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jeudi, 30 janvier 2020

1917

   Sam Mendes est un de ces cinéastes qui mettent trois à quatre ans pour créer une oeuvre. Sa filmographie est donc assez restreinte, se limitant à huit longs-métrages, les derniers sortis étant Skyfall et 007 Spectre. Ici, on s'éloigne de l'univers de James Bond pour se plonger dans la Première Guerre mondiale.

   Pour immerger les spectateurs dans l'univers apocalyptique dans lequel évoluent les personnages, le réalisateur a recouru aux plans-séquences. Pas un seul, contrairement à ce que certains commentateurs imprudents ont affirmé. Si l'on est attentif, on distingue plusieurs coupures, la première intervenant peut-être au sein d'une scène de tranchées, lors d'un croisement. Par la suite, c'est une explosion, puis une fusillade et deux plongées dans l'eau d'une rivière qui permettent au cinéaste de poser sa caméra. Un oeil exercé remarquera aussi que l'obscurité de certains plans est propice à des raccords subtils (comme lorsque l'un des héros court la nuit dans une ville en ruines, ou quand il quitte une cave en remontant un escalier sombre).

   Le procédé n'a rien d'artificiel, d'abord parce qu'il se passe plein de choses autour de la caméra (qui, souvent, suit ou précède les personnages principaux), au premier plan et à l'arrière-plan. La minutie avec laquelle les scènes sont construites est parfois stupéfiante, comme cette sortie d'un tunnel, qui débouche à l'arrière des lignes allemandes, sans doute au niveau d'une ancienne batterie d'artillerie. La caméra continue d'évoluer autour des deux messagers anglais, après que l'un deux a lancé une fusée d'alerte, qui s'échappe du cadre. Un moment plus tard, les deux hommes repartent alors qu'au loin, derrière eux, on voit la fusée retomber. Les détails de ce genre sont assez nombreux.

   C'est un film de guerre atypique. On y voit très peu de combats. Par contre, les conséquences de ceux-ci sont omniprésentes. On ne nous épargne ni la boue, ni la crasse, ni les rats, ni les cadavres gonflés. C'est l'une des grandes qualités de ce film que de nous faire toucher du doigt toute la réalité de la guerre, à partir d'une histoire somme toute anecdotique.

   Visuellement, on suit les deux jeunes messagers (des acteurs quasi inconnus, pour moi), dans le labyrinthe des tranchées, d'abord britanniques, ensuite allemandes. C'est l'occasion de découvrir (pour ceux qui l'ignoreraient) que les aménagements des Allemands étaient plus élaborés que ceux de leurs adversaires (français comme britanniques). Au niveau des décors, ce sont toutefois les villes et villages en ruines qui impressionnent le plus. J'ai encore en mémoire les déambulations du héros dans une localité fantomatique, éclairée uniquement par des fusées lancées au pistolet et un gigantesque incendie. Marquante aussi est la scène de la ferme abandonnée, qui est le théâtre d'un combat aérien et d'une péripétie qui fait basculer l'intrigue. Enfin, la rencontre entre le héros et celle que l'on prend d'abord pour une jeune mère éplorée est touchante au possible... et c'est surtout l'occasion de voir enfin une femme !

   Si les rôles principaux sont tenus par des figures méconnues, quelques vedettes viennent densifier la distribution : Colin Firth, Mark Strong, Andrew Scott et Benedict Cumberbatch (tous deux anciens de la série Sherlock). Tous les interprètes sont irréprochables. Comme la photographie est soignée et que la musique s'ajoute sans s'imposer, l'ensemble forme un excellent film de guerre, qui échappe au tintamarre héroïsant comme à l'introspection nombriliste. C'est pour moi (déjà) l'un des films de l'année.