'histoire n'est pas passionnante (alors qu'elle devrait l'être, puisque l’Église essaie de récupérer l'âme de Molière à l'article de la mort). Certains numéros d'acteurs tombent à plat (comme celui des trois commères, avec Dominique Frot en roue libre et Catherine Lachens qui se demande qui a bien pu écrire les âneries qu'on lui fait débiter)... et j'ai fini par me lasser de la virtuosité du plan-séquence.
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Une Vie
Il ne s'agit pas d'une nouvelle adaptation du roman de Guy de Maupassant. (Stéphane Brizé s'y est attelé il y a sept-huit ans.) Plus que d'une seule vie, il est question de celle de près de 700 personnes, des enfants sauvés de la déportation, en 1938-1939, par un employé de banque londonien, Nicholas Winton, épaulé par des bénévoles britanniques et tchécoslovaques.
L'histoire nous est contée sous deux formes : des scènes anciennes (londoniennes et praguoises), tournées dans des tons bleutés ou gris, et des scènes "contemporaines", évoquant les années 1987-1988, où dominent le jaune, l'orange, le marron. C'est le code visuel utilisé pour distinguer les deux époques.
Le montage alterne les scènes "récentes" et anciennes. C'est, je pense, le bon choix, plutôt que de procéder de manière strictement chronologique. C'est donc en alternance qu'on va suivre, d'un côté le paisible retraité qui fait le tri dans ses papiers, jusqu'à tomber sur une mystérieuse sacoche, de l'autre côté de jeunes adultes britanniques et tchécoslovaques qui tentent de donner un avenir à des enfants en majorité juifs.
Anthony Hopkins apporte son charisme tranquille au Nicholas Winton âgé, tandis que Johnny Flynn est une bonne surprise en version jeune du banquier. Celui-ci apparaît étonnamment idéaliste, tout comme la plupart des bénévoles qui s'investissent dans le sauvetage. Les scènes anciennes donnent un aperçu du travail de fourmi qu'il a fallu fournir à l'époque pour identifier, informer, convaincre les familles de ces enfants, beaucoup vivant dans une misère crasse. Mais le plus dur fut peut-être d'obtenir les autorisations des fonctionnaires britanniques et d'organiser les transports (en train). La mère du banquier (interprétée par la toujours formidable Helena Bonham Carter) a joué un rôle décisif. Du côté tchécoslovaque, ce sont plutôt les gamines qui m'ont touché, une assez joyeuse malgré la situation (et malgré son sourire édenté), une autre fan de ski et de natation (comme Winton) et une troisième mutique, agrippée à un bébé qui n'est pas le sien.
Paradoxalement, c'est plus par les scènes des années 1980 que j'ai été ému. Elles sont moins appuyées que celles se déroulant à la veille de la Seconde Guerre mondiale et Hopkins y impose par sa seule présence une louable délicatesse.
J'ai beaucoup aimé cet éloge d'un héros ordinaire, discret, humble, loin de notre monde tapageur et superficiel.
00:30 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 24 février 2024
Petits meurtres opiacés
Le programme le plus intéressant à voir, ce vendredi soir, à la télévision française, était sans conteste le nouvel épisode inédit des « Petits Meurtres d'Agatha Christie », intitulé Mortel Karma. C'est hélas l'avant-dernier de la série. (L'ultime doit être diffusé le 8 mars.)
C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé la fine équipe évoluant dans la troisième époque des histoires, au début des années 1970. De gauche à droite (ci-dessus), nous avons la ravissante Chloé Chaudoye (Rose Bellecour, une psy moins futile qu'elle n'en a l'air), Émilie Gavois-Kahn (Annie Gréco, une commissaire moins soupe-au-lait qu'elle veut le faire croire) et Arthur Dupont (Max Beretta, un inspecteur plus subtil que ce qu'il laisse paraître).
Le point de repère historique est la référence à un éphémère ministre de l'Intérieur, un certain Jacques Chirac.
Dans cet épisode, l'enquête policière va croiser la vie personnelle de la commissaire, plus précisément son ancienne vie, celle de l'adolescente qu'elle fut, lorsqu'elle abandonna le bébé dont elle venait d'accoucher. A sa grande surprise, elle se retrouve face à sa fille biologique, devenue suspecte dans son enquête sur un meurtre. Au départ, cette Jade Baldini ignore qui est vraiment pour elle cette commissaire acariâtre et mal fagotée, qui met cependant tout en œuvre pour la protéger. Les dialogues entre les deux femmes sont souvent à double-sens...
Plusieurs ingrédients supplémentaires viennent pimenter l'enquête. Suite à un choc, l'inspecteur Beretta perd la mémoire et voit sa personnalité transformée, adoucie... ce qui perturbe fortement sa collègue psy, qui le trouve soudain très attachant, voire séduisant. Arthur Dupont joue très bien le contre-emploi.
A cela s'ajoute la présence de substances hallucinogènes, qui vont jouer un double rôle dans l'intrigue. Tout d'abord, on sent qu'elles circulent abondamment chez l'industriel où se sont réunis des baba-cools, parmi lesquels se trouve l'inénarrable Bob (Nicolas Lumbreras, excellent), gérant de l'hôtel où la commissaire a trouvé refuge.
Ensuite, on devine assez vite qu'une partie de ces substances se retrouve au commissariat... sans que tout le monde ne soit au courant. Cela plonge le commissaire divisionnaire Legoff dans des situations aussi réjouissantes qu'inconfortables. (Là encore, la distribution est au niveau, avec l'excellent Quentin Baillot.)
L'intrigue est fouillée, sinueuse. Les interprètes sont très bons, les dialogues ciselés. la musique d'accompagnement est toujours aussi pertinente, à la fois légère et rythmée. J'ai passé un très bon moment.
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jeudi, 22 février 2024
Le Royaume des abysses
Cette animation chinoise (que j'ai pu voir, au cinéma de Rodez, en mandarin sous-titré... trop la classe !) puise à de multiples inspirations : chinoises bien sûr, mais aussi japonaises et françaises (les œuvres de Jules Verne).
Dès l'introduction, on sent la volonté de se calquer sur le modèle japonais qui a réussi : le studio Ghibli. En effet, sur l'un des cartons qui précède le début de l'histoire, on peut voir dessiné un rongeur, emblème de la maison de production chinoise. La conception de l'image rappelle le logo du studio japonais, qui introduit les films d'Hayao Miyazaki.
On est rapidement saisi par la qualité de l'animation, la profusion de couleurs, la fluidité des mouvements. Clairement, ce film marque l'arrivée des studios chinois dans la cour des grands. Ils ont désormais les moyens techniques de rivaliser avec Disney-Pixar, DreamsWorks et leurs concurrents japonais (entre autres). Toutefois, à la longue, cette richesse visuelle devient fatigante. Elle n'est pas toujours utilisée à bon escient, selon moi. Ceci dit, sur un très grand écran, c'est très plaisant à voir.
