lundi, 22 décembre 2008
L'Apprenti
Le monde agricole, auquel le cinéma français s'est si peu consacré jadis, suscite depuis plusieurs années un regain d'intérêt. Depardon a développé sa série (trop passéiste à mon avis) Profils paysans (dont le troisième volet est sorti récemment). Quelques fictions ont abordé, plus ou moins maladroitement, la vie rurale (on peut citer Une Hirondelle a fait le printemps). Mais, en gros, depuis les films de Georges Rouquier (Farrebique et Biquefarre... faudra bien que j'en cause un jour), le niveau est plus faible.
Ici, on se trouve à la croisée du documentaire et de la fiction. La manière dont le film a été construit est très bien expliquée dans les "secrets de tournage" d' Allociné. En gros, le réalisateur a choisi un vrai paysan et un vrai apprenti, qu'il a fait se rencontrer, et qu'il filme aussi avec leurs proches. Cela permet de comprendre comment certains moments ont pu être filmés : dans la réalité, cela aurait été particulièrement voyeur, mais comme c'est une demi-fiction, certains propos et certaines actions peuvent être portées à l'écran... sinon, les personnages n'auraient sans doute pas accepté.
Avis aux oreilles un peu bouchées : il faut être attentif à certains dialogues qui, prononcés avec l'accent franc-comtois (pas très éloigné de l'accent vosgien), sont parfois difficilement compréhensibles.
Bon, 1h25, c'est un peu long, mais c'est globalement remarquable. C'est d'abord une tranche de vie, celle d'un adolescent de 17-18 ans, "hors cadre familial" comme on dit dans le métier (ça veut dire qu'il n'est pas fils d'agriculteur), pour qui l'élevage semble être une voie toute tracée. Vous remarquerez que, dans le film, il n'est pas montré à son avantage dans l'exercice de son futur métier (il est particulièrement maladroit avec les bovins). Le côté docu ressort à travers les travaux réguliers (notamment le soin des bêtes) mais aussi des événements extraordinaires (comme la mise à mort d'une truie ou la mise bas d'une vache... un peu comme dans Une Hirondelle a fait le printemps... sauf que là c'étaient des chèvres).
Le paysan est une fort belle figure : plutôt solitaire, débrouillard, un peu paternel (son apprenti voit très peu son géniteur, qui s'est séparé de sa mère), cultivé aussi. On apprend vers la fin que la vie ne l'a pas épargné non plus.
Le héros est un "rebelle" mal dans sa peau. Il vit mal la séparation de ses parents et méprise un peu son père. Il roule à mobylette sans casque, se saoule la gueule avec ses potes, pense aux gonzesses, peu à son travail à l'école (une maison familiale rurale). Ah, j'oubliais : c'est un fan de Johnny Hallyday. Mais qu'est-ce qu'il chante mal !
On notera aussi que le montage a parfois un sens moral : l'apprenti s'amuse-t-il a projeter des cailloux (avec un lance-pierres) sur les poules qu'il finit par se vautrer lamentablement dans la boue ; fait-il le fier avec ses bouteilles de bière que, quelques heures plus tard, on le retrouve à vomir dans la rue ; se la joue-t-il James Dean du Doubs avec sa mobylette que celle-ci ne tarde pas à tomber en panne. Vous aurez donc compris que l'on rit souvent grâce à ce film, qui réussit à instruire en distrayant.
03:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma
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