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lundi, 04 juillet 2016

Un député très occupé

   Hier dimanche, le quotidien aveyronnais Centre Presse a publié un entretien avec le député de la troisième circonscription (celle de Millau - Saint-Affrique), Arnaud Viala :

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   L'élu est présenté comme membre de la commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie. Le mois dernier, j'avais fait le point de sa participation à ladite commission, ce qui n'était pas à son avantage. C'est l'occasion de mettre à jour les chiffres avancés, 34 comptes-rendus étant désormais accessibles sur le site de l'Assemblée nationale.

   J'en profite pour corriger deux petites erreurs commises dans le billet précédent, erreurs liées au mauvais téléchargement de l'un des comptes-rendus. Ainsi, Arnaud Viala a assisté (au moins partiellement) à 9 (et non pas 8) des 22 premières séances ; il s'y est exprimé deux fois (et non une). Si l'on élargit l'analyse aux 12 séances suivantes, voici le bilan que l'on peut tirer :

- présence à 15 séances sur 34 (soit 44 %)

- participation active (avec au moins une intervention) à 6 séances (la 16e, la 20e, la 23e, la 24e, la 27e et la 32e)

- absence excusée à 2 séances

- absence non excusée à 17 séances

   Bien que peu impliqué dans le déroulement de la commission d'enquête, il a été interrogé par le quotidien aveyronnais à l'occasion de la mise en ligne (par l'association L214) d'une nouvelle vidéo comportant des images insoutenables.

   Je suis d'accord avec plusieurs des propos du député, aussi bien ceux rapportés par Centre Presse que ceux qu'il a pu tenir les rares fois où il s'est exprimé en commission. Il affirme à raison qu'il ne faut pas généraliser à tous les abattoirs et à toute l'année ce qui est montré dans les vidéos qui ont défrayé la chronique ces derniers mois. On sent quand même le député plus préoccupé par la santé économique des entreprises de la filière agroalimentaire que par le bien-être animal. Il a la même position que les quatre députés socialistes héraultais (dont celui de la circonscription de Pézenas Sébastien Denaja), qui ont cosigné un communiqué de presse en ce sens. Notons que ces députés avaient visité l'abattoir local en mars dernier et n'y avaient visiblement rien trouvé à redire. Leur a-t-on proposé à l'époque  la vision d'une sorte de village de Potemkine ?

   Dans sa réponse à la question du journaliste de Centre Presse, Arnaud Viala évoque des personnes auditionnées qui auraient remis en question la véracité de certaines scènes filmées. Dans les comptes-rendus des séances auxquelles il a participé, j'ai trouvé une occurrence, lors de la 27e session, qui a vu témoigner notamment Paul Lopez, premier vice-président de la Fédération des industries avicoles. C'est au cours de cette séance que le député est le plus intervenu (à trois reprises). Alors que l'intervenant critique le montage opéré dans l'une des vidéos (à propos du broyage des poussins), c'est le député aveyronnais qui le relance (page 19 du compte-rendu au format pdf) en évoquant  une "mise en scène". Dans sa réponse, Paul Lopez n'ose pas aller aussi loin et semble même un peu se rétracter.

   Lors de deux autres séances (la cinquième et la sixième), auxquelles le député aveyronnais n'a pas assisté, deux intervenants ont aussi critiqué les vidéos de L214. Lors de la cinquième séance, c'est Roland Canayer (président de la Communauté de communes du Pays Viganais) qui dénonce le caractère biaisé du montage et certains commentaires erronés. Lors de la sixième séance, c'est Michel Etchebest (maire de Mauléon-Licharre) qui dénonce un montage orienté. Mais les actes filmés n'en sont pas moins vrais. Parler de "mise en scène", comme Arnaud Viala, me paraît tendancieux.

   Je suis par contre plus en accord avec sa manière de questionner l'une des expertes lors de la 23e séance. Elle s'appelle Florence Burgat et nous est présentée comme philosophe, directrice de recherche à l'INRA. Le député cherche à savoir quel est son positionnement personnel sur le sujet (page 11 du compte-rendu). L'universitaire finit par reconnaître (de manière alambiquée) qu'elle est contre la consommation de viande vue comme un plaisir. Voilà qui est bon à savoir, pour éviter l'instrumentalisation dans cette affaire : des militants tentent de s'appuyer sur des dérives scandaleuses dans les abattoirs pour dénigrer l'élevage et la consommation de viande.

   Arnaud Viala n'est pas le seul député aveyronnais à avoir participé aux débats. Yves Censi, déjà venu deux fois auparavant, a aussi montré le bout de son nez à la 30e séance, ainsi qu'à la 34e. Lors de la première, les personnes auditionnées étaient des autorités religieuses. Les divers participants ont fait assaut de courtoisie et affirmé leur attachement à la liberté religieuse et à la laïcité. Sur le fond, les religieux sont arc-boutés sur le refus de l'étourdissement préalable... et pointent le risque d'un recours aux importations, si la France légifère de manière restrictive. Vous avez dit chantage ?

   Les enjeux économiques sont encore mieux présentés dans la 34e séance, en particulier par Philippe Dumas, président de Sicarev-Aveyron. Il apparaît que l'abattage rituel (qui fait davantage souffrir les animaux) occupe une place plus grande que prévue dans l'activité des abattoirs. Cela s'explique par la volonté de valoriser le plus grand nombre de morceaux des carcasses. Or, le marché du halal valorise davantage de morceaux (notamment des ovins). On le savait déjà en Aveyron : il y a plus de quatre ans, l'information avait filtré à propos de l'abattoir de Villefranche-de-Rouergue. D'un autre côté, l'abattage rituel est moins rentable parce qu'il impose de ralentir la cadence, un point qui contribue à le faire apprécier du personnel.

   On peut le vérifier à la lecture d'un petit livre fort instructif, A l'abattoir, de Stéphane Geffroy... qui a d'ailleurs été auditionné lors de la 25e séance, à laquelle hélas aucun député aveyronnais n'a daigné assister. (Un entretien a aussi été publié dans le Midi Libre du samedi 2 juillet.)

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   On y découvre le parcours atypique de ce fils de menuisier, en situation d'échec scolaire, qui a trouvé son salut dans un petit abattoir breton, dans l'atelier de "tuerie". Il décrit la dureté du métier, sans fard, mais parle aussi de ce qu'il lui a apporté. Il est finalement devenu délégué du personnel... et juré d'Assises, deux expériences qui lui ont ouvert des perspectives. Je recommande la lecture de ce livre tout particulièrement à Arnaud Viala, qui fut prof d'anglais. Il découvrira quel rapport avait l'auteur avec l'enseignement de la langue de Shakespeare...

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