L'intrigue joue sur un double niveau de lecture. On commence par suivre une famille de classe moyenne, avec deux enfants. On comprend assez vite qu'après départ de sa première épouse, le père de l'héroïne s'est remarié... et vient d'avoir un garçon avec sa nouvelle compagne. Le gamin devient le "petit empereur" de la famille recomposée. La fille aînée, Shenxiu, se sent délaissée, d'autant que sa mère biologique semble avoir coupé les ponts avec sa vie d'avant. La pré-ado est en pleine dépression, ce que presque personne dans son entourage ne remarque. Elle voudrait retrouver sa vie d'avant, surtout la relation forte qu'elle entretenait avec sa mère (qu'elle appelle "Mama" dans la version originale). Une sorte de berceuse sert de leitmotiv à cette relation. C'est je crois une composition d'origine occidentale (au violoncelle), peut-être du Beethoven (ou du Schumann). Au cours d'une croisière, elle se retrouve perdue dans l'océan, où elle pense retrouver sa mère, par l'intermédiaire de créatures fabuleuses. Et c'est parti pour de trépidantes aventures.
C'est agité, avec de l'humour et un fond de cafard. Shenxiu rencontre un chef restaurateur, capitaine d'un bateau-restaurant amphibie, où le personnel comme les clients sont des animaux aux comportements humains. C'est l'occasion pour le cinéaste de se moquer quelque peu de l'attitude des riches Chinois en vacances (réputés pour leur sang-gêne... un peu comme les Français d'ailleurs). Ils sont représentés comme arrogants, obèses, grossiers... Le chef, quant à lui, utilise ses talents culinaires pour s'enrichir, quitte à profiter indûment des créatures de la mer.
Deux d'entre elles attirent l'attention : une sorte de poulpe protéiforme, qui se prend d'amitié pour l'héroïne, et le fantôme rouge qui, quand il surgit, se révèle particulièrement menaçant.
Au bout d'1h30, je commençais à me lasser de la débauche d'effets et d'une petite tendance larmoyante quand s'est produit un coup de théâtre, un twist qui a redonné à tout ce qui précède une saveur supplémentaire. Certes, la fin est un peu trop explicative, jusqu'au générique qui contient des scènes ultérieures, sans doute pour rassurer le public auquel cette histoire un peu sombre aurait fichu le bourdon. (Allez, je vous le dis : ça se termine bien.)
Je pense malgré tout que ce Tang Xiaopeng est un réalisateur à suivre.
00:14 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 19 février 2024
Tout sauf toi
Je n'avais pas entendu parler de la sortie de cette romcom (comédie romantique) mais, ce week-end, en quête de divertissement léger, je me suis laissé tenter par ce film, réalisé par Will Gluck (auquel on doit les deux Pierre Lapin) et dans lequel figure Sydney Sweeney, qui m'avait impressionné l'an dernier dans Reality.
En rentrant (tardivement) dans la salle, j'ai eu un petit choc : il n'y avait quasiment que des femmes dans le public, adolescentes ou jeunes adultes. Complétaient la séance deux mâles grisonnants plutôt bien conservés et quelques femmes entre deux âges. A priori, pas de retraité... ni d'adolescent de sexe masculin (j'ai bien regardé : aucun), ce qui a eu un gros avantage : cela sentait bon, sans odeurs de transpiration, de musc, de pet ou de pieds.
Le scénario est sans surprise : deux très jolies personnes vont se rencontrer, s'attirer, se détester, s'éloigner, se rapprocher, se repousser et, finalement, s'aimer. Je pense ne rien dévoiler d'essentiel. Tout l'intérêt du film réside dans les épreuves que le (futur) couple va devoir surmonter.
La première consiste en l'utilisation d'un cabinet de toilettes, le jour de leur rencontre, dans un café pour bobos. La ravissante demoiselle, Bea (Sweeney, dont la costumière ne nous permet pas d'ignorer qu'elle a un corps de déesse) se retrouve en fâcheuse posture, ce qui lui arrivera de nouveau au cours d'un vol de nuit à destination de l'Australie (Sydney se rendant donc à... Sydney !).
C'est la marque de fabrique de cette romance, qui veut éviter de sombrer dans la guimauve. Certaines scènes sont donc quelque peu "épicées", tout en restant grand public. Le vrai-faux prétendant de Bea, l'irritant et charmant Ben (Glen Powell, qui a dû arrêter de compter les heures passées sur le banc de muscu), va lui aussi connaître les affres de situations embarrassantes. Soyez attentifs aux scènes aquatiques et aériennes... et à ce qui se passe dans les caleçons ! Pauvre garçon...
Durant la première partie (celle de la rencontre, de la rupture puis des retrouvailles, j'ai bien ri. J'ai aussi apprécié la période de chamailleries des deux tourtereaux, invités au mariage de la sœur de Bea, en compagnie des meilleurs amis de Ben, de son ex (venue avec un surfeur doté de deux neurones), des parents de Bea... et du précédent fiancé de celle-ci.
Quand l'ambiance romantique prend le dessus (autrement dit : quand le scénariste décide que les chamailleries doivent céder la place au rapprochement sentimental), je trouve que le niveau baisse et que la dynamique est moins forte. On essaie bien de réintroduire un énorme pénis de l'enjeu en mettant en danger l'union de Claudia et Halle (un mariage gay transethnique, c'est dire si l'on frôle le "politiquement correct" à la sauce démocrate), mais cela fonctionne moyen, même quand on y ajoute la possible séparation définitive des héros.
Tout ce petit monde est interprété par des comédiens dont le recrutement a dû fortement s'appuyer sur des critères physiques. Les dames en particulier sont toutes très minces, avec un joli minois.
J'ajoute que les paysages sont superbes, à tel point que je me suis demandé si ce n'était pas l'office de tourisme de la Nouvelle-Galles-du-Sud qui avait tourné les images. En tout cas, ça donne envie d'y aller.
L'histoire s'achève sur un générique chanté collectivement et composé d'un montage d'images extraites de presque toutes les scènes du film. (En clair : lors du tournage de chaque scène, un moment a été consacré à la future chanson du générique, à charge ensuite pour les monteurs de mixer le tout.)
C'est une sorte d' « objet gentil », comme dirait Luc B.
20:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 18 février 2024
Cocorico
Le scénario de cette comédie sociétale mêle deux arguments narratifs : l'annonce d'un mariage transclasse (entre l'héritière d'un important domaine viticole et le fils d'un ex-garagiste) et la découverte de leurs origines par les quatre parents, par l'entremise de tests ADN lancés en secret par les futurs (?) mariés.
Ces deux-là ont beau jouer un rôle déterminant dans l'intrigue, ils sont moins présents à l'écran que les quatre cadors qui incarnent leurs parents. Je signale quand même la bonne prestation de Chloé Coulloud, très convaincante en jeune femme moderne.
Du côté des géniteurs, on a droit à deux beaux couples caricaturaux. A ma gauche (en haut), se trouvent les Martin, avec Gérard le garagiste devenu concessionnaire Peugeot, fier de sa francitude, marié à Nicole, épouse effacée qui ignore la composition d'une branche de son arbre généalogique. Didier Bourdon et Sylvie Testud nous livrent de fort belles compositions. Je trouve le premier mieux utilisé que dans les films de Philippe Lachaud (et on lui a réservé quelques répliques saillantes). La seconde est épatante, notamment à partir du moment où elle découvre l'origine d'une partie de sa famille. Testud incarne très bien ce personnage qui, d'une certaine manière, part en vrille.
