samedi, 11 juillet 2015
Le Souffle
Ce souffle est d'abord (à l'écran), celui du vent qui secoue la steppe kazakhe (superbement filmée). C'est aussi celui qui émane des humains. Au sens symbolique, c'est la vie et l'amour qui vont traverser cette histoire. C'est aussi hélas parfois le vent de la mort.
Le réalisateur Alexander Kott réussit le tour de force de mener son intrigue sans le moindre dialogue, pendant 1h25. Les paroles sont remplacées par les expressions des visages, les attitudes des corps, mais aussi les sons, qu'ils soient d'origine naturelle (le vent, le chant des animaux, le bruit de l'eau qui coule) ou humaine (produits par les véhicules et les objets qu'on manipule). S'y ajoutent quelques cris, quelques pleurs et la musique d'accompagnement, parfois rehaussée de chants féminins.
Le début du film nous fait découvrir la vie quotidienne d'un père et de sa fille. Tous deux sont mutiques mais pas inexpressifs. A travers quelques situations bien choisies et une économie de mouvements, le réalisateur nous fait comprendre toute l'affection qui lie l'un à l'autre. Le papa ne manque pas d'imagination, lui qui fait semblant de gober le soleil couchant sous les yeux de son adorable progéniture. Il est aussi conscient des nécessités de la vie : il lui a appris à conduire... et à se servir d'un fusil.
La demoiselle, qui garde par devers elle des traces de son passage à l'école, sait presque tout faire. Comme, de surcroît, elle est plutôt canon, elle est convoitée par l'héritier d'une grosse propriété des alentours, un type sympathique mais un peu lourdaud. Il aime à jouer au cowboy devant la donzelle, qui n'est toutefois pas très impressionnée.
La donne change lorsqu'un jour, un jeune homme est envoyé chercher de l'eau par le propriétaire d'une voiture en panne. Le garçon est charmant, poli, bricoleur... Désormais, la vie ne sera plus comme avant.
Très longtemps, le film nous maintient dans l'ignorance ou l'incertitude. Où le père part-il travailler tous les matins ? Pourquoi est-il tombé subitement malade ? Que viennent faire ces militaires autoritaires dans la région ? (L'action se déroule en URSS, peu après la Seconde guerre mondiale.) Dina va-t-elle choisir l'aventure avec le photographe imprévisible ou la sécurité avec le paysan fidèle ?
Avant d'obtenir les réponses à toutes ces questions, on aura eu droit à une série de tableaux éblouissants. Chaque plan contient au moins une idée marquante de mise en scène. J'ai encore en mémoire l'eau du puits, agitée par le prélèvement qu'on vient d'y opérer et qui, en redevenant plane, révèle le face-à-face énamouré entre deux personnages. Ou encore cette corde à linge, sur laquelle sont pendus leurs vêtements, les bras de la chemise de l'un enlaçant la robe de l'autre, sous l'effet du vent. Magnifique !
PS
Derrière l'oeuvre de recherche, aux grandes qualités esthétiques, se cache un propos politique que je ne peux pas dévoiler ici. Cette année, c'est au moins la deuxième fois (après Crosswind) qu'un film très ambitieux tente d'allier la forme et le fond. Je trouve néanmoins que Le Souffle est un ton au-dessus. Ce sera sans doute un de mes films de l'année 2015.
22:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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