vendredi, 05 juin 2015
Les Terrasses
Merzak Allouache est l'un des cinéastes les plus intéressants du monde arabe. Après Le Repenti, il nous livre une photographie d'Alger vue des toits, plus précisément des toits-terrasses, caractéristiques de la région et de la ville. Il en a choisi cinq (situés à Bab El Oued, la Casbah, Notre-Dame d'Afrique, Belcourt, Telemly) où se déroulent cinq histoires en apparence indépendantes les unes des autres, mais toutes le même jour, d'une aube à l'autre.
L'habileté du scénario est de ne pas tout nous dire dès le début. On se pose des questions sur les différents usagers des terrasses. C'est aussi l'occasion d'apprécier la beauté de certains plans. La lumière est superbe et les vues d'Alger souvent étonnantes.
A Bab El Oued, quartier populaire, une mère occupe illégalement avec ses deux enfants adultes une partie du toit. La fille semble un peu dérangée et le fils est sur le point de mal tourner. Par dessus le marché, le propriétaire de l'immeuble s'est mis en tête de les expulser. Police et justice finissent par intervenir dans cette histoire sociale.
Dans la Casbah, on découvre un groupe de jeunes musiciens. A première vue, ils pourraient nous faire penser à ceux qu'on rencontre en France (et ailleurs). Mais le contexte algérien pèse sur les relations entre les personnages... sans compter qu'une autre terrasse, proche, va jouer un rôle dans leur histoire. Ici, c'est de la situation des femmes qu'il est surtout question.
La violence est immédiatement plus grande à Notre-Dame d'Afrique, ancien quartier colonial où se développe la spéculation immobilière. Deux groupes qui n'auraient jamais dû se rencontrer vont se télescoper. L'un d'entre eux est composé d'une équipe de télévision. La "patronne" a l'air moderne mais l'on comprend assez vite qu'elle a un projet derrière la tête : montrer qu'Alger est la perle du monde arabo-musulman... à tel point qu'elle en nie sa part d'identité chrétienne et juive. Notons que les vues de la baie d'Alger sont superbes.
A Belcourt et Telemly, on retombe dans le drame social, avec des nuances. L'une des terrasses est occupée par un vieil homme enfermé dans une cabane. Il semble avoir perdu la tête mais l'on finit par comprendre qu'il sait sans doute des choses qui dérangent. Seule une petite fille vient lui rendre visite. Mais le propriétaire des lieux ne tolère la présence du vieillard que parce qu'elle lui permet d'utiliser le toit à d'autres activités...
Enfin, pas très loin de là, c'est la grande affluence sur la dernière terrasse. L'occupant permanent est aussi un squatteur, du genre à mener ses petits trafics au vu et au su de tous. C'est aussi le lieu qu'a choisi un boxeur pour s'entraîner... et un imam pour "conseiller" (à sa manière) une épouse intégralement voilée. C'est enfin l'endroit où va se dérouler une fête de mariage bourgeois, signe que les toits sont désormais extrêmement convoités. Cela se termine en nocturne, sur une très belle musique.
On peut y ajouter les chants religieux. L'action du film est rythmée par les appels à la prière. Il n'est pas nécessaire d'être un pieux musulman pour être touché par leur beauté.
11:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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