A ma droite (en bas sur la photographie) se trouvent les Bouvier-Sauvage, une famille "vieille France", pétée de thunes, de bonne conscience et de préjugés. Le rôle de Frédéric va comme un gant à Christian Clavier, qui certes en fait des caisses... mais des caisses de Bordeaux grand cru ! A ses côtés, Marianne Denicourt est Catherine, une grande bourgeoise faussement effacée, qui va s'affirmer dans l'adversité.
La première partie nous présente les deux familles et leur rencontre, pleine de sous-entendus. C'est délicieux, caricatural, méchant. Dans la salle, ça ricanait sec.
Tout le monde attend avec impatience de découvrir ce que contient chaque enveloppe. Dans l'ordre, Gérard, Catherine, Nicole et Frédéric vont apprendre à quelle(s) population(s) leurs ADN se raccrochent... et c'est à chaque fois savoureux. Le talent du scénariste-dialoguiste-réalisateur (Julien Hervé, qui parvient presque à faire oublier qu'il a contribué à l'aventure des Tuche...) est de faire rebondir l'intrigue à chaque révélation.
La troisième partie montre les deux couples tentant de gérer les informations concernant leur passé familial. C'est inégal, parfois drôle, parfois totalement anodin. On s'achemine sans surprise vers une fin convenue, qui réconcilie tout le monde, chacun assumant sans excès son arbre généalogique...
... mais ce n'est pas tout à fait fini. Au vu de la manière dont se déroulait l'histoire, je m'attendais à un nouveau coup de théâtre, qui survient tardivement et de manière partielle... sans doute pour ménager la possibilité d'une suite.
Voilà. J'ai ri. Souvent. Peut-être pour de mauvaises raisons. Mais j'ai passé un bon moment.
P.S.
C'est clairement une comédie qui ne vise pas très haut. (Pour une fois, je suis -presque- d'accord avec ce qu'en disent les critiques du Masque & la Plume.) L'auteur s'est montré très sage dans l'exploitation de la face cachée des arbres généalogiques. De ce point de vue, un film comme Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? était plus transgressif... et Didier Bourdon qui, jadis, a joué avec Les Inconnus un sketch se moquant du théâtre de boulevard, est devenu un peu l'incarnation de ce qu'il caricaturait autrefois.
22:49 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
Léo
Sous-titré "la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci", ce film d'animation anglo-saxon (intitulé The Inventor dans sa version d'origine) ne traite que d'une petite partie de la vie de Léonard de Vinci, ses dernières années (1516-1519), qu'il a vécues sous l'autorité du pape Léon X (à Rome) puis du roi François Ier (à Amboise).
Il est composé de trois types d'images : celles mettant en scène de petites poupées filmées en stop-motion, celles, plus classiques, dessinées (évoquant des moments d'imagination) et celles qui reproduisent des croquis du "génie florentin" (les plus belles, de très loin). Je suis moyennement convaincu par l'utilisation des poupées et des maquettes. J'ai déjà vu ce procédé à l’œuvre, ailleurs... mieux fait.
Sur le fond, c'est intéressant. On nous montre un créateur protéiforme, obsédé par la recherche de la Vérité (anatomique, spirituelle...), tentant d'échapper aux foudres de l’Église catholique, mais devant se plier aux exigences de son nouveau mécène, le roi de France, hélas présenté comme un adolescent immature (tout comme les souverains d'Angleterre et d'Espagne). Les personnages féminins sont plus captivants, à commencer par celui de la reine mère, Louise de Savoie (doublée par Marion Cotillard), une femme de caractère (à laquelle, hélas, on fait manier l'épée, une totale invraisemblance). Plus cocasses sont les interventions de Marguerite d'Angoulême, la sœur aînée de François Ier (doublée par Juliette Armanet)... et la grand-mère du futur Henri IV. On fait de ce personnage le plus grand défenseur de la modernité (avec Léonard) : femme indépendante, cultivée, entreprenante (déjouant les instructions du roi). On va même jusqu'à présenter le duo Marguerite-Léonard comme précurseur du développement durable...
Le film a toutefois le mérite d'évoquer le projet (réel) de cité idéale, conçu par Léonard et devant être aménagé à Romorantin. Du coup, hélas, tout le reste de son œuvre passe au second plan : la Joconde fait tapisserie et les petites créations mécaniques de l'Italien ne sont introduites qu'en guise d'amusement. En revanche, il est un aspect de la vie de Vinci que le film se garde d'évoquer : son homosexualité. (Je parlerai bientôt d'un autre film, dans lequel, au contraire, le réalisateur fantasme plutôt l'homosexualité de son personnage principal.) Dans son périple français, il est pourtant accompagné de Francesco Melzi, présenté comme son assistant, mais qui était aussi son amant (auquel il a légué ses études et croquis).
Ceci dit, le film en dit déjà beaucoup... et même trop, pour nos têtes blondes (brunes, rousses, chauves...). Les gamins retiendront peut-être que Léonard était gaucher et capable d'écrire à l'envers mais, dans la salle où je me trouvais, les plus jeunes ont rapidement décroché. Pour ceux qui ne connaissaient rien de l'artiste-inventeur, la somme d'informations à gérer est trop importante... et je doute qu'ils aient compris quoi que ce soit quand il est question d'âme.
Du coup, je suis sorti de là mitigé.
09:54 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
vendredi, 16 février 2024
Madame Web
Sony-Columbia suit les traces de Disney, promouvant une nouvelle vague de super-héros, en féminisant et diversifiant (sur le plan ethnique) la distribution. On ne peut pas ne pas voir de similitude avec The Marvels, sorti il y a quelques mois.
Ici, l'intrigue se situe dans l'univers étendu de Spider-Man et s'inspire d'épisodes de comics que je ne connais pas (j'avais déjà arrêté d'en lire à l'époque de leur publication). J'ai donc éprouvé le plaisir de la découverte d'une ambiance à la fois familière et renouvelée, très féminisée.
L'héroïne reçoit très tôt dans la vie des pouvoirs spéciaux (prévoir l'avenir), grâce à une morsure d'araignée... mais je ne révèlerai pas dans quel contexte. Dakota Johnson prête sa plastique avantageuse à cette Cassandra Web, destinée plutôt à jouer le rôle de grande sœur dans ces aventures....
... eh, oui, la pauvre. Non seulement elle risque sa vie pour sauver celle de trois adolescentes qui mériteraient quelques gifles, mais, en plus, elle doit jouer le rôle de mère de substitution, un aspect intéressant du scénario : il met en avant une forme de "sororité" (une fois que les pisseuses ont pris un peu de plomb dans la tête) et critique indirectement la famille américaine de classe moyenne, dont sont issues les ados.
