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mercredi, 01 novembre 2006

Mémoires de nos pères

  Quand Clint Eastwood se penche sur l'héroïsme guerrier, ça donne un long film soigné, brillamment interprété. (Il peut sembler banal de l'écrire -c'est la base, tout de même !- mais combien de films potentiellement intéressants sont gâchés par une interprétation approximative ou une direction d'acteurs défaillante ? En tout cas, dans le lot de films que je vais voir, je constate que la qualité du jeu est en général bonne voire très bonne.) Il y a certes du Eastwood dans le traitement du sujet, mais il y a aussi du film de guerre "traditionnel".

  Eastwood n'innove pas quand il distingue des individus exceptionnels de la masse des soldats (mais il met davantage en valeur la troupe que les officiers) : c'est la base du film de guerre, qui lui donne un côté réaliste et qui permet au spectateur de s'identifier à telle ou telle figure. Eastwood est moderne dans le sens où il ne cache pas la cruauté des combats ni les tensions internes (ni le racisme dont les Indiens sont victimes aux Etats-Unis) existant au sein de la glorieuse armée sur le point de remporter la victoire. D'abord, cette victoire est tout sauf certaine, sur le terrain comme à l'arrière (qu'on songe aux difficultés rencontrées pour financer l'effort de guerre, alors que le pays a profité des années 1939-1941 pour s'enrichir en partie sur le dos des Européens). Eastwood dynamite la vision traditionnelle du conflit et met à bas la légende construite autour de la célèbre photographie. La représentation des soldats comme des anti-héros contribue à cette entreprise... même si le film est rempli d'actes d'héroïsme ! Le réalisme des scènes de combat rappelle au spectateur que le débarquement de Normandie (cf Spielberg) n'est pas la seule opération qui a vu les boys se faire dézinguer par milliers. Le fait que ces "héros" survivent plus ou moins bien à la guerre fait d'eux des personnages typiquement eastwoodiens : intenses intérieurement, à la fois fiers et humbles, mais écrasés par leur époque.

  Je trouve la forme très maîtrisée, en dépit de l'éclatement (ou plutôt grâce à lui). Ce n'était pas facile à mettre en scène et à monter, mais cela passe très bien. Les trois temps de l'action (le présent du XXIe siècle, le combat sur Iwo Jima et la tournée des soldats au drapeau) s'entremêlent sans effort. Tel épisode surgit de la mémoire d'un soldat et permet de faire le lien entre le passé et le présent. Une construction trop linéaire aurait été pesante (surtout vu la longueur du film). Je pense aussi que l'éclatement du film correspond à l'éclatement du temps de vie des soldats... voire à l'éclatement des corps.

  Restez jusqu'au bout du générique de fin, qui présente des documents d'époque, pertinents et émouvants.

14:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma

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