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samedi, 30 octobre 2010

Fin de concession

   C'est le nouveau film de Pierre Carles, journaliste engagé, critique des media de masse, mais au ton dégagé. Pour ceux qui ne connaissent pas le personnage, le premier quart d'heure revient sur les "faits d'armes" de ce trublion du petit écran, relégué aujourd'hui dans les rares salles obscures qui passent ses films.

   Il est toujours question de la dénonciation des connivences entre monde politique, milieux économiques et media, ici à travers l'exemple initial de la privatisation de TF1, en 1987. Carles s'appuie sur des images souvent inédites (en tout cas pour moi), notamment celles montrant la préparation de l'audition des représentants du groupe Bouygues. On voit le rôle joué par Bernard Tapie (déjà !) qui, soit dit en passant, est vraiment excellent, le meilleur de la bande, qui n'est pas très fringante à l'oral.

   De là, Pierre Carles essaie de rebondir et de rencontrer les acteurs de l'époque, plus de 20 ans après. Le problème est qu'il est désormais très connu. Du coup, beaucoup refusent de le rencontrer (Tapie finit par être très franc au téléphone), l'esquivent (comme Jacques Chancel, excellent fil rouge de la dégonfle), ou se préparent : on sent bien que Jean-Marie Cavada a anticipé son entrevue. Le réalisateur en vient même à se grimer (légèrement) et se présente sous l'identité vaguement travestie de Carlos Pedro (et non Carlo Pierro, comme il est écrit dans la critique parue dans Le Monde) pour pouvoir accéder à certains personnages.

   Du coup, le film peut paraître moins réussi que l'excellent Pas vu, pas pris. A l'époque, Carles faisait merveille en faux ingénu, une sorte de Socrate contemporain, qui finissait par mettre ses interlocuteurs face à leurs contradictions, leurs lâchetés.

   On n'est plus dans le cadre de l'opposition David contre Goliath. Pierre Carles est devenu quelqu'un avec qui compter dans le monde des media, même s'il n'a pas obtenu la reconnaissance officielle. Et puis... ses adversaires ont vieilli. (Carles aussi : il est désormais grisonnant !) Le réalisateur, encore dans la force de l'âge, est en position de force face à Etienne Mougeotte voire Michèle Cotta, qu'il décide d'épargner. A un moment, il se demande même dans quelle mesure il n'a pas été récupéré par le système. (Peut-être aurait-il fallu enquêter davantage, préparer encore plus les entretiens.)

   Fort heureusement, Pierre Carles a du recul et le sens de l'humour. Le film est donc fortement imprégné d'autodérision. On rit beaucoup, souvent aux dépens du réalisateur, aussi aux dépens de ses victimes. Celles-ci sont cependant très habiles. En 2009, il est difficile de piéger les vedettes de l'information... et certaines d'entre elles, telle Elise Lucet, assument d'avoir les ailes rognées. Contrairement à Pierre Carles, elles ont accepté de faire des concessions, pour travailler pour le petit écran.

   Le constat final est donc désabusé : l'activisme n'a pas payé, puisque les menteurs et les fraudeurs (ou leurs successeurs) sont toujours en place et que l'information de masse semble verrouillée par les puissants, avec certaines soupapes de sûreté toutefois. On pourrait être moins pessimiste, juger qu'on ne nous montre que ce qui va dans le sens du propos initial et estimer que, d'après les sources sur lesquelles s'appuie Pierre Carles, il existe en France de nombreux journalistes qui font du bon travail, même s'ils ne sont pas les plus connus.

13:32 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma

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