Celles-ci sont une illustration des quotas désormais à l’œuvre dans toute grosse production qui se respecte outre-Atlantique : le trio est composé d'une WASP, d'une Afro-américaine et d'une Latino. (Un partout, la balle au centre.) Notons que, si le film promeut l'égalité et l'inclusivité, c'est toujours par l'intermédiaire de petites bombasses hétéros, en mini-jupe ou crop top. (De ce point de vue, The Marvels était un poil plus audacieux, avec deux des héroïnes "bien en chair" et un soupçon d'homosexualité chez au moins une des trois.)
Ces (provisoirement) fragiles jeunes femmes se retrouvent confrontées à un mâle alpha, une sorte de self-made man doté de super-pouvoirs, incarné par... Tahar Rahim, ma fois très convaincant. Le plus intéressant dans l'histoire est que, pour le vaincre, les jeunes femmes vont devoir s'entraider et surtout... utiliser leur cerveau. Rien que pour cela, je trouve que ce film mérite le détour. Les effets spéciaux sont de qualité et, si le scénario souffre parfois d'approximations et d'un peu trop de "juste à temps", on passe un bon moment.
P.S.
Le public habituel des adaptations de comics, plutôt masculin et adepte d'une vision traditionnelle des rôles (le mec baraqué en sauveur, la jolie demoiselle impressionnée par la grosse bosse dans son costume hyper-moulant son altruisme et ses super-pouvoirs) semble ne pas avoir apprécié cette nouvelle recette : le film se fait méchamment (et - à mon avis - injustement) descendre sur Allociné dans l'évaluation des spectateurs.
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mercredi, 14 février 2024
Chien & chat
Cette comédie romantique joue sur les relations entre les membres d'un double duo, celui formé par une chatte instagrameuse et un chiot abandonné d'un côté, une influenceuse et un cambrioleur de l'autre. Les premiers sont doublés (avec talent) par Inès Reg et Artus. Les second sont incarnés par Reem Kherici (la réalisatrice) et Franck Dubosc.
Ces associations jouent sur les contrastes : un chien et une chatte (numériques) d'un côté, une tonitruante influenceuse et un cambrioleur discrétissime de l'autre. Sans surprise, ceux qui, au départ, ont du mal à se supporter, vont finir par s'entraider et s'apprécier.
Si la fin est des plus convenues, le chemin pour y parvenir l'est moins. On nous propose une série de péripéties assez rocambolesques, avec cascades et situations cocasses à la clé. C'est bien filmé, de manière efficace, et monté au cordeau. Une présence apporte un peu de sel à cette histoire, celle d'un étrange policier, à la fois redoutable adversaire et personnage destiné à s'en prendre plein la figure, que ce soit à cause des animaux ou des humains. Dans le rôle, Philippe Lacheau (venu prêter main-forte à son ex) excelle.
Derrière la caméra, Reem Kherici se débrouille plutôt bien. Sans atteindre le niveau des films tournés par Lacheau, le résultat est meilleur (et moins vulgos) que le récent 3 jours max (de Tarek Boudali). Dans la salle, on a ri, de sept à soixante-dix-sept ans.
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Vivre avec les loups
Jean-Michel Bertrand est de retour, avec son sujet de prédilection... et une cadreuse/directrice de la photographie de talent : Marie Amiguet, dont on a pu déjà apprécier le travail sur La Panthère des neiges.
Bertrand est un amoureux de la nature, de la montagne, un mec sincère, selon moi. On l'accuse parfois d'être le loup écologiste qui s'avance revêtu d'une peau de brebis. Je trouve qu'ici le propos est moins manichéen que dans ses précédents films, notamment La Vallée des loups.
La moitié du temps, on le suit à l'affût, dans sa cabane au Canada alpine ou à proximité. C'est toujours aussi passionnant à suivre, que les images soient de beaux plans chiadés ou des extraits des caméras à déclenchement automatique. (Même les scènes montrant la vie quotidienne -rustique- de Bertrand sont intéressantes.) On retrouve une grande partie de la faune sauvage aperçue auparavant. Le cinéaste se concentre sur les loups, notamment un couple qu'il avait repéré. La femelle était sur le point de mettre bas... mais il n'a jamais vu les petits. Les parents eux-mêmes ont disparu... et une (autre) petite meute est apparue, à la limite de leur territoire.
C'est l'un des grands mérites de ce film (notamment par rapport aux précédents) : ne pas hésiter à montrer à l'écran les effets de la violence de ce prédateur, sur la faune sauvage, mais surtout sur la faune domestique.
L'autre moitié du film (par morceaux) narre les voyages de Bertrand, dans différentes régions où la présence du loup est avérée. On va de l'Italie du Nord à la Normandie, en passant par la Bretagne, le Massif Central et la Suisse. A chaque fois, le cinéaste rencontre des éleveurs et des bergers, qu'il a sans doute choisis parmi les moins hostiles au loup. (Les autres l'ont peut-être menacé, comme le suggère une courte scène du début.) J'ai bien aimé voir ces jeunes, plutôt citadins d'origine, exposer leur ressenti, leurs doutes quant à leur "mission" : contribuer à faire exister un élevage résilient, qui s'habituerait à la présence du loup (grâce à la pose de clôtures et à la présence de chiens, notamment patous).
Le film est suffisamment bien fait pour que partisans et adversaires du loup s'y retrouvent (au moins en partie). Je remarque que, parmi les jeunes bergers qui continuent à croire en la coexistence possible, c'est plutôt le fatalisme qui domine : les éleveurs devraient se résigner à un "pourcentage de pertes"... On est libre d'adhérer ou pas à ce propos.
Il me reste à aborder le principal point faible de ce documentaire : la contextualisation. Un parc naturel national (comme celui des Écrins) n'a pas les mêmes fonctions qu'un parc naturel régional (comme celui de l'Aubrac ou des Grands Causses en Aveyron). L'objectif principal d'un PN est la conservation du milieu naturel. L'activité humaine est même proscrite en zone cœur. Là est possible la réintroduction d'un prédateur tel que le loup. En revanche les PNR, conçus par les acteurs locaux, sont d'abord des outils de développement rural. On tente d'y concilier activités humaines et protection de l'environnement. La réintroduction du loup dans ces espaces menace le concept même de parc régional ainsi que le maintien de certaines appellations agricoles (AOP, IGP), qui induisent un élevage extensif, le seul menacé par le retour des grands prédateurs.
P.S.
Avec ce film, Jean-Michel Bertrand ne livre pas un simple nouveau documentaire. Il semble faire une sorte de bilan. Il m'a un peu rappelé le Luc Jacquet de Voyage au pôle Sud.
15:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
La Zone d'intérêt
Grand Prix au dernier festival de Cannes (certains affirmant que c'est la vraie Palme d'or), cette fiction à caractère documentaire de Jonathan Glaser a été tournée en allemand (pour plus de réalisme, je présume). Les dialogues n'y occupent toutefois guère de place, l'essentiel du signifiant étant porté par ce que l'on voit à l'écran... et ce que l'on n'y voit pas, mais dont on devine la présence.
