mercredi, 21 décembre 2022
Le Voyage en Charabie
Dix ans plus tard, revoilà Ernest et Célestine dans les salles obscures. Entre temps, l'ours musicien grincheux et la petite souris débrouillarde ont eu les honneurs du petit écran.
L'histoire commence un peu avant le début du printemps. Le réveil est laborieux pour Ernest, qui aimerait bien continuer à hiberner... et qui a diablement faim. De son côté, Célestine fait de son mieux, mais elle commet des maladresses : le violon d'Ernest tombe et se brise. C'est un « stradivariours », un must en matière de violon d'ours. Seul un célèbre luthier, résidant en Charabie (le pays d'origine d'Ernest), pourrait le réparer.
Je ne raconterai pas comment les deux compères finissent par se rendre (séparément, puis ensemble) dans ce mystérieux pays d'Orient, où l'on écrit en caractères cyrilliques... qui se prononcent "à la française". C'est savoureux, à condition de laisser un peu sa rationalité au vestiaire.
Le contexte musical semble être celui de l'Europe centrale et orientale, la musique au violon évoquant les folklores yiddish et tsigane. La Charabie (que Célestine prononce "Sarabie") pourrait être un décalque (par aphérèse) de la Bessarabie. Mais le nom (Charabie) ainsi que l'interdit portant sur la musique font aussi immanquablement penser à un régime totalitaire islamiste, tel celui qui sévit (bien que l'écrasante majorité de la population des pays suivants ne soit pas arabe) en Afghanistan ou celui que les gardiens de la Révolution aimeraient bien restaurer en Iran. "Charabie" mène aussi bien à "charabia" qu'à "charia"... De surcroît, la position dominante de certains juges, coiffés d'un grand fez, n'est pas sans rappeler le rôle des religieux de haut rang, dans certains pays musulmans.
C'est la grande habileté du scénario de ce film d'animation d'apparence modeste, mais vachement bien foutu en réalité. Les héros luttent pour le droit à la musique, à la diversité... et celui de choisir le métier qui leur plaît. Cela parle aux enfants, touchés par cette histoire de conflit père-fils et père-fille.
L'animation est de la même qualité que dans le précédent film. C'est du cousu main, moulé à la louche, roulé sous les aisselles. Les expressions des visages ont été particulièrement travaillées. Cela donne une animation à la fois lisse et expressive, assez jolie à voir. Dans la salle où je me trouvais, en tout début de séance, un petit garçon pleurait (parce qu'il n'avait pas pu aller voir Le Chat Potté 2). Eh bien, dès que le film a commencé, il s'est tu, jusqu'à la fin.
Je recommande vivement ce film, pour ses qualités graphiques, pour sa musique entraînante, son intrigue rocambolesque et son arrière-plan politique.
P.S.
En complément (même si je m'éloigne un peu du sujet), je recommande la lecture du supplément magazine du Monde paru samedi dernier, un numéro spécial consacré à l'Iran, qui contient des contributions de grande qualité :
19:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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