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mercredi, 03 juin 2015

Histoire de Judas

   Rabah Ameur-Zaïmeche aime les sujets borderline. Après la bande de Mandrin, voici qu'il s'attaque au duo formé selon lui par Jésus et Judas Iscariote (qu'il incarne d'ailleurs dans le film). Il s'inspire bien entendu des évangiles canoniques, qu'il interprète à sa façon, mais aussi d'un texte non reconnu par l'Eglise catholique, l'Evangile de Judas, qui semble avoir connu un certain succès dans les premiers siècles du christianisme, bien que rejeté par l'Eglise officielle.

   Autre particularité de ce film : il a été tourné avec des acteurs musulmans, en Algérie, mais en pays berbère, qui fut longtemps marqué par la culture juive (un aspect aujourd'hui méconnu dans le monde arabo-musulman).

   A l'écran, lorsque l'action se déroule en pleine campagne, on est porté par la beauté des paysages. Les scènes d'intérieur, durant lesquelles le réalisateur s'est plu à jouer sur les ombres et lumières, sont de beaux moments de théâtre. Néanmoins, parfois, on sent que le film a été tourné avec des bouts de ficelle, notamment lors de l'épisode des marchands du Temple. Ameur-Zaïmeche a beau placer habilement sa caméra, on se rend parfaitement compte que les personnages se trouvent plutôt devant une bicoque qu'à l'entrée d'un important lieu de culte.

   D'autres "passages obligés" sont portés à l'écran, comme l'onction de Béthanie (décrite dans trois des quatre évangiles), la "trahison" de Judas ou encore la rencontre de la femme adultère, une anecdote qui, par contre, ne figure que dans le plus récent des évangiles, celui selon Jean. (Dans deux des synoptiques, on peut reconnaître la tradition qui a donné naissance à l'histoire racontée par Jean : il y est question de la répudiation d'une épouse.)

   Le réalisateur se lance aussi dans une tentative d'explication des similitudes des évangiles synoptiques (Marc, Matthieu et Luc). Des chercheurs sont arrivés à la conclusion qu'il a sans doute existé une source primitive, dit source Q, qui pourrait être un proto-évangile, écrit du vivant même de Jésus ou juste après sa mort (soit bien avant les évangiles canoniques, qui datent des années 60-90). Le scénario fait donc intervenir un mystérieux scribe, qui va susciter la curiosité de Judas, présenté comme un disciple particulièrement vigilant.

   C'est là que le film choisit le texte gnostique (l'Evangile de Judas) plutôt que la "version officielle", qui fait de Judas un traître aux motivations louches. Marc et Matthieu évoquent l'appât du gain, tandis que Luc fait intervenir Satan, qui se serait emparé du bon disciple. Jean marie les deux thèses, Judas étant décrit comme un voleur dans l'épisode de l'onction de Béthanie, tandis qu'au moment de sa trahison (ici, lors de la Cène), l'intervention satanique est introduite. Pour l'Eglise catholique primitive, il fallait trouver une explication plausible à la trahison, qui avait mené à l'arrestation puis l'exécution de Jésus.

   L'Evangile de Judas (et le film de Rabah Ameur-Zaïmeche) va plus loin, faisant du supposé traître le meilleur disciple de Jésus, celui par lequel la volonté divine va le mieux se réaliser.

   Cela donne un film inclassable, qui invite à (re)lire les textes fondateurs du christianisme.

19:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

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