C'est toute la question qui se pose, quand on traite du fonctionnement du camp d'Auschwitz (qui, rappelons-le, fut un camp triple : d'abord de concentration, auquel se sont ajoutées deux annexes, une usine chimique et un centre d'extermination, Birkenau).
C'est dans ce sens je pense qu'il faut comprendre l'écran noir du début. Certaines choses sont immontrables, mais on peut quand même les évoquer avec force, grâce à la mise en scène.
Il convient donc d'être attentif aux détails, à ce qui entre au domicile de la famille de Rudolf Hœss, à ce dont on discute le plus souvent à demi-mots, à ce qu'on peut voir quand on est à la porte d'entrée ou dans le jardin.
Le reste du temps, on nous présente la vie ordinaire d'une famille traditionnelle de cadre supérieur, l'épouse s'occupant du foyer, l'époux partant au travail le matin, revenant le soir. L'épouse (tout aussi nazie que le mari) dispose de domestiques, soit des Polonaises (catholiques) du coin, soit des détenues allemandes (non juives). Toutes sont consciences de la précarité de leur situation et des petits avantages qu'il y a à travailler sous la houlette d'une maîtresse de maison, même acariâtre.
Cella-ci, interprétée par Sandra Hüller, vole presque la vedette à Christian Friedel (qui incarne Hœss). Le directeur du camp (de 1940 à 1943) gardera une partie de son mystère, tandis que le caractère de son épouse se dévoile au fur et à mesure que le film avance... et ce n'est pas à l'avantage du personnage.
Martyriser des déportés et exterminer des juifs et des Tsiganes est donc un travail comme les autres pour les cadres nazis. Ils prennent soin de célébrer l'anniversaire du patron, à l'entrée de sa maison, de l'autre côté de la rue où commence le camp. Dans son salon, Hœss reçoit des gradés et les représentants d'entreprises qui tentent d'obtenir un marché crucial : celui de la construction de nouveaux crématoires et de nouvelles chambres à gaz. On est en pleine horreur humaine, mais filmée de manière glacée, frontale, sans explication. J'ai trouvé cela brillant, mais pas facile à supporter sur le plan émotionnel.
Une séquence particulièrement signifiante est celle de la venue de la belle-mère de Hœss. Ancienne femme de ménage, elle vit comme une ascension sociale le mariage de sa fille avec un dignitaire nazi. Elle est ravie de découvrir la maison de maître (même si elle n'est pas aussi grande qu'elle se l'imaginait), la présence de domestiques (aucune n'étant juive, prend-on la peine de lui préciser)... et les petits à-côtés. Elle a appris qu'une de ses anciennes patronnes juives a été déportée au camp, sans que cela l'afflige... mais elle ne sait pas tout. Durant son bref séjour, elle va dormir dans l'une des chambres des enfants du couple Hœss. (Ils ont cinq gosses !) L'une des fenêtres donne sur le camp. De temps en temps, de la fumée sort de cheminées, au loin. Elle entend ce qui ressemble à l'arrivée de trains, des cris étouffés... La belle-mère finit par comprendre ce qu'il se passe "de l'autre côté". Je laisse à chacun(e) le plaisir de découvrir sa réaction.
Tout le film est comme cela, par petites touches glaçantes, la caméra et le hors-champ suggérant beaucoup, pour qui prend la peine d'écouter, de regarder et de réfléchir.
Certes, compte tenu de son sujet, c'est un film assez pénible (sur le fond), mais, sur la forme, c'est magistral.
P.S.
Pour mieux comprendre la psychologie de Rudolf Hœss, on peut lire son autobiographie (rééditée en collection de poche), rédigée quand il était emprisonné en Pologne, attendant d'être jugé, après guerre. En dépit des tentatives d'autojustification (énoncées sans doute pour échapper à la peine de mort), son témoignage est fort instructif, à la fois sur l'auteur et sur le milieu dans lequel il a évolué, de sa jeunesse au commandement du camp.
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lundi, 12 février 2024
Pauvres Créatures
J'ai enfin pu voir (en version originale sous-titrée) ce film de Yorgos Lanthimos, une sorte d'anti-conte de fées féministe. Cela démarre dans une ambiance victorienne, chez un médecin au visage rafistolé qui fait immanquablement penser à la créature du docteur Frankenstein... sauf que ce Godwin Baxter est médecin, du genre inventif. Dans le rôle, Willem Dafoe est (une fois de plus) épatant. La caméra, par le choix des focales et des prises de vue, contribue à un sentiment d'étrangeté. La musique est à l'unisson.
On découvre très vite l'étrange fille de "God", Bella, au comportement erratique, fantasque. Elle est cruelle et sans filtre, à l'image d'une grande enfant à laquelle on n'aurait pas enseigné les limites. Le film est l'histoire de son auto-éducation, de sa libération et de son asservissement. Emma Stone prête corps et esprit à ce personnage hors du commun. Elle irradie durant tout le film.
Un déclic se produit quand la jeune femme goûte au "fruit défendu", d'abord toute seule, puis en compagnie d'un bellâtre narcissique, incarné par un Mark Ruffalo surprenant. Leur idylle prend chair dans un Lisbonne uchronique, mis en scène avec un incontestable brio. Petit à petit, le rapport de force s'inverse entre le vieux beau et sa jeune apprentie, qui prend de l'assurance.
Un autre tournant survient durant une croisière de luxe. C'est l'occasion pour l'héroïne d'acquérir d'autres "compétences" que sexuelles. Une dame âgée lui fait découvrir la littérature. Le temps de la maturation intellectuelle commence, ce qui conduit la jeune femme à porter un autre regard sur les adultes qui l'entourent. Toujours aussi bien mise en scène (et interprétée), cette partie m'a enchanté.
Je n'en dirais pas autant de l'épisode parisien. Visuellement, il rappelle la période lisboète. C'est donc joli à regarder, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur (avec toujours une bonne utilisation des espaces). Mais, sur le fond, je n'ai guère goûté cette quasi-apologie de la prostitution volontaire, appuyée de surcroît par une mise en scène limite putassière. On sent que le réalisateur a aimé filmer les corps nus, dans des positions peu valorisantes. J'y ai vu comme une mise en abyme, la comédienne se prostituant volontairement à la caméra.
L'intrigue rebondit dans les deux dernières parties, que je ne raconterai pas. L'intérêt pour le film grandit à nouveau, jusqu'à une conclusion assez piquante.
Voilà. J'ai été emballé. C'est brillant sur le plan visuel, les plans étant nourris de détails parfois croquignolesques, comme ces animaux chimères dans le jardin du médecin. Sur le fond, c'est signifiant, même si je ne suis pas toujours d'accord avec le propos. Après La Favorite et The Lobster, Lanthimos confirme qu'il est l'un des réalisateurs les plus talentueux de notre époque.
10:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 11 février 2024
Le Royaume de Kensuke
C'est à un duo britannique que l'on doit cette animation (adaptée d'un roman), destinée a priori à tous les publics. L'intrigue doit se dérouler dans les années 1990, même si aucun contexte précis n'est donné. On sait juste que le vieil homme qui habite l'île perdue est un ancien soldat japonais, sans doute âgé de 70-80 ans. On pense évidemment à Onoda, même si son histoire est quelque peu différente.
