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lundi, 13 juillet 2015

Self Made

   Le titre de ce passionnant film israélien est difficile à traduire. Il peut signifier "fait tout seul" ou "monté soi-même". Dans ce cas, c'est une allusion aux meubles en kit Eteca (une sorte d'Ikea proche-oriental), qui jouent un rôle important dans l'intrigue.

   Ce mobilier de qualité approximative est la cause des tourments des deux héroïnes. L'Israélienne Michal voit son sommeil écourté par la chute du lit conjugal et elle va avoir toutes les peines du monde à monter le nouveau, acheté (laborieusement) par correspondance. De son côté, la Palestinienne Nadine effectue un travail abrutissant dans un entrepôt d'Eteca, d'où elle va d'ailleurs être licenciée.

   A priori, c'est la seule chose qui rapproche les deux femmes. Michal est une artiste renommée, qui rejette la maternité. Nadine est la cinquième roue du carrosse familial, qui elle aimerait bien avoir un enfant. Le contraste est aussi grand entre les deux milieux sociaux : l'Israélienne est une "bobo", la Palestinienne une prolétaire. Leurs destins vont pourtant se croiser... et s'échanger, comme on nous l'annonce dans le résumé du film.

   Pourtant, cette permutation intervient assez tard dans l'histoire. De surcroît, à l'écran, chaque personnage garde le physique qu'il avait dans sa précédente vie, alors que les proches ne se rendent pas compte de la substitution. A cela s'ajoutent ce qui semble être des incohérences et des choses inexplicables, qu'on a tendance à mettre au compte de l'aspect surréaliste d'une partie du film. Comme l'histoire tourne en eau en boudin, certains spectateurs sont sortis de là furieux.

   C'est parce qu'ils n'ont pas compris qu'il y a un "twist"...

 

ATTENTION, LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT MIEUX SANS DOUTE NE PAS CONNAITRE AVANT D'ALLER VOIR LE FILM.

 

   L'intrigue s'inspire visiblement de Muholland Drive (de David Lynch) et un peu d'un autre film israélien, 7 minutes au paradis. Il y a bien eu échange des rôles, mais plutôt des personnalités, pas des corps... et cela s'est produit avant que ne démarre l'histoire telle qu'elle nous est montrée.

   Un attentat-suicide a bien eu lieu. Peut-être a-t-il été déclenché par le garçon que l'on voit accompagner Michal devenue Nadine. En tout cas, les deux femmes étaient sans doute présentes au moment de l'explosion, qui a provoqué l'échange de personnalités. Une fois ce principe posé, on peut mieux comprendre certaines scènes et le comportement des personnages principaux.

   Commençons par Michal. Elle souffre d'amnésie et a visiblement été blessée à la tête. Son compagnon fait allusion à une opération et à un événement traumatique, qu'il vaut mieux ne pas ressasser. Je pense qu'il ne parle pas uniquement de l'hystérectomie qu'a subie l'artiste. Son corps a bien été touché dans l'attentat-suicide mais, comme désormais c'est l'esprit de Nadine qui l'occupe, elle ne se souvient de rien, en particulier des rendez-vous pris par Michal pour ce jour-là. On comprend aussi pourquoi son compagnon la trouve (encore plus) différente depuis "l'accident".

   Quant à la Nadine qui nous est montrée, elle a l'esprit de Michal en elle. Cela explique qu'elle ait besoin des vis pour marquer son chemin. Le fait qu'elle ne le marque que dans un sens tendrait à prouver que l'attentat a eu lieu au checkpoint, où les Palestiniens subissent parfois tant de vexations. De plus, le désir soudain de maternité de Nadine, qui brise les tabous et couche avec le premier venu (le recruteur de terroristes, sans doute lié au Hamas ou au Djihad islamique), tient à son impossibilité d'avoir des enfants avec son précédent corps et à ses regrets d'avoir pratiqué une hystérectomie.

   On pourrait continuer encore et analyser finement chaque séquence, pour tenter d'y distinguer ce qui est issu de la première vie des deux jeunes femmes de ce qui appartient au fantasme de la seconde. Le bouquet de fleurs est un indice.

   Sinon, on peut se contenter de se laisser porter une œuvre pleine de style, qui aborde de manière originale le conflit israélo-palestinien. Shira Geffen est vraiment une réalisatrice à suivre.

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