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lundi, 15 août 2022

Nope

   Découvert avec Get Out, le cinéaste Jordan Peele récidive avec ce film de genre, où il joue sur les codes pour faire passer quelques messages, parfois avec humour.

   Le titre est une manière familière de dire "non", un peu l'équivalent de notre "naan" en français. On l'entend à plusieurs reprises dans le film : dans la bouche de la sœur du héros, quand elle présente l'activité de dressage de chevaux à l'équipe de cinéma, dans la bouche du héros lui-même, quand il se refuse (à raison...) de sortir d'un véhicule en pleine intervention surnaturelle... et dans une scène marquante, riche en symboles, quand un personnage s'adresse à un singe devenu violent.

   Cette fameuse scène du début, qui intrigue tant certains spectateurs (et dont une version tronquée nous est d'abord proposée, sans la moindre explication), va revenir deux fois dans la suite du film. Il s'agit du tournage d'une sitcom (dans les années 1990), auquel participe un enfant d'origine asiatique que l'on retrouve dans d'autres scènes, à l'âge adulte. Au premier degré, on est incité à penser que la furie qui s'empare du singe s'apparente au déchaînement de violence provoqué par l'entité mystérieuse qui se cache dans un nuage immobile, à proximité du ranch du héros. Au second degré, la révolte du singe (auparavant soumis) contre les adultes blancs du studio de tournage pourrait évoquer la condition noire aux États-Unis.

   Car il y a un sous-texte "racial" à l'histoire. Sur un plan général, le cinéaste avait la volonté de bâtir une intrigue dont les héros seraient des Afro-américains, mais où leur condition de "Noirs" ne serait pas un élément-clé de l'histoire. Leurs personnages se trouvent simplement là où se produit quelque chose d'extraordinaire, à l'image de tant de Wasp dans les productions hollywoodiennes.

   Mais il a ajouté plusieurs éléments que l'on pourrait qualifier de revendicatifs. Tout d'abord, il y a cette famille afro-américaine qui gère un ranch où sont élevés des chevaux pour le cinéma. On y voit des cowboys noirs, une allusion à un fait historique longtemps passé sous silence. (Sur le sujet, voir un passionnant reportage diffusé sur Arte en 2020.) Plus pointue est la référence à un proto-film datant de la fin du XIXe siècle. Intitulé ici « Horse in motion », il s'agit en réalité de « Sallie Gardner at a Gallop », la Sallie en question n'étant pas la cavalière... mais la jument :

Nope 1.jpg

   Dans Nope, Emerald Haywood (l'irritante sœur du héros), affirme que le cavalier est noir et qu'il est l'un de ses ancêtres, ainsi que ne cessait de le répéter son propre père, décédé au début de l'histoire. Il est possible qu'elle ait raison... tout comme il est possible que le visage en apparence sombre du cavalier soit en réalité le résultat d'un contrejour ou de la mauvaise qualité des photographies prises pour réaliser le montage.

   Mais là n'est pas (à mon avis) l'essentiel du film. Il s'agit d'abord d'une œuvre à mi-chemin entre le fantastique et l'épouvante. Le réalisateur joue avec les codes, utilisant notamment la musique et le hors-champ pour suggérer... et parfois nous tromper. Le premier tiers du film, parfois volontairement allusif ou obscur, est émaillé d'humour. Il risque de désarçonner les blaireaux qui se glisseraient dans la salle en espérant voir l'une de ces productions industrielles qu'on balance aux ados en mal de sensations. (Je note toutefois que, lors de ma séance, le film a captivé son audience très diverse.) Il y a du (bon) Shyamalan dans cette manière de traiter l'intrigue, forçant le spectateur à faire fonctionner ses neurones.

   On peut aussi se contenter de jouir du spectacle. C'est bien mis en scène, avec quelques moments particulièrement inspirés. Je pense notamment à la scène de "digestion", en plein orage (je n'en dis pas plus) ou encore au dévoilement final de l'entité extraterrestre. Dans le détail, on s'intéressera à certains plans nocturnes, vraiment bien foutus, en particulier un où l'on voit le blanc des yeux du héros se détacher dans l'obscurité.

   Il y a bien quelques passages irritants, souvent liés au respect des codes du genre : plusieurs personnages font ce qu'ils ne devraient pas faire. J'ai aussi été un peu agacé (surtout au début) par le personnage de la sœur, une caricature de citadine, évidemment opposée au mutique frère de la campagne. L'un des objectifs de l'intrigue est de ressouder les liens familiaux, dans la défense du ranch et la lutte contre l'entité extraterrestre.

   Cela donne un film plutôt original, qui tranche sur le tout-venant de la production hollywoodienne.

   P.S.

   M. Night Shyamalan n'est pas le seul réalisateur à avoir inspiré Jordan Peele. On peut ajouter Steven Spielberg, pas tant pour La Guerre des Mondes que pour Les Dents de la mer.

 

ATTENTION : LA SUITE

RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS

DE L'INTRIGUE QU'IL

VAUT MIEUX NE PAS

CONNAÎTRE AVANT DE

VOIR LE FILM.

 

   L'entité extraterrestre (dont la carapace est prise par erreur pour une soucoupe volante) s'apparente au requin des premiers films de la série. Au début de l'histoire, on ne voit pas l'animal, mais les dégâts qu'il fait. On s'aperçoit que les requins, comme l'extraterrestre, avalent un peu tout et n'importe quoi... et qu'il leur arrive de "jouer" avec leurs proies. Quant aux héros, dans leur volonté de lutter contre le super-prédateur, il reçoivent une aide extérieure, de la part de personnes qui vont connaître un destin tragique. Enfin, la traque puis la mort de la bestiole suivent des schémas semblables, avec des leurres et une explosion finale.

10:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films