Avant d'en arriver à cette rencontre, on découvre une famille (britannique) en vacances, sur un voilier. La père et la mère sont accompagnés de leurs deux enfants, l'aînée plus mature que le cadet, un garçon assez capricieux... dont on finit par comprendre qu'il est parvenu à introduire un passager clandestin... plutôt une passagère... très poilue (Stella).
Ce début m'a un peu agacé. J'y ai retrouvé, concernant les enfants et adolescents, des clichés trop souvent répandus dans le cinéma de fiction. Soit c'est un lieu commun pour les auteurs du Septième art, soit c'est une méthode peu subtile pour faire avancer le scénario dans la direction voulue (les gamins/ados faisant immanquablement de grosses bêtises), soit nos amis les artistes vivent dans des familles peuplées de gosses mal élevés. J'en côtoie (pré-adolescents comme adolescents) assez régulièrement et je trouve que l'écrasante majorité d'entre eux est bien plus fréquentable que les personnages censés les représenter sur grand écran.
De ce début je sauverais juste l'apparition de la passagère clandestine poilue, incontestablement la plus sympathique des protagonistes... de surcroît très bien dessinée et animée. Il ne lui manque que la parole !
Pour moi, le film décolle vraiment à partir du moment où l'action se déroule sur l'île. La qualité du dessin est particulièrement visible au niveau des animaux : orangs-outans, oiseaux, insectes... La forêt équatoriale (tropicale ?) réserve bien des surprises, une fois que ce petit con de Michael commence à l'explorer. Il y entre en contact avec le Kensuke du titre, le seul autre occupant humain... qui ne parle pas la même langue que lui.
Un des enjeux de l'histoire est la naissance de cette improbable relation amicale, entre un gamin qui va rapidement beaucoup apprendre de la vie et un vieillard qui au départ ne goûte que la compagnie des forces de la nature. L'insertion progressive du gamin dans la vie quotidienne de Kensuke est touchante (bien que, là encore, agaçante au départ).
D'autres humains vont débarquer sur l'île. Ils représentent clairement une menace : ils sont armés et se déplacent dans un bateau d'où s'échappe une vilaine fumée noire. On n'en saura guère plus sur eux. Ils sont juste là pour servir de repoussoir... tout comme l'armée américaine, présente dans les souvenirs de Kensuke.
Celui-ci, comme Michael, a "perdu" sa famille et a trouvé du réconfort dans la compagnie des animaux. Les deux humains vont tisser des liens, entre eux et avec les animaux, dans un contexte de quasi-paradis tropical, tellement bien aménagé par le vieil homme qu'on se croirait parfois dans un village-vacances écolo-responsable.
C'est, pour moi, là où le bât blesse. Au-delà des belles images et du propos tout à fait louable en faveur du respect de la nature, on nage en plein politiquement correct, avec de gros sabots. Pour des adultes, cela manque singulièrement de subtilité. Pour des enfants, cela peut passer.
Un film à recommander aux (grands)parents de gauche qui voudraient formater l'esprit de leurs (petits)enfants.
23:23 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
A Man
C'est un peu par hasard que je suis allé voir ce film japonais, d'un réalisateur inconnu (Kei Ishikawa). J'ai été attiré par l'histoire de l'épouse qui découvre, à la mort de son mari, qu'il n'était pas celui qu'il prétendait.
Mais avant d'en arriver là, le cinéaste prend son temps. Il nous conte la naissance d'un amour, en province. Lui est un jeune homme emprunté, dessinateur compulsif, nouveau venu dans la petite ville. Elle est la fille de commerçants du coin. Elle a vécu à Yokohama (dans le Grand Tokyo), s'y est mariée, a eu deux enfants, puis a divorcé. Elle est revenue épauler ses parents dans la boutique de papeterie, juste avant la mort de son père. Ce contexte familial n'est pas ce qu'il y a de mieux mis en scène. En revanche, la naissance de l'histoire d'amour est belle, tout comme la description d'une nouvelle vie de famille... jusqu'à l'accident. (Notons que les scènes de sylviculture sont plutôt bien conçues et font respirer l'intrigue.)
A partir de là, le polar prend le dessus. La jeune veuve engage son ancien avocat (qui l'a aidée pour son divorce). Celui-ci va donc enquêter sur le mari... mais aussi sur une personne qui porte le même nom. Dans le même temps, on découvre la vie privée du juriste, un beau gosse assez brillant, qui a la particularité d'être d'origine coréenne, ce que son beau-père (extrême-)droitier n'oublie pas de rappeler à l'occasion d'un repas de famille. J'ai aussi bien aimé les scènes de travail, au cabinet juridique, qui font intervenir l'avocat et son associé.
En fait, l'enquête est un prétexte pour aborder des thèmes sociaux : l'usurpation d'identité, la disparition volontaire, la peine de mort, le racisme (principalement anti-coréen)... ainsi que l'univers de la boxe ! La deuxième partie du film est vraiment passionnante, tout en étant marquée par une grande délicatesse dans la peinture des relations humaines.
Le personnage du fils aîné de l'héroïne prend un peu d'ampleur. Il se pose des questions sur son identité. Tout jeune, il a porté le nom de famille de son géniteur (qu'il a peu connu), avant de prendre celui de sa mère, après le divorce. Le remariage de celle-ci l'a conduit à adopter le nom -officiel- du bûcheron dessinateur, dont il apprend qu'il est usurpé. L'incertitude quant à l'identité réelle du second mari a des répercussions inattendues, au niveau des rites funéraires mais aussi de la transmission du produit d'une assurance-vie.
Le séduisant avocat fait preuve d'une singulière opiniâtreté dans la résolution de cette affaire. Elle semble prendre un tour de plus en plus personnel. Cette dernière partie est un peu plus languissante, peut-être un poil moins réussie que les précédentes. Le réalisateur finit par boucler ses trois arcs narratifs... et nous réserve un petit coup de théâtre final, que chacun interprètera à sa guise.
La sortie de ce film fut discrète, mais je conseille de ne pas le rater s'il passe près de chez vous.
P.S.
Certains des acteurs paraîtront familiers aux amateurs de productions japonaises. Ainsi, l'avocat est incarné par Satoshi Tsumabuki, vu l'an dernier dans La Famille Asada, tandis que Sakura Andô (la veuve) figure dans la distribution du récent Godzilla Minus One. Quant à Akira Emoto (qui interprète un criminel emprisonné), c'est un vétéran du septième art nippon, qu'on a pu voir dans L'Anguille, Zaitochi ou encore John Rabe.
10:21 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 09 février 2024
Chasse gardée
Au mois de janvier, ce film a été l'un des plus gros succès (en terme d'entrées) au cinéma de Rodez, avec... Les SEGPA au ski... ce qui a fait dire à l'une de mes connaissances que la succession de la vieille génération de beaufs était déjà assurée.
