dimanche, 20 août 2023
Les Ombres persanes
Il paraît que l'idée que nous ayons tous au moins un sosie sur la planète serait une légende urbaine... alors imaginez quand un couple iranien découvre que, dans la même ville (Téhéran), vit un autre couple, physiquement en tout point semblable !
J'ai enfin pu voir ce thriller sociétal iranien... dans une salle climatisée, ce qui m'a fait le plus grand bien, en ces temps caniculaires. Mais ce ne fut pas la seule source de contentement. Ce film est jubilatoire, d'une richesse et d'une finesse étonnantes.
Si les deux couples sont de quasi-copies sur le plan physique (les personnages étant interprétés par les mêmes acteurs, qui se livrent à un sacré numéro, soit dit en passant), sur le plan moral, les caractères des deux femmes comme des deux hommes diffèrent fortement. Sur le plan social, on a affaire à deux franges de la classe moyenne : le couple n°1 est composé d'un employé commercial et d'une monitrice d'auto-école, alors que le couple n°2 est composé d'une ancienne infirmière (devenue femme au foyer) et d'un cadre supérieur d'une grosse entreprise (à moins qu'il ne s'agisse d'un haut fonctionnaire). Mine de rien, le cinéaste Mani Haghighi pointe certaines inégalités sociales... et (indirectement) le statut des femmes, dans une société patriarcale. (Mais ce n'est pas le propos principal du film.)
La mise en scène est pleine de malice. Ainsi, lorsque Farzaneh, l'épouse du couple 1, voit son mari (infidèle ?) entrer (de nouveau, pense-t-elle) dans un immeuble où réside une autre femme, elle attend d'abord à l'extérieur, à côté de son véhicule. Une petite ellipse survient. On se retrouve dans les escaliers internes de l'immeuble, où l'époux n°1 est pris pour l'époux n°2... mais, surtout, un gros quiproquo surgit concernant l'identité d'une des femmes présentes.
Cette confusion de personnes nous est resservie en toute fin d'intrigue, dans un autre contexte. Je n'en dis pas plus, même si, dans ce cas, on voit venir la supercherie.
Évidemment, on se demande comment une telle double ressemblance est possible. Les deux épouses sont nées la même année, le même mois. Seraient-elles des jumelles ? Concernant les époux, c'est moins précis. Le seul parent survivant, le père de l'époux n°1, affirme aux grands dieux qu'il n'a jamais eu qu'un seul fils.
Fort heureusement, le film ne se limite pas à ce questionnement. La subtilité du jeu des acteurs nous fait comprendre que, petit à petit, quasi imperceptiblement, quelque chose semble naître, ouvrant le champ des possibles.
Dans un premier temps, la ressemblance entre les deux hommes est utilisée pour résoudre le gros problème rencontré par l'époux n°2. De chaque côté, on se rend compte que, si la supercherie est bien préparée, (presque) personne ne remarque quand il y a substitution d'époux. Cela débouche sur une deuxième partie assez inattendue, avant que ne survienne un petit coup de théâtre, à un gros quart d'heure de la fin.
J'ai été pris, du début à la fin. Ce sera à coup sûr un de mes films de l'année.
21:25 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Rendez-vous à Tokyo
Ce film nous conte une histoire d'amour, dans le Japon urbain du début du XXIe siècle, en sept épisodes (à l'image des sept pas de danse qu'esquisse le couple, le soir de la rencontre)... sauf que ces sept chapitres nous sont montrés dans l'ordre chronologique inverse. Chacun se déroule le même jour, le 26 juillet (à chaque fois d'une année différente, bien sûr), qui est aussi le jour de naissance du héros.
On commence par l'année 2021, celle des Jeux Olympiques, alors que la pandémie de covid fait encore sentir ses effets. L'ancien danseur Teruo est désormais éclairagiste, dans une salle de spectacle. Il assiste à une représentation de danse, avec une nouvelle vedette féminine, qui ne le reconnaît pas. De son côté Yo est (toujours) chauffeuse de taxi, dans une compagnie assez prestigieuse. Ce soir-là, elle prend en charge un client qui lui rappelle quelque chose... Les deux anciens amoureux vont-ils se retrouver ?
Le deuxième chapitre se déroule sans doute un an auparavant, en pleine pandémie. Teruo est contraint au télétravail, tandis que Yo a mis en place des protocoles stricts pour pouvoir continuer à exercer son métier. Financièrement, c'est un peu difficile pour elle. Elle ne semble pas penser à son ancien amour (pas plus que Teruo, d'ailleurs).
Le troisième chapitre nous ramène un peu en arrière, à une époque où chacun tente de refaire sa vie de son côté. Yo est embarquée par des copines dans une soirée avec des mecs pas subtils, tandis que Teruo croise par hasard une ancienne élève de son école de danse, qui lui fait bien comprendre qu'elle est désormais majeure et qu'elle s'intéresse bigrement à lui...
La quatrième séquence est celle de la rupture entre Yo et Teruo. Elle est furieuse qu'il se replie sur lui depuis sa blessure au pied, tandis que lui se désespère de ne pas être compris. On sent qu'ils pourraient se rabibocher mais, comme on a déjà vu la suite, on comprend pourquoi cela ne va pas se faire. C'est d'ailleurs l'un des intérêts de ce film : analyser une séquence antérieure à partir de ce que l'on déjà de ce qui va suivre... et aussi, quand on a un peu de mémoire, mieux comprendre ce que l'on a vu auparavant (comme l'histoire de l'homme du parc ou le rôle de la mystérieuse borne funéraire, devant laquelle les personnages s'inclinent).
Le cinquième chapitre montre le couple bien installé, lui danseur prometteur, elle conductrice dans une petite compagnie de taxi. Ils habitent ensemble, dans cet appartement qui sert de point de départ à chaque historiette, avec ce chat qui n'arrête pas de rajeunir et l'affiche d'un film de Jim Jarmush (dont des extraits sont visibles dans plusieurs séquences). On n'est peut-être pas très loin du mariage. On commence à évoquer la possibilité d'avoir un enfant. Quand on connaît la suite, c'est assez poignant.
Le sixième chapitre tourne aussi autour du couple, qui ne s'est pas encore mis en ménage. Yo est jalouse, elle voit certaines apprenties danseuses tourner autour de Teruo. Celui-ci ne semble pas savoir s'il doit donner la priorité à la danse où à cette histoire d'amour qui commence à devenir sérieuse. On évoque la possibilité d'habiter ensemble.
Le septième chapitre relate la rencontre. On l'attendait avec impatience. C'est un peu à l'image d'une histoire d'amour que l'on a vécue intensément et qui s'est achevée. On aime à en retrouver les prémices. Cela se passe un soir, à l'issue d'un spectacle à moitié réussi et d'un cocktail plus ou moins ennuyeux. Mais cela se poursuit par une discussion enjouée dans un petit bar (géré par un patron philosophe, que l'on voit dans presque chaque séquence) et quelques pas de danse dans la rue...
Cela aurait pu s'arrêter là, le chapitre initial (qui est le dernier, dans l'ordre chronologique) laissant le champ des possibilités ouvert. Le cinéaste a peut-être voulu imposer sa conclusion (ou on lui a demandé de terminer de manière plus traditionnelle, pour ne pas trop perdre le public). En tout cas, l'histoire s'achève de manière touchante, délicate, à l'image du film.
00:26 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films