Faisant fi de ces préjugés, je me suis glissé dans une salle obscure, histoire de vérifier si cette comédie de prime abord franchouillarde ne valait pas mieux que cela.
Le début est sans surprise, chaque groupe socio-professionnel étant dans son bain, une sorte de nouvelle version des rats des villes et des rats des champs. (Cette amorce ne donne pas du tout envie de vivre à Paris.)
On attend avec impatience que débute la confrontation. Le réalisateur Frédéric Forestier (auquel on doit aussi bien Le Boulet et Stars 80 que Les Bodin's en Thaïlande...) fait durer le plaisir : les ruraux accueillent plutôt bien les Parisiens, qui font des efforts pour s'intégrer à la vie du village picard.
La première partie de chasse est assez spectaculaire. C'est l'occasion de découvrir un sanglier dont on n'a pas fini d'entendre parler dans la suite de l'histoire. L'intrigue commence à se corser quand débarque peut-être la meilleure séquence, celle qui fait intervenir Thierry Lhermitte (le papa de la Parisienne, accessoirement redoutable avocat). Le repas de chasse vaut son pesant de terrine... et il est une nouvelle preuve qu'en France, la bouffe et le pinard contribuent au "vivre ensemble".
La suite vire à la quasi-guerre civile. C'est plaisant parce que, des deux côtés, les comédiens ne se prennent pas au sérieux... tout en incarnant leur personnage avec conviction.
Le scénario ménage plusieurs rebondissements. Tout le monde en prend pour son grade et, au final, chacun fait des concessions. L'histoire se conclut de manière consensuelle (anciens et néo-ruraux se coalisant contre une nouvelle menace), sur une chanson de Bourvil.
Ce n'est pas la comédie du siècle, mais elle détend... et, comme dasola, je trouve qu'elle vaut mieux que ce qui transparaît dans la bande-annonce.
P.S. I
Le titre fait référence à une réplique, dans la bouche d'un personnage féminin... non chasseur.
P.S. II
Didier Bourdon figurant en tête de distribution, les spectateurs de ma génération attendent avec impatience le moment où il sera fait allusion au célèbre sketch des Inconnus... Il faut patienter longtemps, jusqu'à une partie de chasse qui vire au complot.
21:44 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mercredi, 07 février 2024
Daaaaaali !
Anaïs Demoustier
Edouard Baer
Jonathan Cohen
Pio Marmaï
Didier Flamand
Jean-Marie Winling
Romain Duris
Gilles Lellouche
Boris Gillot
... nous ravissent dans le dernier film de Quentin Dupieux. Outre la performance des acteurs (au premier rang desquels je place Jonathan Cohen et Edouard Baer), il faut signaler l'inventivité de la mise en scène et l'habileté du scénario, mieux ficelé que d'habitude. On a ainsi droit à des récits emboîtés, des scènes tournées à l'envers, de la mise en abyme, du non-sens, de l'incongruité... et pas mal d'humour.
Outre celui de Salvador Dali, l'esprit de Luis Buñuel souffle sur ce film enlevé, qui se moque de tout sauf de son public et égratigne au passage aussi bien le marché de l'art que le vedettariat.
Voilà l’œuvre qui aurait dû représenter la France aux Oscar !
20:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, culture, peinture
La Tresse
J'ai fini par me laisser traîner dans une salle obscure pour voir l'adaptation du roman à succès de Laetitia Colombani (par elle-même). Dans la salle, j'ai ressenti la curieuse impression qu'une brochette de mâles étaient dans la même situation que moi.
Hélas, seules des séances en version doublée sont disponibles dans mon cinéma local. Pour la partie canadienne, ce n'est pas gênant. Les voix semblent correspondre aux personnages. Cela devient limite pour la partie italienne, durant laquelle j'aurais tellement aimé entendre parler la langue de Giorgia Meloni Dante. De surcroît, dans cette partie, il est question d'un migrant indien (sikh) qui tente de s'améliorer dans la compréhension et la pratique de l'italien. (A ce sujet, on remarque qu'il progresse très rapidement dans la compréhension de l'Italienne...) Le pire est atteint dans la partie indienne. Elle est très correctement filmée mais, la plupart du temps, les voix ne correspondent pas aux personnages. Cela m'a gêné.
J'ai tout de même apprécié ces portraits de femmes lumineuses, de la mère de famille intouchable qui veut un autre destin pour sa fille unique à la brillante avocate divorcée, en passant par la jeune fille de patron de PME, assez anticonformiste. Chez ce personnage, j'ai particulièrement aimé qu'on montre une protagoniste adepte de la lecture, une activité hélas souvent complètement absente des films de fiction.
Je ne suis toutefois pas emballé par le cœur de l'intrigue. Le scénario place progressivement les trois héroïnes au fond du trou, de manière très appuyée. C'est assez attendu concernant l'Intouchable, dont j'aime toutefois qu'elle conserve sa combativité. (Par contre, sa gamine...) J'ai trouvé très datée (ie patriarcale) l'ambiance familiale italienne. Sérieusement, au XXIe siècle, en Italie ? J'ai été presque énervé par la partie canadienne, avec une héroïne agaçante à force de vouloir tout contrôler : avocate géniale, super-maman et guerrière implacable contre le cancer. Le principe de réalité finit par s'imposer à elle, mais il n'était pas nécessaire d'être aussi manichéen.
Bref, ce n'est pas inintéressant (surtout dans la V.O. à mon avis), mais c'est trop surligné pour moi.
13:32 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
dimanche, 04 février 2024
Le Dernier des Juifs
... de sa cité. Tel est le sort qui pend au nez de Bellisha, une sorte de Tanguy juif, qui ne parvient pas à quitter l'appartement familial, qu'il partage avec sa mère, gravement malade. L'immeuble comme le quartier, jadis marqués par la présence juive (notamment originaire d'Afrique du Nord) est aujourd'hui majoritairement peuplé de (descendants de) migrants musulmans, certains hostiles aux "sionistes de merde" comme ils sont parfois appelés.
Noé Debré réussit le tour de force de traiter avec malice (et subtilité) de sujets sérieux : la montée d'un virulent antisémitisme paré de la défense des Palestiniens, la nostalgie d'un monde qui n'est plus et les soubresauts d'une relation mère-fils.
Le film doit beaucoup à la qualité de ses deux interprètes principaux : Agnès Jaoui en mère juive lucide (qui fait semblant de croire aux mensonges de son fils) et Michael Zindel, tout en finesse, dans le rôle d'un jeune rêveur qui ne veut pas se laisser enfermer dans les préjugés et les catégories édictés par les adultes. (Il entretient une relation secrète avec une jeune métis... mariée !) On pourrait croire son personnage destiné à être broyé par la méchanceté humaine, mais en fait il est à la fois habile et désarmant, tout comme le scénario.
Celui-ci joue sur les clichés et les préjugés qui entourent nos concitoyens juifs. Ainsi, dès qu'un drame survient au Proche-Orient, certains abrutis en tiennent pour responsables les juifs du monde entier, y compris ceux de Seine-Saint-Denis. Pas de bol pour eux : ils se trompent d'appartement, l'inscription antisémite "décorant" la porte d'entrée des voisins... chinois. Plus tard, le domicile de Giselle et Bellisha finit par être cambriolé... mais les voyous n'y trouvent rien d'intéressant, alors qu'ils croyaient les "feujs" pétés de thunes...
Le second degré est aussi présent dans la manière dont les deux "assiégés" évoquent leur situation. Ainsi, lorsque la mère parle de la nécessité de quitter le quartier, plusieurs solutions sont envisagées, en France... et à l'étranger. Mais, lorsque son fils (pourtant partisan de rester) évoque la possibilité d'émigrer en Israël, c'est la mère qui refuse, jugeant que là-bas, c'est plein de juifs et que, du coup, ils risquent fort de se faire escroquer !
Le même procédé est à l’œuvre quand Bellisha héberge un jeune délinquant de la cité d'origine subsaharienne. Celui-ci lui avoue ne pas aimer les juifs... mais que, lui ça va, il l'apprécie. Quand Bellisha, interloqué, lui demande s'ils connaît d'autres juifs (ce qui pourrait expliquer la mauvaise opinion qu'il a d'eux), le délinquant lui répond que non, avant de se souvenir d'un mec qui a joué dans le même club de foot que lui... avec qui il s'entendait bien.
D'autres moments sont tout aussi réjouissants et signifiants, comme le passage avec les élus municipaux (d'ardents défenseurs de la "cause" palestinienne... qui ne veulent surtout pas être soupçonnés d'antisémitisme) ou celui du cours de krav-maga, durant lequel le frêle Bellisha montre qu'il possède des ressources inattendues. J'ai aussi adoré l'une des séquences du début, qui voit le jeune homme tenter de faire signer un contrat d'installation de pompe à chaleur à un vieil homme alcoolique.
Le dernier tiers du film est plus dans l'émotion, avec la relation mère-fils qui prend un tour moins joyeux. J'ai été touché, par cette partie comme par le reste de l'histoire, qui baigne dans les chansons d'Enrico Macias, sur fond de quartier HLM.
Compte tenu du contexte à la fois français et international, le film a hélas peu de succès. Je conseille de se précipiter pour le voir tant qu'il est à l'affiche.
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samedi, 03 février 2024
Argylle
Le nouveau long-métrage de l'un des enfants terribles d'Hollywood, Matthew Vaughn, oscille en l'hommage et la parodie de classiques du film d'espionnage ou d'action. On est immédiatement mis en condition avec une séquence brillante qui entremêle les clins d’œil au dernier James Bond et à Mission impossible. On sent aussi que, derrière la caméra, Vaughn veut montrer qu'il n'a rien à envier à certains petits maîtres contemporains. Il le confirme avec l'éblouissante séquence du train, à la fois ultraviolente et cocasse, décalque évident de Bullet Train. Dans le rôle de l'agent aussi redoutable que décontracté, Sam Rockwell est chargé de faire (un peu) oublier Brad Pitt. Je trouve qu'il y arrive. Globalement, il réalise une excellente performance dans ce film.
La séquence du train (pour moi la meilleure du film) n'est pas un simple décalque de son modèle. Elle met en œuvre certains des principes appliqués par Vaughn tout au long de l'histoire, avec un montage haché, limite virtuose, qui entretient la confusion entre la fiction et la réalité. Le cinéaste nous embarque dans un périple violent et halluciné, gagné par la surenchère.
Ce sont souvent les acteurs que l'on voit dans au moins deux versions d'une histoire qui s'en sortent le mieux. Ils nous montrent plusieurs facettes de leur talent. Cela nous amène à Bryce Dallas Howard, dont le personnage d'Elly est le plus protéiforme de l'intrigue. La comédienne rend crédible presque toutes ses incarnations... mais, au bout d'un moment, cela finit par ne plus être vraisemblable du tout (en gros : dès qu'elle porte la robe jaune, vraiment moche... Il paraît que c'est du Versace...).
Visiblement, la production a laissé les mains libres à Vaughn. Résultat : 200 millions de dollars pas toujours bien utilisés. Je pense notamment à l'une des séquences de baston, évidemment parodique, évidemment référencée : celle qui se déroule dans le mystérieux QG de la Division. C'est une relecture rose-bonbon d'un des Kingsman que j'ai trouvée proche du ridicule, quand bien même la mise en scène serait chiadée. (Et donc oui : Vaughn s'autoparodie...)
Pendant environ 1h30, c'est drôle, surprenant, enlevé. On accepte les "juste à temps", quelques grosses ficelles et des acteurs qui en font des caisses... même le chat cabotine ! (Mais, celui-là, je l'adore !) Les trente dernières minutes tombent dans l'action-guimauve, avec un manque de vraisemblance devenu excessif. Dommage, parce deux gros tiers du film sont bien.
20:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 02 février 2024
La Ferme des Bertrand
Ce documentaire agricole retrace les grandes évolutions d'une exploitation familiale (bovine), en Haute-Savoie (commune de Mieussy), de 1972 à 2022. Les images ont été tournées en 1972 (en noir et blanc), en 1997 (en couleurs, "granuleuses", de format carré) et en 2022 (de très bonne qualité). L'auteur est un documentariste connu, Gilles Perret, engagé à gauche. On lui doit notamment Les Jours heureux et La Sociale. Ici (peut-être parce qu'il est originaire du coin), le propos militant a tendance à s'effacer derrière la volonté de rendre hommage à une lignée de travailleurs.
Les images datant de 1972 sont les moins nombreuses. On y voit un trio de frères, jeunes, vigoureux, qui ont repris l'exploitation familiale après des trajectoires diverses, l'un des trois étant, dans un premier temps, parti chercher son bonheur à la ville. Deux d'entre eux ont effectué leur service militaire en Algérie. Au début des années 1970, l'exploitation n'est quasiment pas mécanisée.
Vingt-cinq ans plus tard, en 1997, les trois frères sont toujours à l’œuvre... et toujours célibataires. Du coup, c'est l'un de leurs neveux, Patrick, qui les a rejoints. (Il est sans doute le fils de l'une de leurs sœurs.) Lui est marié (à Hélène, co-exploitante) et a trois enfants, deux filles et un garçon, que l'on fait témoigner. Les tracteurs et autres machines agricoles sont devenus très présents. Le travail semble moins pénible qu'autrefois.
En 2022, deux des trois oncles sont décédés... tout comme Patrick (à 50 ans). Sa veuve est sur le point de prendre sa retraite, laissant son fils Marc et l'un de ses gendres mener leur barque. L'exploitation va se doter d'une salle de traite automatique. La nouvelle génération est encore plus branchée machines que la précédente (au point de limiter le plus possible le travail strictement manuel)... et elle est plus présente auprès des membres de sa famille.
J'ai trouvé cela passionnant et beau. Cela dure 1h25 et l'on est pris par la diversité des thèmes abordés et l'habileté du montage, qui alterne les séquences issues de périodes différentes, plutôt que de proposer un suivi strictement chronologique.
Je recommande vivement.
18:49 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société, histoire, agriculture, france